Chroniques publiées 2005
Chroniques
 

Histoires littéraires n° 24, octobre-novembre-décembre 2005

Ariane Charton, Cher Papa. Les écrivains parlent du père (Lattès, 2005, 142 p., 12 €).

Ariane Charton propose une centaine de textes tirés de mémoires, autobiographies, journaux intimes, correspondances d'écrivains destinés à mieux éclairer "la relation, les sentiments qui lient un père et ses enfants". Dans ces extraits, il n'est question que du père réel, comme il est précisé dans l'introduction : "On ne trouvera […] aucun de ces pères fictifs même s'ils apparaissent dans des romans autobiographiques". Au bout du compte, on est en droit de le regretter devant le caractère répétitif des extraits proposés qui déclinent invariablement la figure d'un père unique, sévère mais juste, austère mais pétri de bonté, distant car préoccupé de choses d'importance, un père d'autant plus révéré que bien souvent il n'est plus. Ariane Charton a beau varier l'angle d'approche (textes d'enfants d'écrivains, points de vue du père sur ses enfants, Hugo sur Léopoldine par exemple), convoquer des auteurs issus d'époques et d'horizons différents (Eric Neuhoff voisine avec Malherbe, Diderot côtoie Tanizaki), rien n'y fait : on aboutit au même père doté des mêmes qualités et muni des mêmes accessoires, la pipe, le sabre, les moustaches et les genoux assez solides pour que les enfants puissent s'y blottir ou y faire des galipettes. Dans le lot, les contributions de Stendhal ("C'était un homme extrêmement peu aimable…") et de Virginia Woolf ("le père tyran, le père exigeant, violent […] qui me tenait sous sa domination. C'était à se croire enfermé dans une cage avec un fauve") font l'effet d'une bouffée d'air frais. On aurait aimé un peu plus de mordant dans ce florilège qui ressemble à une célébration de la fête des pères. On aurait surtout aimé que l'écriture soit plus présente, que les extraits choisis permettent d'éclairer le rôle du père dans le devenir du fils futur écrivain ou celui de l'écriture dans la relation entre le père et le fils devenu écrivain. Or cet aspect n'est abordé que chez Perec où c'est paradoxalement l'absence des parents qui pousse à l'écriture ("J'écris parce qu'ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l'écriture : leur souvenir est mort à l'écriture ; l'écriture est le souvenir de leur mort et l'affirmation de ma vie") et encore une fois chez Virginia Woolf qui affirme avoir enseveli père et mère en écrivant La Promenade au phare. Au total, cette anthologie apparaît comme un bouquet sans véritable parfum et donne à penser que le père fictif, le père travaillé, forgé par l'écrivain à partir du matériau originel, est infiniment plus intéressant que le père réel.

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fario 1, printemps-été 2005 (26 rue Daubigny, 75017 Paris, 314 p., 23  ).

Après la récente apparition de Teckel, le bestiaire des revues littéraires (L'animal, La Femelle du Requin) s'enrichit d'un nouveau pensionnaire avec ce spécimen dont le nom est celui d'une truite sauvage. "Revue semestrielle de littérature et d'art", fario affirme dans son liminaire vouloir publier "des textes contemporains ou anciens, au seul gré des faveurs ou de leur aptitude à rendre moins illisible le présent, sans rubrique ou exercice imposé de critique." Pas de programme donc mais un thème tout de même pour ce premier numéro intitulé "Être passager". Passager et non voyageur, la distinction est importante car elle permet de s'écarter de la vogue des écrivains voyageurs, un peu envahissante par les temps qui courent. Les voyages dont il est question ici ne sont pas des voyages voulus, organisés, pensés, mais des déplacements consentis, voire subis, du simple trajet en métro ou tramway (Italo Svevo) au voyage dans la Lune ("Qu'est-ce que je suis venu faire dans cette galère ?… Et quand je pense que c'est moi qui ai rendu la mémoire à ce cornichon de Tournesol !", on ne peut pas dire que le capitaine Haddock soit un voyageur volontaire). Pour déguster l'animal, il convient tout d'abord de le vider, de laisser de côté quelques textes qui tiennent plus de la pose que de la prose (les commentaires du cahier photographique de Gustave Roud). Après cette opération, on lève les filets et on s'aperçoit que la bête reste charnue et goûteuse. Le voyage dans l'espace s'accompagne le plus souvent d'un voyage dans le temps, d'un retour vers le passé : c'est de Pierre Bergounioux qui fait l'aller et retour entre sa province et Paris, c'est Marcel Cohen qui se rappelle l'hystérie collective des trains de permissionnaires en provenance d'Allemagne, c'est Marlène Sereda qui retrouve son enfance et sa langue à l'occasion d'un retour en Algérie… C'est aussi Pierre Lartigue qui se rêve en passager de l'Armand-Béhic (des Messageries Maritimes) dans le sillage d'Henry J.-M. Levet. Les textes anciens, inédits ou dépoussiérés, valent le déplacement : une lettre de Maurice de Guérin écrite en 1935 ("J'ai encore quelques pas à faire ici-bas, je voudrais que ce fût avec calme " : il mourra quatre ans plus tard, sans atteindre la trentaine), un inédit d'Henri Calet, Carnet du Vigo, écrit sur le bateau qui le ramène du Brésil en Europe en 1931. Un passage biffé de ce Carnet mentionne des "Poésies de Jean Cassou à propos de [?] pour Navires de Louis Branquies ". Une note n'aurait pas été ici superflue pour retrouver le nom du poète Louis Brauquier, auteur d'Eau douce pour navires. On lira aussi avec intérêt et émotion un poème-récit du même Calet, Voyage sur l'eau tranquille, que Cendrars n'aurait pas renié : "Calet et la Grande Ourse./J'avais trente ans, un visage long/Et un torse d'adolescent./Et je pleurais souvent./Je voulais m'arracher de mon cul./J'étais un vrai poète./Et j'étais cocaïnomane/Car je compatissais à la grande inquiétude/Des hommes." Le Voyage en Allemagne de Charles-Albert Cingria, paru en feuilleton dans un hebdomadaire de Lausanne entre 1929 et 1931, est à coup sûr le fleuron de ce numéro. L'infatigable Genevois y livre des jugements sans appel sur les peuples européens ("Les Espagnols d'aujourd'hui sont trop souvent pédants et flasques"), tire à vue sur ses compatriotes germanophones ("Pourquoi n'est-il pas possible d'obtenir là, en Suisse allemande, comme on l'obtient partout, aujourd'hui, un peu de sérieux ? C'est bien agréable, le sérieux") et raconte un séjour qu'il fit dans les tourbières du Brabant auprès de son ami le docteur-peintre-géant Wiegersma, doté d'une clientèle plutôt insolite : "…il y avait des gens si interloqués et anémiés par les mariages entre cousins qu'ils semblaient des Chinois peints sur le mur". Wiegersma semble aussi exercer sur son hôte une influence peu commune : "Le 10 il mangea un œuf. Pris d'émulation, je mangeai le coquetier." Ou comment arriver à l'autruche en partant de la truite… Les passagers de fario se révèlent au total de bonne compagnie et on peut souhaiter à l'animal de traverser sans dommages les courants contraires.

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Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et, parfois, sur les ondes (juin-août 2005)

Démarche. Le 3 juin, Colette Fellous consacre son Carnet nomade à La Nausée de Sartre (France Culture). Le premier extrait à faire l'objet d'une lecture indique la démarche suivie dans cette chronique : " Le mieux serait d'écrire les événements au jour le jour. Tenir un journal pour y voir clair. Ne pas laisser échapper les nuances, les petits faits, même s'ils n'ont l'air de rien, et surtout les classer. "

Emotion. Dans sa chronique du Figaro littéraire (2 juin), Claude Duneton s'enflamme pour le poète Gaston Couté (1880-1911), qui "a écrit la plus belle partie de son œuvre dans un français qui a la couleur des blés mûrs et des coquelicots de la Beauce […] Après bien des années, je suis toujours incapable de lire jusqu'au bout, à haute voix, Le Foin qui passe, ou bien L'Ecole, sans me sentir étranglé par l'émotion. "Gaston Couté, conclut-il, mourut à trente ans, plus jeune encore que le marchand d'armes tant aimé, le 28 juin 1911, dans un hôpital aussi, à Paris, sans avoir vendu, ni tenu, un seul fusil…"

Civilités. Pour La Croix (2 juin), c'est à Claude Schopp que l'on doit la découverte et l'édition du roman inédit d'Alexandre Dumas Le Chevalier de Sainte-Hermine (Phébus). Pour Le Figaro littéraire (même date), c'est à M. Schopp ("dont le nom nous invite à trinquer"). Depuis l'arrivée d'Angelo Rinaldi à la tête du supplément, les collaborateurs ont adopté sa manie de gommer le prénom des auteurs pour leur donner, selon l'ancien usage, du Monsieur abrégé (et ses variantes en genre et en langue : Mme Angot, Mrs Taylor par exemple). Ce M. est à valeur variable, une valeur que seul le lecteur assidu est à même d'estimer : tantôt anodin, tantôt respectueux, tantôt ironique quand il n'est pas franchement condescendant, il change de couleur selon les pages. D'ailleurs, tout le monde n'y a pas droit : dans le même numéro, on relève un M. Tubeuf, un M. Thiériot mais Romain Gary reste Romain Gary, voire Gary, et un certain Amable de Fournoux est raccourci en un Fournoux très roturier (1).

Morceau de bravoure. Magnifique envolée (3 juin) d'Emilie Grangeray dans Le Monde des livres à propos d'un livre de Guy Tournaye, Le décodeur (Gallimard), "roman réel aux allures cybernétiques […] voyage en forme de rêverie d'un Jean-Jacques Rousseau qui aurait lu Télex n° 1 de Jean-Jacques Schuhl [qui] plaira à tous autant que chacun [notamment à] ceux qui ont aimé Les Mouflettes d'Athropos de Chloé Delaume, ou encore Vision à New York et Paradis de Philippe Sollers " (tiens…). Tout en se défendant noblement d'entrer dans ce "tout-à-l'égout médiatique qui engendre un déversement grotesque de l'intime", l'auteur livre quelques propos" dans le jardin de Gallimard, devant une tarte aux fraises, un an jour pour jour après avoir envoyé son manuscrit à Philippe Sollers - le seul qui ait eu le courage de publier ce livre hors normes". On s'en serait douté (2).

Style. "… sa musique évoque celle qui s'installe, chaque soir, aux environs du canal et du café Florian. On peut la trouver racoleuse, elle est magistrale." Celle de Philippe Delerm, bien sûr, d'après Le Figaro littéraire (9 juin).

Le ton d'Eric Faye (Un clown s'est échappé du cirque, José Corti) est "d'une modernité déplacée, comme si l'on regardait un excellent film de science-fiction des années cinquante qui serait joué par des acteurs actuels". Son style "qui pourrait paraître désuet […] est en réalité hors d'âge". Chez Liliane Giraudon (Greffe de spectres, P.O.L.), "il y a une écriture, acharnée c'est-à-dire violemment vivante, protestation du sang vital. En prose très prose, en prose de prose". Le tout tiré de la même page de L'Humanité (9 juin).

Leçon de style du Figaro littéraire (25 août) à propos du Rire de l'ogre, roman de Pierre Péju (Gallimard) : "Malgré une narration au présent qui ne s'imposait pas, et que l'auteur a choisie pour rendre palpable l'écoulement d'instants qui, mis bout à bout, forment une existence, et certaines métaphores appuyées, l'ensemble a de l'allure. Pour ce qui est de 'la langue', comme on dit aujourd'hui, Pierre Péju est un impressionniste. Le son est au service de l'image." Une autre leçon dans Libération (même date) à propos d'Asile de fous, de Régis Jauffret (Gallimard) : "Le conditionnel est un mode que l'écrivain affectionne : c'est le mode du verbe soumis à des conditions." CQFD.

Dans Le Monde des livres (26 août), on apprend que Bayon (Les pays immobiles, Grasset) est un "graphomane compulsif, styliste de la décharge nerveuse, de la transe volubile, de l'hémorragie cathartique".

Vocation. "Comment, lorsqu'on est une agrégée de lettres, dont l'avenir semble tout tracé à la fac, devient-on cet être libre, capable de prendre le risque du roman ?", s'interroge Le Figaro littéraire (9 juin) à propos de Danièle Sallenave. La réponse est donnée à la page suivante, dans un bon dossier consacré à l'édition à compte d'auteur : un sondage révèle qu'un Français sur quatre se rêve en écrivain. "Le profil type d'une personne ayant écrit (ou songé à écrire) un livre est donc : une femme de plus de 35 ans, plutôt inactive, issue d'un foyer plutôt aisé et qui détient un diplôme supérieur au bac" profil qui semble correspondre à Danièle Sallenave qui a, de plus, l'avantage d'être dotée d'un style "qui rappelle celui de Théophile Gautier".

En résumé. Sallenave toujours, dans Le Monde des livres cette fois (10 juin). Après avoir résumé à gros traits les péripéties de son dernier roman La Fraga (Gallimard) et avant de reprendre ledit résumé agrémenté d'une longue citation, Josyane Savigneau passe aux aveux : Résumer à gros traits les péripéties et les rencontres qui mènent Mary à Vienne […] gâcherait la découverte de ce parcours étonnant d'une femme à la conquête d'elle-même…" On allait le dire.

Prix. "Volée de prix de printemps", titre Nathalie Crom dans La Croix (9 juin), mais pas volée de bois vert pour le Grand Prix des lectrices du magazine Elle (trois livres primés dans les catégories roman, document et policier) : "Rien à redire à ce trio : voilà un palmarès tout simplement impeccable". Par ailleurs, le prix Le Vaudeville récompense un "beau livre de Frédéric Mitterrand" et le prix Edouard-Carlier un ouvrage "délicieux" de Bernard Frank. Quant au prix Valery-Larbaud, il est dit être "toujours subtil". Comme quoi les prix littéraires ne sont pas toujours sujets à controverse.

L'été en chiffres. Les lectures de l'été de Télérama (15 juin) : 23 livres (hors bande dessinée et livres de voyage) pour un total de 10.736 pages et 496 €. Dans Le Monde des livres (24 juin) on a droit à 36 livres, 13.332 pages, 789,90 €.

Références. Pierre-Jean Remy, de l'Académie française et du Figaro (16 juin), ne recule pas devant les références. La chanson de Passavent de François Sureau (Gallimard) est l'histoire d'un lieutenant de vaisseau "que l'auteur nous raconte à travers le temps et surtout l'espace (tout y passe : Odessa et Agen, célèbre pour ses pruneaux, Kaboul, Bakou, Bordeaux ou Dubrovnik) en jolis vers qui ont la couleur d'un Cendrars mâtiné d'Apollinaire avec, cette fois, la pincée d'Aragon ou d'Eluard nécessaire pour nous ramener du côté du Roman inachevé." François Garcia (Jour de marché, Liana Levi) est lui "un écrivain qui sait décrire une quincaillerie […] On n'écrit plus comme cela depuis Breffort ou Simonin, de bien belles références" (Le Monde des livres, 17 juin).

Voirie. "Gobineau est l'un des grands écrivains français du XIX° siècle […] Croirait-on qu'il n'y a pas à Paris la moindre ruelle, la moindre impasse qui s'honore de porter son nom, alors que le dernier des conseillers municipaux, dont nul ne sait plus le nom, a un demi-hectare de macadam au Champ-de-Mars ou dans le XVI° arrondissement ?" s'insurge Jean Dutourd, de l'Académie française et du Figaro (16 juin).

Cornélien. Question taraudante, dans Le Monde des livres (17 juin) concernant l'héroïne de Ce qui s'ensuit (Dominique Barbéris, Gallimard) : "A-t-elle fait le bon choix en préférant un époux stable au soupirant neurasthénique dont elle a aujourd'hui la nostalgie ?"

Remords. On a, lors d'un Masque et la plume précédent, joyeusement éreinté le dernier livre de Michel Onfray. Le 19 juin, Jérôme Garcin donne lecture du courrier des auditeurs, tous favorables à Onfray. Une des critiques, Patricia Martin, propose une repentance collective sur le mode "On y a été tout de même un peu fort". Jean-Louis Ezine et Michel Crépu s'y refusent, ce qui est tout à leur honneur.

Paris-Brest. "… cette Bretagne où le cœur des hommes a le moelleux du far, et la lumière des phares le moelleux du cœur des hommes." Il ne s'agit pas de Dolmen, le feuilleton diffusé par TF1, mais de Ma première femme, le dernier livre de Yann Queffélec (Fayard) d'après Le Figaro littéraire (23 juin). Le Monde des livres (1er juillet) donne également une page sur Yann Queffélec qui s'explique sur son livre "autour d'une île flottante qui a le goût de son enfance, celui des sucreries qu'il aime résolument chimiques, en souvenir de ses 20 ans, où, fauché, il festoyait d'ours en guimauve dans la vaisselle de famille". Les autres îles, les vraies, lui sont désormais étrangères : "il se remet à peine d'avoir vendu" le bateau acheté avec l'argent du Goncourt 1985. Et son teint hâlé n'est pas celui du loup de mer mais celui d'un père qui "a passé le week-end à jouer avec le plus jeune de ses enfants, dans un square parisien du 9ème arrondissement".

Ecriture. Libération (23 juin) salue avec raison l'initiative des éditions des Belles Lettres qui republient, dans une collection intitulée " Bibliothèque populaire " des romans d'Eugène Sue, de Ponson du Terrail et de Fortuné du Boisgobey. A propos du Crime de l'omnibus, de ce dernier, Jean Dutourd, de l'Académie française, émettra toutefois un bémol dans Le Figaro littéraire du 25 août : "La seule chose que je reprocherai à M. du Boisgobey, c'est l'abus des dialogues. Les romans, même policiers, doivent s'écrire au style indirect." Qu'on se le dise.

"L'auteur parvenant à traduire la brutale incertitude des sentiments dans l'écriture elle-même - ainsi lorsqu'elle passe avec audace de la troisième à la première personne dans une même phrase" (Le Monde des livres, 24 juin, à propos de L'Entracte d'Hélène Lenoir aux Editions de Minuit). De l'audace, toujours de l'audace.


Renommée. Les écrivains Daniel Pennac et Amélie Nothomb font leur entrée dans Le Petit Larousse illustré (Le Monde, 26 juin).

Feuilletons. Le Figaro littéraire (30 juin) ouvre sa série de l'été consacrée aux palaces. Sébastien Lapaque, polyglotte, ne boude pas son plaisir d'avoir été envoyé au Copacabana Palace de Rio plutôt qu'à l'Etap Hôtel de Romorantin : " Le croiriez-vous ? Tandis que je sirotais une caïprinha en lisant O Globo, Gisèle Bundchen faisait des longueurs dans la piscine". Mais il n'oublie pas son devoir pour autant : "Je n'étais pas venu pour m'intéresser à la plus belle fille du monde, mais à des écrivains." Il s'agit en effet d'évoquer les grands auteurs qui ont séjourné en ces lieux prestigieux, et les autres chroniqueurs, sautant sur l'occasion, ne manquent pas de rappeler leurs propres passages. Dominique Fernandez (7 juillet) a connu le Grand Hôtel de l'Europe à Saint-Pétersbourg entre 1990 et 2000 : "J'avais le loisir […] de remonter au rez-de-chaussée et de m'asseoir dans la cour intérieure transformée en verrière et salon de thé. Les gâteaux, épais, genre viennois […] on les payait en dollars." Pierre-Jean Rémy, le 28 juillet, se rappelle le Brenner's Park de Baden-Baden et ses "pérégrinations d'été qui, de festival en festival, nous conduisaient à Bayreuth et/ou à Salzbourg. Notre voiture était modeste, nous débarquions en jeans et en mocassins fatigués…" Une bohème qui ne dura qu'un temps. Deux ou trois paragraphes plus loin, la panoplie n'est plus la même : "smoking ou presque de rigueur et face à une selle d'agneau aux truffes découpée devant nous par un maître d'hôtel presque artiste, nous dégustions la première partie d'une soirée au Brenner's Park qui se poursuivait sous la lune, elle aussi de rigueur." N'empêche, la vision, même fugace, de Pierre-Jean Rémy en jeans valait le détour. De son côté, Le Monde des livres profite de l'été pour visiter des bibliothèques d'écrivains. Le 12 août, Enrique Vila-Matas dit lire ou relire "Compagnie de Beckett, les livres de W.G. Sebald, Le Passé d'Alan Pauls que publiera Bourgois en septembre et l'excellente traduction qu'a faite Cecilia Yepes d'En écrivant, en lisant de Julien Gracq. " On suppose qu'il s'agit d'En lisant en écrivant sinon il ne nous reste plus qu'à attendre les traductions de Pécuchet et Bouvard et de Classer/Penser.

Littérature industrielle. D'après Le Monde des livres (1er juillet), le dernier livre d'Erik Orsenna, Dernières nouvelles des oiseaux (Stock), provient d'une commande destinée à célébrer la naissance de l'Airbus A380. Orsenna, "confessant son immense respect pour les ingénieurs, son goût pour les usines et le monde industriel […] a parfois accepté de signer des textes pour ces anniversaires ou ces grands événements qui ponctuellement rappellent cette geste trop négligée de l'esprit humain." Ce qui n'empêche pas voir chez "cet adepte du concret, du décalé, de l'inventif […] un pédagogue […] obsédé par Borges, Calvino et Caillois" (3).

Brosse à reluire. Le Monde des livres (1er juillet) rapporte les propos de Thierry Cecille qui ouvre ainsi son livre d'entretiens avec Richard Millet (Harcèlement littéraire, Gallimard) : "Il n'est pas aisé, cher Richard Millet, de décrire cette alchimie de respect et de confiance, d'illumination et de mystère, d'admiration et d'amitié - qui naît et nous tient en éveil, à l'écoute de votre voix -, puisqu'il s'agit pour moi de cela, avant tout, dans vos livres."

Eau de Roche. Dans Le Monde des livres (1er juillet), on apprend que Marcelin Pleynet, dans Rimbaud en son temps (Gallimard), cite Heidegger à propos du silence du poète : "Ce silence est autre chose que le simple mutisme. Son ne-plus-parler est un avoir-dit. "C'est effectivement, comme le signale Patrick Kéchichian, "à l'écart de pas mal d'âneries spiritualistes".

Néologisme. Le Monde des livres (1er juillet) à propos d'un recueil de nouvelles de Georges-Olivier Châteaureynaud : "Il faudrait inventer un mot - châteaureynasque - pour définir l'esprit et la technique du nouvelliste, qui maîtrise si bien la banalité et l'inconcevable qu'il les entrecroise jusqu'à créer un trouble sans faire appel aux habituels procédés du fantastique."

Lingerie fine. Soulagement à la lecture du Figaro littéraire (7 juillet) qui parle de La petite culotte de Muriel Cerf (le livre) : "Ceux qui, abusés par un titre, imagineraient un livre à caractère pornographique en seront pour leurs frais." Il s'agit en fait d'une "réflexion sur la dépendance amoureuse" menée "avec un humour que l'on ne trouve pas couramment". On apprend à la fin de l'article que Muriel Cerf a reçu en 1975 le Prix Valérie-Larbaud. ( !)

Stakhanov. Incroyable Pierre-Robert Leclercq qui chronique pas moins de 22 ouvrages dans Le Monde des livres du 8 juillet. Ce qui est d'autant plus remarquable que, dans la masse, rien n'est à jeter : Jacques Monsigny et Pierre Bertrand font parler une reine "de savoureuse façon avec, sur des sujets délicats, des reparties qui ne manquent pas d'humour" (Moi, Elisabeth II, reine d'Angleterre, Michel Lafon), Patrick de Carolis "a bâti un tumultueux roman-fleuve où l'érudition ne coupe jamais les ailes à la vivacité de la narration" (Les Demoiselles de Provence, Plon (4)) , Régine Deforges "donne le plus luxuriant et le plus exubérant de son talent" dans La Hire ou la colère de Jehanne (Fayard), Pascal Arnoux "brosse d'excellents portraits" dans Favorites et dames de cœur (du Rocher), Alain Dubos "construit un récit dont le constant intérêt tient à son style de narration et à sa connaissance de l'histoire et des lieux décrits" (La Plantation de Bois-Joli, Presses de la Cité), Françoise Lepeltier fait de Marguerite et la Nouvelle France (Plon) "un bonheur de lecture", Livia Grandi ou le Souffle du destin (Belfond) de Theresa Révay est "l'œuvre passionnante d'une romancière qui ne manque pas de souffle", Isabel Allende, dans Zorro (Grasset), révèle son "art du portrait", Le cercle de la vie. Histoire et sagesse du peuple sioux, de Joseph Marshall III (Albin Michel), est "d'un intérêt toujours soutenu, entraînant comme un bon roman, instructif comme un essai au style clair", Youssouf le flamboyant de Georges Fleury (Flammarion) est "un bien beau roman historique", Didier Cornaille, avec Les gens du pays (Albin Michel), "réussit une composition d'une complexité qu'il sait rendre claire", Danielle Pinault, dans Les amants de Judée (Plon), "en un récit des plus sobres, reconstitue une époque et renouvelle, au pays de Judée, l'éternelle histoire de Roméo et Juliette", The Black Sunday 26 décembre 2004 de Jacqueline Merville (des Femmes) "restera l'un des [livres les] plus forts" sur le tsunami, L'homme jetable, de Daniel Rocher (Jean-Paul Rocher), est "un bonheur de lecture à s'offrir pour sourire et… méditer avec un soupçon d'inquiétude", Pierre Caron, dans La naissance d'une nation, Thérèse (Anne Carrière), "nous instruit en nous passionnant", Michel Carmona, dans Morny, le vice-empereur (Fayard), "sait mettre dans l'érudition ce qu'il faut d'humour", etc. On envie cet homme qui vient de s'appuyer 7.714 pages avec autant de plaisir.

Le niveau baisse. On se doutait bien que l'enquête de la revue Le Débat ("Comment enseigner le français", mai-août) allait plaire au Figaro littéraire. Le 21 juillet, Michel Winock y va de son couplet sur les lycéens d'aujourd'hui" une masse de galopins, plus rap et bédé les uns que les autres, abrutis par la télévision et incapables de formuler une phrase à peu près correcte."

Amabilités. Au Figaro littéraire, on n'est pas tendre avec les anciens directeurs. Eric Ollivier qui, le 21 juillet, rend compte de Mes Fauves de Jean-Marie Rouart (Grasset), prend un malin plaisir à signaler un pléonasme commis par l'auteur : "Je m'interroge sur sa page 147, n'étant pas sûr que panacée a besoin d'être universelle pour être utile puisqu'elle est un remède à tout." Auparavant, l'éloge de l'ouvrage n'aura été fait que du bout des lèvres : "livre au demeurant vivant, distrayant, et grâce auquel on passe un bon moment." C'est déjà ça.

La vie catholique. Le Figaro littéraire (4 août) présente Mémoires, chemin vers la lumière de son ancien chroniqueur religieux, René Laurentin, comme un "premier volume (qui sera suivi d'un second, peut-être à titre posthume)". Bien sûr, Laurentin est né en 1917. Il fut, selon l'article, l'historien officiel de Lourdes. Il n'empêche : au Figaro, on ne croit pas aux miracles.

Personnage. Incontestablement, celui du trimestre, c'est Joe, du Destin de Iouri Voronine (Henriette Jelinek, De Fallois), présenté par Le Figaro littéraire (même date). Joe "incarne la fierté américaine des déracinés dont le Nouveau Monde est la terre promise, avec son immense océan d'oubli, qui avance comme le désert, absorbant toute trace de tradition qui lui soit extérieure pour engendrer une réalité hors du temps qui se projette sur l'écran vierge de la modernité." On l'aura compris, Joe n'est pas n'importe qui.

Rentré littéraire. Le premier écho de celle-ci apparaît avec la chronique de Pierre Assouline dans Le Monde 2 (18 juin). Assouline craint que la rentrée ne soit "écrasée par un seul livre", en l'occurrence celui de Michel Houellebecq mais se rassure, avec une délectation perceptible, en détaillant les travers de l'auteur à succès bientôt dévoilés dans une enquête" non autorisée" mais "très fouillée" due à Denis Demonpion.

La Croix (7 juillet), Le Nouvel Observateur (18 août), Libération (25 août) et Le Monde des livres (26 août) reprennent les chiffres donnés par le magazine Livres-Hebdo : 663 romans (449 français et 214 étrangers), 149 éditeurs et 745 essais et documents sont attendus à la rentrée de septembre. Le Journal du Dimanche (28 août), curieusement, annonce 664 romans. Télérama (24 août), donne des précisions de tirage : 180.000 exemplaires pour Amélie Nothomb, 120.000 pour Philippe Claudel, 100.000 pour Jean d'Ormesson et Alexandre Jardin, 50.000 pour Nathalie Rheims et Maurice G. Dantec, 200.000 pour Michel Houellebecq. On retrouve quatre de ces forts tirages dans une rubrique intitulée "Les contournables" qui traite des livres à éviter : Jean d'Ormesson, Amélie Nothomb, Maurice G. Dantec (un livre "gâché à la truelle, truffé de références pseudo-scientifiques, d'un galimatias de symboles, de concepts et de délires philosophico-théologiques") et Nathalie Rheims. Le terme de galimatias sera repris, à propos du même auteur, dans Le Monde des livres (26 août) qui, après citation, conclut : "Nul doute qu'un Raymond Queneau du futur ne fasse figurer ce Cosmos Incorporated dans une nouvelle encyclopédie des fous et des hétéroclites littéraires." Chaque journal y va de sa sélection : 14 titres pour Le Journal du Dimanche, 20 pour Télérama, 29 pour Libération, 58 pour Les Inrockuptibles (17 août), 78 pour Le Nouvel Observateur et, record, 178 pour Le Monde des livres, "choix large, non exhaustif". Les romans recensés dans le guide subjectif des Inrockuptibles sont rapidement résumés et jaugés : "Un simili-Proust rencontre le vieux Casanova dans une boîte de nuit branchée : le choc est épatant" (Eric Laurrent, Clara Stern, Minuit) ; "plaisir de lecture de ce nouveau roman éblouissant de beauté simplissime " (Jean-Philippe Toussaint, Fuir, Minuit) ; "roman pas nul mais banal comme il s'en publie quelques dizaines chaque année" (Jean Hatzfeld, La ligne de flottaison, Phébus) ; "On a bien tenté de le lire, mais impossible de dépasser les vingt premières pages, incompréhensibles (Maurice G. Dantec, Cosmos Incorporated, Albin Michel) ; "un huitième livre très personnel en forme de journal de bord autour de la problématique : Comment habite-t-on sa vie ?" (Marie Darrieussecq, P.O.L.).

Michel Houellebecq bénéficie bien sûr d'un traitement à part. Angelo Rinaldi, du Figaro littéraire (18 août), fait partie des privilégiés qui ont lu La possibilité d'une île (Fayard) avant l'heure. La moitié de sa chronique est consacrée au récit des circonstances rocambolesques qui lui ont valu cette primeur : la trouvaille ô combien fortuite et heureuse d'un exemplaire "tombé du camion" abandonné sur un banc et orné d'un commentaire "d'accent juvénile, tracé au stylo à bille : C'est quoi ce machin, j'ai rien compris." Rinaldi non plus, apparemment. Le quotidien donne aussi la parole à Eric Naulleau, auteur de l'essai Au secours ! Houellebecq revient (Chiflet & Cie), qui dit tout le mal qu'il pense de l'écrivain et de "cette rentrée 2005 qui coïncide avec une tentative sans précédent d'évacuer la littérature du champ littéraire même." Pour appâter le client, Le Monde (21-22 août) publie un entretien avec Michel Houellebecq. Où l'on en apprend un peu plus sur La possibilité d'une île : "Le personnage qui s'appelle Marie 23 part vers le lieu où, dit-on, subsistent des sauvages […] Mais Daniel 25 la suit sans y croire. On ne sait pas très bien pourquoi il part. Marie 23 lui manque, bizarrement. Et d'une certaine manière, il est content d'être dans la nature, avec son chien Fox, lointain clone du Fox de Daniel 1. " Alléchant.

1. La meilleure analyse de la rentrée littéraire se trouve peut-être dans Le Canard enchaîné (19 juin) qui cite un extrait d'une lettre de Raymond Guérin à Henri Calet datant de 1945 (Correspondance : 1938-1955, Le Dilettante) : " Mais les éventaires de libraire sont partout encombrés par des piles impressionnantes de bouquins sortis par des maisons d'édition dont on n'a jamais entendu parler, écrits par des gens dont on n'a jamais vu le nom. "
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2. On notera aussi un " Madame Lydie Salvayre " dans Le Journal du Dimanche du 28 août. Il est faux de dire qu'on ne parle que de Sollers dans Le Monde des livres. Cependant, au cours des trois mois étudiés, on ne parle de Sollers (si l'on met de côté sa chronique mensuelle dans Le Journal du Dimanche) que dans Le Monde des livres : ce 3 juin, le 10 juin (Josyane Savigneau révèle que Bernadette est le prénom sous lequel se cache la féministe Antoinette Fouque dans Femmes), le 1er juillet (Josyane Savigneau reconnaît à Dominique de Roux le mérite de ne pas critiquer "ses contemporains - Faye, Hallier, Sollers… - sans les lire"), et le 12 juillet (la mort de Claude Simon occasionne la reparution d'un entretien de l'auteur avec Sollers).
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3. Le goût d'Erik Orsenna pour le monde industriel ne date pas d'aujourd'hui : on se souvient qu'il fut vice-président du projet Cytale, pionnier du "e-book" à la française, star du Salon du livre 2001, et destiné à remplacer à très brève échéance le livre papier.
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4. "… un roman historique pour lequel il s'est fait 'aider' par des petites mains" selon Le Canard Enchaîné du 13 juillet.
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AU NOM DE L'AMITIE

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est, 19 décembre 2005

En 1953, René Fallet, alors jeune romancier et journaliste, publie son premier texte sur Georges Brassens dans Le Canard Enchaîné : "Il ressemble tout à la fois au défunt Staline, à Orson Welles, à un bûcheron calabrais, à un Wisigoth et à une paire de moustaches." Ce fut le point de départ d'une amitié qui cessa faute de combattants au début des années 80. En 1967, Fallet rassembla quelques articles, des textes de programmes, les notes de pochette rédigées pour la série de 33-Tours de Brassens et en fit une plaquette. Le volume fut réédité en 1976 pour intégrer les dernières productions du poète-chanteur et il reparaît aujourd'hui sous une nouvelle jaquette, enrichi d'une préface d'Agathe Fallet et d'extraits du Journal inédit que les amateurs espèrent voir un jour publier.
Fallet était particulièrement bien placé pour commenter les chansons du maître : il faisait partie du cercle d'amis auxquels Brassens soumettait ses créations, sollicitant leur avis avant de les livrer au public. Cette position privilégiée lui permet de replacer les textes dans le contexte biographique de leur auteur, de livrer quelques anecdotes, d'évoquer la genèse de certains ou, à l'opposé, leur réception parfois houleuse. Ses textes n'ont pas vieilli, ils sont emplis d'une admiration qui n'empêche pas la pertinence. On regrettera toutefois la disparition inexplicable des chapitres sur les volumes 10 et 11 (La Religieuse et Fernande) qui figuraient dans l'édition de 1976.

Brassens par René Fallet (Denoël, 144 p., 19 €)

PEREC AU FILTRE DE LA PSYCHANALYSE

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est, 25 novembre 2005

Georges Perec, mort en 1982, reste très présent dans le paysage littéraire contemporain. Cet écrivain hanté par la mémoire (Je me souviens) ne connaît pas l'oubli : ses romans (La Vie mode d'emploi) et ses textes théoriques (Espèces d'espaces) continuent à nourrir les recherches dans des domaines qui dépassent parfois la littérature. Ainsi, Maurice Corcos, psychanalyste, s'intéresse au versant sombre de l'œuvre de Perec, marquée selon lui par une mélancolie omniprésente.
Pour explorer ce territoire, Corcos part du traumatisme initial qui parcourt tous les textes de Perec : la disparition de la mère en 1943 à Auschwitz qui, après la mort du père au combat, fait de lui un éternel orphelin. A partir de cette donnée, on peut lire tous ses livres comme une lutte contre l'absence, le manque, l'oubli, voir par exemple dans La Disparition un roman sans la lettre E mais aussi, au-delà de la virtuosité, un roman sans "eux". Ce n'est pas une découverte (Bernard Magné a depuis longtemps orienté les recherches sur Perec en ce sens), mais Corcos prolonge cette piste avec ses clés, celle du spécialiste de l'inconscient, ce qui occasionne une certaine tendance au jargon pour initiés ("l'image maternelle surmoïque", "l'identification endocryptique") et des interprétations un peu étonnantes, comme celle qui fait de Perec le bourreau de sa mère.
Corcos est plus convaincant quand il examine un texte de Perec jusqu'ici peu étudié, Cantatrix sopranica L., axant son travail sur l'absence de la voix de la mère qui a marqué l'écrivain, cette voix nécessaire au "processus créatif ultérieur". Corcos, autres aspects intéressants, voit dans la litanie des Je me souviens un véritable kaddish, la prière des morts dans la religion juive, et établit des rapports pertinents entre l'écrivain et des peintres comme Magritte ou Francis Bacon.
Tout cela constitue, comme le dit le sous-titre "une lecture" de Georges Perec, lecture personnelle et pas toujours facile à suivre. On l'admettrait sans problème si elle n'était suivie d'un appareil bibliographique consternant cousu d'erreurs grossières et de références erronées, de citations inconnues ou inexactes qui viennent ternir un travail qu'on aurait aimé, sur ce plan, plus rigoureux.

Penser la mélancolie. Une lecture de Georges Perec (Maurice Corcos, Albin Michel; 280 p., 17,50  €)