Histoires
littéraires n° 36 (octobre-novembre-décembre 2008)
Chronique de l'actualité
littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes
(juin - août 2008)
Sylvie
Yvert, Ceci
n'est pas de la littérature… Les forcenés de la critique
passent à l'acte
Histoires
littéraires n° 35 (juillet-août-septembre 2008)
Chronique de l'actualité
littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes
(mars -mai 2008)
Histoires
littéraires n° 34 (avril-mai-juin 2008)
Chronique de l'actualité
littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes (décembre
2007-février 2008)
Laurent Bourdelas,
Le Paris de Nestor Burma. L'Occupation et les "Trente glorieuses"
de Léo Malet
Histoires
littéraires n° 33 (janvier-février-mars 2008)
Chronique de l'actualité
littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes (septembre-novembre
2007)
Gilles Gudin
de Vallerin, Gladys Bouchard, Léo Malet revient au bercail
Bernard Brun, Marcel
Proust
BILLANCOURT
: MEMOIRE OUVRIERE, MEMOIRE VIVE
Chronique
publiée dans
La Liberté de l'Est le 29 février 2008
1951. Amand
Sonnet quitte sa forge artisanale de Normandie pour entrer chez Renault,
à Billancourt. Pas n'importe où : l'atelier 62, " forges
et traitements ", département des forges et fonderies, 24
600 m², 1 200 ouvriers. Pas n'importe quels ouvriers : des solides,
des natures, " on choisissait les plus costauds parmi ceux qui se
présentaient ". Une sorte d'aristocratie ouvrière,
qu'on place en tête des manifs et des cortèges, mais une
aristocratie cher payée : tous n'atteindront pas l'âge de
la retraite, loin s'en faut. En 1956, la famille d'Amand Sonnet le rejoint,
s'installe à Clamart, cité de la Plaine, la vie s'organise,
l'usine, l'école, la bibliothèque, les vacances qui permettent
de revenir au pays, de revoir les cousins désormais de province.
Cinquante ans plus tard, la dernière-née, Martine Sonnet
ménagera une parenthèse dans ses travaux d'historienne pour
retracer l'histoire de son père et de son travail.
Le travail, la famille. Un chapitre pour l'un, un chapitre pour l'autre,
l'alternance parcourt le livre de part en part. Le travail à l'atelier
62 : la chaleur, le bruit, le danger, les accidents, les charges, ce qu'il
faut de débrayages et de délégations pour obtenir
des vestiaires, des douches, des primes, des brodequins en remplacement
des galoches, ce qu'il faut de lettres à la direction pour demander
et ne pas obtenir la retraite avant 65 ans. Le travail reconstitué
à partir d'un épluchage serré des archives Renault,
de la lecture de L'Echo des Métallos, la publication de
la section du Parti Communiste. Le travail et ses conséquences,
analysées dans les études des sociologues, les enquêtes
des médecins. Parce que le père ne raconte guère.
Une fois le portail passé, c'est une autre vie, la vie d'une famille
qui traverse les décennies d'après-guerre. Martine Sonnet
plonge alors dans sa mémoire personnelle, raconte la cité,
les occupations des jeunes filles, les sorties avec le comité d'entreprise
ou aux Puces, avec le père, perdu un jour dans le métro,
prélude à la perte finale.
Sans fioritures, avec des dates sèches, des phrases dépourvues
d'ornements inutiles, souvent nominales, avec des listes, des organigrammes,
Martine Sonnet livre ici l'histoire d'une triple filiation. Une filiation
familiale et sociale, on l'a vu, mais aussi une filiation littéraire,
qui prend place dans le sillage d'écrivains comme Pierre Michon,
Pierre Bergounioux ou François Bon. Des écrivains qui savent
d'où ils viennent, socialement et géographiquement, qui
n'en tirent pas gloriole mais qui ont acquis dans leur parcours une certaine
connaissance des choses, on n'ose dire des valeurs, qui écrivent
juste et droit, à cent lieues de la littérature ornementale.
Martine Sonnet est de cette lignée, son Atelier 62 est un
livre passionnant, juste et droit, en un mot, remarquable.
Atelier
62 (Martine Sonnet, Le temps qu'il fait; 240 p., 24 €).
BEN
SCHOTT REMET LE COUVERT
Chronique
publiée dans
La Liberté de l'Est le 8 février 2008
Il y a deux
ans, Les miscellanées de Mr. Schott donnèrent lieu
à un joli succès de librairie tout à fait inattendu.
Recueil de notations diverses (les désormais fameuses " miscellanées
") sur des sujets hétéroclites, le livre, une sorte
d'encyclopédie de poche du n'importe quoi, mêlait l'érudition
la plus pure et la fantaisie la plus débridée dans un coq-à-l'âne
généralisé bien réjouissant. Un tel succès
ne manqua pas de susciter convoitises et vocations soudaines chez de pâles
imitateurs hébergés par des éditeurs peu scrupuleux,
mais aucun de ces disciples ne parvint à égaler l'engouement
pour le maître.
Ben Schott revient aujourd'hui avec un deuxième service de miscellanées
en choisissant cette fois de les centrer sur un thème unique, la
cuisine. Le principe est le même, une accumulation de courtes rubriques
dans lesquelles il est question aussi bien du calibrage des œufs que du
garde-manger du Capitaine Nemo. Recettes de cuisine, menus, tables caloriques
ou de mesures culinaires, particularités régionales et nationales,
anecdotes, propos de table et règles de savoir-vivre se succèdent
dans le plus parfait désordre, pour le plus grand plaisir du lecteur
invité à picorer çà et là. On remarquera
toutefois une présence plus forte de la littérature, l'auteur
consacrant nombre de rubriques à des écrivains qui ont su
donner une bonne place à l'art de manger dans leurs œuvres, comme
Rabelais, Dumas, Montaigne, Pétrone ou autres.
L'autre charme du livre tient au soin avec lequel il est composé.
L'édition française a suivi scrupuleusement les exigences
imposées par Ben Schott pour la version anglaise, ce qui donne
un volume d'une élégance rare dans le choix des caractères
typographiques et le soin apporté à la mise en page. Comme
dans la bonne cuisine, la présentation est à la hauteur
du contenu de l'assiette.
Les miscellanées
culinaires de Mr. Schott (Ben Schott, adaptation et traduction de
Boris Donné, éd. Allia ; 160 p., 15 €)
UNE BONNE
SURPRISE
Chronique
publiée dans
La Liberté de l'Est le 18 janvier 2008
Le premier
roman d'Olivier Bordaçarre, paru en janvier 2006, s'appelait Géométrie
variable. Le moins qu'on puisse dire est qu'il n'avait pas soulevé
l'enthousiasme du chroniqueur chargé d'en rendre compte dans ces
mêmes colonnes. C'est donc avec un rien de circonspection qu'on
s'est attelé à la lecture de ce Régime sec,
en craignant de se retrouver face à un auteur persistant dans une
démarche pour laquelle on se sent peu en phase.
La surprise n'en est que meilleure. C'est que, entre ses deux livres,
Bordaçarre semble avoir été saisi par le démon
de la " racontouze ", ce goût du romanesque, ce plaisir
de raconter des histoires cher aux Oulipiens. Et des histoires il y en
a, dans cette France de 2010 dirigée par un parti totalitaire qui
sert de cadre au roman : une bande d'anarchistes qui se lancent dans l'action
directe, une famille démunie jetée à la rue et une
jeune fille de bonne famille partie pour une traversée du Pacifique
en solitaire en constituent les personnages principaux. Leurs parcours
sont emmêlés au gré des chapitres dans un récit
mené au galop qui, avec ses implications politiques et sociales,
évoque certains auteurs du néo-polar des années 80,
Manchette ou Siniac en tête.
L'auteur n'oublie pas en chemin son goût pour la contrainte déjà
présent, mais de façon beaucoup plus artificielle, dans
Géométrie variable. Ici, les jeux sur les noms des
personnages, la distribution des chapitres, les ornements typographiques,
les citations multiples (de Brassens à Higelin en passant par Jules
Verne et Perec, omniprésent) jouent un rôle stimulant et
s'insèrent sans heurt dans le récit. Il reste encore des
choses à gommer ou à parfaire, un certain goût pour
l'emphase dans le traitement de l'intrigue amoureuse à raboter,
une chasse aux coquilles à lancer (une banderolle, un ventre
infecte, une propension à confondre la tache et la tâche)
mais ce ne sont que broutilles face à la satisfaction de voir un
auteur s'engager dans une voie qui ne peut qu'apporter du plaisir au lecteur.
Régime
sec (Olivier Bordaçarre, Fayard, 480 p., 22 €)
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