Chroniques publiées 2007
Chroniques 2006
 

Histoires littéraires n° 32 (octobre-novembre-décembre 2007)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes (juin-août 2007)

Lina Lachgar, Vous, Marcel Proust. Journal imaginaire de Céleste Albaret

 

Histoires littéraires n° 31 (juillet-août-septembre 2007)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes (mars - mai 2007)

Patrick Cloux, Mon libraire, sa vie, son œuvre

 

LES PAS DE CLERC

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 15 novembre 2007

En 1969, Georges Perec mit au point un projet intitulé Lieux qui consistait à décrire douze sites parisiens à des moments différents, une fois sur place "de la manière la plus neutre possible" et une fois de mémoire. Thomas Clerc inaugure ici un chantier plus considérable encore puisqu'il projette de décrire Paris tout entier sur le mode systématique, arrondissement par arrondissement, rue par rue, numéro par numéro : "Je préviens tout de suite, j'arpenterai jusqu'à satiété".
Thomas Clerc habite le dixième, donc il commence par le dixième. La description se fait en marchant, en prenant des notes, le volume rassemble ces notes dans l'ordre alphabétique des rues, de la rue d'Abbeville à la rue Yves-Toudic. Un traitement spécial est réservé à la rue du Faubourg-Saint-Martin, placée en tête de l'ouvrage là aussi pour la simple raison que l'auteur y habite. Mais c'est aussi la seule rue dans laquelle il se tient rigoureusement à son programme : les maisons, immeubles, commerces sont décrits un à un, au porte à porte. Très vite cependant le texte se fait moins systématique, les trous apparaissent et le pas s'allonge. La réalité physique de la rue devient peu à peu prétexte, au sens propre, à une sorte de monologue intérieur, les lieux servent d'embrayeurs à des souvenirs personnels, à des réflexions sur l'architecture et l'urbanisme, bien sûr, mais aussi à des notations sociologiques (comment un arrondissement populaire et métissé est en train de se transformer en nid à bobos), philosophiques ou politiques, à des poèmes improvisés sur place qui finissent par faire du texte un autoportrait de l'auteur en piéton parisien.
Thomas Clerc s'inscrit ici dans une lignée d'arpenteurs de la capitale, de Léon-Paul Fargue à Jacques Roubaud, ajoutant une dose de systématisme perecquien à leur parti pris de flâneur. L'initiative est intéressante et permet de voir la ville au ras du pavé, dans une série d'instantanés emportés par le mouvement du marcheur. Il reste à Thomas Clerc à répéter l'opération pour les dix-neuf arrondissements suivants. Il reste aussi une question de taille : qui se lassera en premier, l'auteur, le lecteur ou l'éditeur ?

Paris, musée du XXIe siècle. Le dixième arrondissement (Thomas Clerc, Gallimard, coll. L'arbalète, 248 p., 18,50 €)

Histoires littéraires n° 30 (avril-mai-juin 2007)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes (décembre 2006 - février 2007)

Benoît Mouchart, Manchette, le nouveau roman noir

 

Histoires littéraires n° 29 (janvier-février-mars 2007)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes (septembre - novembre 2006)

Roger Vignaud, Vincent Scotto. L'homme aux quatre mille chansons

 

LE GOÛT DES MOTS DE MONTEBELLO

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 27 mars 2007

C'est peut-être un héritage de son père journaliste, on n'en sait rien. Toujours est-il que Denis Montebello a le sens du titre. Pour ses ouvrages, Champignons pour mémoire ou Couteau suisse, comme pour ses chroniques données à L'actualité Poitou-Charentes et rassemblées ici avec des photos de Marc Deneyer. Ce volume fait suite à un premier intitulé Fouaces et autre viandes célestes, un titre déjà assez appétissant, et reprend une phrase sortie du monologue intérieur de Léopold Bloom, personnage central de l'Ulysse de Joyce, dans un chapitre entièrement voué à la nourriture : "Dieu a fait l'aliment, le diable l'assaisonnement." Le titre de Montebello, c'est le couvercle sur le gros faitout : on a envie de le soulever pour voir ce qui mijote en dessous.
La nourriture, l'aliment, après les fouaces rabelaisiennes, Denis Montebello poursuit ce qu'on pourrait appeler son chemin de table dans sa région d'adoption, à la recherche du plat perdu. Recettes, propos de table, traditions culinaires, spécialités oubliées (que sont devenus les intrigants zizis de Barbezieux ?), tout fait ventre. Mais c'est avant tout la cuisine des mots qui l'intéresse, question d'étiquette, de titre là encore. Alors, le jonchée ou la jonchée (on s'en sortira en évoquant " les jonchées, qui ne sont plus du lait, ni tout à fait un fromage ") ? Faut-il dire cagouilles ou lumas alors qu'ailleurs on se contente d'escargots ? Pourquoi le vin bourru ? Pourquoi la bouilliture d'anguilles est-elle préférable à la matelote ? La chaudrée est-elle autre chose qu'une potée qui ne veut pas dire son nom ? Et le meuil des vendanges, la grimolle, le poirion et j'en passe ? Le plus souvent, l'auteur a recours à l'étymologie des lieux et des plats pour lancer des pistes sur lesquelles il se plaît à égarer le lecteur et qui l'emmènent parfois très loin, jusqu'au Québec pour la tourtière, ou le ramènent dans ses Vosges natales pour une reconnaissance à Henri Thomas. Nourri de littérature classique, il n'hésite pas à faire appel au latin, au meilleur, le latin de cuisine, celui qu'on dit parfois macaronique (mais ça n'a rien à voir avec les pâtes), pour alimenter ses explications.
Savant sans être pédant, évitant le trop cuistre, Denis Montebello montre que faire de la littérature alimentaire n'a rien de déshonorant.

Le diable, l'assaisonnement (Denis Montebello, Le temps qu'il fait, 120 p., 17 €)