Chroniques publiées 2006
Choniques 2005
 

Histoires littéraires n° 28 (octobre-novembre-décembre 2006)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes
(juin - août 2006)

La Revue littéraire, mai 2006, n° 26

Jean-Claude Lamy, La Comédie des livres

Histoires littéraires n° 27 (juillet-août-septembre 2006)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et parfois sur les ondes
(mars - mai 2006)

Viviane Forrester, Mes passions de toujours. Van Gogh, Proust, Woolf, etc.

Histoires littéraires n° 26 (avril, mai, juin 2006)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et, parfois, sur les ondes (décembre 2005-février 2006)

Philippe Delerm, Maintenant, foutez-moi la paix ! [sur Léautaud]

L'ECRITURE EN DIRECT

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 15 septembre 2006

Tout commence le 1er mai 2005. François Bon, au cours d'une nuit d'insomnie, imagine "une sorte de livre fait tout entier d'histoires inventées et de souvenirs mêlés." En fait, au départ, il ne s'agit pas d'un livre mais de textes rédigés quotidiennement et immédiatement disponibles sur le site Internet de l'auteur. Ce n'est qu'à la fin de l'expérience, qui devait s'étaler sur une année entière, que naîtra l'idée du livre, du recueil qui est aujourd'hui publié.
Fidèle à son intention de départ, François Bon y mêle les textes autobiographiques et les fictions brèves. Celles-ci font fréquemment appel au fantastique, présentent des utopies, des lieux imaginaires dans lesquels on retrouve le goût de l'auteur pour la ville et pour les machines, déjà présent dans des livres comme Mécanique, Paysage fer ou Daewoo. On y croise des silhouettes, des ombres, des anonymes qui peuplent l'imaginaire de l'auteur. La partie autobiographique mélange elle aussi les êtres (amis, écrivains, personnages réels ou de papier) les lieux (chambres, usines), les parcours (voyages, rêves, lectures). Le tout ne livre pas le portrait d'un homme qui sait garder sa part de secret - il y a beaucoup de non-dit dans ce Tumulte - mais le portrait d'une écriture, d'une écriture en direct, en train de se faire.
L'écriture, c'est le sujet essentiel chez François Bon. Pas une écriture stérile, coupée du monde, celle de l'écrivain isolé dans sa tour d'ivoire, mais une écriture vécue, exigeante, telle qu'il cherche à la faire partager sur son site, dans les ateliers qu'il anime, dans les lectures qu'il donne - tout récemment à Pont-à-Mousson dans le cadre de la Mousson d'été - et dans ce livre qui montre qu'Internet peut devenir un véritable outil de création littéraire.

Tumulte (François Bon, Fayard, 22 €)
Site Internet : http://www.tierslivre.net/

ELOGE DE LA CONTRAINTE

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 15 septembre 2006

Fondé en 1960 par Raymond Queneau et François Le Lionnais, l'Oulipo, Ouvroir de littérature potentielle, regroupe des écrivains qui font de la contrainte le moteur de leurs créations littéraires. L'exemple le plus fameux à ce jour reste La Disparition, roman dans lequel Georges Perec n'utilisa pas une seule fois la lettre E. Les travaux oulipiens ont déjà fait l'objet de plusieurs recueils et études (voir les récentes Pratiques oulipiennes de Dominique Moncond'huy chez Gallimard) mais Hervé Le Tellier, lui-même membre du groupe, ajoute ici une dimension historique, méthodologique et linguistique particulièrement fouillée. En étudiant les implications culturelles du langage et ses rapports avec le réel, en montrant que la contrainte existe depuis la nuit des temps en littérature, en insistant sur le rôle du lecteur appelé à devenir complice du jeu oulipien, il met à jour une esthétique qui, contrairement à ce qui est souvent avancé, ne doit rien au hasard - ce qui différencie l'Oulipo du surréalisme par exemple. La richesse des références, l'abondance des citations et le sérieux du propos font de ce livre un ouvrage indispensable et presque définitif sur la contrainte littéraire. De quoi clouer le bec aux grincheux qui ne voient les oulipiens que comme d'aimables amuseurs, tel Michel Tournier qui, dans un récent entretien, qualifiait Perec d'humoriste sans intérêt.

Esthétique de l'Oulipo (Hervé Le Tellier, Le Castor Astral, 19 €)

Histoires littéraires n° 25 (janvier, février, mars 2006)

Chronique de l'actualité littéraire saisie dans les journaux et, parfois, sur les ondes (septembre-novembre 2005)

René Fallet, vingt ans après, colloque de Cusset, 17-18 octobre 2003

Paul Aron, Alain Viala, L'Enseignement littéraire

Jean Tulard, Dictionnaire du roman policier 1841-2005

L'ŒIL D'ARASSE

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 29 mars 2006

Peu avant sa mort, l'historien de l'art Daniel Arasse a donné sur France Culture une série de vingt-cinq émissions diffusées au cours de l'été 2003. Ce testament esthétique, repris aujourd'hui en volume, mettait fin à l'œuvre d'un homme passionné par la peinture en général et celle de la Renaissance italienne en particulier. C'est cette époque qu'il a choisie comme thème de la plupart de ses causeries, qui donnent à partager un regard extrêmement pointu et souvent novateur sur la peinture. Grâce à cet œil, des tableaux aussi connus que La Joconde, La Dentellière de Vermeer ou Les Ménines de Velasquez apparaissent sous un jour nouveau et inattendu.
Pour Daniel Arasse, la peinture ne se contente pas de dire quelque chose, elle pense aussi. Il y a une intelligence de la peinture que les artistes essaient de transmettre avec des outils comme la composition, le détail ou la perspective. En faisant appel à l'histoire, à la rhétorique, à l'art de la mémoire, à l'iconographie, l'auteur donne des clés pour appréhender les œuvres. Des clés qui ouvrent parfois sur des mondes vertigineux, qui peuvent effrayer. Car Arasse est exigeant avec son auditeur devenu lecteur, il n'a pas un langage de vulgarisateur. C'est un spécialiste, un érudit qui parle et qui veut montrer que la peinture demande un véritable travail du point de vue du spectateur. Notre regard sur la peinture est trop souvent superficiel, rapide, furtif. Avec Arasse, on apprend à creuser, à fouiller, à voir ce qui est caché mais pensé dans les tableaux, et on sort de cette lecture avec un œil neuf.

Histoires de peintures (Daniel Arasse, Folio essais, 360 p.)

LES PARADOXES DE JULES LAFORGUE

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 3 mars 2006

Premier paradoxe : Jules Laforgue, poète français, est né en 1860 à Montevideo (Uruguay). Certes, il n'est pas le seul, Lautréamont et Supervielle présentent la même particularité.
Deuxième paradoxe : dans un climat anti-germaniste issu de la défaite de 1871, il devient lecteur de l'impératrice d'Allemagne.
Troisième paradoxe : affligé d'une timidité maladive qui l'empêche d'entrer dans un commerce quand la vendeuse l'impressionne, il côtoie pendant cinq ans tous les grands personnages de la cour d'Allemagne.
Quatrième paradoxe : considéré comme un novateur en poésie, au même titre que Verlaine ou Mallarmé (on peut voir en lui un des inventeurs du vers libre), il remet à l'honneur une forme ancienne et populaire, la complainte.
Cinquième paradoxe : une œuvre qui tient en trois volumes (Les Complaintes, L'Imitation de Notre-Dame la Lune, Les Moralités légendaires) mais une œuvre importante. Laforgue n'a jamais connu la gloire, mais n'a jamais été oublié, se situant toujours à mi-chemin entre le purgatoire et le Panthéon. Son œuvre, écrivait Remy de Gourmont, "a ses amis, qui sont des fidèles et des fervents" et au fil des ans, Fénéon, Gourmont, Pascal Pia, Jean-Louis Debauve, Jean-Jacques Lefrère aujourd'hui se sont attachés à la faire connaître.
Sixième paradoxe : Jean-Jacques Lefrère livre un pavé de plus de 600 pages sur un homme mort à l'âge de vingt-sept ans. Il faut dire qu'il n'en est pas à son coup d'essai, après les forts volumes qu'il a déjà consacrés, avec la même minutie, à Rimbaud et à Lautréamont. La brièveté de l'existence de Laforgue l'autorise à le suivre presque au jour le jour, en s'appuyant sur les témoignages de ses contemporains, sur les études précédemment publiées (ce qui lui permet de tordre le cou à certaines légendes), et surtout sur ses écrits, ses poèmes, ses articles, qui montrent un chroniqueur artistique parfois mordant, et ses lettres, largement citées (celles qu'il a reçues ont malheureusement disparu). Cette biographie rigoureuse, documentée, plaisante de bout en bout, donne l'image d'un homme diablement attachant, en proie à une incurable mélancolie et fauché par la maladie au moment où la gloire littéraire lui tendait les bras. Un homme dont l'œuvre est un beau démenti, ultime paradoxe, aux vers d'une de ses complaintes :
"Un couchant des cosmogonies !
Ah ! que la vie est quotidienne…
Et, du plus vrai qu'on se souvienne,
Comme on fut piètre et sans génie…"

Jules Laforgue (Jean-Jacques Lefrère, Fayard, 660 p., 35 €).

COUP DE SANG

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 5 février 2006

En 2001, Patrick Declerck, ethnographe, psychanalyste et consultant au Centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre faisait, dans Les naufragés, le récit de son action auprès des clochards de Paris. Un livre marquant et effrayant qui mêlait enquête ethnographique et analyse cruelle de la politique sociale concernant cette population. Il reprend ici ses réflexions sur le sujet sous une forme plus courte et beaucoup plus virulente. C'est qu'il en a assez d'être courtois, Declerck, assez de jouer les bonnes consciences sur les plateaux télévisés, assez des litanies des dépêches de l'AFP annonçant les SDF morts de froid. Alors il se lâche et abandonne le fleuret moucheté au profit du boulet rouge. Et il dégomme : Sœur Emmanuelle et sa "prose de cheftaine", le bon chic humanitaire des "salauds compassés qui s'enorgueillissent d'aller à la rencontre des pauvres sans rien leur offrir en échange", Sarkozy, "Marc-Antoine de kermesse aux boudins", les émissions de télévision de charité, la "bêtise du système d'aide et d'accompagnement des SDF", on en passe.
Le sang nouveau… est un pamphlet salutaire qui carambole quelques idées reçues. Non, on ne vit par dans la rue par choix, non le protocole hivernal mis en place par le secrétariat d'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion n'est pas adapté, non l'hébergement d'urgence prévu n'est pas suffisant ("Yvelines : 86% des demandes d'hébergement sont restés sans solution en 2003, par manque de places d'hébergement disponibles", extrait d'un rapport de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale).
L'insertion des populations défavorisées, en d'autres termes leur remise au travail, est un leurre au vu des maux dont elle souffre (dépression, alcoolisme) et de la durée des soins nécessaires. La solution, pour Declerck, réside dans un changement total de la donne : "un revenu minimum d'existence, à vie et sans questions, enquêtes, réserves ou contreparties aucunes. Un droit. Un vrai droit de l'homme pour tous les hommes." Un droit refusé, selon lui, à cause de la valeur exemplaire du SDF, le SDF qui transgresse les lois de la société car improductif, oisif, fainéant et donc condamné à mort à plus ou moins longue échéance.

Le sang nouveau est arrivé. L'horreur SDF (Patrick Declerck, Gallimard ; 96p , 5,50 €)

N'ECRIT PAS LA DISPARITION QUI VEUT…

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 5 février 2006

La rentrée littéraire de janvier est d'ordinaire réservée aux auteurs chevronnés, aux valeurs sûres pour qui la course aux prix de novembre n'est plus une nécessité. Les premiers romans y sont cependant de plus en plus nombreux : 77 nouveaux noms côtoient cette année Sollers, Echenoz et Le Clézio. Parmi ces néophytes, Olivier Bordaçarre, qui nous conduit sur les traces d'un autre Olivier parti à la recherche d'un père qui l'a abandonné à sa naissance.
Placé sous l'égide de Perec, le roman est régi par une contrainte, celle du lipogramme qui consiste à ne pas utiliser une lettre de l'alphabet. En se privant d'un des éléments centraux de son nom, Bordaçarre veut peut-être matérialiser l'absence d'un élément central de la vie de son personnage, le père, mais n'écrit pas La Disparition qui veut. Car dans ce monologue intérieur nourri de récits de rêves, de souvenirs, de considérations sur la paternité, de variations sur Le bateau ivre de Rimbaud, le romancier a oublié deux contraintes essentielles : celle du style, qui se veut souple et qui n'est que relâché, et celle de l'intérêt à éveiller chez le lecteur, intérêt totalement absent ici.
"Quelques semaines plus tard, rebelotte (sic). Je gare ma bagnole sur le parking. Noël. Il fait un froid à peu près normal pour la saison, pas de quoi en faire un paragraphe." Un livre non plus d'ailleurs.

Géométrie variable (Olivier Bordaçarre, Fayard, 168 p., 14 €)

LE SAVIEZ-VOUS ?

Chronique publiée dans La Liberté de l'Est le 16 janvier 2006

Les miscellanées sont, nous dit le dictionnaire, des "mélanges scientifiques ou littéraires". Celles que Mr. Schott nous envoie d'Angleterre sont même scientifiques et littéraires puisqu'on y traite aussi bien, sous la forme de courtes rubriques, de l'astronomie et de la chimie que de Shakespeare et du jargon de bistrot. Dans un joyeux désordre auquel il est remédié par un précieux index, Ben Schott remet à l'honneur l'art de la liste inauguré au XI° siècle par la courtisane japonaise Sei Shônagon (d'ailleurs citée) dans ses Notes de chevet. Il fournit un outil irremplaçable à ceux qui ont oublié les sept merveilles du monde, les dix plaies d'Egypte ou les douze travaux d'Hercule, à ceux qui veulent savoir combien mesure une encablure ou le nez de la Statue de la Liberté, à ceux qui ont besoin de dire je t'aime en finnois ou suppositoire en créole, à ceux qui désirent connaître le nom du cheval de John Wayne ou celui du saint patron des fossoyeurs. Ils sont plus nombreux qu'on pourrait le croire : ce petit volume est en passe de constituer la surprise éditoriale du moment.
Mêlant l'érudition à l'humour, Ben Schott offre un catalogue absolument inutile et tout à fait indispensable. La version française, qui bénéficie d'une présentation très soignée, a dû adapter certaines rubriques, trop typiquement anglo-saxonnes. Il reste néanmoins des listes (clubs londoniens, rois d'Angleterre, fournisseurs de la reine Elizabeth II…) dont le lecteur français aurait pu faire l'économie.
Au fait, le saviez-vous ? Le numéro de téléphone du Vatican est le 00 39 06 69 82.

Les miscellanées de Mr. Schott (Ben Schott, adaptation et traduction de Boris Donné, éd. Allia ; 160 p., 15 €)