Notules
dominicales de culture domestique n°378 - 7 décembre 2008
DIMANCHE.
Lecture. A genoux (The Overlook,
Michael Connelly, Little, Brown and Company, 2007, éditions du
Seuil, coll. Policiers, 2008 pour la traduction française, traduit
de l'américain par Robert Pépin; 254 p., 18 €).
L'édition française ne précise pas, et c'est dommage,
que ce livre est en fait une version retravaillée et légèrement
augmentée d'un feuilleton publié dans le New York Times
Sunday Magazine. C'est dommage parce qu'on aurait mieux compris la
différence entre les épisodes précédents de
la série consacrée à Harry Bosch et celui-ci qui
leur est de loin inférieur. Il ne s'agit pas à proprement
parler d'une parenthèse dans le parcours du héros puisque
celui-ci continue à évoluer, l'évolution, dans son
cas, consistant à visiter tous les services de la police de Los
Angeles avant de s'en faire virer pour incompatibilité d'humeur
et de méthodes de travail. A cinquante-six ans, il intègre
ici la section Homicide Special après un passage au Service des
affaires non résolues raconté dans Echo Park, le
volume précédent. Il mène une enquête éclair,
une nuit et un jour, pour retrouver des matières radioactives volées
dans un hôpital et qui pourraient servir à la confection
d'une bombe. Voir ainsi Harry Bosch, dont on aime suivre le travail sur
une durée qui lui permet de prouver son obstination, se transformer
en une sorte de clone de Jack Bauer obligé de sauter d'un coin
de Los Angeles à un autre pour chasser le terroriste a quelque
chose d'incongru et de profondément décevant, même
si la conclusion de l'affaire nous ramène vers des données
plus traditionnelles. On oubliera donc cet épisode qui sent un
peu trop les besoins alimentaires en attendant la suite.
Courriel. Une demande de désabonnement
aux notules.
LUNDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Puits de lumière de Jean Nollet aux éditions (inconnues
au bataillon) Louise Courteau.
MARDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
MERCREDI.
Courrier. Le statut de propriétaire
s'agrémente de la connaissance d'une nouvelle facette de l'humanité
représentée par un personnage énigmatique, le syndic.
Dans notre cas, ce n'est même pas une personne, c'est une société
qui fait appel à d'autres sociétés pour les travaux
menus et gros nécessités par l'entretien de l'immeuble,
ce qui ne doit pas nous empêcher de correspondre.

Lecture.
Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique.
Viridis Candela, 8e série, n° 2 (15 décembre 2007,
128 p., 15 €).
Le dossier de ce numéro est consacré à la fiction
de la fiction, autrement dit aux oeuvres littéraires dans lesquelles
les personnages découvrent et révèlent qu'ils sont
des inventions de l'auteur et, à partir de cette révélation,
dialoguent avec leur créateur ou tentent de lui échapper
pour mener une vie autonome. On trouvera bien sûr Queneau qui dès
Le Chiendent fait dire à ses personnages qu'ils sont dans
un livre "qui les suit et qui les raconte", Don Quichotte qui
prend conscience d'être un personnage dans la seconde partie du
Quichotte, Ellery Queen et ses mises en abyme, Simenon qui devient
personnage dans Les Mémoires de Maigret et bien d'autres.
D'après Thierry Foulc, la première manifestation de ce phénomène,
le premier coming out fictif, se trouverait dans Homère.
Dans un vers de l'Iliade (chant XI, 762), Nestor conclut une tirade
vantant ses exploits passés par la phrase ainsi transcrite par
Foulc : "Hos eon, ei pot' eon ge, met' andrasin" qu'il
traduit par "Tel j'étais parmi les hommes, si du moins j'ai
jamais été". Nestor semble bien ici douter de sa propre
existence et se présenter comme partie d'une fiction. Thierry Foulc
donne d'autres traductions du même passage (celles de Paul Mazon,
Eugène Lasserre, Frédéric Mugler) qui semblent aller
dans le même sens. Mais il ne donne pas celle de Robert Flacelière,
la seule que je possède, qui dit : "Voilà ce que j'étais
jadis, si j'en crois ma mémoire", ce qui n'est pas tout à
fait la même chose... Débouté Thierry Foulc ? Pas
tout à fait car un autre passage de la traduction Flacelière
semble aller dans son sens. C'est Hélène qui parle (III,
177-180) : "Cet homme que tu vois, c'est le puissant seigneur Agamemnon,
l'Atride, à la fois noble prince et robuste guerrier. Il était
mon beau-frère à moi, face de chienne !... Mais le fut-il
réellement ? J'en doute." Quand on vous dit que tout est dans
Homère... Je laisse aux notuliens le soin d'en débattre
et de trancher. Si ces joutes homériques devaient se prolonger,
penser à se munir de la mallette charcutière présentée
à la page 113 de ce numéro, idéale pour "arriver
à bon porc".

VENDREDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Le 19 heures 54 du vendredi soir est plein d'étudiants qui rentrent
au bercail avec tout leur barda, des sacs, des rucksacks, des valoches
et des sacoches, des colis, des paquets, des réticules, des utricules,
des malles et des mallettes. Il y en a partout. Il y a des sièges
libres mais les couloirs sont trop encombrés pour qu'on puisse
espérer les atteindre. Dans cette cour du roi Pétaud ferroviaire,
une jeune fille, stoïque, lit Un monde sans fin de Ken Follett
(Robert Laffont).
Lecture. Into the Wild (Jon
Krakauer, 1996; Place des éditeurs/Presses de la Cité, 1997
pour la traduction française, traduit de l'américain par
Christian Molinier, rééd. 10-18 domaine étranger
n° 4109; 288 p., s.p.m.).
"En avril 1992, un jeune homme issu d'une famille aisée de
la côte Est se rendit en auto-stop en Alaska et entreprit une randonnée
dans une région inhabitée au nord du mont McKinley. Quatre
mois plus tard, un groupe de chasseurs d'élans trouva son corps
décomposé." Le destin tragique de Christopher McCandless,
rendu célèbre par le film de Sean Penn, avait d'abord fait
l'objet d'un reportage de Jon Krakauer pour le magazine Outside,
qui servit de base à ce livre. La maigreur des traces laissées
par McCandless (quelques pages de carnets, quelques phrases soulignées
dans ses lectures de Thoreau et Tolstoï) obligent l'auteur à
meubler, mais les pistes qu'il suit ne sont guère nourrissantes
: à 24 ans, McCandless a peu de passé, une expérience
de randonnée dans le désert tout de même qui semble
lui avoir donné le goût de la solitude extrême, sa
famille et ses amis ne sont pas bavards et la démonstration botanique
qu'il mène pour expliquer le décès par empoisonnement
n'est guère convaincante. En arriver à écrire qu'après
la mort de McCandless, sa mère maigrit de quatre kilos prouve que
l'on n'a tout de même pas grand-chose à se mettre sous la
dent... Malgré sa sincérité dans son désir
de défendre McCandless contre les accusations de suicide et les
attaques dont il fut l'objet après sa mort (pour son impréparation,
sa naïveté, son inexpérience) Krakauer ne parvient
pas à élever son personnage au niveau de héros, ni
son histoire au niveau du mythe à la manière d'un Capote
dans De sang froid. Les plus belles pages du livre sont en fait celles
qui, remplissage oblige, sont consacrées à d'autres voyageurs
de l'Alaska dont il relate les périples, notamment le récit
de ses propres expériences d'alpiniste.
SAMEDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Paradis sur mesure de Bernard Werber (Albin Michel).
Lecture. Lettres à Lucilius
(Ad Lucilium epistolarum moralium libri, Sénèque,
64, traduction par E. Bréhier, revue et achevée par L. Bourgey,
rubriques, notice et notes par L. Bourgey in Les Stoïciens, Gallimard,
1962, Bibliothèque de la Pléiade n° 156; 1504 p., 52,90
€).
Corpus malheureusement trop réduit, seules les lettres 71 à
74 sont données ici, pour qu'on puisse avoir une idée de
l'ensemble de l'expérience que Sénèque tente de transmettre
à Lucilius. Les leçons de stoïcisme ne diffèrent
guère de ce qu'on a lu dans les précédents traités
de l'auteur : "Nous ne devons jamais nous indigner de ce qui nous
arrive, et savoir que ces événements mêmes, qui paraissent
nous meurtrir, contribuent à la conservation de l'univers et font
partie de l'ordre qui assure la marche du monde et son déroulement
régulier. Que tout ce qui a plu à Dieu plaise à l'homme
!"
Football. SA Épinal - Saint-Louis-Neuweg
FC 0 - 0.
SAMEDI.
IPAD. 10 octobre 1999. 136 km (1425 km).

photo reprise le 2 janvier 2000
252 habitants
Comme un
âne, j'ai oublié de vérifier la boîte à
savon qui me sert d'appareil photo avant de partir. Ce n'est que devant
le panneau d'entrée du village que je m'aperçois qu'il n'y
a plus de piles. Il faudra revenir pour prendre les photos. En attendant,
je peux toujours aller étudier le monument. C'est un bloc de granit
gris, dressé devant l'école, sur une place récemment
refaite. Deux spots OSRAM coulés dans le sol doivent assurer l'éclairage
nocturne.

photo reprise le 2 janvier 2000
Les
noms sont rangés sur deux colonnes. Pas d'indications de dates,
mais on suppose que ceux qui dérogent à l'ordre alphabétique
sont ceux des victimes d'après 1918.
A nos enfants
Morts pour la France
AUDINOT Pierre GUILLET Louis
BARBILLON Louis-Paul LAVAL Louis
BARBILLON François Marcellin MAUCOTEL Gaston
BRESSON Camille PERRIN Henri
BRESSON Paul PIEROT Albert
BRICE André PIEROT Paul
CHARPENTIER Alix POIRSON Jules
COUTINOT Clément POIRSON Roger
DURAND Emile PREVOT Charles
GUILLET Henri VAGNIER Emile
CHARPENTIER Pierre ANTOINE Charles
CHERPITEL René BOUTON Paul
ROGEL Jean
L'Invent'Hair
perd ses poils.

Vesoul (Haute-Saône), photo de Vincent Garcia, 19 juillet 2005
Bon
dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°379 - 14 décembre 2008
DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
Enregistrement du monument aux morts de Cheniménil.
Front antisyndical. La lettre au syndic
a suscité des réactions volontaristes. "Si vous donnez
l’adresse de votre syndic, je lui envoie une lettre allant dans votre
sens", "Suffit de nous donner l'adresse du syndic et toute la
communauté notulienne s'y met à lui écrire des lettres
pour lui demander de changer l'ampoule, n'hésitez pas...",
"Pour ton syndic, après le revolver à eau et le fusil
de chasse, il faut essayer le bazooka : lettre recommandée avec
accusé de réception et menace de changer de syndic à
la prochaine AG, avec copie à tous les copropriétaires et
à la Direction Générale de la Concurrence et de la
Consommation. Cela ne marche pas forcément mais tu te fais plaisir
et ce peut être le début d'un long périple juridico-littéraire.
Pense ultérieurement à demander le remboursement de tes
frais (transports, téléphoniques, postaux, constat d'huissier,
consultation d'avocat, venue de témoins...) puis attaque pour névrose
consécutive aux non réponses." En attendant, vendredi
dernier, le jour où la lettre a dû arriver, un type est venu
enlever le spot défectueux. Après, il a replié son
échelle et il est reparti. Ça ne change pas grand-chose
à la situation mais ça peut être considéré
comme un progrès, en attendant de lancer la meute notulienne aux
basques du syndic.
LUNDI.
Lux fiat. Miracle : au retour du boulot,
la lumière jaillit au toucher de l'interrupteur. Plaisir de ne
plus avoir à tâtonner pour mettre la clé dans la serrure.
Fort de cette immense victoire dans la guerre de l'ampoule, je me demande
si je ne vais pas signaler demain au syndic qu'il y a cinq centimètres
d'eau dans les caves.
MARDI.
Limaces. Extrait du bloc-notes
du désordre de Philippe de Jonckheere :

"Une
série d’autoportraits de dos, ratés, à la chambre,
je ne me souviens plus très bien de ce que je tentais de faire
alors, force est de constater aujourd’hui que cela n’avait pas réussi
du tout. Il semble me souvenir que je tentais une version un peu différente
d’All Change ! pourquoi de dos ?, je ne me souviens plus. Au delà
de ces photographies ratées, je constate qu’il y un peu plus de
dix ans, j’avais nettement moins de cheveux blancs qu’aujourd’hui et il
me souvient effectivement qu’alors je portais des chemises tous les jours,
je n’en porte plus du tout aujourd’hui, leur préférant de
loin les t-shirts."
Je porte des chemises tous les jours, je ne supporte pas les tee-shirts
qui me scient le cou. Je mets des chemises à cause de la partie
publique de mon métier et surtout par goût. J'ai beaucoup
de chemises, j'aime beaucoup mes chemises. Je suis capable de dépenser
beaucoup d'argent pour une belle chemise. Celle qui figure sur cette photo
est magnifique. Elle m'irait à merveille. Si Philippe de Jonckheere
ne la met plus, il peut me l'envoyer.

MERCREDI.
Expérience de l'extrême.
"Un homme de 27 ans ayant perdu le contrôle de sa voiture samedi
soir est resté prisonnier de l'habitacle, coincé entre deux
arbres au-dessus de la Mortagne, durant deux jours et trois nuits avant
d'être découvert par le conducteur d'un tracteur." Into
the Wild ? Non, La Liberté de l'Est.
SAMEDI.
IPAD. 31 octobre 1999. 97 km (1522
km).
278
habitants
J'étais
déjà venu dans ce village jouer de la musique avec Garlamb'Hic.
Je me souvenais d'un petit pont de pierre, bucolique à souhait.
Le monument est près de l'église, sur une esplanade gazonnée
qu'on atteint par une volée de neuf marches. Au centre de l'esplanade,
un carré de gravier blanc, entouré d'un grillage, au centre
du carré la stèle, au sommet de la stèle, enfin,
mon premier Poilu. Il m'attend patiemment appuyé sur son fusil.

Attigny
A ses enfants
Morts pour la France
1914-1918
Autre
nouveauté : aucun nom, juste une gerbe, une croix et l'inscription
recopiée ci-dessus. Trois jardinières de géraniums
sont posées sur les marches, au pied du socle.
L'Invent'Hair perd ses poils.

Rubrique curiosités exotiques
Kilkenny (République d'Irlande), photo transmise par Victorio Palmas,
24 juin 2005
Bon
dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°380 - 21 décembre 2008
DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
Je n'ai pas trouvé le monument aux morts de Cherménil. En
fait, je n'ai pas non plus trouvé Cherménil, qui semble
n'exister que sur le calendrier des Postes.
Vie notulienne. Ça chauffe
sur le site des notules. En une journée, le même nombre de
visites que pour une semaine ordinaire, sans parler de la demi-douzaine
de demandes d'abonnement qui arrivent au courriel du soir. On compte même
désormais un notulien résidant à Douchanbé,
Tadjikistan, ce qui n'est pas rien. Il y a un truc : le numéro
du jour était particulièrement étique et insipide,
heureusement qu'il y avait la liquette de Philippe de Jonckheere pour
lui donner un peu de couleurs, même pas une petite note de lecture
(la grève de la SNCF, si elle ne fut que régionale, n'en
fut pas moins dommageable pour mes activités habituelles pendant
trois jours). Mais il n'y a pas à chercher longtemps pour trouver
l'origine de ce prurit notulien : François Bon a mis les notules
à l'honneur sur la page d'ouverture du tierslivre
et l'effet est immédiat. Je ne connais pas beaucoup de gens bénéficiant
d'une certaine notoriété, dans le monde des lettres ou ailleurs,
aussi peu avares de celle-ci et aussi prompts à la mettre au service
des autres. Il n'y a jamais d'adresse personnelle dans les notules mais
pour une fois je déroge : merci François, pour ma pomme
mais aussi pour tout le verger.
MARDI.
Lecture. Un lieu incertain
(Fred Vargas, éditions Viviane Hamy, coll. Chemins nocturnes, 2008;
386 p., 18 €).
Rien de neuf chez Fred Vargas, on retrouve ici les mêmes personnages
décalés avec à leur tête le désormais
fameux commissaire Adamsberg aux prises avec une affaire criminelle propre
à réveiller des peurs ancestrales. On avait déjà
eu la peste, les loups-garous, les morts-vivants, il manquait les vampires,
en avant pour les vampires. Sauf que là, patatras, ça ne
marche plus. Pas pour une question de vraisemblance, on a appris à
faire sans, mais plutôt à cause d'une certaine lassitude
devant des trouvailles qui sont devenues des procédés un
peu lassants. Ça marche encore un moment, puis ça s'étiole,
on tourne en rond dans des dialogues décalés qui amusaient
et qui aujourd'hui irritent et ça se noie complètement dans
le récit du voyage en Serbie qu'accomplit Adamsberg pour résoudre
un mystère qui a perdu tout intérêt depuis trop longtemps.
Peut-être un passage à vide, ça arrive. Il arrive
aussi qu'on ait fait le tour d'un personnage et qu'il soit temps de se
renouveler.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Ma voisine (elle n'a pas volontiers consenti à devenir
ma voisine, elle avait placé son sac sur le siège mitoyen
pour être sûre de ne pas être enquiquinée mais
c'était sans compter sur ma témérité légendaire
qui m'a poussé à lui demander de le pousser - son sac -
je choisis toujours comme voisins les voyageurs qui agissent ainsi, c'est
ça ou voyager debout, et puis au bout du compte je ne les enquiquine
pas beaucoup, je suis calme et mon voyage est court) ma voisine donc lit
Cendrillon d'Eric Reinhardt dans une édition de poche. Inutile
de dire qu'elle ne me considère pas comme le prince charmant.
JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Foundation's Edge d'Isaac Asimov en version originale.
Courrier musical. Arrivée d'un
CD intitulé "The Complete Hit of the Week Recordings
vol. 2 : 1930-1931" sur lequel figure ce que je cherchais : une version
de "Moonlight on the Colorado" par Dick Robertson and
His Collegians.
Obituaire. On apprend la mort de Horst
Tappert, immortel interprète de l'inspecteur Derrick. Le Monde
signale qu'il était né à Wuppertal-Elberfeld. On
le voyait plutôt originaire du Forez.
Vie sociale, volet 1. Les enfants
de l'école de Saint-Laurent offrent un récital de chants
de Noël. Alice est du nombre, et nous dans la salle avec la flopée
de parents attendus. "Vive le vent", "Noël est à
notre porte", tout le folklore carillonnant est de sortie. Les mômes
sont fiérots, se dandinent, les canards volent bas, les caméscopes
ronronnent. Le manque de fini, les approximations, les hésitations
et les doigts dans le nez qui ponctuent la chose me plaisent bien davantage
qu'un récital de singes savants.
VENDREDI.
Vie sociale, volet 2. Pot de fin d'année
au collège. On a emmené nos marmailles. Je m'aperçois
avec effroi que tout le monde connaît les prénoms des enfants
des autres alors qu'il y a des collègues dont je ne connais pas
encore l'état-civil.
SAMEDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Le Tatouage de la concubine de Laura John Rowland aux
éditions du Rocher.
Courrier littéraire. Je reçois
en avant-première, privilège de l'auteur, le numéro
53 du Bulletin de l'Association Georges Perec. Le vulgum pecus
notulien ne sera servi qu'en janvier.
Vie sociale, volet 3. Ce soir, je
suis à Chavelot où P. organise l'apéro pour célébrer
sa mise à la retraite. P., je l'ai connu en 1978, à l'Ecole
normale de Nancy où il venait jouer les pique-assiette et les pique-matelas
à la cantine et à l'internat au grand dam de l'intendante
dont il était devenu le cauchemar. Huit ans plus tard, sa vie familiale
avait connu un trou noir et je l'avais hébergé un moment
dans le galetas que j'occupais rue Cour-Billot, avec ses sacs de linge,
ses lunettes tordues et ses rêves de réconciliation qui ne
devaient jamais aboutir. Le fait qu'il n'ait pas trouvé meilleure
planche de raccroc que la vie de bâton de chaise que je menais à
l'époque suffit à donner la mesure du puits dans lequel
il était tombé. Ayant rapidement fait le tour de mes talents
culinaires, il m'emmenait manger dans des cantines administratives où
il ne payait jamais ses tickets, sur ce plan, il n'avait pas changé
d'un iota. Et puis la roue avait tourné, nouvelle rencontre, nouvelle
vie, nouvelle chance qu'il avait su saisir. Comme beaucoup de gens que
j'ai pu côtoyer dans mes années d'apprentissage, il avait
su se construire un parcours brillant, jusqu'à une thèse
en Sorbonne qui aurait laissé sur le cul, s'il avait été
encore en vie, son père Luigi, le maçon italien du Val-d'Ajol
qui ôtait sa casquette quand il croisait un instituteur, tout cela
se passant bien avant que l'on se mette à parler d'un secrétariat
d'Etat à l'égalité des chances.
IPAD. 11 novembre 1999. 143 km (1665
km).

141 habitants
Il
aurait été dommage de ne pas consacrer une partie de cette
journée à ce chantier. Pas de monument en vue. Un paysan,
les oreilles rougies par le froid, arrête son tracteur pour répondre
à ma demande. Il y a une plaque au fond de l'église. Celle-ci
doit être ouverte, de toute façon Monsieur le curé
habite juste à côté. L'église est effectivement
ouverte, je manipule d'un doigt circonspect un interrupteur pour obtenir
de la lumière, craignant de déclencher la sonnerie des cloches.
La plaque de marbre, en forme d'obus, est bien là.

Souvenons-nous toujours
Des glorieux morts d'Aulnois
Guerre de 1914-1918
BRENEL Jules 14 août 1914 Réchicourt (Lorraine)
BOULEAU Henri 22 Xbre 1914 Bischoote (Belgique)
QUANTABIN Paul 8 avril 1915 Pont-à-Mousson
POIRSON Jules 16 juin 1915 Neuville-St-Vast
Requiescant in Pace
Une
plaque rectangulaire ajoutée à la base indique :
Henri
PERRUT du convoi vers Dachau 2-07-1944
Glorieux
morts peut-être, mais peu nombreux : 4 pour une population actuelle
de 141 habitants à rapprocher du record précédent
- 7 - détenu par Les Ableuvenettes (pour 70 habitants), Aingeville
(67) et Aroffe (77).
L'Invent'Hair perd ses poils.

Hyères (Var), photo de Christine Gérard, 16 juillet 2005
Bon
Noël.
Notules
dominicales de culture domestique n°381 - 28 décembre 2008
DIMANCHE.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
Itinéraire
patriotique départemental. Je pars à la recherche
du monument de Chermisey, le trouve et pousse jusqu'à Avranville
: les photos prises lors de mon premier passage ont disparu et je vais
en avoir bientôt besoin puisque j'en suis à Aulnois dans
la recension notulienne du samedi. Impression d'une existence organique
des notules, accentuée par la verticalité de la page écran,
que je nourris le dimanche par le haut d'un monument déniché
à la sueur de mes pneumatiques, avant d'en voir un filer par le
fondement de la page du samedi. En retournant à Avranville sept
ans après, je m'aperçois que je ne me rappelais plus rien
du village ni du monument, ce qui est une bonne chose : quand je serai
arrivé au bout de ce chantier, je pourrai le recommencer, tout
sera comme neuf. J'ajoute aujourd'hui un bonus à ma visite en faisant
un tour du cimetière, ce qui me permet de photographier, pour ma
collection de stèles civiles cette fois, la tombe d'Alain Périal
(1950-1975).
LUNDI.

Ruines.
Il y a deux ans, les bulldozers avaient démoli l'école Christian-Champy,
mon école, j'en avais parlé dans une notule de l'époque.
Aujourd'hui, ils s'en prennent à l'école maternelle du Château
où j'ai appris à nouer mes lacets de chaussures et à
faire de l'auto à pédales. Je ne sais quelle malédiction
poursuit ainsi mes lieux d'apprentissage et me fait passer pour une sorte
d'Attila scolaire derrière lequel la craie ne repousse pas. Il
me reste un collège et un lycée dont je ne donne pas cher
au train où vont les jours et les engins chenillés.

MERCREDI.
Poésie de saison.
Noël
résigné
Noël
! Noël ! toujours, sur mes livres, je rêve.
Que de jours ont passé depuis l'autre Noël !
Comme toute douleur au cœur de l'homme est brève.
Non, je ne pleure plus, cloches, à votre appel.
Noël
! triste Noël ! En vain la bonne chère
S'étale sous le gaz ! il pleut, le ciel est noir,
Et dans les flaques d'eau tremblent les réverbères
Que tourmente le vent, un vent de désespoir.
Dans la boue
et la pluie on palpe des oranges,
Restaurants et cafés s'emplissent dans le bruit,
Qui songe à l'éternel, à l'histoire, à nos
fanges ?
Chacun veut se gaver et rire cette nuit !
Manger, rire,
chanter, - pourtant tout est mystère !
Dans quel but venons-nous sur ce vieux monde, et d'où ?
Sommes-nous seuls ? Pourquoi le Mal ? pourquoi la Terre ?
Pourquoi l'éternité stupide ? Pourquoi tout ?
Mais non
! mais non, qu'importe à la mêlée humaine ?
L'illusion nous tient ! - et nous mène à son port.
Et Paris qui mourra faisant trêve à sa peine
Vers les cieux éternels braille un Noël encor.
Jules Laforgue,
Premiers poèmes
JEUDI.
Cadeaux de saison. On m'offre des
charentaises. On connaît mon côté athlète, dans
la famille.
VENDREDI.
Taupe niveau. Ma fin de journée
se passe dans un état un peu nauséeux, les objets flottent
autour de moi, l'écran de l'ordinateur s'éloigne et se rapproche
à toute vitesse. Paierais-je certains excès de table habituels
en cette saison ? Non, j'ai simplement pris livraison de mes nouvelles
lunettes à verres progressifs.
SAMEDI.
IPAD. 14 novembre 1999. 102 km (1767
km).

436
habitants
Le monument
est près de l'usine Jalla, dans un quartier de cités ouvrières.
L'église devant laquelle il se trouve, portant l'inscription "Domus
Dei" sur son clocher, est d'une laideur peu commune. Quatre ogives
d'obus délimitent un quadrilatère dont trois côtés
sont matérialisés par une haie basse. Le sol est pavé.
Trois jours après le 11 novembre, pas de trace de gerbe. Un automobiliste
s'arrête pour me demander où se trouve la rue du 8-Mai.

Aux enfants d'Aumontzey
Morts pour la France
1914-1918
La commune d'Aumontzey
Aux victimes de la Guerre 1939-1945
MOULIN Marcel 1940
BASTIEN Edmond 1944
LEMARQUIS Paul 1944
LEMARQUIS Aimé 1944
MARTIN Marcel 1945
VOIRIN Robert 1945
VOIRIN Camille 1945
Sur le pan
droit de la stèle :
PERRIN
Aimé
GEORGES Léon
LECOMTE Paul
HANTZ Louis
COINUS Léopold
COMBEAU Paul
LEMARQIS Gabriel
DROUOT Prosper
RIVAT Albert
LEONARD Paul
A
gauche :
LEMARQUIS
Raymond
GEORGES Libert
RENARD Marcel
MAILLEFER Auguste
PENTECOTE Aristide
THIEBAUT Paul
PENTECOTE Paul
SEVRIN Maurice
LALLEMENT Paul
PETEL Auguste
Malgré
le lourd tribut payé à la Patrie par la famille Lemarquis,
le graveur n'a même pas su orthographier correctement quatre fois
son nom.
L'Invent'Hair perd ses poils.

Golbey (Vosges), photo de l'auteur, 20 août 2005
Bon dimanche.
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