Notules dominicales 2008
 
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Notules dominicales de culture domestique n°346 - 6 avril 2008

DIMANCHE.
TV. Le Gitan (José Giovanni, France/Italie, 1975 avec Alain Delon, Paul Meurisse, Annie Girardot; diffusé en mars dernier sur Cinécinéma Classic).

LUNDI.
Lecture scolaire. Le Chevalier au bouclier vert (Odile Weulersse, Hachette, 1990; rééd. Le Livre de Poche Jeunesse/Roman historique n° 320, 2001; 288 p., s.p.m.).
Les Pilleurs de sarcophages, Le Messager d'Athènes, Tumulte à Rome, Le Chien du roi Arthur, j'en passe, la bibliographie d'Odile Weulersse offre un parfait décalque des programmes d'histoire et littérature pour les petites classes de collège. C'est un créneau. La méthode est la même quels que soient les époques ou les thèmes abordés, une intrigue simplette enrobée de toute la documentation répondant aux programmes scolaires. Ici, c'est le Moyen Âge, donc en avant pour les heaumes, les hauberts, les châteaux, les cathédrales, j'adoube à gauche, je vassalise à droite, un tournoi, une ordalie, emballez c'est pesé. Ça ressemble aux images pédagogiques punaisées sur les murs des classes d'autrefois, "L'atelier des couturières", "A la pharmacie", "Les travaux des champs", dans lesquelles il s'agissait de faire tenir le maximum de choses en rapport avec le sujet traité dans un minimum d'espace. Ce n'est pas ça qui va me réconcilier avec la littérature jeunesse.

Lecture. La Nuit du carrefour (Georges Simenon, Fayard, 1931, rééd. Rencontre, 1967, in Œuvres complètes Maigret II; 552 p., s.p.m.).
"Quand Maigret, avec un soupir de lassitude, écarta sa chaise du bureau auquel il était accoudé, il y avait exactement dix-sept heures que durait l'interrogatoire de Carl Andersen." Simenon a beau avoir quitté sa péniche depuis un moment à l'heure où il écrit ce roman, il a toujours l'art de harponner le lecteur avec des incipit particulièrement acérés. En fait, il faudrait lire les Maigret comme il les écrivait, d'une seule traite, sans souffler. C'est ce que commande cette histoire où Maigret se transporte entre Etampes et Arpajon pour trouver le meurtrier d'un diamantaire. Comme de coutume, le commissaire bouge peu, se contente d'écouter, la solution lui vient en tirant sur sa pipe. En fait, Maigret semble résoudre les énigmes par sa seule présence : celle-ci suffit à impressionner les témoins qui, peu à peu, se liquéfient face à lui. Simenon a inventé l'enquêteur magnétique. Un seul personnage lui résiste ici momentanément, une aventurière étrangère dont la présentation, dans le deuxième chapitre, constitue un véritable plagiat de Modiano par anticipation.

MARDI.
Presse. "Pas de condoléances judiciaires. "Vous trouvez normal à 26 ans de toucher les ASSEDIC, alors que vous êtes père de famille ?" Le ton de la présidente du tribunal correctionnel d'Epinal est dur. Face à elle, deux frères âgés de 23 et 26 ans. Les deux hommes ne bronchent pas. De toute façon, ils ne sont pas jugés en comparution immédiate parce qu'ils n'ont pas de travail, ce qui n'est pas encore un délit, mais pour une affaire de cambriolage. Au plus âgé qui tient une photo à la main, la présidente demande sévèrement : "C'est une photo de votre fils ? Posez-la derrière vous, vous n'en aurez pas besoin." Puis, se tournant vers une jeune femme en larmes, entièrement vêtue de noir et assise dans la salle d'audience au milieu des siens, elle lance : "Cessez de renifler. Si ce procès est trop dur pour vous, allez pleurer dehors." La jeune femme reste assise, effondrée. [La présidente] reprend sur le même ton : "Il a quel âge votre fils ?" "Il est mort samedi", lâche le jeune père de famille, étranglé par l'émotion. "Ah oui", répond embarrassée la présidente du tribunal, déstabilisée un bref instant. [...] L'avocate de la défense fait alors une demande particulière : "La mise en bière du bébé de mon client a lieu demain. Il sera incinéré mercredi. Je sollicite l'autorisation pour mon client d'assister aux obsèques de son enfant." Ce à quoi le tribunal ne s'est pas opposé. "Vous allez assister à la crémation ?" lance finalement la présidente du tribunal à la jeune femme en noir qui hoche la tête, affirmative. "Cela va être dur", conclut la présidente, d'un ton sec, en guise de condoléances." C'est dans La Liberté de l'Est d'aujourd'hui, 1er avril, mais ça ne ressemble pas à un poisson.

TV. Ernest le rebelle (Christian-Jaque, France, 1938 avec Fernandel, Mona Goya, Pierre Alcover, Robert Le Vigan, Rosita Montenegro; diffusé en mars dernier sur Cinécinéma Classic).

MERCREDI.
Lecture. Traité des devoirs (De officiis, Cicéron, 44-43 av. J.-C.; livres I, II, III, traduction par E. Bréhier, livres I et II revus par P.-M. Schuhl, rubriques par E. Bréhier et V. Goldschmidt, notice et notes par V. Goldschmidt in Les Stoïciens, Gallimard, 1962, Bibliothèque de la Pléiade n° 156; 1504 p., 52,90 €).
Cicéron, dans ce texte destiné à son fils, discute de l'honnêteté et des vertus qui la fondent : la sagesse, la justice, la fermeté, la modération. La question qu'il développe consiste à savoir si l'honnête et l'utile sont séparables. Si j'ai bien compris, la réponse est non : aucune chose ne peut être véritablement utile pour un homme si elle est nuisible pour un autre. C'est une morale intransigeante qui permet d'allier les deux notions, rien d'autre. La thèse, illustrée par de nombreux exemples historiques, se termine par une charge contre les Epicuriens : "C'est contre ces hommes qu'il faut combattre de toutes ses forces, si l'on a l'intention de défendre et de soutenir la cause de l'honnêteté." On quitte, avec ce texte, la partie doctrinaire du volume. La suite (Sénèque, Marc Aurèle, Epictète) devrait être moins aride.

Vie souterraine. C'est dimanche que je m'en suis rendu compte. Le flic flac de mes pas sur le sol de la cave où j'étais venu chercher je ne sais plus quoi. Ce n'est pas l'inondation mais l'eau est là, les cartons du bas ont l'air franchement avachis. Aujourd'hui, il s'agit de faire le tri pour sauver ce qui est récupérable et de prendre des mesures de protection. Je balance ce qui est fichu, des livres, des disques, des agendas, des dossiers, des cahiers d'écrits quotidiens qui, avant tout, me permettaient de ne rien redouter de la police. A la question qui tue, du genre "Que faisiez vous dans la soirée du 12 avril 1997 à 22 heures 30 ?", j'étais en mesure d'apporter une réponse peut-être pas immédiate mais du moins assez précise, si toutefois l'enquêteur me laissait le temps de consulter mes archives. Désormais, il y aura des trous dans mes mémoires et si par malheur la soirée du 12 avril 1997 était consignée dans un des cahiers naufragés, il ne me restera plus qu'à estourbir le commissaire et à l'enterrer dans la cave.

TV. Miquette et sa mère (Henri-Georges Clouzot, France, 1950 avec Louis Jouvet, Bourvil, Saturnin Fabre, Danièle Delorme; diffusé en mars dernier sur Cinécinéma Classic).

JEUDI.
Courrier. Arrivée du n° 33 d'Histoires littéraires. Mes chroniques du numéro précédent devraient trouver place dans une prochaine livraison des notules.

TV. L'Homme qui trahit la Mafia (Charles Gérard, France/Italie, 1967 avec Robert Hossein, Claude Mann, Claudine Coster; diffusé ce mois sur Action).

VENDREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Rien dans le train mais sur le quai, malgré le froid, une femme qui semble bien avoir passé l'âge de telles distractions lit un épisode de Poly dans la Bibliothèque rose.

TV. Bonnes à tuer (Henri Decoin, France/Italie, 1954 avec Danielle Darrieux, Michel Auclair, Corinne Calvet; diffusé ce mois sur Ciné Polar).

SAMEDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Un gros volume qui rassemble deux titres d'Agatha Christie, Une poignée de seigle et Le Major parlait trop, chez France Loisirs. En fait, la dame ne lit pas, le livre lui sert de support pour ses mots fléchés.

TV. Piège pour un privé (The Two Jakes, Jack Nicholson, E.-U., 1990 avec Jack Nicholson, Harvey Keitel, Meg Tilly, Madeleine Stowe; diffusé ce mois sur Ciné Polar).

L'Invent'Hair perd ses poils.


Nomexy (Vosges), photo de l'auteur, 18 mars 2004.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°347 - 13 avril 2008

DIMANCHE.
Office du tourisme. Une notulienne m'adresse cet extrait des Carnets d'Henri Thomas, en date du 25 janvier 1948 : "Epinal est très inhospitalier, quand j'y arrive comme hier au train de sept heures du matin, un jour d'hiver. On trouve un café dégoûtant, n'ayant de café que le nom, sucré à la saccharine, dans un baraquement - bistrot triste comme tout, où des gens attendent, l'air stupide et sournois. Chaque fois que je reviens dans les Vosges, je trouve d'ailleurs que les gens ont l'air plus stupide et plus méchant que la fois précédente. C'est vraiment un triste coin de province ; les qualités des gens qui l'habitent peuvent sans doute être profondes et rares, à condition d'être soutenues par beaucoup de volonté et d'intelligence. Il n'y a pas d'esprit public qui tirerait les gens de leur quant-à-soi bêtement égoïste. Il faut les voir se ruer dans l'autobus, sans la moindre politesse, trichant grossièrement pour passer avant les autres." Bien sûr je me sens concerné : il est question de mon département, de ma ville, et, depuis peu, de mon quartier. C'est donc à moi qu'il revient d'apporter un cinglant démenti aux propos de ce renégat : aujourd'hui, le café est tout à fait buvable.

Cinéma. Disco (Fabien Onteniente, France, 2008 avec Franck Dubosc, Emmanuelle Béart, Gérard Depardieu, Samuel Le Bihan).

TV. Agence Cupidon (The Model and the Marriage Broker, George Cukor, E.-U., 1951 avec Jeanne Crain, Scott Brady, Thelma Ritter; diffusé ce mois sur Cinécinéma Classic).

LUNDI.
TV. Mata Hari, agent H21 (Jean-Louis Richard, France, 1964 avec Jeanne Moreau, Jean-Louis Trintignant, Claude Rich; diffusé ce mois sur Ciné Polar).

MARDI.
Vie souterraine. J'ai rapporté de la cave de Saint-Laurent des étagères métalliques et des palettes que j'entreprends aujourd'hui d'installer. Un sommaire caillebotis permet désormais de maintenir hors d'eau les éléments rescapés du naufrage. Ceux qui ont un peu souffert mais sont encore récupérables sont montés dans l'appartement, transformé en vaste séchoir.

Vie ferroviaire. C'est hier, et non pas aujourd'hui comme je le croyais, que prenait fin mon abonnement SNCF. Le contrôleur a l'air ravi d'avoir coincé un dangereux resquilleur. Amende de 6 euros, il se contentera, magnanime, des 5 que j'ai sur moi. Heureusement que j'ai passé l'âge d'être envoyé à Mazas comme un de mes illustres devanciers.

TV scolaire.
Les Camarades (I Compagni, Mario Monicelli, Italie, 1963 avec Marcello Mastroianni, Renato Salvatori, Gabriella Giorgelli, Folco Lulli, Bernard Blier; diffusé sur Cinécinéma Classic en ?).

Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Une habituée lit Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estes, dans un volume apparemment emprunté à une bibliothèque. Internet m'apprend au retour que l'ouvrage est sous-titré "Histoires et mythes de l'archétype de la femme sauvage". La lectrice a l'air on ne peut plus civilisée.

TV. Le Souper (Edouard Molinaro, France, 1992 avec Claude Rich, Claude Brasseur; diffusé ce mois sur Cinécinéma Star).

MERCREDI.
Vie capillaire. Nouveau quartier, nouveau coiffeur. Comme d'habitude, je vais au plus court, de l'autre côté de la rue. Le salon s'appelle "Le Salon". La saine sobriété de l'autoréférence.

TV. Le Distrait (Pierre Richard, France, 1970 avec Pierre Richard, Marie-Christine Barrault, Maria Pacôme; diffusé ce mois sur Cinécinéma Star).

JEUDI.
Histoire littéraire. Les copies de mes élèves sont formelles, certaines d'entre elles du moins : c'est François Fillon qui a écrit "La Ballade des pendus".

TV. R.A.S. (Yves Boisset, France, 1973 avec Jacques Spiesser, Jacques Villeret, Jacques Weber; diffusé ce mois sur Cinécinéma Star).

VENDREDI.
Histoires littéraires. Mise en ligne des chroniques annoncées la semaine dernière (chronique de l'actualité littéraire et compte rendu d'un livre sur Proust), lisibles ici.

TV. Ladybird (Ladybird Ladybird, Ken Loach, G.-B., 1994 avec Crissy Rock, Vladimir Vega; diffusé ce mois sur Cinécinéma Culte).

SAMEDI.
TV. Comme un torrent (Some Came Running, Vincente Minnelli, E.-U., 1958 avec Frank Sinatra, Dean Martin, Shirley MacLaine; diffusé ce mois sur TCM).

L'Invent'Hair perd ses poils.


Mandelieu-La Napoule (Alpes-Maritimes), photo de l'auteur, 16 avril 2004.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°348 - 27 avril 2008


DIMANCHE.
Vie sportive. Dans la semaine, Alice a manifesté le désir de participer à une course pédestre et scolaire qui a lieu ce matin au parc du Château. Bon, ça n'a pas soulevé un enthousiasme délirant autour de la table familiale mais on ne va pas décourager les bonnes volontés, les restrictions budgétaires ne comprennent pas encore les limitations des dépenses physiques. Nous sommes donc à pied d'oeuvre à l'heure du départ. Spectacle instructif, il y a des tas d'autres courses, à pied, à vélo, pour les grands et les petits, au programme de la matinée. En mettant de côté les envies de meurtre qui me viennent naturellement en présence d'un rassemblement de sportifs moulés dans des nippes fluorescentes, je balance entre l'amusement et l'effroi au spectacle des parents en survêtement courant, braillards et gesticulants, aux côtés de leurs descendants, bien décidés à leur faire comprendre qu'à sept ans il n'est pas trop tôt pour se mettre dans le crâne que la vie est une compétition.

TV. Adhémar ou le jouet de la fatalité (Fernandel, France, 1951 avec Fernandel, Andrex, Jacqueline Pagnol; diffusé ce mois sur Cinécinéma Classic).

LUNDI.
Vie littéraire. Les notules font désormais partie du catalogue publie.net sous la forme de morceaux choisis. Voir la présentation ici par François Bon, maître d'oeuvre du projet : http://www.publie.net/tnc/spip.php?article120

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

TV. L'Ours en peluche (Jacques Deray, France/Italie, 1994 avec Alain Delon, Francesca Dellara, Laure Killing, Madeleine Robinson; diffusé ce mois sur Cinécinéma Star).

MARDI.
Vie uniforme. Je fais un saut au commissariat de police, histoire de récupérer pour la pharmacie le registre des stupéfiants visé par le commissaire - ou ce qui en tient lieu désormais, je ne suis pas très au fait des nouveaux grades. Par chance, personne ne songe à me demander ce que je faisais dans la soirée du 12 avril 1997 à 22 heures 30.

TV. F... comme Fairbanks (Maurice Dugowson, France, 1976 avec Patrick Dewaere, Miou-Miou, John Berry, Michel Piccoli; diffusé ce mois sur Cinécinéma Star).

MERCREDI.
TV. 120, rue de la Gare (Jacques Daniel-Norman, France, 1946 avec René Dary, Sophie Desmarets, Albert Dinan; diffusé ce mois sur Polar).
Léo Malet considérait qu'il s'agissait de la meilleure adaptation d'une aventure de Nestor Burma. Il avait raison.

JEUDI.
TV. Easy Rider (Dennis Hopper, E.-U., 1969 avec Peter Fonda, Dennis Hopper, Jack Nicholson; diffusé ce mois sur Cinécinéma Culte).
Au temps de Canalsat, je me débrouillais à peu près avec la télécommande, je peux même dire que sur la fin, je maîtrisais la situation. Depuis que nous avons emménagé, nous sommes liés à la télévision par Internet, Orange TV, et j'ai perdu beaucoup de ma superbe. Pas moyen par exemple de trouver comment programmer la version originale des films étrangers. Impossible également de supprimer les sous-titres du bas de l'écran. Ce qui fait que nous regardons des films en version française sous-titrés en français. Constatation : les paroles prononcées ne sont pas les mêmes que les paroles écrites. Il y a des variations insignifiantes, mais parfois incompréhensibles, comme les numéros de téléphone (un sujet sensible puisque je note tous les numéros de téléphone qui apparaissent dans les films pour les appeler ultérieurement) : on entend un personnage dire : "Mon numéro est le 727 699", et au bas de l'écran on lit "Appelez-moi au 866 147". Dans le film de ce soir, autre variation intéressante. Un type dit à l'autre (version orale) : "Tu te prends pour Hemingway". Sous-titre : "Tu te prends pour D.H. Lawrence". Je donnerais cher pour connaître l'écrivain réellement cité dans la version originale.

VENDREDI.
Agenda politique. "Le président de la République présente son plan pour l'hôpital à Neufchâteau (Vosges)" (les journaux).

TV. Le Piège (The Mackintosh Man, John Huston, G.-B., 1973 avec Paul Newman, Dominique Sanda, James Mason; diffusé ce mois sur Cinécinéma Culte).

SAMEDI.
Jour de chance. "Un joueur français va bientôt toucher un chèque de 58 367 681 euros après avoir été le seul à cocher les sept bons numéros du premier rang de l'Euro Millions de vendredi. Le bulletin a été validé dans le département des Vosges" (les journaux). Inutile de m'envoyer des messages et des regards soupçonneux. J'ai gagné 2,20 €  hier au quinté plus (bonus 3), c'est tout. Ce qui ne m'empêche pas de partir aujourd'hui faire bling bling sur la Côte d'Azur au cours de notre traditionnel séjour d'une semaine à Mandelieu-La Napoule.

Vie souterraine. Ce matin, alors que je chargeais l'auto pour les vacances, j'ai vu un voisin. On en voit peu dans notre nouveau clapier, on en entend à peine, on a toujours l'impression que les filles sont les seules à faire du bruit, on n'arrête pas de dire chut. Le voisin, je ne sais à quel étage il crèche mais c'est notre plus proche voisin de parking. Il a une grosse auto, une Porsche Cayenne, ce n'est pas que je m'y connais mais c'est la bétaillère que Tony Soprano achète à sa femme, on voit le standing, à côté, tout autre véhicule a l'air d'une tondeuse à gazon. Le voisin est aimable, il m'a dit bonjour. J'ai failli en tomber à la renverse avec mon chargement de valoches. Je pensais plutôt qu'il allait me demander de sortir les poubelles ou d'aller passer la wassingue sur son palier.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Epinal (Vosges), photo de l'auteur, 21 avril 2004.

DIMANCHE.
Agenda politique. "Nicolas Sarkozy est venu se ressourcer dans le Var chez les Bruni-Tedeschi" (Nice Matin). J'ai l'impression d'être suivi. Et si c'était lui qui avait gagné à l'Euro Millions ?

Lecture. Manèges. Petite histoire argentine (Laura Alcoba, Gallimard, nrf, 2007; 144 p., 12,90 € ; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2008).

TV. Taxi 2 (Gérard Krawczyk, France, 1999 avec Samy Naceri, Frédéric Diefenthal, Marion Cotillard; diffusé le soir même sur TF1).

LUNDI.
Lectures. La Fabrication d'un mensonge (Audrey Diwan, Flammarion, 2007, rééd. J'ai lu, 2008, coll. Nouvelle Génération n° 8641; 160 p., 4,80 € ; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2008).

Ecrits sur l'art 1867-1905 (J.-K. Huysmans, Bartillat, 2006, édition établie par Patrice Locmant; 600 p., 40 €).
"Cette édition rassemble pour la première fois l'ensemble des écrits sur l'art que Huysmans publia entre 1867 et 1905, dont 40 textes jusqu'alors inédits en volume" (quatrième de couverture).
Quand Huysmans se mêle d'écrire sur la peinture, on peut lui accorder une certaine légitimité : descendant de Cornélius Huysmans, peintre flamand du XVIIe siècle, arrière-petit-fils de sculpteur, petit-fils et fils de peintre, neveu d'un professeur de peinture, il est du bois dans lequel on taille les pinceaux. Son oeil est sûr, sa culture technique et historique sans faille, il peut même discuter de questions de datation ou d'attribution avec une certaine autorité. Il sait aussi distinguer une croûte d'un tableau et on peut constater aujourd'hui qu'après l'épreuve du temps, ses jugements tiennent la route : chez ses contemporains, il défend Manet, Caillebotte, Degas, et bien d'autres qui sont loin d'être admis à l'époque. Avec l'oeil, Huysmans a aussi la plume. Ses enthousiasmes et ses détestations (car il ne lui suffit pas de dire ce qu'il aime, il faut qu'il dise haut et fort ce qu'il déteste) sont portés par un style, une écriture qui sont ceux du romancier que l'on connaît. Pour rester dans le domaine pictural, on peut dire que sa palette lexicale est d'une incroyable richesse. Huysmans aime les mots, les mots précis, les mots rares. On découvre avec lui des fonds sardinés, des toiles médullaires, des amorces tépides, des transports véhétrients, des âmes fébricitantes, des chairs burgautées, des âmes dimidiées, des étoffes orfrazées - et on se limite ici aux adjectifs - sans trop savoir si ces termes ont existé, existent encore ou si Huysmans néologise à tout va, fort d'une belle connaissance des lettres classiques et de l'étymologie. C'est dans les attaques qu'il est certes le plus inventif. Ses comptes rendus des Salons (de 1879 à 1887), "orgies de médiocrité, saturnales de sottise", où est exposé tout ce qu'il déteste (l'art officiel, académique, Bastien-Lepage, Bouguereau, Cabanel et autres) sont de véritables champs de mines : "Je pensais que le monsieur en caleçon de bain blanc était un masseur, et que la femme soulevant le rideau disait simplement "Le bain est prêt" (description d'une Mort de l'empereur Commode); "Saint Jean-Baptiste tient sa coquille pleine comme un athlète tient des haltères. Tudieu ! quel effort pour rien ! Je regrette qu'il n'y ait pas sur les bras de ces lutteurs des tatouages bleus "A toi, Adèle, pour la vie !"; "Après Sidonie, nous passons maintenant à Thérèse, la tête de carton qui sert à essayer des bonnets dans les vieilles merceries"; "Ce n'est même plus de la porcelaine, c'est du léché flasque; c'est je ne sais quoi, quelque chose comme la chair molle du poulpe", variante : "c'est de la chair blanchâtre d'escargot dégorgé, avant le persillage"; "cet ensemble de têtard de saule enveloppé d'un peignoir de bain" (le Balzac de Rodin, Huysmans fait aussi dans la sculpture); "C'est un petit vieux qui bigle et qui est ratatiné, comme confit dans de l'alcool; il y a du foetus dans ce malheureux" (description d'une Vierge à l'Enfant), "grillage infundibuliforme, suppositoire solitaire et criblé de trous" (la Tour Eiffel), etc. La construction des textes est immuable : d'abord la description, le souci de donner à voir, puis la technique et éventuellement l'interprétation, quelquefois des considérations plus générales, un souci de décloisonner les arts, de joindre peinture et littérature, une défense de l'infra-ordinaire paysager ("Il n'y a pas plus de grande qu'il n'y a de moyenne et de petite nature. Il existe une nature aussi intéressante à rendre quand elle se dénude et pèle que lorsqu'elle exubère et rutile en plein soleil. Il n'y a pas de sites plus nobles les uns que les autres, il n'y a pas de campagnes à mépriser..."), une étude de la représentation de l'enfant Jésus dans la peinture religieuse. Les textes de Huysmans, au fil des années, évoluent, comme ses centres d'intérêt, et l'on peut tracer un parallèle entre sa vie, ses romans et ses textes sur l'art. Au Huysmans naturaliste des débuts correspond la défense des impressionnistes, la Nana de Manet, la Rolla de Gervex ne sont autres que les cousines de la Marthe de son premier roman, elles sortent du même ruisseau. Puis l'intérêt se déplace de l'impressionnisme au symbolisme : Huysmans écrit A rebours et défend Gustave Moreau, Odilon Redon, Félicien Rops. Et puis c'est la conversion finale, le catholicisme illuminé, En route (1895), et les écrits sur l'art deviennent des écrits mystiques. C'est la peinture religieuse qui, seule, peut trouver grâce à ses yeux et cela donne des pages enflammées sur Grünewald, van der Weyden et le Maître de Flémalle. Cet itinéraire est très bien analysé par Patrice Locmant dans une préface qui donne envie de lire la biographie de Huysmans dont il est également l'auteur.

TV. Oliver Twist (téléfilm américain de T. Bill, 1998; diffusé le soir même sur Gulli).

MARDI.
Lecture. Hors jeu (Bertrand Guillot, Le Dilettante, 2007; 288 p., 19,50 € ; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2008).

TV. La Boum 2 (Claude Pinoteau, France, 1982 avec Sophie Marceau, Claude Brasseur, Brigitte Fossey; diffusé le soir même sur TMC).
On l'aura remarqué depuis quelque temps : les filles ont fait main basse sur la télécommande.

MERCREDI.
Lecture. Héroïque (Iris Wong, Stock, 2007; 198 p., 16 € ; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2008).
Fin de mes devoirs de vacances, quatre premiers romans à lire pour le Prix Fallet. Trois se sont avérés lisibles, ce qui est mieux que d'habitude. On a ici une cuvée d'auteurs qui, apparemment, ont décidé de jouer la modestie (tendance, la modestie, vois ce qu'on dit d'Anna Gavalda dans Libération cette semaine : "elle a su capter et retranscrire ce ton sympa, assez boy-scout, hanté par le souci d'être simple, de ne paraître ni arrogant ni intello, de ne surtout pas faire le malin") : pas de grandes envolées lyriques, pas de prétention démesurée, pas de métaphores à la noix, juste le souci de raconter. J'aime bien les histoires, sinon je ne lirais pas autant de polars et je ne regarderais pas autant de navets, et j'avoue avoir suivi avec intérêt celles des trois premiers livres que j'ai lus. Pour ce qui est de choisir celui qui dépasse un peu les autres, on n'en est pas encore là.

TV. Football : FC Barcelone - Manchester United 0 - 0 (en direct sur TF1).
Hé hé, j'ai récupéré la télécommande...

JEUDI.
TV. Pas de TV. Ce soir, c'est Sarkozy pour tous. La télécommande a disparu.

SAMEDI.
Retour. Fin de la tranche napoulitaine de l'année. La remontée vers le nord s'effectue sans problème. Au courriel qui m'attend at home, deux demandes d'abonnement aux notules, dont une assortie d'une question de vocabulaire : "si une femme ayant étudié la pharmacie est donc pharmacien, qu'elle n'est pharmacienne que si elle épouse pharmacien, que peut-on dire du mari de la pharmacien s'il n'est pas lui-même pharmacien ?" Ma réponse : "Pour ce qui est du point de vocabulaire que vous soulevez, je me présente en général comme pharmacien par alliance, pharmacien morganatique ou pharmacien putatif, c'est selon."

L'Invent'Hair perd ses poils.


Epinal (Vosges), photo de l'auteur, 1er mai 2004

Bon dimanche.