Notules dominicales 2008
 
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Notules dominicales de culture domestique n°373 - 2 novembre 2008

DIMANCHE.
Vie familiale. Nous passons la journée près de Montbéliard où se déroule le baptême de ma dernière nièce. Notre Renault se fait remarquer dans ce pays où Peugeot est roi. Curieux aussi de voir comment ici la vie s'arrête au moment où le coup d'envoi de Nancy - Sochaux est donné. Les mômes ont enfilé le maillot jaune et ont l'oreille collée à Radio France Belfort qui retransmet la partie, les grands aimeraient partager les écouteurs.

Vie littéraire. Mes chroniques d'Histoires littéraires annoncées la semaine dernière sont désormais en ligne.

Courriel. Une demande de désabonnement aux notules.

MARDI.
TV. Comme chaque semaine, je regarde en différé La grande librairie, la nouvelle émission littéraire diffusée sur France 5 depuis la rentrée. Ça fait partie de mon boulot pour Histoires littéraires mais ce n'est pas toujours une corvée. Bon, ce soir (l'émission de jeudi dernier donc), il faut bien dire que ce n'est pas farouche, les élucubrations philosophiques de Juliette Binoche sont un rien tartignoles, mais ma fidélité au poste sera récompensée. Le portrait du libraire qui accompagne chaque livraison est consacré aujourd'hui au tenancier de L'Esperluette, à Chartres. Le nom qui s'affiche me dit quelque chose. Je consulte l'ordinateur, c'est bien ce que je pensais, l'homme est notulien, et ce depuis juillet dernier. Les notuliens sont pour beaucoup des noms sans visages, je m'en aperçois en poursuivant l'examen de ma liste d'abonnés. Il y a d'abord le noyau dur, parents, amis, collègues, ceux que je côtoie depuis longtemps. Ils sont une petite cinquantaine, dont une dizaine, le noyau dur de dur, à qui j'ai proposé l'abonnement au début de l'aventure, tous les autres notuliens étant des victimes consentantes. Qu'importe ce que je raconte, ils ne le lisent peut-être même pas, ce sont des gens polis et ils resteront notuliens jusqu'au bout. Ensuite, il y a le noyau géographique, les locaux, qui me connaissent de loin, que je connais un peu, une bonne quinzaine. Après, le noyau perecquien, une demi-douzaine, pas plus, que je connais parce que je les ai rencontrés au séminaire Perec. Le cercle suivant est le plus impressionnant. C'est le cercle littéraire, des auteurs, des photographes, des gens connus et reconnus, une quinzaine tout de même, dont la présence, si elle m'étonne et m'honore, ne me fait pas oublier que je ne suis qu'un petit rigolo. Mais le gros de la troupe, la maxima turba, est constitué d'anonymes, plus d'une centaine dont je ne sais rien de plus que le nom. Encore que : certains écrivent aussi sur des blogs ou des sites, certains m'envoient des mots et peu à peu j'ai appris à connaître le psychiatre parisien, le collègue niçois, le libraire lyonnais, la correctrice inflexible et quelques autres. Mais je sais désormais comment les repérer : je vais regarder davantage la télévision, à l'affût des trognes notuliennes.

MERCREDI.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules. Ça compense.

JEUDI.
Vie ferroviaire. Je monte dans le 6 heures 23 à destination de Paris. Une heure plus tard, je m'aperçois que j'ai oublié de composter mon billet. L'habitude de la carte d'abonnement pour mes trajets professionnels m'a fait perdre certains usages. Je renonce au roupillon que j'étais sur le point d'entreprendre pour me mettre en chasse. J'arpente le dur, c'est long un TGV, à la recherche du contrôleur : il est bien précisé au dos du billet que je peux régulariser ma situation "au tarif de bord" si je me présente de ma propre initiative au chef de train "aussitôt après le départ". Il faut non seulement que je trouve l'homme à la casquette dans les meilleurs délais, mais en plus que je le coince dans un soufflet, je n'ai pas envie d'étaler ma disgrâce aux yeux et aux oreilles d'une wagonnée entière. La chance me sourit, je chope l'homme à l'endroit idoine, il m'absout sans contrepartie financière et je peux regagner ma place débarrassé de ma condition de délinquant ferroviaire. Je n'aurai, dans mon parcours, pu accrocher qu'un titre de livre, La nuit dernière au XVe siècle de Didier Van Cauwelaert (Albin Michel), il y en avait bien d'autres mais j'avais la tête ailleurs.

Vie parisienne. J'aimerais bien poursuivre ma Mémoire louvrière dans l'ordre mais les salles de mon circuit habituel sont fermées le jeudi et je dois faire une entorse à mon programme pour étudier, au même deuxième étage de l'aile Richelieu, deux salles de peinture française du XVe siècle. Changement d'aile ensuite pour voir, dans le cadre de l'exposition "Picasso et les maîtres", le travail réalisé à partir du tableau de Delacroix, Femmes d'Alger dans leur appartement. Ce n'est pas grand-chose, sûrement, à côté de ce qu'on peut voir au Grand Palais mais ça suffit à donner le vertige. En trois mois de travail et une quinzaine de toiles, Picasso tourne autour de l'oeuvre, la phagocyte, se l'approprie en expulsant Delacroix pour mettre à la place des personnages du maître ses propres veilleuse assise et danseuse allongée. Avant d'aller travailler à la Bilipo, je fais un tour dans le quartier des Halles où je dois venir lire, la semaine prochaine, quelques brimborions de notules. Je suis tellement sûr de moi sur ce coup-là que j'ai besoin de reconnaître le secteur, de chronométrer mes trajets pour éviter tout impair.

Lecture. La Versification (Jean-Michel Gouvard, Presses Universitaires de France, 1999, coll. Premier Cycle; 310 p., 99 F).
Ce n'est que par la pratique, la lecture des poètes que j'ai acquis quelques notions de versification et j'avais besoin d'un ouvrage théorique, notamment pour les questions de rythme qui m'ont toujours paru un peu obscures. Avec ce traité, je suis servi : c'est du sérieux, de l'universitaire, du rigoureux. L'auteur examine successivement la syllabe, l'accent, le mètre, la rime et la strophe sous toutes leurs coutures, dans toutes leurs variations formelles et historiques. Et des variations, il y en a : la versification, c'est comme l'orthographe, il y a les règles et, immédiatement derrière, les évolutions, les exceptions, les entorses, les innovations. Avec des exemples choisis pour chaque cas, Gouvard parvient à tracer un parcours à peu près clair dans ce magma. La tâche est ardue et le lecteur a parfois du mal à s'accrocher. Cela fera en tout cas un bon ouvrage de référence à consulter pour éviter de dire des âneries en cours. Un regret : la part trop réduite des innovations du XXe siècle. Il semble que quelques audaces oulipiennes auraient mérité d'être traitées et que, pour ne prendre qu'un exemple, le vers libre méritait un peu plus que les deux pages qui lui sont consacrées.

VENDREDI.
Vie parisienne (suite). "Des Prix", XIIe Colloque des Invalides au Centre Culturel Canadien, rue de Constantine. Une nouveauté par rapport aux années précédentes : les notuliens, déjà présents au rang d'organisateurs du colloque et au sein du public, investissent désormais la tribune. Pas massivement, pas encore du moins, mais on note une communication très scientifique, au sens pataphysique, d'Alain Zalmanski, malheureusement trahi par le temps et porteur d'un matériel dépassant largement les cinq minutes allouées à chaque orateur. En tout cas, c'est une brèche et rien ne dit que le notulographe lui-même ne s'y engouffrera pas un jour. "Des Prix", donc. Dans un colloque littéraire, on s'attend à entendre parler des Goncourt, des Nobel et autres breloques. Le sujet sera traité et fera même, c'était quasiment obligatoire, l'objet d'un débat pas vraiment neuf sur les jurys littéraires, les copinages et les conflits d'intérêt. Mais les Invalides ont des vues plus larges et traiteront aussi de prix moins connus (le Prix du plus mauvais roman décerné en 1923, le Prix sans nom imaginé par Henry Poulaille en 1925), des prix scolaires, des Prix de Rome, des prix de beauté, des prix de vertu (ce qui donnera lieu à une longue discussion sur la survie des rosières), des prix dans le domaine économique aussi, jusqu'au feu d'artifice zalmanskien qui mènera l'assistance du village de Prix (Aveyron) aux prix pratiqués par Auchan en passant par les prix à réclamer de Maisons-Laffitte.


A la tribune, de gauche à droite : Alain Zalmanski, Jean-Pierre Bacot, Dominique Noguez et Christophe Bourseiller

Lecture. De la Providence (De Providentia, Sénèque, 41 ?, traduction par E. Bréhier, revue par J. Brunschwig, rubriques, notice et notes par J. Brunschwig in Les Stoïciens, Gallimard, 1962, Bibliothèque de la Pléiade n° 156; 1504 p., 52,90  ).
On s'approche des fameuses Lettres à Lucilius, à qui est dédié ce petit traité. La question à laquelle Sénèque se propose de répondre est celle-ci : pourquoi les hommes de bien ne sont-ils pas exempts de malheurs, malgré l'existence de la Providence ? La réponse est nette : les malheurs sont utiles à l'homme de bien, ils ont une valeur exemplaire pour tous les hommes. En conséquence, l'homme de bien doit les accepter, d'autant plus que ce ne sont pas de véritables malheurs mais des épreuves envoyées pour les fortifier. C'est un texte limpide, d'une grande tenue, le meilleur à figurer pour l'instant dans cette anthologie avec une belle prosopopée finale, dans laquelle Sénèque donne la parole à Dieu : "Cela même qu'on appelle mourir, cette séparation de l'âme et du corps est trop brève pour qu'un événement si rapide puisse être senti. Soit qu'un lacet vous étrangle, soit que l'eau arrête la respiration, soit que la dureté du sol brise le crâne de ceux qui s'y précipitent, soit que le feu que vous avalez interrompe le cours de l'air respiré par la bouche, tout cela va vite. Eh quoi ! n'avez-vous pas honte ? Ce qui se passe si vite, vous en avez peur vraiment longtemps !"

SAMEDI.
Itinéraire patriotique départemental. Enregistrement du monument aux morts de Châtenois.

IPAD. 13 mai 1999. 146 km (1016 km).


208 habitants

Le monument se tient au bord d'une place, face à la Mairie, où des gamins jouent au foot. Des cérémonies du 8 mai demeurent une gerbe et deux drapeaux, ainsi que les outils du cantonnier qui a nettoyé les abords. La stèle, de petite taille, se dresse au-dessus de deux marches entourées d'une grille. Un empilage de bûches sculptées sépare la colonne en deux.


Sur la partie supérieure :
BRUAUX Léon
BRUAUX Emile
BEGIN Robert
GALAND Louis
CHOGNOT Roger
LAURENT Emile
TANEUR Auguste
CHAUMONT Edmond
LAURENT Charles
CHARPENTIER Georges

En dessous des bûches :
La Commune d'Aouze
A ses enfants
Morts pour la France
1914-1918

Sur le côté droit :
CUNIN Abel
CUNIN Emile
BAJOLET Georges

1939-1945

CHAUFFOUR Jean
ROGEL Jean
ROLIN Marcel

Sur le côté gauche :
SIMON Julien
FLORENTIN Emile
POIRISSE Gaston

1939-1945

CHARPENTIER Georges

Ce dernier nom a donc été victime de deux guerres. Funeste homonymie ?

L'Invent'Hair perd ses poils.


Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), photo de Bernard Visse, 8 mai 2005

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°374 - 9 novembre 2008

DIMANCHE.
Lecture. La Confession (The Confession, Domenic Stansberry, 2004, J'ai Lu, coll. Hard Case Crime n° 3 pour la traduction française, traduit de l'américain par Benoît Domis; 320 p., 7 €).
Sous le slogan "100% noir 100 % inédit", J'ai Lu ouvre une nouvelle collection policière rassemblant des inédits de 1950 à nos jours. Les valeurs sûres sont au rendez-vous des premiers numéros, Ed McBain, Max Allan Collins et Domenic Stansberry qui fait un beau parcours en Série Noire. Il présente ici un psychiatre travaillant pour la justice américaine, à la vie facile et aux nombreuses maîtresses. Plusieurs de celles-ci succombent à une mort violente, ce qui amène la police à soupçonner le psychiatre dont on lit ici la version des faits. L'auteur joue habilement sur l'apparente sincérité du narrateur qui se dit innocent mais que le lecteur ne peut s'empêcher de soupçonner. Un polar habile, nerveux, à l'intrigue beaucoup plus limpide que Les Mystères de North Beach du même auteur.

Itinéraire patriotique départemental. Enregistrement du monument aux morts de Châtillon-sur-Saône.

MARDI.
Vie littéraire. Je farfouille dans le monceau de notules pour trouver des extraits à lire vendredi.

MERCREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules en provenance d'Istanbul.

JEUDI.
Train fantôme. C'est la fin des vacances. Pour la première fois depuis septembre, je prends l'auto pour aller au boulot. Arrivé à hauteur de la gare de Châtel-Nomexy, je jette un oeil alentour pour voir si des fois je ne descendrais pas du train et si je ne pourrais pas, à l'instar de ce que font chaque jour nombre de collègues, parents d'élèves ou anciens élèves compatissants, me prendre à bord pour m'éviter les deux kilomètres de grimpette qui me séparent du collège. Idée totalement saugrenue, j'en conviens, puisqu'à cause de la grève, il n'y a pas de train.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

VENDREDI.
Vie littéraire. Je termine mes cours à 13 heures et pars à 15 pour Paris où je dois participer à une rencontre lecture dans le cadre des ateliers de remue.net. C'est au Centre Cerise, rue Montorgueil, je suis venu reconnaître les lieux la semaine dernière, je l'ai déjà dit, ce qui me permet d'arriver à l'heure et sans encombre. La salle n'est pas immense mais se trouve vite remplie, il y a donc bien un public pour ça. La curiosité et l'intérêt des gens m'émerveillent, tout comme le travail de ceux qui bossent pour la mise en forme et la diffusion des textes de publie.net. C'est la belle équipe. Bon, pas de temps à perdre, il y a une douzaine d'auteurs lecteurs plus un débat à suivre, il faut que ça tourne, cinq six minutes chacun, il y en a qui trichent un peu mais ce n'est pas bien grave. Je passe en cinquième position derrière Antoine Boute dont la parodie de conférence fait marrer tout le monde. On est humain, vous savez ce que c'est, j'aurais préféré passer à la suite d'une prestation plutôt moyenne, quand on se présente à un concours de beauté, on préfère défiler derrière un louchon ou un pied-bot, c'est mieux pour le contraste. A moi. J'ai choisi trois notules, trois portraits, le garagiste, le boucher, l'éclusier. Je lis ça raide comme un piquet de parc, la voix trop basse, sans grain, sans relief mais sans chevrotement, ça passe, personne ne me lance de cailloux, place aux autres. La mi-temps avant le débat permet de rencontrer, de retrouver ou de découvrir quelques membres de la notulie capitale et circonvoisine, ce qui est toujours un plaisir. Tous les détails sur la soirée, les fichiers son, les photos sont déjà accessibles grâce à la diligence de François Bon et Pierre Ménard : http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1475

SAMEDI.
IPAD. 24 mai 1999. 25 km (1041 km).


1737 habitants

La fête foraine s'est installée sur la place de l'église, à laquelle le monument fait face. C'est un bloc de grès trapézoïdal dressé sur un terre-plein gazonné où sont plantés des rosiers. Des chaînes le relient à des plots de grès, placés en avant. A gauche, un drapeau au sommet d'un mât.


photo prise le 10 juillet 1999

On trouve plusieurs motifs sculptés sur la surface du bloc : une croix au centre, un Poilu casqué, plusieurs végétaux dont une gerbe portant les lettres VCA.
Il y a quatre colonnes de noms, réparties de chaque côté de la croix sous l'inscription Aux enfants d'Arches morts pour la France et, au pied du monument, les dates 1914-1918.
La première colonne, à gauche, compte 22 noms, d'ANGLARD Alphonse à GABAUDE Marius.
La deuxième, 13 noms de GEGONNE Henri à HEROLD Auguste puis, sous les dates 1939-1944, 9 noms de DANIEL Abel à VITU Georges.
La troisième, 14 noms de HEROLD Jules à LOLL Marcel puis, sous l'inscription Fusillés, CHAMPREUX Maurice et GRANDCLAUDON Gaston. Enfin, sous la mention FFI, 6 noms de BICHOTTE Robert à ROST Jean.
La quatrième, 22 noms de LOTHAMMER Joseph à VINEL Léon.
On dénombre 5 LECOANET dans les victimes de 14-18. (à suivre)

L'Invent'Hair perd ses poils.


Paris, quartier rue de Valois, photo de Bernard Visse, 1er juin 2005

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°375 - 16 novembre 2008

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. Je fais un bredouille à Chauffecourt, repasse par Avrainville pour refaire une photo ratée. Je sais bien que si je me mets en tête de reprendre toutes les photos ratées il faudra que je refasse tout le parcours mais celle-ci l'était particulièrement.

MARDI.
Vie laborieuse. Il y a du pain sur la planche et ce jour de congé est le bienvenu. La lecture parisienne de la semaine dernière, si elle n'a pas donné lieu à autant d'appréhension que je le craignais, m'a tout de même un peu paralysé ces derniers temps. Ça en valait la peine et les échos sont très positifs mais pendant ce temps-là, le boulot s'est accumulé et je me retrouve avec 1400 pages à lire pour Histoires littéraires, la chronique pour les mêmes qui va bientôt tomber, un Bulletin Perec à rédiger, sans parler du travail scolaire qui va devenir rapidement pesant et des chantiers qu'il faut alimenter. Maintenant que l'IPAD donne lieu à une livraison hebdomadaire, il me faut de la réserve, j'en ai mais ça fondra vite et il faut maintenir le rythme d'un monument par semaine au moins. Celui auquel je me rends ce matin n'est pas encore à photographier, c'est trop tôt puisque c'est à Épinal, à Saint-Laurent, dans le quartier de la pharmacie. Alice a été réquisitionnée pour la cérémonie, qui se déroule dans des conditions climatiques épouvantables. L'après-midi, je reprends le cours normal avec un coup double, l'enregistrement des monuments de Chaumousey et Chavelot qui se trouvent par chance aux portes de la ville.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

MERCREDI.

Vie perecquienne. Voilà, c'est fait, le Bulletin Perec n° 53 est bouclé, encore une ou deux relectures et je l'envoie à Bernard Magné. Une soirée et une journée de travail, c'est beau. Quand je pense que le premier Bulletin confectionné par mes soins m'avait fait transpirer pendant trois semaines... On progresse, on progresse.

Vie familiale. Alice est une petite fille de son temps. C'est-à-dire qu'à l'âge où je jouais au Tour de France avec mes coureurs en plastique, elle entretient son blog. Je ne m'en mêle pas mais j'ai découvert aujourd'hui que sur la page "profil" dudit blog, à l'endroit où il faut faire la liste de ce qu'on aime et n'aime pas elle a inscrit, dans la seconde rubrique : "les disques de mon père". Et pourtant, elle n'a pas tout entendu. Demain, au réveil, La Marseillaise revisitée par Albert Ayler, ça va lui faire drôle.

JEUDI.
Obituaire. J'apprends par Alain Zalmanski la mort de François Caradec, membre de l'Oulipo et puits de science pour tout ce qui concerne la littérature, la 'Pataphysique et Paris. Je l'avais croisé plusieurs fois aux Colloques des Invalides. Je ne m'étonne plus de son absence lors de la dernière édition.

VENDREDI.
Lectures. Journal 1966-1974 (Jean-Patrick Manchette, Gallimard, 2008; 642 p., 26 €).
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.
Citation : "Des critiques commencent à sortir sur Nada en avant-première (le film sort le mercredi 6 février). Elles sont mauvaises, encore que dans un cas, le notuleur ne tarit pas de grandioses éloges à mon endroit..." En 1974, on ne disait donc pas encore notulographe. Il était temps que j'arrive.

Bibliolexique à l'usage de l'amateur de livres (Jean-Paul Fontaine, éditions des Cendres; 48 p., 12 €)
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.

SAMEDI.
Football. SA Épinal - Chaumont FC 2 - 0.

IPAD. 24 mai 1999. 25 km (1041 km). Suite.


1038 habitants

L'ordre alphabétique a enfin du bon. Seul un pont sur la Moselle sépare Arches d'Archettes. Une stèle en marbre est dressée entre la Mairie et l'école de garçons, au centre d'un parterre carré matérialisé par des grilles. La gerbe du 8 mai, fanée, est encore là.


A nos héros morts pour la France
1914-1918

Gauche : 23 noms d'AUBERT Auguste à DELON Charles, en dessous desquels on a ajouté INDOCHINE, CALVI René, TISSERANT Pierre. Dans cette liste, quatre AUBERT et quatre BALLAND.

Droite : 22 noms de DENIS Marcel à VINEL Maurice, suivis de 11 noms de DANY Robert à ORY Jules Fusillé sous les dates 1939-1945. Sur ces onze noms, cinq sont suivis de la mention FFI.

L'Invent'Hair perd ses poils. Pour cette semaine, un salon Armistifs s'imposait mais je n'en ai pas encore en stock.


Paris, boulevard Voltaire, photo de Bernard Visse, 1er juin 2005

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°376 - 25 novembre 2008

DIMANCHE.
Lecture scolaire. La Bibliothécaire (Gudule, Hachette, 1995; rééd. Le Livre de poche Jeunesse n° 547, coll. Fantastique, 2001; 192 p., s.p.m.).
Une fois de plus, je suis estomaqué devant le ton que certains auteurs se sentent obligés d'adopter dès qu'ils s'adressent à un jeune public. Complaisance, fausse complicité, démagogie de la langue, clins d'oeil appuyés, c'est proprement insupportable.
Extrait. "Un qui n'en revient pas non plus, c'est M. Pennac. L'attention avec laquelle Guillaume suit la leçon de grammaire, les efforts qu'il fait en dictée et en expression écrite le laissent pantois. Au lieu de rêvasser comme de coutume, ce paresseux-là travaille, ma foi ! Et comble du comble, demande à emprunter le dictionnaire de la classe, pour se perfectionner en vocabulaire. Alors là !" Alors là, on dit stop.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

LUNDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Un livre de Patricia Cornwell non identifié et Sido de Colette dans une édition de poche. Au retour, une habituée lit Est-ce ainsi que les femmes vivent ? de Malika Mokeddem et Marie-Louise Gourdon aux éditions de l'Aube.

MARDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Claude Michelet, Les Palombes ne passeront plus, Pocket fatigué. Apparemment passionnant.

MERCREDI.
Lecture. Modernités n° 27 (Presses Universitaires de Bordeaux, 2008; 480 p., 26 €).
"Mauvais genre. La satire littéraire moderne", textes réunis et présentés par Sophie Duval et Jean-Pierre Saïdah.
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.

JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). John Case, Le premier cavalier de l'Apocalypse en Livre de Poche. Au retour, en attendant le 12 heures 03 dans l'abribus à trains qui sert de gare à Châtel-Nomexy, un voyageur attend en sifflotant. Il enchaîne les airs parmi lesquels je reconnais "L'hymne à la joie" de Beethoven suivi, sans transition, des "Lacs du Connemara" de Michel Sardou et plus tard d'un cantique dont les paroles doivent être, si je m'en souviens bien, "Les mains ouvertes devant toi Seigneur". Le reste est copieux mais indéfinissable, l'homme siffle très mal et il y a du bruit, des véhicules qui passent. Le train arrive, je prends soin de ne pas monter dans la même voiture que le pinson local.

Vie immobilière.
Ce soir, rencontre avec un chauffagiste qui vient présenter son devis pour le changement de la chaudière. Son sbire était venu pour l'entretien, il y a quelques semaines, et n'avait pas caché sa perplexité devant le résultat annoncé par son détecteur de monoxyde de carbone. En fait son appareil n'affichait aucun chiffre, le taux étant si élevé qu'il dépassait ses paramètres. Bien que n'étant pas spécialiste, je soupçonnais tout de même que ces émanations étaient un peu moins inoffensives que celles provenant d'un bâtonnet d'encens et j'avais interrogé l'homme sur nos chances de survie dans un tel environnement. La réponse fut lapidaire : "De toute façon, vous ne sentirez rien". Ça se voulait peut-être rassurant. N'empêche, depuis, on respire le moins possible et on surveille la gerbille, qui devrait nous précéder dans l'au-delà en cas de coup dur. Bien sûr, le devis est élyséen et atteint une somme qui n'existe pas sous nos latitudes bancaires. Il faudrait discuter, finasser, questionner, savoir si cet homme, qui tient absolument à tuber la cheminée, n'en profiterait pas un peu pour nous entuber par la même occasion. Il faudrait voir la concurrence, comparer, mettre en compétition mais ce n'est pas dans mes cordes. C'est dans des situations comme celle-là que j'aimerais être un gros malin. A longueur de journée, au bistrot, au boulot, à la pharmacie, partout, on entend des gros malins qui racontent comment ils sont parvenus à obtenir tel produit ou service que seuls les bons couillons dans mon genre acceptent de payer au prix qui figure sur l'étiquette. Le monde est plein de gros malins. Le gros malin sait se débrouiller pour ne pas payer ses PV, éviter les radars, obtenir une remise de son marchand d'autos ou de légumes, connaît d'infaillibles coins de champignons et de pêche et donne pour un coup sûr l'as dans la cinquième à Vincennes avant de disparaître mystérieusement au moment de l'arrivée. Le gros malin est à tu et à toi avec son dentiste et son garagiste, il connaît un médecin, un avocat, un notaire, un carreleur, un assureur qui n'ont apparemment qu'un rêve dans la vie : abandonner toutes affaires cessantes ce qu'ils ont sur le feu pour lui rendre service à vil prix. Le gros malin gagne plus de sous que vous, mais il dépense moins. Le gros malin est un as de l'informatique, un héros du Net grâce à quoi il multiplie les bonnes affaires et les belles rencontres. Quand vous croisez un gros malin à une manifestation, à un match, à un spectacle, il ne manque jamais de vous demander combien vous avez payé votre place avant de vous montrer son invitation. Le gros malin fait des enfants qui sont presque aussi horripilants que lui. Le gros malin fait du "moi je" un sésame qui ouvre toutes ses phrases. Le gros malin, je l'avoue, m'énerve un peu.

SAMEDI.
IPAD. 11 juillet 1999. 145 km (1186 km).


77 habitants

Le monument est commun aux villages d'Aroffe et de Soncourt, distants d'un ou deux kilomètres l'un de l'autre. Ce sont deux villages assez coquets, fleuris en cette saison, situés au nord-ouest du département, aux confins de la Meurthe-et-Moselle. La stèle est adossée au côté de l'église, au centre d'un enclos grillagé, et flanquée de deux mâts supportant chacun trois drapeaux. Sur le fût, une croix et une Légion d'honneur portant un drapeau tricolore fraîchement repeint.


A nos morts
1914-1918

AROFFE SONCOURT

C. DIDELOT 1914 A. KUNG 1914
A. DUVAL 1915 P. CHAUVELOT 1916
A. CUNIN 1915 C. GRANDJEAN 1916
R. DURAND 1916 C. DROUOT 1918
E. BASTIEN 1916 A. SINGER 1918
G. CLAUDE 1916 F. DAEUBLE 1918
L. ADAM 1940 A. MARIOTTE 1918

Les communes reconnaissantes

Plus bas :

BOURGUIGNON Louis L. LEFEVRE 1887
BUCHENWALD H. ZILOCCHI 1918
29.3.44 E. MASSON 1892

Plus bas encore, une gerbe et une plaque :

A ceux dont le sacrifice nous a donné la victoire

Contre la grille, une plaque :

UNC AFN

Sur le côté droit :

SONCOURT

L. TOCQUART 1954

Sur le côté gauche :

AROFFE

A. FOURNY 1956

Chaque conflit a fait sensiblement autant de morts dans les deux villages. On se doute que si l'un des deux avait eu le double de tués que l'autre, la construction d'un monument commun aurait été plus problématique. A Aroffe, tous les noms des victimes commencent par les six premières lettres de l'alphabet.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Paris, rue de Lappe, photo de Bernard Visse, juin 2005

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°377 - 30 novembre 2008

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. Enregistrement du monument aux morts de Chef-Haut. C'est bien dans les Vosges, mais en route, j'ai l'impression de me trouver beaucoup plus loin. Au bout du monde, par exemple.

Emploi du temps prévisionnel. Pour demain matin, prévoir une demi-heure d'avance sur le réveil habituel pour cause de grève SNCF, le 7 heures 31 ne roule pas. Prévoir aussi une demi-heure supplémentaire pour cause de neige, ça tempête dru à cette heure. Il ne faudrait pas que d'autres contretemps s'annoncent sinon bientôt ça ne vaudra plus la peine d'aller au lit.

LUNDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Le Procès de Kafka en Folio.

MARDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Don Juan de Molière en petit classique Larousse à l'aller et Autobiographie d'un épouvantail de Boris Cyrulnik chez Odile Jacob au retour.

Vie politique. En écoutant le récit des palinodies qui forment le quotidien du Parti socialiste ces jours-ci, je songe avec un peu de nostalgie à un autre parti dont je me suis toujours senti plus proche et dont le secrétaire général était toujours élu avec plus de 90% des suffrages sans qu'aucune contestation ne s'élève.

MERCREDI.
Lecture. Faut pas pisser sur les vieilles recettes. San-Antonio ou la fascination pour le genre romanesque (Françoise Rullier-Theuret, Academia-Bruylant, 2008, coll. Au coeur du texte n° 12; 232 p., 27 €).
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.

JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Une dame lit Nouvelles dermatologiques. Elle est dans son droit, elle est dermatologue, je la connais. Il y a des illustrations, j'en aperçois quelques-unes à la volée. Sacré métier.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

VENDREDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). L'enfant en miettes : L'aide sociale à l'enfance : bilan et perspectives de Pierre Verdier (Dunod) vient conclure cette semaine où les passagers se sont montrés fort sérieux dans leurs lectures.

SAMEDI.
IPAD. 29 août 1999. 103 km (1289 km).


165 habitants

Le village se tient au sommet du col des Arrentès (altitude 684 mètres). J'ignorais l'existence de l'un et de l'autre. Le monument, joliment fleuri, est sur un terre-plein pavé face à la Mairie école. Il se compose d'une stèle centrale flanquée de deux stèles latérales de moindre taille.

Stèle de gauche :

1939 Hommage à nos héros

9 noms de PIANEZZE Pierre à LECOMTE Léon
(dont 2 CAEL et 3 CAGNOLATI)

Stèle de droite :

1945 Hommage à nos héros

8 noms de MARCHAL René à REINSTADLER René
(dont 2 MARCHAL et 3 PERRIN, plus un PATERNOSTER Nestor qui devait avoir des parents facétieux) *

Stèle centrale :

Aux enfants des Arrentès morts pour la France
1914-1918

Les noms sont sur les côtés :

ANTOINE André MARCHAL Léon
ANTOINE Adrien MARCHAL Léon
BARADEL André ORY Henri
BARTHELEMY Chéri ** PIERRAT Alcide
CENDRE Félicien PIERRAT Nicolas
CULY Armand REMY Camille
CUNIN Paul STOUVENEL Jules
FERRY Paul TISSERAND Paul
LEONARD Henri TISSERAND Prosper
MANGEL Charles VILLEMIN Henri
VOIRIN Adrien STOUVENEL Henri

* Les descendants le sont moins. Il y a un PATERNOSTER dans l'annuaire, platement prénommé Roger.
** !

Pendant que je recopie les noms, un yorkshire me tourne autour en aboyant. Juste avant que je l'ajuste d'un coup de tatane, sa maîtresse arrive et l'appelle : "Océane !"

L'Invent'Hair perd ses poils.


Marseille, photo Yves Lambert, 16 juin 2005

Bon dimanche.