Notules
dominicales de culture domestique n°373 - 2 novembre 2008
DIMANCHE.
Vie familiale. Nous passons la journée
près de Montbéliard où se déroule le baptême
de ma dernière nièce. Notre Renault se fait remarquer dans
ce pays où Peugeot est roi. Curieux aussi de voir comment ici la
vie s'arrête au moment où le coup d'envoi de Nancy - Sochaux
est donné. Les mômes ont enfilé le maillot jaune et
ont l'oreille collée à Radio France Belfort qui retransmet
la partie, les grands aimeraient partager les écouteurs.
Vie littéraire. Mes chroniques
d'Histoires littéraires annoncées la semaine dernière
sont désormais en ligne.
Courriel. Une demande de désabonnement
aux notules.
MARDI.
TV. Comme chaque semaine, je regarde
en différé La grande librairie, la nouvelle émission
littéraire diffusée sur France 5 depuis la rentrée.
Ça fait partie de mon boulot pour Histoires littéraires
mais ce n'est pas toujours une corvée. Bon, ce soir (l'émission
de jeudi dernier donc), il faut bien dire que ce n'est pas farouche, les
élucubrations philosophiques de Juliette Binoche sont un rien tartignoles,
mais ma fidélité au poste sera récompensée.
Le portrait du libraire qui accompagne chaque livraison est consacré
aujourd'hui au tenancier de L'Esperluette, à Chartres. Le nom qui
s'affiche me dit quelque chose. Je consulte l'ordinateur, c'est bien ce
que je pensais, l'homme est notulien, et ce depuis juillet dernier. Les
notuliens sont pour beaucoup des noms sans visages, je m'en aperçois
en poursuivant l'examen de ma liste d'abonnés. Il y a d'abord le
noyau dur, parents, amis, collègues, ceux que je côtoie depuis
longtemps. Ils sont une petite cinquantaine, dont une dizaine, le noyau
dur de dur, à qui j'ai proposé l'abonnement au début
de l'aventure, tous les autres notuliens étant des victimes consentantes.
Qu'importe ce que je raconte, ils ne le lisent peut-être même
pas, ce sont des gens polis et ils resteront notuliens jusqu'au bout.
Ensuite, il y a le noyau géographique, les locaux, qui me connaissent
de loin, que je connais un peu, une bonne quinzaine. Après, le
noyau perecquien, une demi-douzaine, pas plus, que je connais parce que
je les ai rencontrés au séminaire Perec. Le cercle suivant
est le plus impressionnant. C'est le cercle littéraire, des auteurs,
des photographes, des gens connus et reconnus, une quinzaine tout de même,
dont la présence, si elle m'étonne et m'honore, ne me fait
pas oublier que je ne suis qu'un petit rigolo. Mais le gros de la troupe,
la maxima turba, est constitué d'anonymes, plus d'une centaine
dont je ne sais rien de plus que le nom. Encore que : certains écrivent
aussi sur des blogs ou des sites, certains m'envoient des mots et peu
à peu j'ai appris à connaître le psychiatre parisien,
le collègue niçois, le libraire lyonnais, la correctrice
inflexible et quelques autres. Mais je sais désormais comment les
repérer : je vais regarder davantage la télévision,
à l'affût des trognes notuliennes.
MERCREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules. Ça compense.
JEUDI.
Vie ferroviaire. Je monte dans le
6 heures 23 à destination de Paris. Une heure plus tard, je m'aperçois
que j'ai oublié de composter mon billet. L'habitude de la carte
d'abonnement pour mes trajets professionnels m'a fait perdre certains
usages. Je renonce au roupillon que j'étais sur le point d'entreprendre
pour me mettre en chasse. J'arpente le dur, c'est long un TGV, à
la recherche du contrôleur : il est bien précisé au
dos du billet que je peux régulariser ma situation "au tarif
de bord" si je me présente de ma propre initiative au chef
de train "aussitôt après le départ". Il
faut non seulement que je trouve l'homme à la casquette dans les
meilleurs délais, mais en plus que je le coince dans un soufflet,
je n'ai pas envie d'étaler ma disgrâce aux yeux et aux oreilles
d'une wagonnée entière. La chance me sourit, je chope l'homme
à l'endroit idoine, il m'absout sans contrepartie financière
et je peux regagner ma place débarrassé de ma condition
de délinquant ferroviaire. Je n'aurai, dans mon parcours, pu accrocher
qu'un titre de livre, La nuit dernière au XVe siècle
de Didier Van Cauwelaert (Albin Michel), il y en avait bien d'autres mais
j'avais la tête ailleurs.
Vie parisienne. J'aimerais bien poursuivre
ma Mémoire louvrière dans l'ordre mais les salles
de mon circuit habituel sont fermées le jeudi et je dois faire
une entorse à mon programme pour étudier, au même
deuxième étage de l'aile Richelieu, deux salles de peinture
française du XVe siècle. Changement d'aile ensuite pour
voir, dans le cadre de l'exposition "Picasso et les maîtres",
le travail réalisé à partir du tableau de Delacroix,
Femmes d'Alger dans leur appartement. Ce n'est pas grand-chose,
sûrement, à côté de ce qu'on peut voir au Grand
Palais mais ça suffit à donner le vertige. En trois mois
de travail et une quinzaine de toiles, Picasso tourne autour de l'oeuvre,
la phagocyte, se l'approprie en expulsant Delacroix pour mettre à
la place des personnages du maître ses propres veilleuse assise
et danseuse allongée. Avant d'aller travailler à
la Bilipo, je fais un tour dans le quartier des Halles où je dois
venir lire, la semaine prochaine, quelques brimborions de notules. Je
suis tellement sûr de moi sur ce coup-là que j'ai besoin
de reconnaître le secteur, de chronométrer mes trajets pour
éviter tout impair.
Lecture. La Versification (Jean-Michel
Gouvard, Presses Universitaires de France, 1999, coll. Premier Cycle;
310 p., 99 F).
Ce n'est que par la pratique, la lecture des poètes que j'ai acquis
quelques notions de versification et j'avais besoin d'un ouvrage théorique,
notamment pour les questions de rythme qui m'ont toujours paru un peu
obscures. Avec ce traité, je suis servi : c'est du sérieux,
de l'universitaire, du rigoureux. L'auteur examine successivement la syllabe,
l'accent, le mètre, la rime et la strophe sous toutes leurs coutures,
dans toutes leurs variations formelles et historiques. Et des variations,
il y en a : la versification, c'est comme l'orthographe, il y a les règles
et, immédiatement derrière, les évolutions, les exceptions,
les entorses, les innovations. Avec des exemples choisis pour chaque cas,
Gouvard parvient à tracer un parcours à peu près
clair dans ce magma. La tâche est ardue et le lecteur a parfois
du mal à s'accrocher. Cela fera en tout cas un bon ouvrage de référence
à consulter pour éviter de dire des âneries en cours.
Un regret : la part trop réduite des innovations du XXe siècle.
Il semble que quelques audaces oulipiennes auraient mérité
d'être traitées et que, pour ne prendre qu'un exemple, le
vers libre méritait un peu plus que les deux pages qui lui sont
consacrées.
VENDREDI.
Vie parisienne (suite). "Des
Prix", XIIe Colloque des Invalides au Centre Culturel Canadien, rue
de Constantine. Une nouveauté par rapport aux années précédentes
: les notuliens, déjà présents au rang d'organisateurs
du colloque et au sein du public, investissent désormais la tribune.
Pas massivement, pas encore du moins, mais on note une communication très
scientifique, au sens pataphysique, d'Alain Zalmanski, malheureusement
trahi par le temps et porteur d'un matériel dépassant largement
les cinq minutes allouées à chaque orateur. En tout cas,
c'est une brèche et rien ne dit que le notulographe lui-même
ne s'y engouffrera pas un jour. "Des Prix", donc. Dans un colloque
littéraire, on s'attend à entendre parler des Goncourt,
des Nobel et autres breloques. Le sujet sera traité et fera même,
c'était quasiment obligatoire, l'objet d'un débat pas vraiment
neuf sur les jurys littéraires, les copinages et les conflits d'intérêt.
Mais les Invalides ont des vues plus larges et traiteront aussi de prix
moins connus (le Prix du plus mauvais roman décerné en 1923,
le Prix sans nom imaginé par Henry Poulaille en 1925), des prix
scolaires, des Prix de Rome, des prix de beauté, des prix de vertu
(ce qui donnera lieu à une longue discussion sur la survie des
rosières), des prix dans le domaine économique aussi, jusqu'au
feu d'artifice zalmanskien qui mènera l'assistance du village de
Prix (Aveyron) aux prix pratiqués par Auchan en passant par les
prix à réclamer de Maisons-Laffitte.
A la tribune, de gauche à droite
: Alain Zalmanski, Jean-Pierre Bacot, Dominique Noguez et Christophe Bourseiller
Lecture.
De la Providence (De Providentia, Sénèque,
41 ?, traduction par E. Bréhier, revue par J. Brunschwig, rubriques,
notice et notes par J. Brunschwig in Les Stoïciens, Gallimard, 1962,
Bibliothèque de la Pléiade n° 156; 1504 p., 52,90 ).
On s'approche des fameuses Lettres à Lucilius, à
qui est dédié ce petit traité. La question à
laquelle Sénèque se propose de répondre est celle-ci
: pourquoi les hommes de bien ne sont-ils pas exempts de malheurs, malgré
l'existence de la Providence ? La réponse est nette : les malheurs
sont utiles à l'homme de bien, ils ont une valeur exemplaire pour
tous les hommes. En conséquence, l'homme de bien doit les accepter,
d'autant plus que ce ne sont pas de véritables malheurs mais des
épreuves envoyées pour les fortifier. C'est un texte limpide,
d'une grande tenue, le meilleur à figurer pour l'instant dans cette
anthologie avec une belle prosopopée finale, dans laquelle Sénèque
donne la parole à Dieu : "Cela même qu'on appelle mourir,
cette séparation de l'âme et du corps est trop brève
pour qu'un événement si rapide puisse être senti.
Soit qu'un lacet vous étrangle, soit que l'eau arrête la
respiration, soit que la dureté du sol brise le crâne de
ceux qui s'y précipitent, soit que le feu que vous avalez interrompe
le cours de l'air respiré par la bouche, tout cela va vite. Eh
quoi ! n'avez-vous pas honte ? Ce qui se passe si vite, vous en avez peur
vraiment longtemps !"
SAMEDI.
Itinéraire patriotique départemental.
Enregistrement du monument aux morts de Châtenois.
IPAD. 13 mai 1999. 146 km (1016 km).
208 habitants
Le monument
se tient au bord d'une place, face à la Mairie, où des gamins
jouent au foot. Des cérémonies du 8 mai demeurent une gerbe
et deux drapeaux, ainsi que les outils du cantonnier qui a nettoyé
les abords. La stèle, de petite taille, se dresse au-dessus de
deux marches entourées d'une grille. Un empilage de bûches
sculptées sépare la colonne en deux.
Sur la partie supérieure :
BRUAUX Léon
BRUAUX Emile
BEGIN Robert
GALAND Louis
CHOGNOT Roger
LAURENT Emile
TANEUR Auguste
CHAUMONT Edmond
LAURENT Charles
CHARPENTIER Georges
En
dessous des bûches :
La Commune d'Aouze
A ses enfants
Morts pour la France
1914-1918
Sur le côté droit :
CUNIN Abel
CUNIN Emile
BAJOLET Georges
1939-1945
CHAUFFOUR Jean
ROGEL Jean
ROLIN Marcel
Sur le côté gauche :
SIMON Julien
FLORENTIN Emile
POIRISSE Gaston
1939-1945
CHARPENTIER Georges
Ce dernier
nom a donc été victime de deux guerres. Funeste homonymie
?
L'Invent'Hair perd ses poils.
Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), photo de Bernard Visse, 8 mai 2005
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°374 - 9 novembre 2008
DIMANCHE.
Lecture. La Confession (The
Confession, Domenic Stansberry, 2004, J'ai Lu, coll. Hard Case Crime
n° 3 pour la traduction française, traduit de l'américain
par Benoît Domis; 320 p., 7 €).
Sous le slogan "100% noir 100 % inédit", J'ai Lu
ouvre une nouvelle collection policière rassemblant des inédits
de 1950 à nos jours. Les valeurs sûres sont au rendez-vous
des premiers numéros, Ed McBain, Max Allan Collins et Domenic Stansberry
qui fait un beau parcours en Série Noire. Il présente ici
un psychiatre travaillant pour la justice américaine, à
la vie facile et aux nombreuses maîtresses. Plusieurs de celles-ci
succombent à une mort violente, ce qui amène la police à
soupçonner le psychiatre dont on lit ici la version des faits.
L'auteur joue habilement sur l'apparente sincérité du narrateur
qui se dit innocent mais que le lecteur ne peut s'empêcher de soupçonner.
Un polar habile, nerveux, à l'intrigue beaucoup plus limpide que
Les Mystères de North Beach du même auteur.
Itinéraire patriotique départemental.
Enregistrement du monument aux morts de Châtillon-sur-Saône.
MARDI.
Vie littéraire. Je farfouille
dans le monceau de notules pour trouver des extraits à lire vendredi.
MERCREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules en provenance d'Istanbul.
JEUDI.
Train fantôme. C'est la fin
des vacances. Pour la première fois depuis septembre, je prends
l'auto pour aller au boulot. Arrivé à hauteur de la gare
de Châtel-Nomexy, je jette un oeil alentour pour voir si des fois
je ne descendrais pas du train et si je ne pourrais pas, à l'instar
de ce que font chaque jour nombre de collègues, parents d'élèves
ou anciens élèves compatissants, me prendre à bord
pour m'éviter les deux kilomètres de grimpette qui me séparent
du collège. Idée totalement saugrenue, j'en conviens, puisqu'à
cause de la grève, il n'y a pas de train.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
VENDREDI.
Vie littéraire. Je termine
mes cours à 13 heures et pars à 15 pour Paris où
je dois participer à une rencontre lecture dans le cadre des ateliers
de remue.net. C'est au Centre Cerise,
rue Montorgueil, je suis venu reconnaître les lieux la semaine dernière,
je l'ai déjà dit, ce qui me permet d'arriver à l'heure
et sans encombre. La salle n'est pas immense mais se trouve vite remplie,
il y a donc bien un public pour ça. La curiosité et l'intérêt
des gens m'émerveillent, tout comme le travail de ceux qui bossent
pour la mise en forme et la diffusion des textes de publie.net.
C'est la belle équipe. Bon, pas de temps à perdre, il y
a une douzaine d'auteurs lecteurs plus un débat à suivre,
il faut que ça tourne, cinq six minutes chacun, il y en a qui trichent
un peu mais ce n'est pas bien grave. Je passe en cinquième position
derrière Antoine Boute dont la parodie de conférence fait
marrer tout le monde. On est humain, vous savez ce que c'est, j'aurais
préféré passer à la suite d'une prestation
plutôt moyenne, quand on se présente à un concours
de beauté, on préfère défiler derrière
un louchon ou un pied-bot, c'est mieux pour le contraste. A moi. J'ai
choisi trois notules, trois portraits, le garagiste, le boucher, l'éclusier.
Je lis ça raide comme un piquet de parc, la voix trop basse, sans
grain, sans relief mais sans chevrotement, ça passe, personne ne
me lance de cailloux, place aux autres. La mi-temps avant le débat
permet de rencontrer, de retrouver ou de découvrir quelques membres
de la notulie capitale et circonvoisine, ce qui est toujours un plaisir.
Tous les détails sur la soirée, les fichiers son, les photos
sont déjà accessibles grâce à la diligence
de François Bon et Pierre Ménard : http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1475
SAMEDI.
IPAD. 24 mai 1999. 25 km (1041 km).
1737 habitants
La fête
foraine s'est installée sur la place de l'église, à
laquelle le monument fait face. C'est un bloc de grès trapézoïdal
dressé sur un terre-plein gazonné où sont plantés
des rosiers. Des chaînes le relient à des plots de grès,
placés en avant. A gauche, un drapeau au sommet d'un mât.
photo prise le 10 juillet 1999
On trouve
plusieurs motifs sculptés sur la surface du bloc : une croix au
centre, un Poilu casqué, plusieurs végétaux dont
une gerbe portant les lettres VCA.
Il y a quatre colonnes de noms, réparties de chaque côté
de la croix sous l'inscription Aux enfants d'Arches morts pour la France
et, au pied du monument, les dates 1914-1918.
La première colonne, à gauche, compte 22 noms, d'ANGLARD
Alphonse à GABAUDE Marius.
La deuxième, 13 noms de GEGONNE Henri à HEROLD Auguste puis,
sous les dates 1939-1944, 9 noms de DANIEL Abel à VITU Georges.
La troisième, 14 noms de HEROLD Jules à LOLL Marcel puis,
sous l'inscription Fusillés, CHAMPREUX Maurice et GRANDCLAUDON
Gaston. Enfin, sous la mention FFI, 6 noms de BICHOTTE Robert à
ROST Jean.
La quatrième, 22 noms de LOTHAMMER Joseph à VINEL Léon.
On dénombre 5 LECOANET dans les victimes de 14-18. (à suivre)
L'Invent'Hair perd ses poils.
Paris, quartier rue de Valois, photo de Bernard Visse, 1er juin 2005
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°375 - 16 novembre 2008
DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
Je fais un bredouille à Chauffecourt, repasse par Avrainville pour
refaire une photo ratée. Je sais bien que si je me mets en tête
de reprendre toutes les photos ratées il faudra que je refasse
tout le parcours mais celle-ci l'était particulièrement.
MARDI.
Vie laborieuse. Il y a du pain sur
la planche et ce jour de congé est le bienvenu. La lecture parisienne
de la semaine dernière, si elle n'a pas donné lieu à
autant d'appréhension que je le craignais, m'a tout de même
un peu paralysé ces derniers temps. Ça en valait la peine
et les échos sont très positifs mais pendant ce temps-là,
le boulot s'est accumulé et je me retrouve avec 1400 pages à
lire pour Histoires littéraires, la chronique pour les mêmes
qui va bientôt tomber, un Bulletin Perec à rédiger,
sans parler du travail scolaire qui va devenir rapidement pesant et des
chantiers qu'il faut alimenter. Maintenant que l'IPAD donne lieu à
une livraison hebdomadaire, il me faut de la réserve, j'en ai mais
ça fondra vite et il faut maintenir le rythme d'un monument par
semaine au moins. Celui auquel je me rends ce matin n'est pas encore à
photographier, c'est trop tôt puisque c'est à Épinal,
à Saint-Laurent, dans le quartier de la pharmacie. Alice a été
réquisitionnée pour la cérémonie, qui se déroule
dans des conditions climatiques épouvantables. L'après-midi,
je reprends le cours normal avec un coup double, l'enregistrement des
monuments de Chaumousey et Chavelot qui se trouvent par chance aux portes
de la ville.
Courriel.
Une demande d'abonnement aux notules.
MERCREDI.
Vie perecquienne. Voilà, c'est
fait, le Bulletin Perec n° 53 est bouclé, encore une ou deux
relectures et je l'envoie à Bernard Magné. Une soirée
et une journée de travail, c'est beau. Quand je pense que le premier
Bulletin confectionné par mes soins m'avait fait transpirer pendant
trois semaines... On progresse, on progresse.
Vie familiale. Alice est une petite
fille de son temps. C'est-à-dire qu'à l'âge où
je jouais au Tour de France avec mes coureurs en plastique, elle entretient
son blog. Je ne m'en mêle pas mais j'ai découvert aujourd'hui
que sur la page "profil" dudit blog, à l'endroit où
il faut faire la liste de ce qu'on aime et n'aime pas elle a inscrit,
dans la seconde rubrique : "les disques de mon père".
Et pourtant, elle n'a pas tout entendu. Demain, au réveil, La
Marseillaise revisitée par Albert Ayler, ça va lui faire
drôle.
JEUDI.
Obituaire. J'apprends par Alain Zalmanski
la mort de François Caradec, membre de l'Oulipo et puits de science
pour tout ce qui concerne la littérature, la 'Pataphysique et Paris.
Je l'avais croisé plusieurs fois aux Colloques des Invalides. Je
ne m'étonne plus de son absence lors de la dernière édition.
VENDREDI.
Lectures. Journal 1966-1974
(Jean-Patrick Manchette, Gallimard, 2008; 642 p., 26 €).
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.
Citation : "Des critiques commencent à sortir sur Nada
en avant-première (le film sort le mercredi 6 février).
Elles sont mauvaises, encore que dans un cas, le notuleur ne tarit pas
de grandioses éloges à mon endroit..." En 1974, on
ne disait donc pas encore notulographe. Il était temps que j'arrive.
Bibliolexique à l'usage de l'amateur de livres (Jean-Paul
Fontaine, éditions des Cendres; 48 p., 12 €)
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.
SAMEDI.
Football. SA Épinal - Chaumont
FC 2 - 0.
IPAD. 24 mai 1999. 25 km (1041 km).
Suite.
1038 habitants
L'ordre alphabétique
a enfin du bon. Seul un pont sur la Moselle sépare Arches d'Archettes.
Une stèle en marbre est dressée entre la Mairie et l'école
de garçons, au centre d'un parterre carré matérialisé
par des grilles. La gerbe du 8 mai, fanée, est encore là.
A nos héros morts pour la France
1914-1918
Gauche :
23 noms d'AUBERT Auguste à DELON Charles, en dessous desquels on
a ajouté INDOCHINE, CALVI René, TISSERANT Pierre. Dans cette
liste, quatre AUBERT et quatre BALLAND.
Droite : 22 noms de DENIS Marcel à VINEL Maurice, suivis de 11
noms de DANY Robert à ORY Jules Fusillé sous les dates 1939-1945.
Sur ces onze noms, cinq sont suivis de la mention FFI.
L'Invent'Hair perd ses poils. Pour
cette semaine, un salon Armistifs s'imposait mais je n'en ai pas encore
en stock.
Paris, boulevard Voltaire, photo de Bernard Visse, 1er juin 2005
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°376 - 25 novembre 2008
DIMANCHE.
Lecture scolaire. La Bibliothécaire
(Gudule, Hachette, 1995; rééd. Le Livre de poche Jeunesse
n° 547, coll. Fantastique, 2001; 192 p., s.p.m.).
Une fois de plus, je suis estomaqué devant le ton que certains
auteurs se sentent obligés d'adopter dès qu'ils s'adressent
à un jeune public. Complaisance, fausse complicité, démagogie
de la langue, clins d'oeil appuyés, c'est proprement insupportable.
Extrait. "Un qui n'en revient pas non plus, c'est M. Pennac. L'attention
avec laquelle Guillaume suit la leçon de grammaire, les efforts
qu'il fait en dictée et en expression écrite le laissent
pantois. Au lieu de rêvasser comme de coutume, ce paresseux-là
travaille, ma foi ! Et comble du comble, demande à emprunter le
dictionnaire de la classe, pour se perfectionner en vocabulaire. Alors
là !" Alors là, on dit stop.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
LUNDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Un livre de Patricia Cornwell non identifié et Sido de Colette
dans une édition de poche. Au retour, une habituée lit Est-ce
ainsi que les femmes vivent ? de Malika Mokeddem et Marie-Louise Gourdon
aux éditions de l'Aube.
MARDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Claude Michelet, Les
Palombes ne passeront plus, Pocket fatigué. Apparemment passionnant.
MERCREDI.
Lecture. Modernités
n° 27 (Presses Universitaires de Bordeaux, 2008; 480 p., 26 €).
"Mauvais genre. La satire littéraire moderne", textes
réunis et présentés par Sophie Duval et Jean-Pierre
Saïdah.
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.
JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
John Case, Le premier cavalier de l'Apocalypse en Livre de Poche.
Au retour, en attendant le 12 heures 03 dans l'abribus à trains
qui sert de gare à Châtel-Nomexy, un voyageur attend en sifflotant.
Il enchaîne les airs parmi lesquels je reconnais "L'hymne à
la joie" de Beethoven suivi, sans transition, des "Lacs du Connemara"
de Michel Sardou et plus tard d'un cantique dont les paroles doivent être,
si je m'en souviens bien, "Les mains ouvertes devant toi Seigneur".
Le reste est copieux mais indéfinissable, l'homme siffle très
mal et il y a du bruit, des véhicules qui passent. Le train arrive,
je prends soin de ne pas monter dans la même voiture que le pinson
local.
Vie immobilière. Ce soir, rencontre avec un chauffagiste
qui vient présenter son devis pour le changement de la chaudière.
Son sbire était venu pour l'entretien, il y a quelques semaines,
et n'avait pas caché sa perplexité devant le résultat
annoncé par son détecteur de monoxyde de carbone. En fait
son appareil n'affichait aucun chiffre, le taux étant si élevé
qu'il dépassait ses paramètres. Bien que n'étant
pas spécialiste, je soupçonnais tout de même que ces
émanations étaient un peu moins inoffensives que celles
provenant d'un bâtonnet d'encens et j'avais interrogé l'homme
sur nos chances de survie dans un tel environnement. La réponse
fut lapidaire : "De toute façon, vous ne sentirez rien".
Ça se voulait peut-être rassurant. N'empêche, depuis,
on respire le moins possible et on surveille la gerbille, qui devrait
nous précéder dans l'au-delà en cas de coup dur.
Bien sûr, le devis est élyséen et atteint une somme
qui n'existe pas sous nos latitudes bancaires. Il faudrait discuter, finasser,
questionner, savoir si cet homme, qui tient absolument à tuber
la cheminée, n'en profiterait pas un peu pour nous entuber par
la même occasion. Il faudrait voir la concurrence, comparer, mettre
en compétition mais ce n'est pas dans mes cordes. C'est dans des
situations comme celle-là que j'aimerais être un gros malin.
A longueur de journée, au bistrot, au boulot, à la pharmacie,
partout, on entend des gros malins qui racontent comment ils sont parvenus
à obtenir tel produit ou service que seuls les bons couillons dans
mon genre acceptent de payer au prix qui figure sur l'étiquette.
Le monde est plein de gros malins. Le gros malin sait se débrouiller
pour ne pas payer ses PV, éviter les radars, obtenir une remise
de son marchand d'autos ou de légumes, connaît d'infaillibles
coins de champignons et de pêche et donne pour un coup sûr
l'as dans la cinquième à Vincennes avant de disparaître
mystérieusement au moment de l'arrivée. Le gros malin est
à tu et à toi avec son dentiste et son garagiste, il connaît
un médecin, un avocat, un notaire, un carreleur, un assureur qui
n'ont apparemment qu'un rêve dans la vie : abandonner toutes affaires
cessantes ce qu'ils ont sur le feu pour lui rendre service à vil
prix. Le gros malin gagne plus de sous que vous, mais il dépense
moins. Le gros malin est un as de l'informatique, un héros du Net
grâce à quoi il multiplie les bonnes affaires et les belles
rencontres. Quand vous croisez un gros malin à une manifestation,
à un match, à un spectacle, il ne manque jamais de vous
demander combien vous avez payé votre place avant de vous montrer
son invitation. Le gros malin fait des enfants qui sont presque aussi
horripilants que lui. Le gros malin fait du "moi je" un sésame
qui ouvre toutes ses phrases. Le gros malin, je l'avoue, m'énerve
un peu.
SAMEDI.
IPAD. 11 juillet 1999. 145 km (1186
km).
77 habitants
Le monument
est commun aux villages d'Aroffe et de Soncourt, distants d'un ou deux
kilomètres l'un de l'autre. Ce sont deux villages assez coquets,
fleuris en cette saison, situés au nord-ouest du département,
aux confins de la Meurthe-et-Moselle. La stèle est adossée
au côté de l'église, au centre d'un enclos grillagé,
et flanquée de deux mâts supportant chacun trois drapeaux.
Sur le fût, une croix et une Légion d'honneur portant un
drapeau tricolore fraîchement repeint.
A nos morts
1914-1918
AROFFE SONCOURT
C. DIDELOT 1914 A. KUNG 1914
A. DUVAL 1915 P. CHAUVELOT 1916
A. CUNIN 1915 C. GRANDJEAN 1916
R. DURAND 1916 C. DROUOT 1918
E. BASTIEN 1916 A. SINGER 1918
G. CLAUDE 1916 F. DAEUBLE 1918
L. ADAM 1940 A. MARIOTTE 1918
Les communes reconnaissantes
Plus bas
:
BOURGUIGNON
Louis L. LEFEVRE 1887
BUCHENWALD H. ZILOCCHI 1918
29.3.44 E. MASSON 1892
Plus bas
encore, une gerbe et une plaque :
A
ceux dont le sacrifice nous a donné la victoire
Contre la
grille, une plaque :
UNC
AFN
Sur le côté
droit :
SONCOURT
L. TOCQUART 1954
Sur le côté
gauche :
AROFFE
A. FOURNY 1956
Chaque conflit
a fait sensiblement autant de morts dans les deux villages. On se doute
que si l'un des deux avait eu le double de tués que l'autre, la
construction d'un monument commun aurait été plus problématique.
A Aroffe, tous les noms des victimes commencent par les six premières
lettres de l'alphabet.
L'Invent'Hair perd ses poils.
Paris, rue de Lappe, photo de Bernard Visse, juin 2005
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°377 - 30 novembre 2008
DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
Enregistrement du monument aux morts de Chef-Haut. C'est bien dans les
Vosges, mais en route, j'ai l'impression de me trouver beaucoup plus loin.
Au bout du monde, par exemple.
Emploi
du temps prévisionnel. Pour demain matin, prévoir
une demi-heure d'avance sur le réveil habituel pour cause de grève
SNCF, le 7 heures 31 ne roule pas. Prévoir aussi une demi-heure
supplémentaire pour cause de neige, ça tempête dru
à cette heure. Il ne faudrait pas que d'autres contretemps s'annoncent
sinon bientôt ça ne vaudra plus la peine d'aller au lit.
LUNDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Le Procès de Kafka en Folio.
MARDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Don Juan de Molière en petit classique Larousse à
l'aller et Autobiographie d'un épouvantail de Boris Cyrulnik
chez Odile Jacob au retour.
Vie politique. En écoutant
le récit des palinodies qui forment le quotidien du Parti socialiste
ces jours-ci, je songe avec un peu de nostalgie à un autre parti
dont je me suis toujours senti plus proche et dont le secrétaire
général était toujours élu avec plus de 90%
des suffrages sans qu'aucune contestation ne s'élève.
MERCREDI.
Lecture. Faut pas pisser sur les
vieilles recettes. San-Antonio ou la fascination pour le genre romanesque
(Françoise Rullier-Theuret, Academia-Bruylant, 2008, coll. Au coeur
du texte n° 12; 232 p., 27 €).
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.
JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Une dame lit Nouvelles dermatologiques. Elle est dans son droit,
elle est dermatologue, je la connais. Il y a des illustrations, j'en aperçois
quelques-unes à la volée. Sacré métier.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
VENDREDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour).
L'enfant en miettes : L'aide sociale à l'enfance : bilan et
perspectives de Pierre Verdier (Dunod) vient conclure cette semaine
où les passagers se sont montrés fort sérieux dans
leurs lectures.
SAMEDI.
IPAD. 29 août 1999. 103 km (1289
km).
165 habitants
Le
village se tient au sommet du col des Arrentès (altitude 684 mètres).
J'ignorais l'existence de l'un et de l'autre. Le monument, joliment fleuri,
est sur un terre-plein pavé face à la Mairie école.
Il se compose d'une stèle centrale flanquée de deux stèles
latérales de moindre taille.
Stèle
de gauche :
1939
Hommage à nos héros
9
noms de PIANEZZE Pierre à LECOMTE Léon
(dont 2 CAEL et 3 CAGNOLATI)
Stèle de droite :
1945
Hommage à nos héros
8
noms de MARCHAL René à REINSTADLER René
(dont 2 MARCHAL et 3 PERRIN, plus un PATERNOSTER Nestor qui devait avoir
des parents facétieux) *
Stèle centrale :
Aux
enfants des Arrentès morts pour la France
1914-1918
Les
noms sont sur les côtés :
ANTOINE André MARCHAL Léon
ANTOINE Adrien MARCHAL Léon
BARADEL André ORY Henri
BARTHELEMY Chéri ** PIERRAT Alcide
CENDRE Félicien PIERRAT Nicolas
CULY Armand REMY Camille
CUNIN Paul STOUVENEL Jules
FERRY Paul TISSERAND Paul
LEONARD Henri TISSERAND Prosper
MANGEL Charles VILLEMIN Henri
VOIRIN Adrien STOUVENEL Henri
* Les descendants le sont moins. Il y a un PATERNOSTER dans l'annuaire,
platement prénommé Roger.
** !
Pendant que je recopie les noms, un yorkshire me tourne autour en aboyant.
Juste avant que je l'ajuste d'un coup de tatane, sa maîtresse arrive
et l'appelle : "Océane !"
L'Invent'Hair perd ses poils.
Marseille, photo Yves Lambert, 16 juin 2005
Bon
dimanche.
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