Notules
dominicales de culture domestique n°353 - 1er juin 2008
DIMANCHE.
TV. Le Prix à payer
(Alexandra Leclère, France, 2007 avec Christian Clavier, Nathalie
Baye, Gérard Lanvin, Géraldine Pailhas, Patrick Chesnais;
diffusé en mai dernier sur Canal +).
LUNDI.
Vie sanitaire. Lucie est en visite
à l'hôpital de Saint-Avold. Les résultats sont bons,
hémoglobine glycquée à 7,4. Un an qu'on attendait
ça. La maisonnée jubile, contraste apaisant avec l'abattement
qui nous tombait dessus à l'issue de chacune des visites précédentes.
TV. Les Mariés de l'An II
(Jean-Paul Rappeneau, France, 1971 avec Jean-Paul Belmondo, Marlène
Jobert, Laura Antonelli, Michel Auclair; diffusé en mai dernier
sur Cinécinéma Star).
MARDI.
TV. Flightplan (Robert Schwendtke,
E.-U., 2005 avec Jodie Foster, Marlene Lawston, Pater Sarsgaard, Sean
Bean, Kate Beahan; diffusé en mai dernier sur Canal +).
Lecture. La Harpe irlandaise (Germaine
Beaumont, Plon, 1941, rééd. in "Des maisons, des mystères",
Omnibus, 2006; 834 p., 25 €).
La première fois que j'ai entendu parler de Germaine Beaumont,
c'était à la Bibliothèque des Littératures
Policières, par l'intermédiaire de Pierre Billard, avec
qui elle produisit pendant un moment Les Maîtres du mystère
pour la radio. Interrogé sur le rôle joué par Germaine
Beaumont à ses côtés, Billard avait eu des mots très
durs, affirmant qu'elle n'avait été placée à
la radio que par copinage et qu'elle n'y avait jamais rien fait. En regardant
quelques notices biographiques à son sujet, on s'aperçoit
que Germaine Beaumont a en fait réussi à se fâcher
avec à peu près toutes les personnes qu'elle eut à
côtoyer au cours de sa vie (1890 - 1983) : la rédaction
du Matin qu'elle quitta en claquant la porte, le jury du Prix Femina
où elle refusa de siéger de 1945 à 1952, les producteurs
de la radio, sans oublier ses maris successifs, toutes ces brouilles étant
compensées par l'amitié solide qu'elle entretenait avec
Colette, dont elle fut la secrétaire et qui l'appelait "ma
fille choisie". Germaine Beaumont avait ramené d'Angleterre,
où elle avait passé ses années de jeunesse, un goût
certain pour le roman policier bien élevé dont on trouve
la marque dans cette Harpe irlandaise, une histoire de maison abandonnée
dans laquelle sont entreposés de lourds secrets. Une femme désoeuvrée
va y retrouver les traces de son mari défunt et reprendre goût
à la vie en fouillant le passé des morts. L'histoire se
laisse suivre malgré la lenteur avec laquelle elle est menée
mais ce qui stupéfie, c'est le style de Geneviève Beaumont,
en totale opposition avec le caractère qu'on lui devine à
la lecture de sa biographie : chez elle, les rencontres sentimentales
se font sur des bancs moussus, l'héroïne est en proie à
une "cruelle souffrance, fièrement et courageusement dissimulée,
sous le feint détachement qui est l'apanage des êtres pour
lesquels la vie occupe un autre plan que celui des satisfactions terrestres"
(!) avant que "la pointe vive des séparations" ne s'enfonce
"dans un coeur sensible" et un certain Philippe taquine "ces
filles brillantes et bruyantes qui riaient en renversant la tête,
montraient leurs dents voraces, et dont la gorge bougeait, libre, sous
les chandails coûteux". On pense, sans les avoir lues, aux
Louise de Vilmorin, Marceline Desbordes-Valmore et autres, à des
noms qui meublent le Carnet du Figaro. Ce n'est pas désagréable,
c'est juste gentiment poussiéreux, presque ridicule.
Fred
Kassak, François Angelier, Pierre Billard et Jacques Baudou à
la Bilipo, photo de l'auteur, 18 juin 2005
MERCREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
TV. Traquenard (Party Girl,
Nicholas Ray, E.-U., 1958 avec Robert Taylor, Cyd Charisse, Lee J. Cobb,
John Ireland; diffusé en mai dernier sur Cinécinéma
Classic).
JEUDI.
Drôle de corps (de métier). Je
reçois aujourd'hui la visite d'un électricien en vue de
menus travaux à effectuer dans l'appartement. Je dis menus parce
que ce sont des choses qu'un pékin ordinaire serait à même
de réaliser sans l'intervention d'un spécialiste mais je
me connais et m'en voudrais de voir l'immeuble entier devenir la proie
des flammes suite à une manoeuvre dont j'ai le secret. Je ressors
de l'entretien avec la sensation, déjà expérimentée
au contact de ces personnes dont le métier implique une connaissance
technique particulière qui fait que c'est justement à eux
que l'on a fait appel, d'être un importun, un empêcheur, une
entrave. Sensation déjà éprouvée parce qu'avec
les travaux, à la pharmacie, mais aussi dans l'appartement déglingué
qui nous abritait, on en a vu défiler des salopettes. C'est toujours
plus ou moins la même chanson, pas le temps, je repasserai, rappelez-moi,
d'autres chantiers en cours... L'homme de l'art possède son art,
mais de là à le convaincre de venir l'exercer chez vous,
il y a de la marge. Pourtant, l'électricien en question n'est pas
un inconnu, c'est même un copain, j'imagine ce qu'il serait advenu
de ma requête si j'avais tiré au hasard un nom dans l'annuaire.
Mais copain ou pas, il repassera fin août début septembre,
ben voyons, je compte sur toi. Me revient à l'esprit la phobie
du plombier polonais qui avait nourri certaine campagne électorale
aux enjeux européens. A l'heure qu'il est, je commercerais volontiers
avec un électricien moldave ou un carreleur ouzbek.
TV. J'attends quelqu'un (Jérôme
Bonnell, France, 2007 avec Eric Caravaca, Jean-Pierre Darroussin, Emmanuelle
Devos, Florence Loiret, Sylvain Dieuaide; diffusé en mai dernier
sur Canal +).
SAMEDI.
Fête des voisins. Ce midi, ce
n'est pas un voisin mais une voisine que j'ai vue pour la première
fois. Je ne sais pas si elle roule en Porsche Cayenne comme l'autre mais
elle m'a considéré comme si j'étais un démarcheur
évangélique ou un représentant en lingerie coquine,
enfin quelque chose de situé juste un peu en dessous du chien sans
collier. J'ai hâte de vivre ma première réunion de
copropriétaires.
TV. Camille Claudel (Bruno
Nuytten, France, 1988 avec Isabelle Adjani, Gérard Depardieu, Laurent
Grévill, Alain Cuny, Madeleine Robinson; diffusé en mai
dernier sur Cinécinéma Star).
L'Invent'Hair perd ses poils.
Mirecourt (Vosges), photo de Sylvie Bernasconi, 24 juin 2004
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°354 - 8 juin 2008
DIMANCHE.
Presse. La Liberté de l'Est
du jour fait dans l'aptonymie artistico-culinaire.
Itinéraire
patriotique départemental. Découverte du monument
aux morts de Certilleux, près de l'église où, apparemment,
le vin de messe est de qualité.
TV.
J'veux pas que tu t'en ailles (Bernard Jeanjean, France, 2007 avec
Richard Berry, Judith Godrèche, Julien Boisselier, Martine Fontaine,
Eric Laugérias; diffusé en mai dernier sur Canal +).
Lecture. Autoportrait (Edouard Levé,
P.O.L., 2005; 128 p., 15 €).
C'est un véritable plaisir de voir qu'à la différence
du roman, qui semble se dessécher et se racornir au fil du temps,
le genre autobiographique parvient toujours à se renouveler, à
explorer de nouvelles pistes. Des pistes techniques avec le mode informatique
mais aussi des pistes plus simplement littéraires comme l'ont montré
Bernard Bretonnière dans Pas un tombeau, Martine Sonnet
dans Atelier 62, les exemples les plus récents qui me viennent
à l'esprit avant la découverte d'Edouard Levé et
de cet Autoportrait. Un assemblage continu, sans pause, sans rupture
typographique, de phrases qui semblent reprendre en une seule expiration
tout ce que Perec avait disséminé dans différents
volumes. Il y a chez Levé du Je me souviens, du Je suis
né, du "J'aime/Je n'aime pas", des traces
de W, d'Espèces d'espaces, des articles qui pourraient
figurer en vitrine de La Boutique obscure. Il y a le goût
de l'énumération et de la contrainte : "j'ai dû
m'inventer des alibis pour photographier au hasard, par exemple, voyager
trois mois aux Etats-Unis uniquement vers des villes homonymes de villes
situées dans d'autres pays : Berlin, Florence, Oxford, Canton,
Jericho, Stockholm, Rio, Dehli, Amsterdam, Paris, Rome, Mexico, Syracuse,
Lima, Versailles, Calcutta, Bagdad". Le plaisir de lecture va plus
loin que la simple tentative d'identification, au-delà du "moi
aussi/moi non plus/pas moi" ("J'ai parfois le sentiment d'être
un imposteur sans pouvoir dire pourquoi, comme si une ombre planait sur
moi sans que je puisse m'en défaire", moi aussi; "Je
n'ai pas de penchant pédophile", moi non plus; "J'ai
fait l'amour dans les toilettes du TGV Paris-Lyon", pas moi, peut-être
parce que je ne l'ai jamais pris), grâce à des échappées
vers l'absurde ("J'espère ne jamais trouver une oreille dans
un pré") ou l'humour ("A la radio, j'ai capté
une émission où une femme pleine d'esprit racontait des
anecdotes désuètes, ce n'est que lorsque l'interviewer a
nommé son interlocuteur que j'ai compris qu'il s'agissait de Jean
d'Ormesson"). Et puis il y a cette première phrase, sur laquelle
tous les commentateurs se sont attardés, "Adolescent, je croyais
que La Vie mode d'emploi m'aiderait à vivre, et Suicide
mode d'emploi à mourir" qui résonne étrangement.
Adulte, âgé de 42 ans, Edouard Levé s'est suicidé,
c'était en octobre dernier, trois jours après avoir remis
à P.O.L. son dernier manuscrit intitulé Suicide.
On ne sait comment lire après ça des phrases comme "Ce
qu'il y a au bout de la vie ne me fait pas peur", "Je prévois
de mourir à 85 ans" ou "Dans mes périodes de dépression,
je visualise l'enterrement consécutif à mon suicide, il
y a beaucoup d'amis, de tristesse et de beauté, l'événement
est si émouvant que j'ai envie de le vivre, donc de vivre."
Extrait. "Adolescent, je croyais que La Vie mode d'emploi
m'aiderait à vivre, et Suicide mode d'emploi à mourir.
J'ai passé trois ans et trois mois à l'étranger.
Je préfère regarder sur ma gauche. Un de mes amis jouit
dans la trahison. La fin d'un voyage me laisse le même goût
triste que la fin d'un roman. J'ai peut-être parlé sans le
savoir avec quelqu'un qui a tué quelqu'un. Je vais regarder dans
les impasses. Ce qu'il y a au bout de la vie ne me fait pas peur. Je n'écoute
pas vraiment ce qu'on me dit. Je m'étonne qu'on me donne un surnom
alors qu'on me connaît à peine. Je suis lent à comprendre
que quelqu'un se comporte mal avec moi, tant je suis surpris que cela
m'arrive : le mal est en quelque sorte irréel. J'archive. J'ai
parlé à Salvador Dali à l'âge de deux ans.
La compétition ne me stimule pas. Décrire précisément
ma vie me prendrait plus de temps que la vivre. Je me demande si, en vieillissant,
je deviendrai réactionnaire."
LUNDI.
TV. Le Bonheur a encore frappé
(Jean-Luc Trotignon, France, 1986 avec Jean-Luc Bideau, Michèle
Brousse, Jean-Noël Brouté; diffusé ce mois sur Cinécinéma
Star).
MARDI.
TV.
La Tête de maman (Carine Tardieu, France, 2007 avec Karin
Viard, Chloé Coulloud, Kad Merad, Pascal Elbé; diffusé
en mai dernier sur Canal +).
MERCREDI.
Courrier.
Le facteur est de la revue aujourd'hui avec dans sa sacoche deux publications
attendues, le dernier numéro de Temps Noir, entièrement
consacré à Manchette, et la première livraison des
Cahiers de l'Institut, publiés par L'Institut International
de Recherches et d'Explorations sur les Fous Littéraires, Hétéroclites,
Excentriques, Irréguliers, Outsiders, Tapés, Assimilés,
sans oublier les autres... Rien que des bonnes choses en perspective.
TV.
La Loi des hommes (Charles Gérard, France, 1962 avec Micheline
Presle, Philippe Leroy, Pierre Mondy, Arletty; diffusé ce mois
sur Ciné Polar).
JEUDI.
Lecture.
Ça c'est du billard (The Best That Ever Did It, Ed
Lacy, première édition Presses de la Cité, 1955,
coll. Un Mystère, traduit de l'américain par Igor B. Maslowski;
rééd. in Polars Années cinquante, Omnibus, 1995;
1182 p., 145 F).
Ed
Lacy fut un bon faiseur de polars dont l'oeuvre fut partagée entre
la Série Noire et Un Mystère. Il donne ici une intrigue
nerveuse, construite sur un thème peu commun (un trafic de passeports
organisé par d'anciens GI restés en Europe après
la Seconde Guerre mondiale), qui met en scène un privé tenace,
costaud mais modeste, sans cesse partagé entre les nécessités
de son enquête et le bien-être de la fille de sept ans qu'il
élève seul. Du polar de grande consommation qui ne se moque
pas du consommateur.
TV. Je
crois que je l'aime (Pierre Jolivet, France, 2007 avec Vincent Lindon,
Sandrine Bonnaire, François Berléand, Kad Merad; diffusé
en mars dernier sur Canal +).
SAMEDI.
Vie
sociale. Finalement, il y a de la place dans cet appartement.
Suffisamment en tout cas pour recevoir une belle assemblée pour
la pendaison de crémaillère, j'aperçois même
dans la foule trois ou quatre non notuliens. Je me demande comment ils
ont passé les barrages filtrants.
L'Invent'Hair perd ses poils.
Epinal (Vosges), photo de l'auteur, 4 juillet 2004
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°355 - 15 juin 2008
DIMANCHE.
Lendemain de fête. Couché
à trois heures, réveillé à six, levé
à sept (dextro de Lucie), une vaine tentative pour se rendormir
et hop, debout, gueule de bois et semelles de plomb avec en tête
pas mal d'interrogations sur la soirée d'hier. Comment passer si
vite de la joie qu'il y a à rassembler tant d'amitiés venues
d'horizons divers à cet état vaguement dépressif,
non, franchement dépressif, né du doute que j'entretiens
à loisir et à plaisir sur les satisfactions et déceptions,
que j'imagine plus nombreuses, des uns et des autres. Je n'ai pas vocation
d'amphitryon, de maître de cérémonie, moins encore
d'amuseur, ne possède pas de talents de société,
cette soirée en fut encore la preuve. J'en viendrais presque à
regretter le temps de la dalle en pente, un temps où, comme toutes
les éponges, j'étais parfois drôle, souvent insupportable
mais constamment à l'aise. Je pouvais recevoir, être reçu,
chanter en privé ou sur scène sans la moindre gêne,
les lendemains étaient aussi durs mais pour d'autres raisons. Ce
matin, je me sens peu doué pour la réception et l'entretien
de liens pourtant solides auxquels je tiens très fort. Les faits
sont là : la peur de ne pas suffire, le vieillissement, le raidissement,
l'embourgeoisement ont rendu les choses moins faciles qu'à l'époque
où il suffisait de quelques packs de bière et de quelques
instruments de musique pour passer une soirée réussie. Pour
oublier tout ça, nous nous traînons jusqu'au port où
se tient une manifestation d'information sur le diabète. On ne
sait jamais, on peut encore apprendre des choses, c'est au cours d'un
de ces événements que nous avions fait connaissance avec
les pompes à insuline. Et si l'on n'y apprend rien, on peut toujours
admirer une belle illustration de l'art sucrier.
TV.
Un pont entre deux rives (Frédéric Auburtin &
Gérard Depardieu, France, 1999 avec Carole Bouquet, Gérard
Depardieu, Charles Berling; diffusé le soir même sur France
2).
LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Paroles d'étoiles, petit volume Librio.
TV. Football. France - Roumanie 0
- 0 (en direct sur M6). Les joueurs de l'équipe de France rendent
un bel hommage à Zidane : comme lui ils jouent en marchant. Les
Roumains aussi, mais à reculons, c'est plus difficile. A toute
chose malheur est bon : à ce rythme-là, on n'est pas près
de voir Sarkozy dans les vestiaires.
Le Scaphandre et le Papillon (Julian Schnabel, France, 2007 avec
Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Marie-Josée Croze, Anne Consigny,
Patrick Chesnais; diffusé en mai dernier sur Canal +).
MARDI.
Vie proustienne. J'apprends de source
notulienne l'existence d'un projet de lecture collective de La Recherche
dont on trouvera les
détails ici. Je n'y suis pas encore résolu. La demande
de "motivation" sonne un peu DRH.
TV. Ouvre les yeux (Abre
los ojos, Alejandro Amenabar, Espagne, 1997 avec Eduardo Noriega,
Penélope Cruz, Chete Lera; diffusé la semaine dernière
sur ARTE).
MERCREDI.
TV. La Consultation (Hélène
de Crécy, France, 2006; diffusé en mars dernier sur Canal
+).
Intéressante transposition d'Être et avoir dans le
domaine médical. Après l'instituteur à l'ancienne,
le médecin à l'ancienne, filmé au hasard de ses visites
et de ses consultations. Un généraliste qui ne se voit pas
uniquement comme un point de passage obligé entre le malade et
le spécialiste, qui ausculte, qui discute, qui dispute. Défilent
dans son cabinet une jeune femme qu'il faut convaincre d'arrêter
de fumer, un couple désireux d'obtenir une IVG, un schizophrène,
une droguée à qui la pharmacienne vend paraît-il des
boîtes de Stilnox vides (!), une dame qui vient faire son marché
médicamenteux, un alcoolique philosophe, une quêteuse d'arrêt
de travail, d'autres encore qui constituent un bel échantillon
d'humanité pour un film sincère et touchant.
JEUDI.
TV. Un jour sans fin (Groundhog
Day, Harold Ramis, E.-U., 1993 avec Bill Murray, Andie MacDowell, Chris
Elliott, Stephen Tobolowsky; diffusé en juillet 2005 sur Cinécinéma
Emotion).
VENDREDI.
TV. Football. France - Pays-Bas 1
- 4 (en direct sur TF1). Forcément, si quand on se met à
courir les autres courent plus vite que nous, c'est difficile.
SAMEDI.
Vie littéraire. C'est le jour
de mon expédition annuelle à Jaligny-sur-Besbre pour les
Journées littéraires du Bourbonnais et la remise du Prix
René-Fallet, un prix pour lequel je m'enfile chaque mois d'avril
une guirlande de premiers romans pas toujours exaltants. Mais le cru 2008
est plutôt bon, à tel point que je me demande pendant tout
le trajet pour qui je vais voter et ne le sais toujours pas quand je touche
au but. Une bonne surprise cette année, les quatre auteurs sélectionnés
sont présents, Laura Alcoba (Manèges), Audrey Diwan
(La Fabrication d'un mensonge), Bertrand Guillot (Hors jeu)
et Iris Wong (Héroïque). Je leur fais signer mes exemplaires,
sur les quatre je vais bien trouver un ou deux imbuvables, ce sera toujours
ça d'éliminé mais bernique, ils sont plus charmants
les uns que les autres. Quand j'ai réussi à me décider,
je fais le tour des stands, je salue Michel Lécureur, un fidèle
qui vient de sortir une biographie de Barbey d'Aurevilly, et finis par
dénicher une édition originale d'Henri Thomas qui sera parfaite
pour la fête des pères. Au moment des discours, je constate
avec regret que les dernières élections municipales ont
été fatales au maire précédent que je croyais
indéboulonnable : il s'appelait Marcel Achard, un nom que je trouvais
parfait pour parrainer un événement littéraire.
De
gauche à droite Iris Wong, Audrey Diwan (Prix René-Fallet
2008), Laura Alcoba, Bertrand Guillot
L'Invent'Hair perd ses poils.
Vichy
(Allier), photo de l'auteur, 14 août 2004
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°356 - 22 juin 2008
DIMANCHE.
Grisaille. Une journée fadasse,
Caroline de garde, temps plus que maussade, un petit tour au festival
de spectacles de rue dont la moitié du programme est tombée
à l'eau. Nous parvenons à attraper un spectacle nul qui
donne aux filles l'envie de rentrer fissa at home et c'est le soir.
TV. Ensemble, c'est tout (Claude
Berri, France, 2007 avec Audrey Tautou, Guillaume Canet, Laurent Stocker;
diffusé ce mois sur Canal +).
LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Voyage au bout de la nuit en Folio.
TV. La Galette du roi (Jean-Michel
Ribes, France, 1986 avec Jean Rochefort, Roger Hanin, Pauline Lafont;
diffusé le soir même sur France 4).
Lecture. Tristes tropiques
(Claude Lévi-Strauss, Plon, coll. Terre humaine, 1955; rééd.
in Oeuvres, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n°
543, 2008; texte établi, présenté et annoté
par Vincent Debaene; 2066 p., 64 €).
Il y a comme ça des noms qui font peur. Qui me font peur en tout
cas. Des auteurs, des titres connus, reconnus et dont on pressent qu'ils
ne sont pas pour soi : trop haut, trop fort, trop ardu, on n'a pas les
armes. Des noms ? Hannah Arendt, Barthes, Blanchot, Bourdieu, Foucault...
Et je ne parle pas des Derrida, Deleuze ou Paul Ricoeur que je place définitivement
hors d'atteinte. Cette peur est d'autant plus bête qu'une partie
de mon travail salarié, celle en tout cas qui me tient à
coeur et que j'accomplis sans déplaisir, est de montrer à
des élèves qu'ils n'ont rien à craindre de certains
grands noms de la littérature que j'essaie de leur faire aborder.
Souvenir ici du plaisir que j'ai eu, il y a quelques mois, à pouvoir
enfin revoir et remercier Monsieur M. qui fut le premier à me faire
lire, au lycée, une page de Proust et à me montrer que je
n'avais rien à en redouter. Lévi-Strauss faisait partie
des auteurs qui m'effrayaient, jusqu'à ce qu'une opportune réédition
en Pléiade me pousse à faire une tentative d'incursion sous
ses tristes tropiques. Coup de massue, trente-six chandelles. Là
où j'attendais et craignais un manuel d'ethnologie et de philosophie
réservé à une élite éclairée,
je découvre un texte littéraire éblouissant, une
merveille d'intelligence, à m'en relever la nuit pour poursuivre
la lecture du jour. Le dernier à m'avoir fait ce coup, c'était
Bergounioux avec son premier Carnet de notes. Bon, de l'ethnologie,
il y en a. De l'ethnographie plutôt, puisque Lévi-Strauss
relate une enquête de terrain à partir de deux expéditions
au Brésil dans les années 1930 qui lui ont permis de côtoyer
et d'observer plusieurs tribus indiennes. Mais la reprise de ses carnets
de travail s'accompagne de ce qu'il appelle un "travelling mental",
des "tropiques vacants" aux "tropiques bondés",
dans lequel il évoque d'autres voyages, en Inde, au Pakistan, ou
sa fuite aux Etats-Unis en 1941. Sans oublier le voyage intérieur,
la construction d'un homme et d'une pensée qui est en fait le principal
but du livre. Tristes tropiques n'est fait que de digressions, c'est un
patchwork dans lequel l'auteur s'autorise aussi bien une description de
dix pages d'un coucher de soleil, un résumé d'une pièce
de théâtre dont l'idée lui vient lors d'un séjour
chez les Tupi-Kawahib, des clins d'oeil à Jules Verne et à
Conan Doyle, une étude comparée du bouddhisme, du christianisme
et de l'islam, une critique du colonialisme, un portrait de Victor Margueritte,
que des considérations sur Chopin et Debussy, le tout accompagné
d'une réflexion fouillée sur le voyage en général.
Tout le monde connaît l'incipit de Tristes tropiques, "Je hais
les voyages et les explorateurs". Ce que hait Lévi-Strauss,
c'est le voyage exotique, le récit d'explorateur des conférenciers
de Connaissances du monde. Le voyage, le vrai, est fait pour étudier,
comparer et "dégager ces principes de la vie sociale qu'il
nous sera possible d'appliquer à la réforme de nos propres
moeurs, et non de celle des sociétés étrangères."
Cette dernière étape est la plus difficile à accomplir
: témoin des derniers feux de civilisations lointaines, l'ethnographe
ne peut que constater les dommages irréversibles que la nôtre
leur a fait subir et assister à leur extinction. Le constat est
amer, pas de doute, le livre porte bien son nom. Livre de retour plutôt
que de voyage, Tristes tropiques, avec son style magnifique, une
langue aux sinuosités parfois proustiennes où affleure parfois,
comme ça, un alexandrin ("Prédécesseur blanchi
de ces coureurs de brousse...") est bien, comme l'écrivait
Georges Bataille, "un livre humain, un grand livre". Tiens,
Georges Bataille, encore une figure redoutable...
Extrait : "J'ai couru tous les marchés à Calcutta,
le nouveau et les anciens : Bombay Bazar à Karachi; ceux de Delhi
et ceux d'Agra : Sadar et Kunari; Dacca, qui est une succession de souks
où vivent des familles, blotties dans les interstices des boutiques
et des ateliers; Riazuddin Bazar et Khatunganj à Chittagong; tous
ceux des portes de Lahore : Anarkali Bazar, Delhi, Shah, Almi, Akkari;
et Sadr, Dabgari, Sirki, Bajori, Ganj, Kalan à Peshawar. Dans les
foires campagnardes de la passe de Khaïber à la frontière
afghane et dans celles de Rangamati, aux portes de la Birmanie, j'ai visité
les marchés aux fruits et aux légumes, amoncellements d'aubergines
et d'oignons roses, de grenades éclatées dans une odeur
entêtante de goyave; ceux des fleuristes qui enguirlandent les roses
et le jasmin de clinquant et de cheveux d'ange; les étalages des
marchands de fruits secs, tas fauves et bruns sur fond de papier d'argent;
j'ai regardé, j'ai respiré les épices et les currys,
pyramides de poudres rouge, orange et jaune; montagnes de piments, irradiant
une odeur suraiguë d'abricot sec et de lavande, à défaillir
de volupté; j'ai vu les rôtisseurs, bouilleurs de lait caillé,
fabricants de crêpes : nan ou chapati; les vendeurs de thé
et de limonade, les marchands en gros de dattes agglomérées
en gluants monticules de pulpe et de noyaux évoquant les déjections
de quelque dinosaure..."
MARDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Misery de Stephen King en J'ai lu et L'isola di Arturo d'Elsa
Morante en version originale.
TV. Football. France - Italie 0 -
2 (en direct sur M6). Voici quelques soirées qui se libèrent
sur les agendas pour les semaines à venir.
MERCREDI.
TV. Ecoute le temps (Alanté
Kavaïté, France, 2007 avec Emilie Dequenne, Mathieu Demy,
Ludmila Mikaël, Jacques Spiesser; diffusé ce mois sur Canal
+).
Curiosité : le film réunit trente-trois ans après
Jacques Spiesser et Ludmila Mikaël, respectivement acteur principal
et narratrice d'Un homme qui dort, le film de Georges Perec et Bernard
Queysanne.
JEUDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
TV. Les Cracks (Alex Joffé,
France, 1968 avec Bourvil, Robert Hirsch, Monique Tarbès; diffusé
le soir même sur Direct 8).
VENDREDI.
TV. Dialogue avec mon jardinier (Jean
Becker, France, 2007 avec Daniel Auteuil, Jean-Pierre Darroussin, Fanny
Cottençon; diffusé ce mois sur Canal +).
SAMEDI.
Vie perecquienne. M'écrire
ph.didion@orange.fr
pour obtenir la version complète.
L'Invent'Hair perd ses poils.
Saint-Gérand-le-Puy (Allier), photo de l’auteur, 14 août
2004
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°357 - 29 juin 2008
DIMANCHE.
Fête du silence. Pas de monument
aux morts aujourd'hui, je délaisse le collectif au profit de la
sépulture individuelle. Le cimetière Saint-Michel réserve
quelques éléments intéressants.
TV.
La Bostella (Edouard Baer, France, 2000 avec Edouard Baer,
Rosine Favey, Gilles Gaston-Dreyfus, Philippe Laudenbach, Isabelle Nanty;
diffusé la semaine dernière sur France 4).
LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Le travail. Une sociologie contemporaine de Michel Lallement (Folio
Essais). Le voyageur l'a déjà lu et le met en pratique :
il le pose sur le siège voisin et sort un volumineux dossier de
son cartable. Après, il s'endort.
Vie dispersée. Fin de journée
sous forme d'exercice de jonglage : inscription de Lucie au collège,
une heure trente d'attente en couloir, et réunion des copropriétaires
de l'immeuble, une séance un peu plus longue que le film Mille
millièmes, fantaisie immobilière, qui traitait du sujet
de façon un peu plus drôle.
MARDI.
Lecture. Soleil post-mortem
(Retribution, Stuart M. Kaminsky, Double Tiger Productions Inc,
2001; éditions Alvik, 2006 pour la traduction française,
traduit de l'américain par Jean-Noël Chatain; 272 p., 18 €).
C'est le deuxième épisode de la série Lew Fonesca,
huissier de justice et privé à ses heures à Sarasota,
Floride. Fonesca y retrouve la jeune fugueuse dont il s'était occupé
dans Biscotti à Sarasota et qui a à nouveau disparu en emportant
les manuscrits d'un écrivain célèbre. Comme dans
le premier volet, l'intrigue perd de son intérêt au fil des
pages sans que le lecteur s'en formalise vraiment : c'est la construction
du personnage de Fonesca qui retient l'attention, Stuart Kaminsky donnant
dans cette série une des plus belles incarnations du privé
dépressif, un type pourtant connu dans le polar américain.
Sans cesse en mouvement entre son bureau, son bar de prédilection,
le cabinet de son analyste et les lieux que son enquête l'amène
à fréquenter, Lew Fonesca traîne comme un boulet la
mémoire de sa femme disparue et de ses souvenirs : "Je vois
un dénominateur commun entre [vos clients]. Il se peut que je me
trompe, mais c'est par là qu'il faut commencer. Ils vous rappellent
tous la personne la plus importante de votre existence : vous, Lewis Fonesca.
Ce sont tous des cas désespérés. Les gens vous appellent
à l'aide, car ils n'ont plus personne vers qui se tourner. Une
femme en cavale, une autre dont le mari est mourant, une adolescente fugueuse,
un vieil homme qui s'est fait escroquer par son associé. Et vous
les aidez car vous ne pouvez pas vous aider vous-même."
N.B. Dans l'extrait qui précède, j'ai rétabli l'orthographe,
ôté un r à mourrant et préféré
escroquer à escroqué. Le reste est à l'avenant :
les éditions Alvik (pas de titre original, pas d'année de
copyright, bourdes et coquilles multiples) font un véritable travail
de cochon.
TV. Le dernier roi d'Ecosse
(The Last King of Scotland, Kevin Macdonald, E.-U., 2006 avec Forest
Whitaker, James McAvoy, Gillian Anderson; diffusé ce mois sur Canal
+).
MERCREDI.
Servez-vous. Premier jour des soldes,
tout doit disparaître. Surprise de Caroline à son retour
à la pharmacie après la croûte méridienne :
une cliente attend sagement d'être servie mais personne derrière
le comptoir. Explication : la porte de la boutique est restée ouverte
de midi à quatorze heures. La caisse est toujours là, les
rayons semblent toujours garnis, heureusement. Pour les notuliens locaux
: n'hésitez pas à tenter votre chance un de ces jours, ça
peut se reproduire. Edouard Leclerc peut aller se rhabiller, la pharmacie
Didion reste très compétitive au niveau des prix.
Football. Allemagne - Turquie 3 -
2. Je ne sais pas si les Turcs produisaient le meilleur football de la
compétition mais dans le quartier, aucun doute là-dessus,
c'est bien eux qui avaient les meilleurs klaxons. Le silence de la nuit
m'a donné le résultat du match sans que j'aie à le
regarder.
JEUDI.
Courrier. Arrivée du n°
34 d'Histoires littéraires. Mes chroniques du numéro
précédent (sur Proust, sur Léo Malet et sur l'actualité
littéraire) devraient trouver place dans une prochaine livraison
des notules.
VENDREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
Allô ? Ces deux supports publicitaires
se trouvent sur les trottoirs d'Epinal, à quelques rues de distance.
Ils méritaient d'être rapprochés.
TV.
Où es-tu allé en vacances (Dove vai in vacanza
?, sketches de Mauro Bolognini, Luciano Salce, Alberto Sordi, Italie,
1978 avec Ugo Tognazzi, Stefania Sandrelli, Alberto Sordi; diffusé
dimanche dernier sur France 3).
SAMEDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Je reviens te chercher, de Guillaume Musso.
TV. Le Dahlia noir (The Black
Dahlia, Brian De Palma, E.-U., 2006 avec Josh Hartnett, Scarlett Johansson,
Aaron Eckhart, Hilary Swank; diffusé en mai dernier sur Canal +).
L'Invent'Hair perd ses poils.
Varennes-sur-Allier (Allier), photo de l'auteur, 18 août 2004
Bon dimanche.
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