Notules
dominicales de culture domestique n°4 - 1er avril 2001
Je ne te
dirai donc pas ce matin
1. que j'ai trouvé deux ouvrages de Jean-Pierre Brisset à
commander.
2. que je suis devenu membre héroïfique du Collège
de 'Pataphysique.
3. que j'ai déjà vu à la TV, et apprécié
d'ailleurs, La Chambre des magiciennes.
4. que je compte encore une fois sur ton aide cet été pour
m'aider à mettre en route de nouveaux chantiers informatiques.
puisque nous nous entretînmes de ces sujets viva voce hier.J'ai
fini l'après-midi au jardin, à nettoyer des mauvaises herbes
et à planter des primevères avant le film du soir.
J'ai donc vu Animal Factory de Steve Buscemi (2000) au cinéma
vendredi soir. C'est un film de prison, tiré d'un livre d'Edward
Bunker qui a d'ailleurs participé au scénario.Edward Bunker
a passé une trentaine d'années en prison et s'en est sorti
grâce à l'écriture. La lecture de ses Hommes de proie
(Seuil Policiers,1994) ne m'avait pas vraiment plu, notamment parce qu'il
rejetait les fautes uniquement sur la société qui fabrique
les méchants, comme si ces derniers n'étaient que des victimes.
Animal Factory est tiré d'un de ses autres livres. On y
voit un jeune homme de bonne famille faire ses premiers pas dans un pénitencier
(c'est celui de Philadelphie qui a servi de cadre au tournage). Très
vite, il gagne l'amitié du caïd local, interprété
par un Willem Dafoe glaçant et ambigu, essentielle pour survivre.
Steve Buscemi refuse le sensationnel, filme le quotidien carcéral.
Il y a des flambées de violence éclair, bien sûr,
mais grâce à un tissu de réseau de compromission et
de corruption, on ne vit pas
trop mal dans cette prison... si l'on est dans les bons papiers du caïd.
Ce sont les relations entre le jeune "innocent" et le taulard
chevronné, au bord de l'homosexualité, qui ont intéressé
le réalisateur. Petit à petit, le jeunot prend ses marques
,s'adapte et acquiert un certain statut qui lui permet de vivre sans trop
de difficulté. Ce qui rend presque incongrue la fin du film, consacrée
à une tentative d'évasion, concession inutile faite au besoin
de scénariser le film, de se rapprocher des classiques du genre.
Rubrique télévision. Les Bonnes femmes de Claude
Chabrol (1960). Contrairement à ce que pourrait laisser croire
le titre, ce n'est pas contre les femmes que s'exerce l'ironie de Chabrol
dans ce qui est son quatrième film, mais plutôt contre ceux
qui essaient de s'attacher leurs faveurs. Les quatre vendeuses d'électroménager
dont on partage l'existence pendant trois jours sont plus à plaindre
qu'à moquer. La vacuité de leur vie professionnelle est
désespérante et dès qu'elles mettent le nez dehors,
c'est pour subir les assauts de la gent masculine dont le moins qu'on
puisse dire est qu'elle manque de raffinement. Chabrol est parfois assez
épais, filmant par exemple le fiancé d'une des filles en
visite au Jardin des Plantes en train de manger des cacahuètes
et de se gratter l'aisselle alors qu'il tourne le dos à la cage
des singes. La narration est assez décousue, ce qui n'a guère
plu à l'époque. Reste le plaisir de voir les interprètes
féminines, Stéphane Audran et Bernadette Lafont déjà
sulfureuse, ainsi que Mario David en jeune premier.
A Scene at the Sea de Takeshi Kitano (1991). KItano est pour moi
une énigme. J'ai vu de lui, avant ce film, Violent Cop (1989),
Hana-Bi, feux d'artifice (1997), Sonatine, mélodie mortelle
(1993), ressentant à chaque fois une sorte de fascination devant
des histoires plutôt hermétiques (que l'uniformité
des visages japonais dont je t'ai déjà parlé ne facilite
pas à comprendre) qui contiennent des moments de beauté
fulgurante. Ici, le jeune Shugaru est sourd-muet. Au cours d'une de ses
tournées -il est éboueur- il récupère une
planche de surf démantibulée qu'il entreprend de rafistoler.
Il passe ses journées à essayer de maîtriser cette
pratique sportive sous les yeux de sa petite amie. Ingrédients,
donc : un homme muet, une fille qui ne lui parle pas, une plage, des vagues,
des chutes dans l'eau et c'est à peu près tout. Et au final,
un film envoûtant, intrigant, parfois drôle. le mystère
Kitano a encore marché, du moins sur moi.. L'obstination dont fait
preuve Shugaru est certainement métaphorique : toute activité
artistique, le cinéma par exemple, nécessite un travail
répétitif et ingrat, fait passer par des phases de découragement,
d'humiliation. A voir au moment où tu reprends ton manuscrit...
Le Chemin des écoliers, de Michel Boisrond (1959), une histoire
de lycéen parisien qui s'adonne au marché noir à
l'insu de son père pendant l'Occupation. Occupation, marché
noir, Bourvil, Marcel Aymé adapté par Aurenche et Bost :
tout est fait pour retrouver le succès de La Traversée de
Paris, tourné trois auparavant par Claude Autant-Lara. L'opposition
entre le fils sans scrupules (Delon) et le père, honnête
négociant, (Bourvil) est trop caricaturale pour être vraiment
crédible. Marcel Aymé a toujours aimé présenter
la duplicité des êtres, le cynisme. Reste que le film est
loin d'être convaincant, à l'image de ce que détestaient
les jeunes loups des Cahiers du Cinéma , les Godard, Truffaut,
Rivette, qui allaient, en réaction, créer la Nouvelle Vague.
J'ai lu La femme aux lucioles de Jim Harrison (10-18, 1990) dont
je connais maintenant toute l'œuvre traduite en français (sauf
la poésie). Trois nouvelles composent le recueil mais il n'y a
que dans la première Chien Brun, qu'on retrouve tous les éléments
qui font un bon Jim Harrison : une histoire d'Indien, de nature, d'alcool,
de femme...dans laquelle se multiplient les anecdotes, les souvenirs.
Sur une longue distance, ça donne des chefs-d'œuvre comme Dalva
et La route du retour. Ici, ça donne une histoire passionnante
sur la quête des origines, de l'identité, de l'authenticité.Les
deux autres nouvelles sont plus urbaines et ennuient.
Le dimanche promet d'être ensoleillé, profites-en bien pour
t'enfermer et te concentrer sur tes grimoires. Bonnes vacances.
Notules
dominicales (par anticipation) de culture domestique n°5 - 7 avril 2001
A l'heure
où j'entame ce mot, tes femmes doivent être en train de foutre
du sable pharaonique sur les tapis de sol de ton auto, à moins
qu'elles ne battent la semelle sur le tarmac de l'aéroport en commençant
à se faire à l'idée que oui, ça ne peut être
que ça, tu as définitivement raté le réveil.
J'espère que la solitude de ta thébaïde aura été
propice à un travail fructueux même si, d'après ce
que tu m'en dis, ta santé et ton hygiène de vie ont dû
parfois en souffrir.
Écouté dimanche dernier la B.O. de In The Mood For Love,
merci encore pour la copie. La valse d'ouverture est somptueuse.
Pas de compte rendu cinématographique cette semaine. Les horaires
de Mercredi n'étaient pas favorables, je manquais de motivation
pour aller voir Intimité et le reste ne m'intéressait
pas. En revanche Caro a vu et apprécié Un Crime au Paradis,
m'en rapportant une "brève de cinoche" que j'ai particulièrement
appréciée : à la sortie de la salle, Solange, secrétaire,
(mettons) confie à sa collègue Janine avec qui elle est
sortie en célibataire : "Comme ça, ils (leurs maris,
donc) voient qu'on n'est pas si mauvaises !"
Il faudra donc que tu te contentes d'impressions de petit écran.
D'abord avec La Bûche de Danièle Thompson, comédie
à succès de 1999. Il y a d'ailleurs de quoi se poser des
questions sur ce succès, tant c'est vain et creux. Même les
acteurs, des valeurs sûres (Sabine Azéma, Emmanuelle Béart,
Charlotte Gainsbourg...), ont l'air de s'ennuyer. Exemple de "bon
mot" : "Il m'a fait l'amour comme un footballeur, droit au but
et sans les mains." Navrant.
Révision des classiques avec Drôle de drame (1937)
de Marcel Carné. Il est intéressant de replacer dans son
contexte la célèbre scène du "Bizarre, bizarre..."
Un contexte assez ébouriffant car Prévert et Carné
ici n'ont pas encore cédé au réalisme poétique
qui fera leur gloire avec Quai des Brumes et Le Jour se lève qui
suivront. La fantaisie règne en maître, le contexte britannique
(Londres reconstitué par Trauner) donne lieu à une utilisation
savoureuse du nonsense.Comique absurde, vaudeville, numéros d'acteurs
(Michel Simon, Jouvet, Barrault, Françoise Rosay), tout cela est
très brillant.
La Secte du Lotus blanc, de Tsui Hark (Hong-Kong, 1992), comme
The Blade du même auteur, est un film de combat (du bâton,ici,
ou tout ce qui peut en tenir lieu, parapluie, crucifix...) hyperrythmé.
La virtuosité de Tsui Hark lui a paraît-il valu le surnom
de "Spielberg hongkongais". Les combats qui parsèment
le film sont autant de morceaux de bravoure, le reste de l'intrigue m'a
un peu échappé : endormissement prématuré,
méconnaissance du contexte historique, confusion des visages asiatiques
comme d'habitude, inadaptation du film au format du petit écran,
bande son assourdissante. Dommage, ce film méritait certainement
mieux.
Dans La Machine à explorer le temps, de George Pal (U.S.A.
1960) un savant se projette dans le futur, les années 1917 (l'action
se passe en 1899),1940, 1966 et 802.701. Je ne connais pas le célèbre
roman de H.G. Wells dont le film est l'adaptation, j'aimerais savoir si
le ton du livre est aussi pessimiste que celui du film. Car on est loin
ici de la manière humoristique avec laquelle ce thème a
déjà été traité (voir Retour vers le
Futur de Robert Zemeckis) : chaque halte du personnage dans l'avenir lui
fait prendre conscience des fléaux qui attendent l'humanité
(les deux conflits mondiaux et en 1966, une catastrophe nucléaire).
L'épisode le plus développé est le dernier qui présente
une société dans laquelle science et culture ont disparu,
au grand effroi du héros qui va s'efforcer de remédier à
tout ça. Au total, un film beaucoup plus riche et plus profond
qu'on ne pourrait le croire.
Fini la semaine au Japon avec le Docteur Akagi de Shohei Imamura
(1998), totalement différent de son Anguille qui lui avait
valu la Palme d'Or cannoise et dont j'avais aimé le caractère
intimiste. On en est loin ici. Imamura présente toujours un microcosme,
une petite communauté mais cette fois avec des ambitions et des
moyens décuplés (co-production oblige, on a même droit
à un Jacques Gamblin improbable dans un rôle de prisonnier
hollandais parlant allemand). On est en 1945, l'Allemagne s'est rendue
et le Japon continue à se battre. On voit la bêtise des militaires,
les femmes qui s'entraînent au combat avec des bâtons en guise
de fusils. D'une galerie de personnages difficilement identifiables (toujours
le problème des visages asiatiques) émerge la silhouette
replète du Dr Akagi, toujours en mouvement. Son obsession : venir
à bout d'une épidémie d'hépatite, guérir
les foies malades de ses compatriotes, sauver le pays entier (là
où le héros de L'Anguille fuyait l'humanité, Akagi
court au devant d'elle) avant de se rendre compte qu'il n'a rien de mieux
à faire qu'exercer humblement sa tâche de médecin
de famille. Peu convaincant.
En littérature, retrouvé avec plaisir Fred Vargas et son
personnage de Kehlweiler (découvert dans Un peu plus loin sur la
droite) dans Sans feu ni lieu (Viviane Hamy, 1997). Vargas m'avait beaucoup
déçu avec son Homme à l'envers, sorte de polar rural
raté. Kehlweiler, en congé du Ministère de l'Intérieur,
mène une enquête qui n'est pas inintéressante mais
qui passe, pour le lecteur, au second plan, derrière le charme
de l'écriture, la nonchalance du personnage et de ses amis historiens
qui vivent dans une communauté qui n'est pas sans rappeler la tribu
Malaussène. C'est, comme souvent dans la collection Chemins Nocturnes
de Viviane Hamy, très littéraire. La clé de l'énigme,
par exemple, est cachée dans un poème de Nerval.
Rien de littéraire en revanche dans Nanks de Pierre Filoche (Baleine,
1999). On y trouve un auteur de polar qui se met à tuer, à
l'image du personnage qu'il a créé.
Créateur se prenant pour sa créature, schizophrénie,
on connaît ça depuis Stevenson au moins, pourquoi pas, là
n'est pas le problème. Les auteurs de Baleine écrivent vite,
sont vite publiés et vite lus. Ca ne m'empêche pas d'être
agacé par des phrases comme celles-ci : "une voix qui
raisonne dans un couloir"
"Je me suis permise de m'asseoir"
"C'est toi, Nanks, qui t'habille en femme"
"...toi qui n'existe pas."
J'aime bien qu'on me respecte en tant que lecteur, ce n'est pas le cas
ici.
Je vais maintenant me consacrer aux premiers romans sélectionnés
pour le Prix René-Fallet sous le soleil (?) cannois. Nous devrions
partir dans l'après-midi. La semaine qui s'achève a encore
été marquée par les soucis de santé d'Alice.
sa visite chez le cardiologue nous a permis d'apprendre qu'elle présentait
des risques d'être victime du sinistre SMSN (syndrome de mort subite
du nourrisson). Il fut un temps question de la placer en observation à
Nancy, heureusement nous y avons échappé. Le risque s'efface
à l'âge de six mois, donc à la fin de celui-ci. Le
savoir aussi tardivement nous aura évité en fait de trembler
depuis sa naissance, ce qui n'est pas plus mal.
En tout cas, comme tu as pu t'en rendre compte samedi, l'inquiétude
qu'elle nous cause ne l'empêche pas d'être charmante. Pourvu
que ça dure !
Bises à la famille réunie.
Notules
dominicales de culture villégiaturiante n°6 - 16 avril 2001
Journée
un tantinet vasouillarde, nous avons réintégré nos
pénates cette nuit à 3 heures 30. Séjour ensoleillé
mais assez frais, comme de juste nous avons retrouvé la pluie à
Lyon. Tout le monde en a joui convenablement, même Alice, dont la
troisième gastro s'est déclenchée à l'heure
du départ qui, du fait a failli n'en pas être un, en a profité
pour se refaire une santé. Plaisir de passer une semaine sans monter
dans une voiture avec pour seule activité sportive le triathlon
matinal pain-presse-PMU.
Comme prévu, je me suis consacré aux livres sélectionnés
pour le Prix René-Fallet, à savoir :
- Balzac et la Petite Tailleuse chinoise de Dai Sijie (Gallimard
2000)
- Une gourmandise de Muriel Barbery (Gallimard 2000)
- Récit d'un branleur de Samuel Benchetrit (Julliard 2000)
- Le Musée national de Cécile Guilbert (Gallimard
2000)
- La femme manquée d'Armel Job (Robert Laffont 2000)
- Un soldat de passage de Patrick Poumirau (Nil 2000).
Trois sont intéressants, trois me sont tombés des mains,
la proportion n'est pas mauvaise. Les deux femmes (Armel Job est un homme)
ont écrit des livres ennuyeux, prétentieux et ne m'ont pas
réconcilié avec la littérature féminine. Une
gourmandise est la narration plutôt indigeste des dernières
heures d'un chroniqueur gastronomique; Le Musée national est consacré
aux pensées creuses et aux états d'âme d'une narratrice
gardien de musée qui a des opinions sur l'Art. Quant au Soldat
de passage, qui se déroule en partie dans un Afghanistan en guerre
vu par un membre d'une nouvelle version des Brigades Internationales,
on se demande quel lecteur il pourra séduire avec sa grandiloquence
ridicule.
Sur le versant ensoleillé, la Petite Tailleuse chinoise a déjà
rencontré un estimable succès critique et public. Ce n'est
pas seulement dû à la renommée de l'auteur, déjà
connu comme cinéaste (Chine, ma douleur 1989). Littérairement,
c'et bien le roman le plus intéressant et le plus abouti. Il raconte
un épisode de la Révolution Culturelle au cours de laquelle
deux adolescents, envoyés à la campagne, découvrent
une caisse de livres d'auteurs interdits (Balzac, donc, mais aussi Dumas,
Flaubert, Dickens...) qu'ils se mettent à dévorer.Le propos
fait penser au Testament français d'Andreï Makine, par sa
mise en valeur de la culture dans un milieu hostile. C'est très
bien fait, parfois drôle, parfois tragique.
Le Récit d'un branleur aurait très bien pu paraître
dans une collection policière. Roman, le narrateur est un véritable
parasite, totalement indifférent à ce qui se passe autour
de lui. Benchetrit a trouvé le ton désabusé, ironique,
qui convenait au récit de sa vie, émaillé de quelques
trouvailles assez drôles.
C'est Armel Job, enfin, qui se rapproche le plus du monde de René
Fallet (quoique ce ne soit pas un critère pour le prix). Son roman
raconte les efforts désespérés faits par un agriculteur
pour trouver une femme. L'ancrage dans une petite communauté rurale
dépaysante -on est en Belgique- est parfaitement réussi,
beaucoup moins artificiel, moins "téléfilm" que
les livres de Claude Courchay. On rit là aussi assez souvent mais
sans condescendance pour les personnages et l'émotion est également
présente, sans être appuyée. La fin, une histoire
d'enfant échangé pendant la guerre, est similaire à
celle de Small World, de Martin Sutter, lu récemment.
Une curiosité en ce qui concerne les livres : j'ai lu une bonne
vingtaine de romans de Westlake mais pas Un jumeau singulier. Je suppose
qu'il a dû être réédité en Folio Policier.
Mets-le moi de côté pour un de ces jours. J'ai commandé,
via le net puisque je ne trouve pas ses ouvrages en librairie, un autre
roman de Constantine avec Balzic.
Malgré (ou à cause de ?) la proximité de Cannes,
il n'y a pas de cinéma à Mandelieu, donc pas grand-chose
à se mettre sous la rétine. Comme les vacances sont propices
au relâchement, j'ai regardé un film sur TF1, ce qui ne m'était
pas arrivé depuis longtemps. On aurait presque pu dire un film
de TF1 tant sa place sur cette chaîne semblait naturelle. Il s'agissait
de Trafic d'influence, de Dominique Farrugia. Ex-membre des Nuls, Farrugia
tourne ici le dos à l'humour corrosif et absurde de sa bande (qu'on
a retrouvé au cinéma dans La cité de la peur d'Alain
Berbarian 1994, avec Farrugia au scénario ou Didier d'Alain Chabat
1996) pour marcher sur les traces de Claude Zidi. La mise en scène
de deux députés ripoux dont le convoiement vers la maison
d'arrêt de Melun tourne, du fait d'une grève générale
qui paralyse tout le pays, en road movie poussif, n'a bien sûr rien
de subversif. Au contraire, on est conduit à se sentir complice
de leurs agissements antérieurs et leur sens de la combine et de
la débrouille sont supposés valoir absolution - ce en qui
le film ne s'éloigne guère de la réalité,
voir les exemples Tapie, Balkany, Mellick dont nous causions l'autre jour.
Maintenant il faut bien admettre que le numéro du duo Lhermitte-Jugnot
est plutôt amusant et enfonce la jeune Aure Atika, actrice aussi
pathétique que son personnage (c'est la fliquette qui est chargée
de convoyer les prisonniers).
Autre soirée détente ayant valeur d'expérience :
un samedi soir passé en compagnie de Jean-Pierre Foucault et du
jeu Qui veut gagner des millions ? Eh bien, je me suis laissé prendre...au
jeu et ai passé un moment agréable. Les rédacteurs
des questions s'amusent bien dans les premiers tours (genre Charles Aznavour
a-t-il chanté For me... formidable ou For me... formica) et il
y a des questions intéressantes une fois que le niveau s'élève.
Bien sûr, il faut avoir de quoi lire à portée de main
pour supporter les tunnels de pub et faire abstraction des efforts laborieux
de Jean-Pierre Foucault ("C'est votre dernier mot ?") pour faire
croire que le suspense est insoutenable mais dans l'ensemble c'est intéressant.
Dernière soirée consacrée au mauvais goût :
vendredi avec la série PJ sur France 2. Je suis avec Caroline cette
série depuis ses débuts et nous en sommes fans, les personnages
récurrents n'ont plus de secret pour nous et nous font avaler sans
sourciller les défauts de la série qui sont tels par exemple
que n'importe qui qui se mettrait à en suivre un épisode
au hasard trouverait ça totalement pitoyable. PJ, ça se
mérite, il fallait être là dès le début
!
Merci de tes notules à toi que j'ai trouvées à mon
retour et bon courage pour la reprise du labeur.
Bises à tous.
Notules
dominicales de culture domestique n°7 - 22 avril 2001
Petite semaine,
comme tu dis dans ton RAS découvert à l'instant.
LUNDI.
Les journées de retour de vacances sont toujours difficiles à
gérer. Il faut faire fi d'un état vasouillard pour mener
à bien un tas de choses : les sacs à vider, les lessives
à faire, la presse en retard à lire, les archives à
remettre à jour, les notules à rédiger...Dans le
courrier, je tombe sur une lettre de Nanou, la première depuis
un bon bout de temps. Elle ne me parle pas du tournant de sa vie sentimentale,
m'annonce qu'elle est contente parce qu'elle va passer les deux prochaines
années en formation. Après deux ans au milieu d'enseignants
et de formateurs, soyons sûrs qu'elle sera ravie de retrouver ses
bambins.
124,20 F gagnés au PMU. C'est peu.
MARDI.
Retour au bahut. Enfin, pas trop longtemps,
jusqu'à midi et demi. Ca suffit, si ça pouvait être
comme ça tous les jours, ça me conviendrait parfaitement.
L'après-midi, nous filons à Dinozé finaliser administrativement
et financièrement la vente de la 2 CV. L'acheteur est un général
en retraite. Quand il va vouloir la faire démarrer l'hiver, ça
lui rappellera ses recrues les plus rebelles.
Cinéma.
Mercredi, folle journée ! Comme tu le dis, la ville est
bien filmée, un peu idéalisée comme la Marseille
de Guédiguian. Comme dans PJ en fait, le pivot de l'histoire n'est
pas un personnage mais un lieu, un commissariat d'où vont partir,
ou où vont aboutir plusieurs récits en étoile. Surprise
de trouver à la tête de ce commissariat un Olivier Gourmet
(le patron du stand de gaufres de Rosetta) sans barbe et sans lunettes
que je n'ai reconnu qu'aux légères traces d'accent belge
qu'il a conservées. J'ai bien aimé, mais comment pourrait-il
en être autrement dans cette histoire où tout est si bien
équilibré (une mort tragique est immédiatement compensée
par une naissance rocambolesque, une sortie de garde à vue balancée
par l'arrestation d'un dealer). Les enfants sont beaux, les bons mots
(l'instituteur semble sortir d'un film de Pagnol) calibrés, les
hommages cinématographiques (L'Atalante de Jean Vigo avec la fugue
en péniche, Les 400 coups avec le gamin qui la dirige et qui fait
penser à Jean-Pierre Léaud dans le film de Truffaut, les
films de Jacques Demy pour le cadre nantais) bienvenus. Lindon, dis-tu.
Depuis La Crise (Coline Serreau, 1992) on connaît parfaitement son
rôle de paumé au grand cœur. N'empêche qu'on marche,
et qu'on oublie nos réticences : comment lui en vouloir alors qu'il
trouve en une journée l'amour de sa fille et un cheval gagnant
à 64 contre 1...
MERCREDI.
J'achète mon billet de train pour mon prochain voyage à
Paris. Je bois un jus au Bar de la Poste, y regarde les photos que je
viens d'aller chercher. Il y en a des vacances à Au, je les ferai
retirer et les enverrai aux covacanciers.
Alice a sa première dent qui pointe.
JEUDI.
Je termine l'étude de Je me souviens de Je me souviens de
Roland Brasseur, un prof de maths de Troyes que je côtoie lors des
séminaires Perec, entreprise le 7 février 2000. Il reprend
un à un les 480 souvenirs de Perec et les étudie au microscope.
Outre la biographie des personnages cités, il relève les
erreurs commises sciemment ou non par Perec et les correspondances existant
entre ces souvenirs et le reste de l'œuvre de l'auteur. C'est un travail
de bénédictin, précis, pointu, pour ne pas dire pointilleux,
qui correspond tout à fait à ma tournure d'esprit. J'ai
été surpris d'y trouver un nombre important de correspondances
relevées entre l'œuvre de Perec et celle de Modiano et qui n'ont,
à ma connaissance pas encore fait l'objet d'une étude précise.
Si je n'avais pas tant de fers au feu...
Le propriétaire donne son accord pour la transformation de la pharmacie.
Télévision
:
Le Juge et l'Assassin de Bertrand Tavernier (1976), récit
de l'histoire réelle d'un illuminé (Galabru) se prétendant
"l'Anarchiste de Dieu" qui sillonne la France de 1893 en violant
et tuant bergères et bergers. Un juge (Noiret) l'arrête et
le fait guillotiner, refusant de le voir considère comme fou, pour
servir sa carrière personnelle. Je me souviens du bruit qu'avait
fait le film à sa sortie, presque uniquement à cause du
fait qu'on y voyait pour la première fois Galabru dans un rôle
non comique. En réalité, il n'est pas si surprenant que
ça, et même si le texte qui sort de sa bouche est différent,
il fait toujours du Galabru. Comme plus tard dans La Vie et rien d'autre
(1989) que je considère comme un chef-d'œuvre, Tavernier inscrit
son histoire dans un contexte historique très soigné. Ici,
les thèmes qui dominent le pays sont l'Affaire Dreyfus, la défaite
de 1870 et l'antigermanisme, les colonies, les premiers pas du mouvement
socialiste et syndical. Audacieusement, Tavernier met
d'ailleurs, dans le générique de fin, en parallèle
les 20 bergers tués par l'illuminé et les centaines d'enfants
tués au travail dans les mines, ce qui est un raccourci un peu
osé. Il ne prend pas de gants non plus quand il dépeint
une armée française qui fleure bon l'antisémitisme,
une justice totalement asservie et une médecine aliéniste
effrayante.
VENDREDI.
Mumu m'envoie une pétition pour les femmes afghanes. Je ne l'ai
pas encore lue en entier, c'est long.
Voune me parle d'un groupe qui reprend des airs du folk québécois,
comme Garlamb'Hic à l'époque, et qui rencontre un joli succès.
Je le connais, c'est Mes souliers sont rouges. Je repense à
ces années de carrière musicale avec nostalgie, bien qu'elles
aient constitué pour moi une période d'énorme souffrance.
Je reçois ce même jour des nouvelles de Xavier, ancien guitariste
prodige du groupe qui vit maintenant au Québec et qui attend une
greffe du foie (cirrhose). Qu'avons nous fait de nos jeunesses ?
Le vendredi, c'est PJ. L'épisode du jour est bien nerveux,
sans temps mort. Voilà que le fils de Meurseaux est un dealer !
Vincent et Bernard vont-ils prendre un appartement ensemble ? Et
la femme de Poret qui découvre l'usage extra-conjugal qu'il fait
de sa banane antillaise...
SAMEDI.
Rencontre parents-profs à Châtel.
Cette fois, je ne me suis pas fait agresser. Il faut dire que je n'ai
pas moisi sur place, m'esquivant rapidement par une porte dérobée.
Au courrier, une lettre de la CME où on se lasse de mes découverts.
Je rumine une réponse incendiaire.
Télévision
: Accords
et désaccords de Woody Allen (1999), l'histoire d'un musicien
de jazz prodige. Encore une fois, Allen présente un créateur,
avec beaucoup d'ironie cette fois. Au-delà de son art, Emmet Ray,
le guitariste interprété par Sean Penn, est un personnage
pitoyable, imbu de lui-même, qui passe ses loisirs à regarder
passer les trains et à tuer des rats dans des décharges,
ignoble avec les femmes. Seulement voilà, quand il joue c'est un
génie. Belle bande son, belle reconstitution de l'Amérique
des années 40, belle photo, un peu comme dans le O' Brother des
frères Cohen mais beaucoup plus sage.
DIMANCHE.
Je découvre ton courriel à l'aube. Content de voir que tu
apprécies aussi PJ. Ma connivence avec Jean-Pierre Foucault te
fait bondir. Il y de quoi. Je n'ai pas recommencé. C'était
une folie de vacances, ça ne se reproduira plus, comme le promettent
les maris volages au retour d'une escapade... Les "dimanches hagards
devant l'École des Fans après une nuit de cuite", je
les ai connus aussi, et plus souvent qu'à mon tour. J'ai dû
le noter dans un de mes Souvenirs quotidiens.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°8 - 29 avril 2001
DIMANCHE.
Après t'avoir envoyé mes notules, j'écoute Les
amis de ta femme, dont tu m'as fait copie. Bonne humeur, esprit fin
et léger, bon swing, ces gens-là ont bien écouté
et digéré les VRP. La mention du plateau de Malzéville
m'a remis en mémoire un (le seul, je pense) 45 tours des Sleep
Jones (sic) dont j'ai l'enregistrement quelque part et dont le refrain
contient ce distique : "Je veux rentrer, rentrer en Lorraine/
Car je suis né, je suis né à Tomblaine". La
banlieue nancéienne a ses Homère.
Au tour de Caroline d'aller voir Mercredi.Je reste devant la TV et regarde
Une étrange affaire de Pierre Granier-Deferre (1981), l'histoire
d'une fascination, d'une vampirisation exercée par un patron (Piccoli)
sur un employé (Lanvin). Petit à petit, celui-ci va tout
sacrifier à celui-là : son temps, ses amis, son lit, sa
femme...Outre l'intérêt qu'on peut porter au portrait psychologique,
on peut aussi apprécier le film pour l'image qu'il donne du monde
du travail en 1981 : les employés travaillent dans des bureaux
fermés, fument, se retrouvent au bistrot, arrivent parfois en retard...L'arrivée
du nouveau patron est aussi celle du nouveau capitalisme et de ses nouvelles
méthodes : efficacité, inhumanité, rentabilité.
Le cinéma de Granier-Deferre, rempli d'adaptations littéraires
léchées (Simenon pour Le Chat et La Veuve Couderc, Drieu
La Rochelle pour Une femme à sa fenêtre, Jean-Marc Roberts
ici), c'est aussi celui de la vieille entreprise. Il ne manquait pas de
charme, surtout servi par de bons acteurs
comme c'est le cas ici.
LUNDI.
Au courrier, une nouvelle lettre de la banque. Cette fois, plus moyen
d'y couper. Je rédige une réponse dans laquelle je mêle
la contrition ("j'ai vendu jusqu'à ma voiture") et le
foutage de gueule ("je vous remercie de l'intérêt que
vous voulez bien porter à ma situation..."). En même
temps, je mets en place un plan drastique d'économie, concernant
notamment mes dépenses PMU qui sont pour beaucoup à l'origine
de mes difficultés.
Au cinéma, je vois Comédie de l'innocence de Raoul
Ruiz (2000), monsieur Un Film Par An depuis 1996. Camille, le jour de
ses neuf ans, déclare à sa mère (Huppert) qu'il ne
croit pas qu'elle le soit (sa mère). Suit une histoire étrange
où une femme qui a perdu son enfant (J. Balibar) prend le rôle
de la mère de Camille. Au lieu de jouer sur le suspense (de qui
Camille est-il réellement le fils ?) comme l'aurait fait Chabrol
par exemple (on pense à lui à cause du milieu haut-bourgeois
dépeint et de la présence d'Isabelle Huppert), Ruiz décline
la thématique de l'étrange, du malaise d'un façon
plutôt lente et paresseuse. On se perd -et on s'endort et pas moyen,
au cinéma, d'utiliser la méthode René Decq, dite
celle du "cierge contemplatif") dans un verbiage pénible
, comme la caméra se perd dans les couloirs de l'appartement de
Camille.
MARDI.
Je finis de tondre la pelouse. Ouf. Il fallait viser juste, trouver deux
jours consécutifs sans pluie, c'est fait.
Alice a six mois aujourd'hui et est théoriquement tirée
d'affaire. Deuxième ouf.
Au courrier, une carte d'Égypte des femmes Decq.
Le Monde publie la pré-sélection du Prix Renaudot. Ils ne
sont pas en retard !
TV
: Paris à tout prix, sur Canal +. Deux ans de campagne
électorale filmés de l'intérieur, dans l'intimité
des Balladur, Panafieu, Lang, Séguin, Tibéri, Delanoë.
Passionnant. Le maire élu en sort avec une image plutôt sympathique,
ce qui n'est pas le cas de Jack Lang. Séguin faisant part, à
l'issue de son audition par la commission du RPR chargée d'auditionner
les projets des candidats potentiels, de son incrédulité
d'être jugé par des gens à qui s"[il] les les
avait[t] eus comme étudiants, [il] n'[est] pas sûr qu'[il]
leur aurai[t] donné la moyenne"...
MERCREDI.
Le Monde titre sa critique du Fabuleux destin d'Amélie Poulain
"Quand Georges Perec rencontre Marcel Carné". J'avais
déjà envie de voir le film avant ça, maintenant je
ne peux plus y couper.
Football.
Je regarde France-Portugal (4-0). Il fut un temps où je regardais
tous les matches diffusés, je me contente maintenant de ceux de
l'équipe de France. Souvent, comme ce soir, c'est un vrai régal.
JEUDI.
Nous regardons quelques minutes de Loft Story. Fascination du vide.
VENDREDI.
Dans le train qui m'emmène à Paris, je termine la lecture
du Guerrier solitaire de Henning Mankell (Seuil, 1999). Polar suédois
qui met en scène, dans la petite ville d'Ystad, un policier du
nom de Kurt Wallander confronté, c'est maintenant devenu une habitude,
à un tueur en série. Dès sa première apparition,
Wallander entre dans mon Panthéon, aux côtés du Balzic
de Constantine, du Resnick de John Harvey, du Robicheaux de James Lee
Burke, du Bosch de Michael Connely et du Scudder de Lawrence Block. Un
vrai personnage, humain, consistant, au service d'une enquête passionnante.
J'ai déjà acheté les deux autres titres traduits.
SAMEDI.
Séminaire Georges Perec à Jussieu. Communication intéressante
de Yannick Séité, car portant sur un livre peu étudié,
Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour
?, que je te conseille si tu veux t'amuser un moment (en Folio). A la
BiLiPo, je décortique les Série Noire n° 39, 40, 41
pour mon Atlas. Chez Gibert, je trouve un K.C. Constantine d'occasion,
10 francs. Je le prends, le repose : j'allais oublier mon plan de restrictions
budgétaires. Métro bondé, c'est la grève.
Dans le train du retour, je lis Ruth Rendell.
DIMANCHE.
Je trouve ton mot au réveil. Confirmation du fait qu'il n'est pas
nécessaire de se déplacer pour voir Belphégor. Le
film avec Eastwood est-il Impitoyable ? Je l'ai en cassette, pas encore
vu malgré une forte envie.
Je feuillette ma collection de vieux Cahiers du cinéma : pas moyen
de retrouver le titre du film dont tu parles, dans lequel un type est
filmé à son insu pendant toute sa vie. Pourtant, je suis
sûr de l'avoir vu passer...
Drôle de destin que celui de L'assassin de papa, d'abord
paru sous ce titre en Série Noire (n°75O), puis, dans une traduction
revue et complétée, celle de la Série Noire étant
jugée "abrégée et assez éloignée
de l'esprit du livre", sous le titre 361 en Rivages Thriller. J'en
ai lu les deux versions. Il s'agit de la veine noire de Westlake des débuts,
d'une facture, si je me souviens bien, assez classique.
Une petite bouffe chez vous ? Avec un plaisir non feint? Je te cause de
dates dès que possible. En attendant,
bon dimanche.
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