Notules
dominicales de culture domestique n°13 - 3 juin 2001
DIMANCHE.
Nous passons la journée festivo-maternelle à Saint-Jean-du-Marché.
LUNDI.
Courrier. J'envoie des découpures
à l'AGP.
Toile. Je m'inscris sur une certaine
listeperec@egroups.fr
qui regroupe les gens désirant de recevoir et de diffuser des informations
sur l'homme et l'œuvre. La chose n'existe que depuis quelques heures et
j'y trouve déjà des signatures connues de gens que je côtoie
à Jussieu, Bernard Magné, François Bon, Hans Hartje...
Cinéma. Beijing Bicycle
de Wang Xiaoshuai (France-Chine-Taiwan, 2000). Première chose,
qui n'est pas la moindre à mes yeux : ce film, grâce
au nom de son réalisateur, me permet de mettre fin à l'irritante
virginité de la page X de mon répertoire de Films vus.
Heureusement, il y a autre chose d'intéressant dans cette histoire
de jeune provincial qui trouve un emploi de coursier à Pékin
et se fait piquer son vélo, outil essentiel à sa survie.
Il y a certainement des réminiscences du Voleur de bicyclette de
Vittorio de Sica dans ce film,
mais je l'ai vu trop incomplètement et il y a trop longtemps pour
m'en souvenir. Il me semble cependant avoir déjà vu cette
scène de l'accident avec un camion. On a peu l'occasion de voir
Pékin au cinéma : ici, les immeubles modernes voisinent
avec les ruelles où se cachent les taudis. La surpopulation, le
manque de logements sont illustrés par l'appartement surchargé
du voleur. Dans Pékin, on transporte tout sur un vélo :
des matelas, un frigo.... On voit aussi, sur un plan social, comment sont
traités les jeunes campagnards qui viennent chercher du travail
à Pékin. La longueur du film est son principal handicap,
près de deux heures, alors que l'on s'ennuie dans le troisième
tiers de l'histoire. On peut aussi reprocher un certain manque de finesse
dans certains plans où la caméra appuie lourdement mais
dans l'ensemble, l'impression est bonne.
MARDI.
Pour la première fois depuis sa création, l'agrégation
d'anglais ne propose pas d'œuvre de Shakespeare dans son programme pour
l'an 2002. Ca fait jaser.
Au tour de Caroline de visiter La chambre du fils. Je termine La
rue sans fin de William Krasner (1950) dans un des quatre volumes
parus en Omnibus aux Presses de la Cité intitulés Polar
années 50 et consacrés aux romans policiers de la collection
Un mystère, à l'époque concurrente de la Série
Noire. William Krasner n'a pas fait une longue carrière, quatre
romans policiers dont seul celui-ci a été traduit. On peut
le regretter car il aurait pu se tailler une carrière à
la William Irish. On pense à ce dernier car Krasner s'attache à
la description de la vie des sans-grades, des oubliés de l'American
Dream. Chambres d'hôtel minables, boîtes sordides, vies misérables
dans lesquelles déboule Sam Birge, un enquêteur qui lui fait
penser à Maigret par son côté buté et opiniâtre.
MERCREDI.
En ville, j'achète Cinq semaines en ballon. Enfin un Jules
Verne dans cette baraque.
Au courrier, un mot de Frédo.
Web. Voune m'apprend qu'il a placé
son manuscrit auprès d'un éditeur en ligne. J'envoie mon
premier message aux abonnés de listeperec (trouvé 4 pages
sur La Vie mode d'emploi dans le dernier livre de Frédéric
Beigbeder).
TV. Fiorile de Paolo et Vittorio Taviani
(Italie-France-Allemagne, 1992). En Toscane, deux enfants écoutent
leur père raconter l'histoire de leur famille, les Benedetti, marquée
par les amours impossibles et les morts violentes. Plusieurs retours en
arrière nous présentent certains de leurs ancêtres,
interprétés par les mêmes comédiens. Les Taviani
tournent cette histoire avec beaucoup de soin, d'amples mouvements de
caméra, soignant particulièrement les transitions entre
passé et présent mais ça reste assez froid et ennuyeux.
Écriture. J'entame la rédaction
d'un nouvel inventaire, assez facile à faire, qui me permet de
me plonger dans mes écrits intimes.
Santé. Les filles visitent
une ostéopathe. Au prix où ça coûte, ça
ne peut être qu'efficace.
JEUDI.
Web. Mon mot d'hier a suscité
une réaction de Hans Hartje. Ca me fait tant plaisir que j'en envoie
un autre (mention du nom de Perec dans une émission de France Culture
à propos d'un livre nouvellement paru).
Lecture. Bouquiner d'Annie
François (Seuil, 2000). L'auteur travaille aux éditions
du Seuil et parle de sa passion, la lecture. J'ai trouvé avec plaisir
quelques travers que je partage avec elle, le besoin de lire partout,
la peur de me retrouver à court de lecture, l'impossibilité
de ne pas lire jusqu'au bout tout ouvrage entamé, qui ne l'a quittée
qu'à la cinquantaine, ce qui me laisse espérer une prochaine
délivrance. Les livres cités appartiennent à tous
les domaines, excepté celui du polar qu'elle avoue ne pas affectionner.
On prend plaisir à trouver des titres qu'on a lus soi-même,
les Perec, bien sûr, en tête. On ne va pas chicaner Annie
François sur la quantité de livres qu'elle dit avaler mais
ce qui manque ici, c'est la sincérité. On a le paragraphe
inévitable sur l'odeur des livres, les chapitres sur le désordre
domestique , l'amitié des libraires et d'autres lecteurs, la scoliose
qui la menace à cause du poids des volumes transportés (pfff!)
et d'autres détails qui donnent l'impression d'avoir affaire à
une chichiteuse germanopratine. Dans le genre, le livre d'entretiens de
Bernard Pivot avec Pierre Nora, Le métier de lire, était
plus sérieux.
VENDREDI.
Je ne reviendrai pas sur les péripéties de notre soirée
que nous t'avons narrées voici peu sinon pour dire quelques mots
de Gummo d' Harmony Korine (U.S.A., 1997), portrait de quelques
habitants de Xenia, Ohio, après le passage d'une tornade meurtrière.
Après avoir présenté des images tremblées
de l'ouragan qui font penser à un reportage de guerre (Level
Five de Chris Marker par exemple) le réalisateur nous présente
une galerie de survivants tous plus atteints les uns que les autres. Dans
la ville dévastée qui ne semble plus
abriter que des taudis, personne n'exerce une activité normale,
personne ne travaille par exemple. Un adolescent coiffé d'oreilles
de lapin pisse sur les voitures depuis un pont qui enjambe l'autoroute;
deux jeunes tuent des chats et sont les clients d'un homme qui prostitue
sa femme; deux lesbiennes se collent de l'adhésif sur les seins
pour en faire dresser les pointes; une femme albinos confesse son admiration
pour Patrick Swayzee; deux frères miment un combat de boxe; une
simplette berce son poupon en celluloïd... Que dire de plus ?
L'image d'une Amérique tarée est bien sûr réconfortante
mais dire que c'est passionnant de bout en bout serait sans doute exagéré..
SAMEDI.
J'apprends que le film vu hier soir était projeté dans le
cadre d'un cycle intitulé "Images d'un cinéma décalé".
Le moins qu'on puisse dire est qu'il y est parfaitement à sa place.
Je fais le marché pour la première fois avec les deux filles.
C'est sportif.
Je téléphone à Thérèse, chose que je
remets jour après jour depuis des semaines. Sa voix et son propos
sont ceux d'une personne en forme.
Mail. Je reçois un mot de Xavier,
en permission chez lui pour 48 heures après son opération
(greffe du foie). Lui aussi semble en forme.
Le reste de la soirée t'est connu. Nous sommes rentrés peu
avant 2 heures. J'aimerais que le temps se mette au beau et qu'on aille
s'installer à Saint-Jean jusqu'à demain soir, seule chance
pour moi de dormir plus longuement et d'échapper aux tâches
que je m'impose ici.
Merci encore pour la bonne soirée, et vogue le ????? , je n'ai
pas retenu son nom.
Bises.
Notules
dominicales de culture domestique n°14 - 17 juin 2001
Non diffusé.
Notules
dominicales de culture domestique n°15 - 24 juin 2001
DIMANCHE
1.
Télévision. Je récupère de mon périple
automobile dans le Bourbonnais en regardant France-Japon (1-0) entre deux
assoupissements.
Écriture. Je rédige
deux nouvelles en deux lignes.
Radio. J'apprends que les entretiens
de Paul Léautaud avec Robert Mallet, que je possédais sur
6 cassettes, sortent en intégrale sur 10 CD. Pourquoi mon anniversaire
est-il déjà passé ?
LUNDI 1.
Courrier. J'envoie des coupures à
l'AGP. J'an ai aussi pour toi, pour Vouvoune, Frédo... J'attends
les vacances et du temps libre pour les trier et les envoyer.
TV. Les Sacrifiés (They
Were Expendable, John Ford, U.S.A., 1945). En 1941, aux Philippines,
deux lieutenants, interprétés par Robert Montgomery et John
Wayne, sont à la tête d'une flottille de vedettes lance-torpilles
qui sont sous-utilisées par l'État-Major américain
jusqu'à ce qu'elles fassent preuve de leur efficacité. On
devine -date, scénario signé par un lieutenant-colonel-
le film de commande destiné à rendre hommage à la
bravoure et au désintéressement des soldats américains
engagés dans la bataille du Pacifique. John Ford n'a jamais rechigné
dans le genre; ce qui est intéressant, c'est de constater qu'il
reproduit un schéma totalement westernien, qu'il utilisera plus
tard dans Rio Grande (1950) par exemple. La vie de garnison avec ses chefs
appréciés, ses vétérans qui entourent les
recrues est la même dans un poste isolé du Texas que dans
une île de l'archipel philippin. Les sorties en mer sont les mêmes
que les sorties dans le désert, les Japonais remplacent les Indiens,
c'est tout, et quand on rentre au fort ou à la base, on compte
et on soigne les blessés et on prend soin du matériel, chevaux
ou bateaux.
Littérature. Les vieux de
la vieille (René Fallet, Folio, 1958). Je croyais avoir tout
lu de Fallet mais ce fleuron de sa veine beaujolais, popularisé
par l'adaptation cinématographique de Gilles Grangier, m'avait
échappé. J'avoue avoir d'emblée été
déçu par les premières pages où le bucolisme
du cadre et la verdeur des personnages sonnent faux. Et puis, petit à
petit, on accepte l'un comme l'autre et on se laisse conquérir,
on sourit au récit des aventures des trois vieux en partance pour
Gouyette. Les dernières pages, au cours desquelles ils s'aperçoivent
qu'ils ne sont pas faits pour l'hospice, présentent une réflexion
simple mais juste sur la vieillesse, vieillesse que Fallet, mort à
56 ans, n'aura pas le temps d'expérimenter...
MARDI 1.
R.A.S.
MERCREDI 1.
Santé. Fatigue et jardinage
me valent un mal de dos quasi insupportable.
Emplettes. J'achète un polar de Ross Mc Donald en 10-18
et le catalogue de l'exposition Claude Gellée d'Épinal.
Trop souvent, je regrette de ne lire les catalogues qu'après avoir
visité une exposition, y trouvant des choses dont j'aurais vérifié
l'existence ou la justesse de visu si je les avais sues avant. Cette fois,
ce ne sera pas le cas, l'exposition a lieu jusqu'à la mi-août,
ce qui me laisse le temps de préparer ma visite. On m'offre l'album
de la Pléiade consacré à Marcel Aymé.
Zoologie. Je visite la ménagerie
du cirque Pinder avec Lucie.
Mail. Vouvoune m'envoie un site de
fesses à mon nom, il y en a un aussi sous ton blaze.
Télévision. The War
Zone (Tim Roth, G.B., 1999). Dans une maison isolée du Devon,
un enfant se rend compte que son père abuse de sa sœur. C'est un
film dur, âpre, comme les paysages et les décors qu'il présente.
Pour une fois, un cinéaste britannique fait un film sur un aspect
de la misère sociale de son pays sans nous infliger des plans de
bureaux de chômage ou de cités ouvrières.
Sous une apparence de famille unie, les quatre personnages ici présentés
sont d'une complexité extrême. Notamment Jessie, la fille,
qui accepte les assauts sexuels de son père et rejette son frère
qui veut les dénoncer. Le fils finira par tuer le père,
seul moyen de faire
éclater la vérité.
JEUDI 1.
Littérature. Fin de Finnegans
Wake (James Joyce, 1939), entamé le 9 janvier 1999 et lu exclusivement
sur le siège des toilettes au cours d'activités défécatoires
(comme Leopold Bloom dans Ulysses du même Joyce). Il s'agit selon
toute évidence du dernier livre que je
lis en anglais, si l'on peut parler d'anglais à propos de cette
langue qui mélange des mots venus d'une trentaine d'idiomes différents.
Je n'ai pas compris une ligne sur les 628 pages du livre mais je suis
content de l'avoir lu. Je le remplace, à proximité de mon
trône, par le volume d'Homère en Pléiade.
VENDREDI 1.
Départ pour Paris en compagnie de Caroline. Comme à chaque
fois qu'on fait mine de tourner le dos, Alice attrape une gastro.
Plaisir d'acheter Le Monde du lendemain dès la descente du train.
Notre logement, l'hôtel Amiot, où j'ai mes habitudes, n'a
rien à voir, même si je tentais de le décrire avec
le même lyrisme débridé, avec le home bourguignon
qui abrita les amours anniversaires de Voune.
SAMEDI 1.
Séminaire Perec à Jussieu avec une communication de Manet
van Montfrans, de l'Université d'Amsterdam, sur les rapports entre
Perec et Proust, donc d'un grand intérêt pour moi. Je connaissais
les citations de La Recherche que Perec a disséminées dans
La Vie mode d'emploi mais n'avais pas vu la façon dont il
les a détournées. Les thèmes de l'enfance, du souvenir,
du sommeil, du rêve, de l'importance des lieux, de la mémoire,
de la vie qui ne prend sens que dans l'écriture sont communs aux
deux auteurs.
Emplettes. J'achète un disque
de valses de Chopin.
Écriture. Je travaille sur deux Série Noire à
la BiLiPo pour mon Atlas.
Radio. Nous assistons, dans la salle Olivier Messiaen de la
Maison de Radio France, à l'enregistrement de l'émission
Les Papous dans la tête. Je suis aux anges. Je suis cette
émission depuis 1989 chaque dimanche à 12 h 40 sur France
Culture et réalise ici un vieux rêve en voyant et écoutant
Henri Cueco, Jean-Bernard Pouy, Gérard Mordillat, Patrice Minet,
Patrice Caumont, Patrice Besnier, Lucas Fournier, Jacques Jouet, Hervé
Le Tellier et Dominique Muller aligner les jeux oulipiens avec intelligence
et humour. Caro, qui craignait que ce soit trop intello (le label France
Cul fait toujours peur dans nos foyers), est comme moi, écroulée
de rire dans son fauteuil. Diffusion tout à l'heure, à 12
h 40. Mes cassettes sont prêtes.
DIMANCHE 2.
Visite de l'exposition Paysages d'Italie au Grand Palais. Curieux
de voir comme tous ces peintres qui emmènent pour la première
fois leur chevalet dans la nature (circa 1800) semblent avoir gardé
leurs lunettes de soleil. Il faudra attendre Cézanne, Van Gogh,
et bien sûr les Fauves pour que la lumière et les couleurs
explosent.
Déambulation le long du boulevard Saint-Germain. Nous reconnaissons
Jean-Luc Bideau et Richard Bohringer. Mais mes idoles, je les avais vues
la veille...
Littérature. Dans le train
du retour, j'achève L'envol des Anges (Michael Connely,
1999, Seuil Policiers). Harry Bosch enquête sur un meurtre commis
dans le funiculaire de Los Angeles. Une des deux victimes est un avocat
spécialisé dans les affaires mettant en cause des policiers
véreux. Est-ce un flic qui s'est vengé ? La population réclame
une tête, les émeutes de 1992 sont sur le point de recommencer...
Comme d'habitude, Harry Bosch doit se battre non seulement contre le crime
mais aussi contre sa hiérarchie. La question est de savoir jusqu'à
quel point untel est corrompu, jusqu'à quel point les enjeux politiques
sont plus importants que la recherche de la vérité. On retrouve
notamment Chastain, membre des Affaires Internes, auquel Bosch a déjà
eu affaire dans Le cadavre dans la Rolls (1997). Dans cette même
histoire, il se mariait avec Eleanor, qui ici est en train de prendre
ses distances. L'enquête est très complexe, mais Connely
sait la faire rebondir quand il le faut, avant que le lecteur ne se noie.
Mail. Je te lis. Mon camarade de régiment
t'intrigue. C'est vrai qu'il ne correspond pas aux canons du genre. Dans
l'imaginaire collectif, un copain de régiment, c'est Maurice Biraud.
LUNDI 2.
Je lis dans l'introduction aux Fous littéraires d'André
Blavier ce discours entre un psychiatre et son patient :
"Êtes-vous la Sainte Vierge ? - On me l'a proposé."
MARDI 2.
Architecture. Les métreurs
prennent des cotes pour la nouvelle pharmacie.
Je travaille sur mes notes du séminaire Perec, notamment sur un
tableau de Carpaccio, Le Songe de Sainte Ursule.
TV. Meurtre à Alcatraz
(Murder in the First, Marc Rocco, U.S.A., 1995). Henry King essaie
de s'évader d'Alcatraz en 1938. Le sous-directeur de la prison
lui fait subir trois ans de cachot et de torture. A peine sorti, il tue
celui qui l'a dénoncé. Son avocat, James Stamphill, est
déterminé à faire condamner l'administration pénitentiaire.
On ne peut guère aller contre le propos généreux
du film qui vise à dénoncer les conditions inhumaines de
détention à Alcatraz, en opposition avec l'image de prison
modèle donnée par les politiques et les médias. Seulement,
il y a la manière. Henry Young est une sorte de Valjean des années
30, coupable d'avoir volé 5 dollars pour nourrir sa sœur. Les scènes
de brimade lui donnent une figure christique plutôt déplacée.
La mise en scène pleine d'afféteries (le meurtre au ralenti,
la caméra qui fait dix fois le tour des barreaux de la cellule
pendant les entretiens entre Young et son avocat) est horripilante.
Heureusement, il y a les scènes de procès, spécialité
du cinéma américain, efficaces et passionnantes, qui rachètent
un peu l'ensemble.
MERCREDI 2.
Bibliothèque Municipale. Toujours
suite au séminaire Perec, je cherche des renseignements sur le
fleuve Méandre, à savoir si sa sinuosité était
en fait destinée à retarder sa mort. Je fais chou blanc.
Lucie écoute l'heure du conte.
JEUDI 2.
Métier. Je fiche une élève
à la porte. C'est la première fois de ma carrière.
Ca me déstabilise complètement : est-ce un aveu d'impuissance ?
Je n'en dormirai pas de la nuit.
Littérature. Je termine ma
troisième lecture du Meurtre de Roger Ackroyd (Agatha Christie
1926, Le Masque) avec mes élèves, en fait pour leur lire
des passages de Qui a tué Roger Ackroyd ? (Pierre Bayard,
1998, Minuit) dans lequel l'auteur reprend l'enquête de Hercule
Poirot, en souligne les invraisemblances et aboutit à la désignation
d'un autre coupable au prix d'une démonstration phénoménale.
TV. Une affaire de goût
(Bernard Rapp, France 1999). Nicolas Rivière est embauché
en tant que goûteur (!) par le riche industriel Frédéric
Delamont. Peu à peu, il ne peut se détacher de lui. Un autre
film sur le thème de la fascination-rejet, après Gouttes
d'eau sur pierres brûlantes de François Ozon et Une étrange
affaire de Pierre Granier-Deferre. Du premier on retrouve Bernard Giraudeau
dans la position dominante (et qui joue de mieux en mieux), du second,
le cadre, à savoir le monde du travail, la dépossession,
le reniement des proches qui s'empare du dominé. C'est un film
troublant, qui a reçu un accueil plutôt tiède à
sa sortie. Il est vrai que Bernard Rapp, qui lorgne du côté
d'Hitchcock et de Chabrol, est bien sage dans sa mise en scène.
Au total, un film qui est loin d'être désagréable
tout de même.
VENDREDI 2.
Obituaire. J'apprends dans Le Monde
la mort d'André Blavier, dont il est question supra. Perec avait
caché son nom dans La Vie mode d'emploi : "Jules
Barnavaux se repent de ne pas avoir tenu compte du double avis exposé
dans les W.-C. du ministère."
Syndrome Loft Story. Des élèves
de 5° font une pétition pour se plaindre d'un prof trop sévère.
Coup de bol, ce n'est pas moi. Leur but, l'exclure, ni plus ni moins.
Génération zapping.
SAMEDI 2.
Nous croûtons chez un copain de Caro. Je m'ennuie. La conversation
-il est médecin et a invité des confrères- roule
sur les destinations de vacances, Los Angeles, l'Indonésie, un
stage de plongée en Corse payé par un labo... que sais-je
encore. Je n'ai pas parlé
de nos futures vacances dans la Creuse.
Je trouve ton mail à mon retour. Je croise les doigts pour le bac
de Jo. Depuis, je tape, il est 4h 53. Impossible de me coucher, France
Culture diffuse une nuit spécial Flaubert et je veux tout enregistrer.
Pas de cinéma ces deux dernières semaines, tu l'auras remarqué.
On traîne plus tard dans le jardin et il est souvent trop tard pour
la séance. D'autre part, mon père est souvent venu manger
chez nous, ma mère ayant été hospitalisée
une dizaine de jours. Roberto Succo et Little Senegal me sont ainsi passés
sous le nez.
Le jour se lève, il s'annonce beau. Le Vastol, dont le nom évoque
à la fois l'audace de Vasco de Gama et les dangers de l'atoll,
devrait naviguer fièrement sous la férule experte de son
capitaine. Bon vent.
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