Notules dominicales 2007
 
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Notules dominicales de culture domestique n°293 - 4 février 2007

DIMANCHE.
Activités de saison.

TV. Palais royal ! (Valérie Lemercier, France, 2005 avec Valérie Lemercier, Lambert Wilson, Catherine Deneuve, Michel Aumont, Mathilde Seigner; diffusé sur Canal + en janvier dernier).

LUNDI.
Vie informatique. Il est temps de faire le ménage avant la fermeture de mon adresse didion.philippe@wanadoo.fr. C'était ma première adresse internet, mise en service en 2001. Comme beaucoup de gens je pense, j'ai ressenti à mes débuts le besoin de remplir ma boîte électronique et me suis abonné à un certain nombre de lettres et listes de diffusion que j'ai abandonnées petit à petit. Après un dernier coup de plumeau, il ne me reste plus que la [listeperec] qui est de bonne tenue et dont j'ai besoin pour la rédaction de mon Bulletin, la [listeoulipo] que je garde plus par habitude que par enthousiasme et le bulletin de remue.net. De toute façon, après quelques moments de pratique, on s'aperçoit vite que les listes ou forums divers sont immanquablement vampirisés par quelques grandes gueules qui auraient l'impression de desservir les populations s'ils ne postaient leur demi-douzaine de messages quotidiens. Les crêpages de chignons, qui sont légion, amusent un temps, puis lassent. C'est plein de certitudes, les grands mots dans les grandes bouches des donneurs de leçons de tout poil, les je vous l'avais bien dit, les de qui se moque-t-on, les pour l'avenir de la planète (ou de nos enfants, au choix), les si on m'avait écouté, les moi dans mon village, ça donne une idée de la démocratie participative et ça fait froid dans le dos. Je bénéficie pour l'instant d'une boîte à lettres quasi virginale car encore épargnée par les spams. J'ai aussi toujours pris soin de ne jamais livrer mes coordonnées à quelque instance professionnelle que ce soit, cherchant dans ce domaine comme dans d'autres à mettre le plus de distance possible entre ma vie laborieuse et ma vraie vie. A ce propos, je me souviens avec quel enthousiasme fut accueillie, il y a quelques années, la nouvelle qui allait révolutionner la vie du professeur moyen : enfin, on allait pouvoir confectionner les bulletins de notes et les livrets trimestriels sur son propre ordinateur, chez soi, bien au chaud, en chaussons, comme si le fait de pouvoir rapporter du boulot at home était une grande avancée sociale, une libération digne des grandes lois du Front Populaire. Je préférerai toujours laisser l'école à l'école et garder le chez moi chez moi, quitte à passer pour un dangereux réactionnaire.

MARDI.
TV. L.A. Confidential (Curtis Hanson, E.-U., 1997 avec Kevin Spacey, Russell Crowe, Guy Pearce, Kim Basinger; diffusé en janvier dernier sur CinéCinéma Premier).

MERCREDI.
Emplettes. J'achète une paire de polars dont un Suédois prometteur, les oeuvres complètes de Georges Henein et le dernier livre de Paul Auster.

Vocabulaire. J'apprends dans le Carnet du Figaro ce qu'est un palynologue (spécialiste des pollens).

TV. Football. Olympique de Marseille - Olympique Lyonnais 2 - 1, en direct sur France 3 avec des commentaires imbuvables.

JEUDI.
Vie sanitaire. "Le tabac est banni des lieux publics et de travail" (la radio). Scène de classe, préparation à l'étude d'un extrait de la Bible (L'Exode, 20, 3-17, "Le Décalogue"). Echange :
Prof : Avez-vous déjà entendu parler des dix commandements ?
Classe : Sir, yes Sir !
Prof : Seriez-vous capable de retrouver quelques-uns de ces commandements ?
Classe : Sir, yes Sir !
(note : j'ai depuis peu instauré quelques règles strictes commandant les échanges oraux en classe afin de me préparer à travailler dans le lycée du coupe-mégots évoqué ici la semaine dernière)
Prof : Je vous écoute.
Un élève : Tu ne tueras point.
Un autre : Tu ne voleras point.
Un autre (moins assuré) : Euh... tu ne fumeras point ?

TV. 24 heures chrono (24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory Itzin, Jean Smart; saison 5, épisodes 17 & 18, diffusés ce jour sur Canal +).

VENDREDI.
TV scolaire. Le Mécano de la "General" (The General, Clyde Bruckman & Buster Keaton, E.-U., 1926 avec Buster Keaton, Marian Mack, Glen Cavender; DVD Jokanan, collection "Ciné club Hollywood").

Vie officinale.
Premier jour de congé de l'année pour Caroline qui a retrouvé quelqu'un pour la remplacer un jour par semaine.

Invent'Hair. Mise à jour du chantier avec intégration des clichés reçus ces dernières semaines : "Fugi'tif" (Fraize), "Les XP' Hair" (Lyon), "L'Hair du théâtre" (Paris), "L'Hair du temps" (La Mulatière), "Imagin'Hair" (Charlieu), "Hair du temps" (Lyon), "Créa Tif" (Buis-les-Baronnies), "Vita mine" (Epinal), "Instinct'tif" (Lyon). Merci aux généreux fournisseurs.

TV. F.C. Metz - Stade Brestois 0 - 0, en direct sur Eurosport.

SAMEDI.
Lecture. Le débat (n° 135, mai-août 2005, Gallimard; 224 p., 14,50 €).
Comment enseigner le français.
Je ne suis pas un familier de cette revue, mais la lecture d'un précédent numéro consacré à la Bibliothèque François-Mitterrand m'avait déjà permis de constater qu'elle ne justifiait pas vraiment son titre. Impression confirmée ici : on y démolit consciencieusement les programmes d'enseignement du français comme on avait démoli tous les aspects du nouveau site de la Bibliothèque Nationale. De débat, point, mais une opinion soutenue de façon féroce, avec des arguments solides, par des gens qui savent écrire. Pour sauver les apparences, on laisse l'ouverture de cette livraison à Alain Viala, qui présida de 1992 à 2002 la commission chargée de réformer les programmes d'enseignement du français aujourd'hui appliqués. Viala, que l'on a déjà lu ou entendu sur d'autres supports, est toujours aussi peu convaincant et immodeste quand il s'agit de défendre son bébé. Après ça, c'est la curée : chercheurs, professeurs, écrivains se relaient pour tirer à boulets rouges sur les programmes, les manuels et l'enseignement du français. Pour ce qui est des premiers, Mireille Grange et Michel Leroux regrettent qu'ils marquent "l'adieu, au profit d'une nomenclature qui, inlassablement, laboure la surface des choses, à ce qui n'est ni mesurable, ni objectivable" (l'émotion esthétique, par exemple) et soulignent "l'hypertrophie de l'argumentation" qui fait apparaître tout discours littéraire comme une tentative d'influencer le lecteur : "l'acte de lire ne consisterait [...] qu'à déjouer les manigances d'un Voltaire ou d'un Victor Hugo"; Henri Mitterrand préconise, en lycée, la création de deux sections littéraires différentes, l'une consacrée aux techniques de l'expression et l'autre à la pure littérature; Tzvetan Todorov constate qu'on étudie davantage les méthodes d'analyse des oeuvres que les œuvres elles mêmes; Denis Roger-Vasselin souligne le sacrifice de la transmission au profit de la communication et souhaite lui aussi une scission des lettres en deux disciplines, le français et la littérature. Pour ce qui est des manuels, Marc Fumaroli les trouve envahis par la "littérature secondaire", Jean d'Ormesson y déplore la suprématie du genre sur les oeuvres; Mona Ozouf pose le problème de la lecture, activité déconsidérée parce que justement ce n'est pas une activité comme celles qu'on inflige aux bambins à longueur de mercredis mais qu'elle "naît si souvent de la vacance"; Philippe Sollers trouve ces manuels marqués idéologiquement par une tendance à évacuer l'histoire. Troisième temps, les enseignants parlent de leur métier : Hélène Merlin-Kajman évoque les "nouveaux pauvres de la langue"; Christian Bénévent exprime son désarroi devant les thèses de Bourdieu sur le pouvoir symbolique de la langue (un pouvoir que Bourdieu dénonce tout en en faisant usage...); Antoine Compagnon parle d'une lecture indexée qui est en train de prendre le meilleur sur une lecture intégrale ("on lit de moins en moins des livres entiers afin d'en pénétrer l'intrigue et la pensée [...], on cherche des données dans un texte, on y navigue comme dans une base numérisée"). Il y en a d'autres, bien d'autres, de Pierre Bergounioux à Dominique Noguez qui viennent ajouter leur grain de sel à cet ensemble remarquable dont le seul défaut, on l'a vu, est de ne tirer que dans une direction. Pourtant, tout n'est pas à jeter dans cette discipline. On peut même trouver une qualité aux programmes d'enseignement du français : celle d'être aisément contournables et malléables, même si l'exercice comprend certains dangers que j'ai expérimentés à mes dépens. Les programmes ne valent que par leurs failles, les interstices de liberté qu'on parvient à y ménager et ne sont dangereux qu'entre les mains de ceux qui les appliquent de façon bornée.

Football. S.A. Epinal - R.C. Lens B 1 - 0. Une coupure de courant d'une durée de quarante minutes transforme le spectacle en épreuve de résistance au grand froid. Le prochain qui me parle de réchauffement de la planète, je lui refile mon abonnement au stade.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°294 - 11 février 2007

DIMANCHE.
TV. Football. Olympique de Marseille - Paris-Saint-Germain 1 - 1, en direct sur Canal +.

LUNDI.
TV. Keane (Lodge Kerrigan, E.-U., 2004 avec Damian Lewis, Amy Ryan, Abigail Breslin, Tina Holmes; diffusé en janvier dernier sur Canal +).

Lecture. Le phare (The Lighthouse, P.D. James, 2005; Fayard, coll. Policiers, 2006 pour la traduction française; traduit de l'anglais par Odile Demange; 440 p., 22 €).
Sur une île de Cornouailles, une dizaine de privilégiés vivent à l'abri du monde. L'un d'eux, un illustre romancier, est retrouvé pendu à la rambarde du phare local. Le commandant Dalgliesh et deux de ses assistants débarquent pour mener l'enquête.
Une île presque déserte, une communauté réduite qui perd un, puis deux de ses membres, voilà de quoi faire renaître le fantôme d'Agatha Christie et de ses Dix petits nègres. Avec P.D. James, le temps semble s'être arrêté, les vieilles recettes sont remises à l'honneur. Il en est de même pour l'écriture, presque intemporelle avec son côté léché et sa guirlande de clichés trop beaux pour être vrais. Seule nouveauté par rapport à Dame Agatha, quelques préoccupations sexuelles chez les protagonistes, ce qui donne le bonheur de découvrir des phrases de ce tonneau : "Un frémissement d'inquiétude troubla soudain sa béatitude post-coïtale." On avait pourtant connu la dame un peu plus audacieuse dans sa peinture des travers de la société anglaise, s'attaquant à la justice (Une certaine justice) ou à la religion (Meurtres en soutane) avec une plume un peu plus acérée. Mais ici on ne trouve aucune volonté de s'attacher à l'air du temps. Ce qui ne veut pas forcément dire qu'on a affaire à un mauvais livre, la dame a du métier, sait construire ses intrigues et ménager ses effets même s'il faut tout de même attendre la page 380 pour que la machine s'emballe. Curieusement, c'est la mise sur la touche du héros habituel de l'auteur, Dalgliesh, qui permet à l'enquête de prendre un peu plus de nerf. On lit cela dans une sorte de douce torpeur, ce n'est pas désagréable mais il faut par moments se pincer pour être sûr qu'on n'est pas déjà dans une maison de retraite et qu'on n'a pas pêché ce roman sur le chariot de la dame patronnesse qui assure la distribution hebdomadaire de la bibliothèque locale.

MARDI.
Cinéma scolaire. Molière (Laurent Tirard, France, 2007 avec Romain Duris, Fabrice Luchini, Laura Morante, Edouard Baer).
Les élèves ont adoré. C'est l'essentiel. Il faut dire que ça les changeait agréablement des vieilleries muettes en noir et blanc que je leur inflige à l'ordinaire.

MERCREDI.
TV. Elle et lui (An Affair to Remember, E.-U., 1957 avec Cary Grant, Deborah Kerr, Richard Denning; diffusé ce mois sur CinéCinéma Classics).

JEUDI.
TV. 24 heures chrono (24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory Itzin, Jean Smart; saison 5, épisodes 19 & 20, diffusés ce jour sur Canal +).

VENDREDI.
Presse. Télérama signale cette semaine l'édition d'un Micro-guide, document édité par Radio France à l'usage de ses journalistes et destiné à signaler les "euphémismes, approximations, lieux communs, fautes de français, mauvaises liaisons, pléonasmes, facilités de langage" dont ils émaillent leurs interventions. Les quatre auteurs, nous dit-on, "ont fait du tri sélectif dans le grand flux de l'expression orale". Apparemment, Télérama, pour sa part, ne traque pas encore le pléonasme.

SAMEDI.
Obituaire. Le Monde annonce la mort de Michel Cournot qui fut, pendant de longues années, son critique théâtral attitré. On lui doit le seul compte rendu écrit au moment de la création de La Poche Parmentier, une des deux pièces de Georges Perec, qui ne tint l'affiche que quelques jours. Mireille Ribière et Dominique Bertelli notent dans Perec, entretiens et conférences I qu'il y "éreinte la pièce en quelques lignes".

Vie sociale. Première sortie en quatuor, hors famille proche, depuis la révolution glycémique d'octobre, donc avec les piqûres de Lucie, le régime de Lucie, les doses de Lucie, les taux de Lucie. Qu'on se le dise : nous ne sommes plus des hôtes faciles. Si tant est que nous l'ayons jamais été.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°295 - 18 février 2007

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. Je découvre le monument aux morts du Boulay, une belle surprise dans la mesure où je suis passé devant des dizaines de fois - Le Boulay est situé sur la route de Saint-Jean-du-Marché - sans le remarquer. Il faut dire qu'il n'est guère spectaculaire.

TV. Trois enterrements (The Three Burials of Melquiades Estrada, Tommy Lee Jones, E.-U., 2005 avec Tommy Lee Jones, Barry Pepper, Julio Cesar Cedillo; diffusé en janvier dernier sur Canal +).

Lecture. Brassens, le mauvais sujet repenti (Victor Laville & Christian Mars, L’Archipel, 2006, 240 p., 17,95 €).
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.

LUNDI.
Courrier. Arrivée d'un coffret de 5 CD consacrés à la musique de chambre de Gabriel Fauré. Tout ça pour avoir enfin à demeure les 2 minutes 37 secondes de la belle berceuse pour piano qui fait l'ouverture de Dolly. Il y avait un concert hier à Epinal avec un pianiste et du Fauré au programme. Peut-être y a-t-on donné Dolly. J'ai eu l'envie de m'y rendre et puis j'ai pensé au public et ai préféré la compagnie moins tapageuse des morts figés sur le monument du Boulay.

Lecture.
Bulletin Marcel Proust n° 55 (Société des Amis de Marcel Proust et des Amis de Combray, 2005; 200 p., sur abonnement).
On ouvre avec deux lettres inédites de Proust à Robert de Montesquiou dans lesquelles l'expéditeur fait preuve de sa flagornerie habituelle ("Cher maître", "génie raffiné", etc.). Le catalogue des études sur Proust et Untel s'enrichit avec des articles sur "Proust lecteur de Richardson", "La relation entre Rembrandt et Dostoïevski chez Proust" et, du côté de la réception de l'oeuvre, "Proust lu par Eugène Guillevic". Edward Bizub fait état du cas d'Emile X, "dormeur éveillé", étudié par le docteur Adrien Proust et qui a pu inspirer son fils dans sa construction du narrateur de La Recherche au début de Combray I. Léopoldine Duparc-Georges établit un parallèle intéressant entre Beethoven et le personnage de Charlus (dans le physique mais aussi dans la construction des phrases) et trouve une équivalence entre Wagner et Proust dans l'utilisation des leitmotive. A noter aussi un excellent compte rendu de Michel Pierssens (notulien) sur le Dictionnaire Marcel Proust des éditions Champion - beaucoup plus complet et argumenté que celui paru dans Histoires littéraires - qui m'a incité à acheter le volume immédiatement en dépit de son coût prohibitif.
Sur un plan plus léger, on goûtera, dans la "Bibliographie 2004", la parution d'un ouvrage consacré à Proust et la femme pétomane (Christian Gury, éditions Kimé) et le texte d'une chanson extraite de l'album Oserai-je t'aimer de Pascale Borel (éditions Pst !) dont on donne ici le premier refrain :
"Debord, Derain, Duras
Je m'en fous, je m'en passe
Bourdieu, Bourdelle, Baudelaire
C'est vilain, c'est vulgaire
La culture allez ouste !
Mais j'aime tellement Proust"

Invent'Hair. Arrivée d'un "Stars Créa-tifs" (Valence) et d'un joli "Aline et A" (Pont-d'Isère). Merci à MGM.

TV.
Football. SC Bastia - FC Metz 1- 0, en direct sur Eurosport.

MARDI.
Retour à l'époque glaciaire. C'est aujourd'hui mon tour d'emmener les filles à la patinoire où elles ont choisi de suivre un stage tout au long de la semaine. C'est la troisième fois que j'entre à la patinoire. La première, c'était en tant que collégien pour une séance au cours de laquelle j'ai dû faire preuve de mon aisance coutumière dans la pratique sportive, la deuxième en tant que spectateur d'un match de hockey. Je ne sais comment je m'étais fourvoyé dans cet endroit, peut-être parce qu'à l'époque il y avait un bar assez actif à l'intérieur. Je ne comprenais pas les règles, je ne voyais même pas le palet, juste deux hordes de bibendums casqués qui se rentraient dans le lard avec une belle énergie. A cette époque il y avait, du moins dans mon esprit, une conscience de classe chez les spectateurs : la patinoire, le hockey, c'était pour les blousons dorés, la Colombière, le foot, c'était pour le vulgum pecus et j'avais depuis longtemps choisi mon camp, et puis s'il fallait avoir froid aux pieds, autant que ce soit à l'extérieur. Pourtant je fréquentais quelques hockeyeurs, des gars du cru aujourd'hui remplacés par des mercenaires venus de contrées plus ou moins slavophones, pas à la patinoire mais au bistrot, quelques joyeux gaillards qui montraient une belle constance à convertir instantanément en bière les primes de match et autres subsides que le club et la municipalité leur distribuaient généreusement, à se demander comment ils pouvaient tenir sur des patins en menant une vie pareille.

Presse. Le Monde raconte Ségolène Royal "yeux brillants et poings serrés sur le ventre pour dire sa conviction : "Je l'ai là, chevillée au corps. Je sais que je réussirai à trouver des solutions et à empêcher de nouvelles explosions parce qu'au plus profond de moi, si je suis présidente de la République, je veux réaliser pour chaque enfant né ici ce que j'ai voulu pour mes propres enfants !" "C'est génial !", s'enthousiasmait au premier rang l'acteur Lambert Wilson." Je suis perplexe. Est-ce Ségolène Royal qui se fiche du monde, est-ce Lambert Wilson qui se fiche de Ségolène Royal, est-ce Le Monde qui se fiche de Lambert Wilson ou est-ce tout ce joli monde, Royal, Wilson, le journal, qui se fiche de moi ?

MERCREDI.
Emplettes. J'achète des billets de train, un traité de ponctuation et une étude sur Germinal, donne mon sac d'école à réparer (plus que treize ans à tenir, ce n'est pas le moment de flancher) et la reproduction d'un petit lavis de Rimbaud par Forain à encadrer.

Lecture. Viridis Candela (Carnets trimestriels du Collège de 'Pataphysique n° 25, 8 septembre 2006; 64 p., 15 €).
C'est un retour aux sources que propose la publication du Collège en consacrant un grand nombre de pages de ce numéro à Alfred Jarry lui-même et à son personnage le plus connu après Ubu, le docteur Faustroll. Les Gestes et opinions du Docteur Faustroll bénéficiaient déjà d'une édition annotée par les soins du Cymbalum Pataphysicum, elle est ici complétée par l'ajout de quelques notes éclairantes. Par ailleurs, Thierry Foulc disserte savamment sur "Faustroll et la chlorophylle" et Marie-Louise Monrot et Rutilie Foch échangent des propos non moins savants sur deux publications récentes, le Jarry de Patrick Besnier et Alfred Jarry, an Imagination in Revolt de Jill Fell. Ceux que Jarry lasse pourront se tourner vers Jean-Pierre Le Goff qui donne un aperçu de ses travaux concernant les livres de visionnaires qui décrivaient, bien avant le drame du 14 avril 1912, le naufrage du Titanic et envisage le roman prémonitoire comme un genre littéraire possible.

TV. Du rififi chez les hommes (Jules Dassin, France, 1955 avec Jean Servais, Carl Möhner, Robert Manuel; diffusé ce mois sur TCM).

JEUDI.
Courrier. J'envoie des coupures à Y et quelques écrits à MGM, reçois du même MGM quelques documents destinés à l'Association Georges Perec et du Castor Astral le numéro 9 des Cahiers Georges Perec. Je ne sais qui a eu l'initiative de demander cet envoi à l'éditeur mais c'est une bonne et généreuse idée.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

VENDREDI.

Ecriture. Correction d'épreuves pour Histoires littéraires.

TV. 24 heures chrono (24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory Itzin, Jean Smart; saison 5, épisodes 21 & 22, diffusés la veille sur Canal +).

SAMEDI.
Football. SA Epinal - Calais RUFC 1 - 0.
Et en plus, il ne fait même pas froid.

TV. Le bateau livre (émission littéraire de Frédéric Ferney diffusée jeudi dernier sur France 5).

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°296 - 25 février 2007

DIMANCHE.
Vie traumatique. J'ai les chevilles qui enflent. Enfin, une, la gauche, suite à une légère entorse récoltée en piquant un macadam sur un chemin traître. Rien de glorieux ou de sportif là-dedans, je marchais et je me suis écrasé comme une bouse en heurtant un gravillon. Le fou rire qu'en récoltent Lucie et Caroline, seuls témoins heureusement de ma descente en torche, n'a rien de réconfortant.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

LUNDI.
Etonnants voyageurs. Pas de vraies vacances sans destinations exotiques, plages de sable blanc ou pistes enneigées. Cette saison, nous sommes servis. Après une escapade à Blainville-sur-l'Eau le premier jour, ce fut Ludres la semaine dernière et aujourd'hui, en point d'orgue, Saint-Avold, charmant port de pêche. Lucie a rendez-vous à l'hôpital local avec le docteur K. L'équipe du docteur K est la seule de la région qui pose des pompes à insuline aux jeunes diabétiques et il s'agit de savoir si cette thérapie peut remplacer avantageusement celle mise en place depuis le début de la maladie. La pompe, nous dit-on, ne donnera pas de meilleurs résultats sur le plan curatif que ceux, très satisfaisants, obtenus actuellement : l'hémoglobine glyquée, sorte de marqueur historique, culmine à 7%, ce qui ne dira pas grand-chose à grand monde mais cela signifie que les risques de complications possibles à l'avenir (opacité rétinienne, mauvaise cicatrisation, insuffisance rénale et autres frivolités cardio-vasculaires) sont pour l'instant tenus à l'écart. La pompe à insuline apporterait un autre mode de vie, avec une contrainte, celle pour Lucie d'être appareillée en permanence et un soulagement, celui de ne plus avoir à subir les quatre injections quotidiennes, ce qui n'est pas rien. Tirer du lit chaque matin une gamine de neuf ans pour lui piquer la paillasse n'a rien d'enchanteur et je ne parle pas de ce qu'elle peut ressentir. L'entretien est long, le docteur K nous informe mais ne vend pas sa soupe, à nous de voir et de décider. Je n'aime pas prendre des décisions. Au retour, nous nous offrons une promenade dans les rues de Metz, une ville dont, je dois l'avouer, je ne connais que le stade Saint-Symphorien. J'ai beau essayer de faire traîner la chose, accentuer ma claudication de façon douloureuse, nous repartirons avant l'heure du match.

TV. Football. FC Metz - SM Caen 2 - 0 (en direct sur Eurosport).

Faire-part. Y, père d'un cinquième héritier mâle, continue patiemment à constituer son équipe de foot.

MARDI.

TV. Football. Lille OSC - Manchester United 0 - 1 (en direct sur Canal +).
Où l'on retrouve non sans joie la perfidie anglaise (qu'on pourrait aussi nommer la naïveté lilloise). Si l'on revoit l'action litigieuse (un coup-franc botté sans attendre que la défense se mette en place), je suis sûr qu'on peut lire sur les lèvres de l'arbitre s'adressant à l'attaquant de Manchester : "Vas-y, tire, le gardien n'est pas prêt !"

MERCREDI.
Etonnant voyageur (suite). Je pars pour Paris par le 19 heures 32. J'ai un peu d'appréhension mais à cette heure-là, normalement, je ne risque rien. C'est qu'un gang de jeunes pingouins s'est mis en tête, avec l'appui de la SNCF, de procéder à des "animations théâtrales" dans les trains régionaux. C'est l'époque, on traque sans relâche les endroits où l'on est encore susceptible de trouver un peu de paix. Animation, animation, on anime les trains, les goûters des anciens, les hôpitaux, les messes, les aires d'autoroute, bientôt les salons funéraires. Je n'ai rien à dire, j'ai commencé ma carrière, guitare au cou, en chantant dans les maisons de retraite, heureusement tous les témoins sont morts. Animation des restaurants, des bistrots, j'ai fait ça aussi mais c'était de la musique pour fumeurs, ça n'existera bientôt plus, des salles d'attente, des commerces avec le robinet publicitaire, en bruit de fond, d'une radio locale. Dire que vers 1980 j'ai collé des affiches "Libérez les ondes" commandées à la Fédération Anarchiste, 3 rue Ternaux à Paris, envoi sous pli discret comme les revues de femmes sans linge, je me rappelle encore l'adresse. La première chose qui fut faite, lors de l'acquisition de la pharmacie, fut de bazarder le matériel de sonorisation mis en place par l'ancien titulaire. Animation des rues, des villes, le concept de ville qui bouge, très important, fête de la musique - foire à la saucisse, les haut-parleurs dans les rues au moment de Noël avec "O Tannenbaum" à l'orgue Bontempi, "Epinal ça bouge aussi l'été", aïe aïe aïe, mon Dieu donnez-nous des villes mortes et des trains sans animation, merci.

JEUDI.
Vie parisienne. Je passe la majeure partie de la matinée dans le métro pour ménager ma cheville, à courir d'un coin de Paris à l'autre en quête de salons pour l'Invent'Hair. La plus belle prise de la journée est un "Récup'Hair" de la rue de Charonne signalé par PCH, parfait pendant de l'"Antiqu'Hair" de la rue du Laos. Je suis au Louvre à midi pour l'étude de la salle 26 de l'aile Richelieu et à 14 heures à la Bibliothèque des Littératures Policières. Une fois sorti de ma sieste, j'écluse trois Série Noire et parcours le numéro de février du Matricule des anges (tiens, un notulien au sommaire) qui me donne diablement envie de lire André Blanchard. En regagnant ma chambrette, j'évite de peu d'être renversé par la bicyclette de Tonino Benacquista qui descend le boulevard Saint-Michel à toute vibure.

Lecture. Les hommes qui n'aimaient pas les femmes. Millénium 1 (Män som hatar kvinnor, Stieg Larsson, 2005; Actes Sud 2006, coll. actes noirs pour la traduction française; traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain; 576 p., 22,80 €).
Mikael Blomkvist est journaliste économique. Condamné pour diffamation envers un ponte de la finance suédoise, il est réduit à l'inactivité. Henrik Vanger, qui appartient à une puissante famille industrielle, l'engage pour enquêter sur la disparition de sa petite-nièce. Le problème c'est que celle-ci a disparu il y a quarante ans. Blomkvist commence à travailler sans convicition puis se met à déterrer les secrets de famille.
Bizarrement, c'est dans Le Monde diplomatique que j'ai appris l'existence de ce polar, bien avant que François Angelier ne lui consacre un numéro de son émission "Mauvais genres" sur France Culture. Pourtant, le Diplo et le polar c'est un peu la carpe et le lapin, on imagine mal Ignacio Ramonet en amateur du genre, à part peut-être les livres de Paco Ignacio Taibo II. Et pourtant, il faut le dire, le journal a eu le nez fin en découvrant ce Stieg Larsson et son premier volet de la trilogie Millénium. Millénium, c'est le nom du canard au sein duquel officie Mikael Blomkvist, un journal économique indépendant qui n'hésite pas à révéler les faces sombres de la finance suédoise (d'où bien sûr, l'intérêt du Diplo). Mis sur la touche, Blomkvist se met donc à fouiller dans les secrets de famille, une famille aussi tordue que celle mise en scène par Thomas Vinterberg dans Festen et dont les membres encore actifs vont s'ingénier à lui mettre des bâtons dans les roues. Blomkvist se lance dans l'affaire sans conviction, c'est de l'histoire ancienne, la plupart des protagonistes sont morts, il reprend l'enquête policière depuis le début, piétine, ne trouve rien. Il faut attendre trois cents pages pour le voir découvrir un angle d'attaque, un fil sur lequel tirer pour démêler l'écheveau. Mais on n'est pas chez P.D. James, l'auteur ne musarde pas pour faire de l'effet et remplir son quota de signes, c'est tendu, vivant, passionnant, il n'y a pas une page inutile, pas d'effet de style, juste un chemin semé d'embûches qu'on suit sans pouvoir s'en détacher. On comprend le traducteur qui confiait à François Angelier sa fascination pour ce texte lu d'une traite dès sa découverte au prix de quelques nuits blanches. A la limite, la deuxième partie du livre, au cours de laquelle apparaît une histoire finalement assez convenue de tueur en série est moins intéressante que cette longue ouverture cahotante. Et maintenant, il faut bien se rendre à l'évidence. Avec Stieg Larsson, le polar scandinave dépasse son statut de curiosité exotique, il ne s'agit plus de coup de chance éditorial ou d'éléments isolés comme Indridasson ou Mankell : c'est en Suède, en Norvège, en Islande, dans ces coins-là que se trouve actuellement ce qui se fait de mieux dans le genre.
Perles de traduction. "Les promesses s'étaient avérées fausses..." (p. 24)
"Au déjeuner, Mikael prit un hot dog français..." (p. 357)
"Anna monta lui servir une tasse de thé" et quelques lignes plus loin "Puis Mikael avala son café de travers..." (pp. 429-430).

VENDREDI.
Lecture 1. Manchette, le nouveau roman noir (Benoît Mouchart, Séguier/Archimbaud; 140 p., 10 €).
Chronique à rédiger pour Histoires littéraires.

Lecture 2. Les morsures du doute (A Last-Minute Present/Grief/The People Who Went Away, Nicci French, 2006; Fleuve Noir, 2006 pour la traduction française; traduit de l'anglais par Didier Sénécal; 192 p., 15 €).
Comme la Série Noire, le Fleuve Noir est apparemment passé au grand format et a renoncé à la numérotation - celle-ci étant tellement fantaisiste qu'elle ne manquera à personne. A part ça, rien ne change en ce qui concerne le contenu si l'on en croit ce volume : le Fleuve Noir réussit toujours à se débrouiller avec les miettes que lui laisse la concurrence et, du paquet d'auteurs de seconde division qu'il publie, parvient à faire émerger un nom ou deux par saison (Harlan Coben et Andrea Camilleri figurant parmi les trouvailles les plus intéressantes des dernières années). C'est de la littérature facile, sans recherche de style, alimentaire mais pas toujours indigeste, construite selon la recette une idée = une histoire. Il y en a trois ici, centrées sur le thème de la famille, une institution mise à mal par Nicci French. La plus longue et la plus réussie, Chagrin, met en scène un couple dont chacun des éléments accuse l'autre d'avoir provoqué le décès accidentel de leur fils aîné. Bien sûr, le final donnera lieu à une révélation surprenante et très troublante. Idéal pour le trajet Paris - Nancy : le train arrive en gare pile à la dernière page.

SAMEDI.
TV. Rugby. France - Pays de Galles 32 -21 (en direct sur France 2).

Bon dimanche.