Notules dominicales 2007
 
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Notules dominicales de culture domestique n°305 - 6 mai 2007

DIMANCHE.
Vie salissante. Je vois peu de publicités télévisées. Si je regarde beaucoup la télévision, c'est presque toujours par le biais d'enregistrements, justement pour éviter les plages de publicité. Il m'arrive cependant d'en voir, comme tout le monde, et je suis tombé l'autre jour sur un spot qui m'a amusé. On y voyait un homme bien mis qui sort du travail, piétine sur le trottoir, s'élance et pénètre dans sa voiture selon la technique dite "fosbury flop". Je n'ai pas retenu la marque de la voiture, ce qui devait pourtant être le but recherché, mais peu importe. Depuis que les beaux jours sont arrivés, Lucie a adopté ce modus operandi. C'est bien sûr moins gracile, plus heurté mais bon, ça l'amuse, c'est la jeunesse. Le problème, qui se présente aujourd'hui, c'est quand un chat particulièrement mal intentionné a profité de la vitre ouverte pour venir faire ses besoins solides sur le siège de l'auto. L'adepte du fosbury, se présentant et atterrissant par définition de dos sur le siège, n'a alors aucune connaissance du piège félin qui l'attend au moment de sa réception, et n'en prend conscience qu'après force gesticulations (mais qu'est-ce que c'est que cette odeur ?) qui occasionnent un maculage consciencieux de tout l'habitacle automobile. Fichue jeunesse.

TV. Madame Bovary (Claude Chabrol, France, 1991 avec Isabelle Huppert, Jean-François Balmer, Jean Yanne, Christophe Malavoy, Lucas Belvaux; diffusé en avril dernier sur CinéCinéma Emotion).

LUNDI.
TV. Les Soprano (série américaine de David Chase, 2006, avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco; saison 6, épisode 9, diffusé le 26 avril sur Jimmy).

MARDI.
Fête du travail. Et déploiement de chaise longue à Saint-Jean-du-Marché.

Lecture. Sanglants trophées (Trophy Hunt, C.J. Box, G. P. Putnam's Sons, New York, 2004; Le Seuil, coll. Policiers, 2006 pour la traduction française, traduit de l'américain par William Oliver Desmond; 348 p., 21 €).
Saddlestring, Wyoming. Le garde-chasse Joe Pickett doit faire face à une série de macabres découvertes : un orignal mutilé, puis des vaches, un cheval, victimes des mêmes exactions. Ça se complique encore lorsque ce sont deux cadavres humains dans le même état qui apparaissent.
On connaît bien désormais, au bout de sa quatrième aventure, le personnage de Joe Pickett, le garde-chasse incorruptible qui réussit à démêler des intrigues en n'hésitant pas, armé de sa bonne foi et de son manque de malice, à s'attaquer à plus fort que lui, les riches, les puissants, les tricheurs qui prennent son lieu de travail, les Brokeback Mountains du Wyoming, pour un terrain de jeux dangereux. C.J. Box sait trouver le bon équilibre entre la mise en avant du cadre naturel et le volet policier de ses histoires. Ces Sanglants trophées marquent cependant un léger creux, souffrant d'une intrigue qui englobe beaucoup trop de choses pour qu'il puisse en donner une vision claire et convaincante. On y trouve pêle-mêle des bribes de fortéanisme (mutilations animales, "crop circles"), du roman familial, de la spéculation immobilière, de la pure criminalité, de l'écologie, de l'éthologie, des relents de corruption qui tirent le roman en tous sens sans parvenir à quelque chose de convaincant. Joe Pickett est un homme simple et droit, qu'on lui offre des histoires simples et droites.

TV. Red Eye, sous haute pression (Red Eye, Wes Craven, E.-U., 2005 avec Rachel McAdams, Cillian Murphy, Brian Cox; diffusé en avril dernier sur Canal +).

MERCREDI.
Parution. Le numéro 29 d'Histoires littéraires est sorti. Mes chroniques du numéro 28 sont donc disponibles et lisibles ici : http://pdidion.free.fr/chroniques/chroniques_2006.htm

TV. Duel au sommet. On a bien cru que comme d'habitude l'arrogance et la morgue, qui sont les marques de fabrique du camp occupant la partie droite de l'écran, allaient une fois de plus l'emporter, alliées à l'assurance née du résultat de la première manche. Mais en face, il y avait de l'allant, de l'engagement, de l'habileté et un vrai souci de bousculer les avantages acquis. Et ça a marché : Milan AC - Manchester United 3 - 0 (en direct sur Canal +).

JEUDI.
TV. Les Soprano (série américaine de David Chase, 2006, avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco; saison 6, épisode 10, diffusé le soir même sur Jimmy).

VENDREDI.
TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, 2006 avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Catherine Dent, Benito Martinez, Walton Goggins, Onahoua Rodriguez; saison 6, épisodes 8 & 9 diffusés la veille sur Canal +).

SAMEDI.
TV. Les Soprano (série américaine de David Chase, 2006, avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco; saison 6, épisodes 11 & 12, diffusé jeudi sur Jimmy).
Plus de Soprano jusqu'en septembre. Comment réapprendre à vivre sans Tony et ses sbires ?

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°306 - 13 mai 2007

DIMANCHE.
TV. Train d'enfer (Roger Hanin, France, 1984 avec Roger Hanin, Robin Renucci, Christine Pascal; diffusé ce mois sur CinéCinémas Frisson).
La soirée électorale à la télévision n'aura duré ici que de 20 heures à 20 heures 01. Elle n'aurait d'ailleurs pas été davantage étendue si le camp d'en face l'avait emporté : on ne s'était résolu à voter pour lui, et on n'en est pas fier pour autant, qu'à partir du moment où il était clair qu'il ne pouvait pas gagner. Le retour aux images d'actualité, après ce film qui permet de se demander comment Roger Hanin a bien pu se métamorphoser en soutien actif du nouveau président de la République, nous met face à un plateau de variétés qui nous renvoie directement dans les années Giscard.

Courriel. NC envoie cliché d'un salon de Vouvray intitulé Vouvr'hair. Ce qui devrait inciter à la vigilance les notuliens qui croisent dans les parages d'Epernay, Annonay, Santenay, Combray, Parthenay ou d'un des multiples Fontenay.

LUNDI.
Lecture. Caisse à outils (Jean-Michel Espitallier, Pocket Poésie n° 11891, 2006; 288 p., s.p.m.).
"Un panorama de la poésie française aujourd'hui"
Jean-Michel Espitallier avait précédemment publié Pièces détachées qui présentait une anthologie de la poésie contemporaine (pas lu). Il ajoute à ce florilège un appareil théorique, un essai de cartographie de l'écriture poétique d'aujourd'hui. Première constatation : la poésie est loin d'être moribonde, elle est "certes marginale, mais beaucoup moins confidentielle que ne le prétendent toujours les flagellants du misérabilisme poétique." Cette vitalité ne passe pas par l'institution du fameux "Printemps des poètes", qualifié ici de téléthon annuel où s'exerce un service minimum de la bonne conscience, mais par la multitude d'auteurs, de revues, d'éditeurs qui défendent et font respirer le genre. Bien sûr, tout cela s'accompagne d'une confidentialité certaine mais le fait est que la poésie ne semble pas souffrir de la thrombose qui affecte le genre romanesque, que son horizon semble moins bouché. Après avoir consacré un chapitre à une tentative de définition d'un genre qui est avant tout indéfinissable, Espitallier décline une guirlande de chapitres consacrés chacun à l'un de ses aspects : l'engagement, le comique, la banalité, le slam, l'inventaire, la contrainte, la poésie sonore, la poésie concrète et ainsi de suite. A l'intérieur de chaque chapitre, une autre guirlande, celle des auteurs qui entrent dans la catégorie décrite. Il y en a tant (même si l'on peut ici déplorer l'absence de quelques notuliens qui auraient mérité une mention) qu'on finit par s'y perdre, d'autant qu'aucun extrait n'est offert pour illustrer la théorie. Alors bien sûr, les extraits, ils étaient dans l'ouvrage précédent, Pièces détachées, dont ce texte est le pendant mais il semble qu'une édition d'un volume complet mêlant explication et illustration aurait été préférable à cette partition qui ne peut que laisser insatisfait le lecteur d'un seul des deux livres.

Aptonymes. Alain Zalmanski a mis en ligne les dernières trouvailles collectées : http://www.fatrazie.com/news.htm

TV.
Essaye-moi (Pierre-François Martin-Laval, France, 2006 avec Pierre-François Martin-Laval, Julie Depardieu, Pierre Richard, Kad Merad; diffusé sur Canal + en avril dernier).

MARDI.
Vie sociale. On vient d'au-delà de Thionville pour goûter nos asperges.

Le Falcon maltais. Préférant pour une fois le cabotage au cabotinage, le nouvel élu remet involontairement le palindrome au goût du jour (Et la marine va, papa, venir à Malte). Dans quelques jours, le personnel de mon collège va être appelé à troquer un jour de congé contre une "journée solidarité", survivance ectoplasmique du fameux lundi de Pentecôte. Je n'ai jamais consenti à cette charge supplémentaire, considérant que mon temps libre était une denrée non négociable et non monnayable, et préférant marquer ma solidarité par d'autres moyens qu'une journée perdue à de creuses parlottes. Cette année, grâce à la médiatisation du farniente néoprésidentiel, mon désir de paresse reçoit une caution quasi élyséenne.

TV. Le Mâle du siècle (Claude Berri, France, 1975 avec Claude Berri, Juliet Berto, Hubert Deschamps; diffusé ce mois sur CinéCinémas Star).

MERCREDI.
Emplettes. J'achète un polar suédois, une rareté présurréaliste et un gros volume de Buffon.

Lecture. Histoires littéraires n° 23 (juillet-août-septembre 2005, Histoires littéraires et Du Lérot éditeurs; 240 p., 20 €).
Revue trimestrielle consacrée à la littérature française des XIXe et XXe siècles.
C'est un dossier Jules Laforgue qui constitue, par son volume et par son intérêt, la part essentielle de ce numéro. Jean-Jacques Lefrère et Jean-Louis Debauve y présentent trois proses et pas moins de vingt poèmes inédits, parmi lesquels les amateurs se réjouissent de trouver de petits bijoux qui n'auraient pas déparé les Complaintes du bonhomme, comme ce passage de "Berceuse d'automne" :
"On est seul près du feu, on écoute la pluie,
Et parfois l'on va voir écartant le rideau
Si le ciel est encor badigeonné de pluie,
Si la rue est toujours pleine de flaques d'eau
Et l'on revient s'asseoir, on s'ennuie, on s'ennuie."
L'entretien permet de découvrir un pionnier de la télévision littéraire, Jean-José Marchand, et la revue de presse démonte le mythe Sollers à partir des articles à lui consacrés depuis 1958. Après deux lettres d'Alfred Jarry à Rachilde présentées par Patrick Besnier, on passe à l'actualité des ventes et des publications, qui contiennent leur lot habituel de pépites et de vacheries : quatre beaux vers du militant Aragon : "C'est rue Lafayette au 120/Qu'à l'assaut des patrons résiste/Le vaillant Parti communiste/Qui défend ton père et ton pain", des mots doux de Dominique de Roux pour Jean-Edern Hallier ("Machiavel de carton-pâte"), Sollers ("On peut s'étonner qu'un cercle de lumignons rayonne autour de ce petit girondin dès qu'il fait un peu grincer le lit de la marquise"), Maurice Genevoix ("écrivain pour mulots"), et de Francis Picabia ("Si vous lisez André Gide tout haut pendant dix minutes, vous sentirez mauvais de la bouche") dont les Ecrits critiques, édités à la Mémoire du livre, semblent valoir le détour.

TV. Un printemps à Paris (Jacques Bral, France, 2005 avec Eddy Mitchell, Sagamore Stévenin, Pascale Arbillot, Pierre Santini; diffusé sur Canal + en mars dernier).

JEUDI.
TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, 2006 avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Catherine Dent, Benito Martinez, Walton Goggins, Onahoua Rodriguez; saison 6, épisode 10, diffusé le soir même sur Canal +).
On est plutôt soulagé de voir se terminer ici cette sixième saison d'une série qui s'enfonce dans un galimatias incompréhensible. Les vedettes invitées, Glenn Close et surtout Forrest Whitaker ont pendant un moment maintenu l'intérêt mais depuis la disparition du dernier nommé on a vu Vick Mackey s'agiter en tous sens aux basques de mafias cosmopolites dont les agissements sont aussi obscurs que violents. Reste cependant la question qui préserve l'intérêt d'une prochaine salve d'épisodes : Vick Mackey sera-t-il oui ou non mis à pied ?

VENDREDI.

Football. SA Epinal - FC Sochaux-Montbéliard (B) 2 - 2.

SAMEDI.
Courriel. Une demande de désabonnement aux notules.

TV. Football. Olympique de Marseille - FC Sochaux-Montbéliard 2 - 2, Sochaux vainqueur de la Coupe de France aux tirs au but.
Avec une pensée pour Charles, neveu né il y a neuf ans à Montbéliard avec un maillot de Sochaux sur les épaules, qui découvrait pour l'occasion le Stade de France.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°307 - 20 mai 2007

DIMANCHE.
Scission familiale. Caroline et Lucie embarquent pour l'hôpital de Saint-Avold. La pompe à insuline sera posée dans l'après-midi, les deux jours suivants seront consacrés à l'apprentissage de son maniement et des nouvelles règles de vie à suivre, la sortie est prévue pour mardi. Je découvre la vie de père célibataire avec enfant à charge, Alice, que j'emmène au parc du Château constater l'extraordinaire pouvoir d'attraction qui peut émaner d'une famille de cochons d'Inde.


Ecriture. Je m'attelle à la rédaction du Bulletin de l'Association Georges Perec, cinquantième du nom.

LUNDI.
Quoi de neuf à Saint-Avold ? La sortie est reculée au mercredi, après que Caroline aura procédé elle-même à l'échange du cathéter. Je confie Alice à ses grands-parents.

Bulletin Perec. Pas facile ce soir, où il s'agit de décortiquer un volumineux dossier de presse en finnois, Perecin pääteoksena pidetään romaania La Vie mode d'emploi (1978), josta hän sai arvostetun Médicis - kirjallisuuspalkinnon, et autres gazouillis finno-ougriens.

MARDI.
Voyage. Départ du collège aux aurores, six heures exactement. Je fais partie du quatuor de choc désigné pour accompagner deux classes de sixième à Paris. Voyage en bus avec des chauffeurs supportables, croûte aux Tuileries sous un soleil inattendu, allô Saint-Avold, visite du Musée d'Orsay où aucun dégât n'est à déplorer, ouf, arpentage des quais au pas de course jusqu'à Notre-Dame, montée des marches de la tour, c'est beau, clic clac, j'ai le vertige, hop, le bus, rendez-vous derrière l'Hôtel de ville où il y a foule pour l'exposition Dalida, deux élèves manquants, non, on avait oublié de les compter, seize heures, départ, la pluie se met à tomber et moi à respirer, allô Saint-Avold, restitution du matériel enfantin aux parents à vingt-deux heures comme prévu, mission accomplie.

Pendant ce temps, à Saint-Avold.
La sortie est reculée au jeudi. On a posé à Lucie un appareil permettant de mesurer la glycémie en continu pendant vingt-quatre heures. Elle souffre, malaise, nausée. Au bout de quelques heures, on s'aperçoit que la chose a été mal posée, que le cathéter, trop long, n'est pas adapté et on décide enfin de la débrancher. Le moral est bas.

TV de bus. Taxi (Gérard Pirès, France, 1998 avec Samy Naceri, Frédéric Diefenthal, Marion Cotillard).

Lecture de bus. Buffon. La nature en majesté (Yves Laissus, Gallimard, 2007, coll. Découvertes/Sciences et techniques n° 504; 128 p., s.p.m.).
Le récit de la vie de Buffon ressemble à une promenade dans le cinquième arrondissement de Paris : on y croise les noms de Daubenton, Jussieu, Geoffroy Saint-Hilaire, Linné, Lacépède, Cuvier qui furent tous à des degrés divers les inspirateurs, contemporains ou continuateurs du grand naturaliste. Les rues qui portent leurs noms se situent autour du Jardin des Plantes, dont Buffon fut l'intendant à partir de 1739. Pour développer cette institution et le Cabinet d'histoire naturelle du roi dont il a aussi la charge, Buffon "entretient des correspondances suivies avec les savants de l'Europe, les voyageurs, les fonctionnaires des colonies lointaines", correspondances qui sont suivies d'envois de notes, d'herbiers, de graines, de plantes, d'animaux qui enrichissent les collections et constituent les éléments de base du travail qui va occuper Buffon pendant cinquante ans : la rédaction de son Histoire naturelle dont on peut trouver aujourd'hui un condensé en Pléiade et pour laquelle il se réfugie sur ses terres bourguignonnes de Montbard. Yves Laissus nous montre un homme double, dont les fonctions officielles, les relations, sont utilisées pour une oeuvre au service de la science plutôt que pour la satisfaction d'une ambition personnelle certes présente (il finira tout de même à l'Académie française), une dualité illustrée par ses constants va-et-vient entre Paris et sa province. On le connaît aujourd'hui pour ses descriptions zoologiques (le cheval, "plus noble conquête de l'homme", le lion, "roi des animaux", c'est lui) mais l'auteur de ce petit livre nous montre aussi un homme qui remet en cause la conception cartésienne de l'étude scientifique, qui privilégie le raisonnement comme moyen de connaissance, pour la remplacer par l'observation et l'expérience.

MERCREDI.
Courrier. Arrivée d'une carte postale de Bretagne et de trois CD de "Music You Heard on The Sopranos" pour patienter jusqu'à la reprise de la série, en septembre. J'envoie à MGM une coupure d'Histoires littéraires dans laquelle sa librairie est mentionnée.

Vie hospitalière. Je file à Saint-Avold où je passe l'après-midi avec Caroline et Lucie. Avec l'accent des voix qui résonnent dans les couloirs, on se croirait dans les travées du stade Saint-Symphorien. Le moral des troupes est à la hausse, le docteur K est satisfait des résultats obtenus et doit donner demain matin l'autorisation de lever le camp. Avec son appareil à la ceinture et ses tuyaux, Lucie ressemble à un jeune terroriste suicidaire lesté de son pain de plastic. M'est avis qu'elle n'est pas près de monter dans un avion pour les Etats-Unis ou dans un bus de Jérusalem. J'essaie de m'initier à mon tour au fonctionnement de la pompe, d'assimiler les nouvelles conduites à observer. Ce n'est pas facile, je n'ai pas les capacités de mémoire de Lucie et je ne bénéficie pas des connaissances médicales que possède Caroline par sa pratique professionnelle. Sur ce plan, nous sommes vraiment privilégiés, j'imagine que ce doit être beaucoup plus difficile à suivre pour des gens totalement en dehors du milieu. Ce que je sais, et c'est bien pour ça qu'on est là, c'est que la vie de Lucie sera plus confortable : les quatre injections quotidiennes d'insuline sont remplacées par un cathéter qu'il suffit de changer tous les trois jours, la pompe envoie de l'insuline en continu selon un dosage précis dont la détermination explique la longueur du séjour ici et dont la régularité réduit les risques d'hypoglycémie, notamment nocturne (embêtante car rarement décelée). Avant chaque repas, on envoie une dose supplémentaire, appelée "bolus" (je doute que toutes ces considérations passionnent les notuliens mais je révise ma leçon) pour contrer l'apport de sucre. Grâce à ça, on peut être plus souple sur les horaires de sommeil et de repas, la grasse matinée devient possible et avec un bolus supplémentaire, Lucie pourra même se payer un extra de temps en temps, une glace, un gâteau, des frites, etc. Il y a aussi tout un protocole de remplacement à suivre en cas de panne ou de bris de l'appareil, des injections de substitution, des numéros verts, des réservoirs, des dispositifs de perfusion, des tubulures, des piles, des patches, des rendez-vous trimestriels à prendre avec le docteur K et la diététicienne, des manoeuvres à faire pour le sport, le bain, sans oublier les questions qui se poseront quand le charme de la nouveauté sera passé et qu'il faudra accepter cet appendice comme faisant partie de soi, bref de quoi m'occuper l'esprit pendant le voyage du retour au cours duquel je m'arrête pour photographier une affiche.



Forcément. Qui se déplacerait pour un spectacle d'otaries mortes ?

JEUDI.
Vie familiale. Alice regagne le domicile à midi, Caroline et Lucie en milieu d'après-midi. La journée fériée n'est pas de trop pour récupérer d'une succession de jours denses, sans sieste, avec beaucoup de kilomètres et des levers et couchers à pas d'heure. D'ailleurs, ce soir c'est repos, je néglige le Bulletin Perec pour découvrir une nouvelle série à la ...

... TV. Dexter (série américaine de James Manos Jr. avec Michael C. Hall, Julie Benz, Jennifer Carpenter, Eric King, Lauren Vélez, James Remar; saison 1, épisodes 1 & 2 diffusés le soir même sur Canal +).
Encore un personnage ambigu, à la suite de Tony Soprano et de Vick Mackey, Dexter donc, tueur la nuit et expert auprès de la police le jour. Les deux premiers épisodes ne créent pas tout de suite l'addiction mais on regardera sans doute la suite. Pour voir.

VENDREDI.
Ecriture. Reprise du travail sur le Bulletin Perec.

SAMEDI.

Courrier. Arrivée du coffret "Perec en DVD" édité par l'INA qui contient Récits d'Ellis Island, que je n'ai jamais vu.

Ecriture. Je boucle le Bulletin Perec et l'envoie illico à Bernard Magné.

Bon dimanche.