Notules dominicales 2007
 
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Notules dominicales de culture domestique n°297 - 4 mars 2007

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. Nous dénichons le monument aux morts de La Bourgonce où l'on note, c'est la première fois que je trouve une chose de ce genre, la présence d'une plaque dédiée "Aux veuves et orphelins de guerre".

TV. 24 heures chrono (24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory Itzin, Jean Smart; saison 5, épisodes 23 & 24, diffusés jeudi dernier sur Canal +).
Voilà, encore une de faite, une saison peut-être au-dessus des deux précédentes grâce à la venue au premier plan du nouveau président des Etats-Unis, Charles Logan. Une image de la présidence sous l'influence des faucons qui n'a pas dû être appréciée partout. Sinon, pour ce qui est de l'évolution de la série, on remarquera que le procédé qui avait fait son originalité dans ses débuts, la narration en temps réel, est désormais oublié du fait du raccourcissement des épisodes et que les ellipses sont désormais admises. On s'en moque, l'action reste palpitante et les personnages fidèles à leur stéréotype. On plaint toutefois les acteurs, obligés de se cantonner à un registre (le murmure rauque ou la vocifération pour Sutherland) ou à une mimique (la mine butée de Mary Lynn Rajskub) pendant des heures. Place maintenant à Vick Mackey, la fête continue.

LUNDI.
Courriel. "Histoire de Pl'Hair", c'est une nouveauté, c'est à Loudun. Merci à DR.

TV. Manderlay (Lars von Trier, Danemark/Suède/France/Allemagne, 2005 avec Bryce Dallas, Isaach de Bankolé, Danny Glover; diffusé sur Canal + en janvier dernier).
Le procédé (décors tracés à la craie sur un plateau nu, ambiance sépulcrale) qui fonctionnait parfaitement dans Dogville ne marche plus ici. Abandon de poste au bout d'une heure et six minutes.

MARDI.
Lecture. Rue des Boutiques Obscures (Patrick Modiano, Gallimard, nrf, 1978; 222 p., s.p.m.).
Guy Roland, enquêteur privé, se lance dans un travail particulier : retrouver qui il était lorsqu'il s'appelait... comment déjà ?
C'est le sixième roman de Modiano, celui de la consécration, du Prix Goncourt. Pourtant, la magie habituelle désormais bien connue et à laquelle j'avoue être très sensible, ne fonctionne pas. Tout y est, ici comme ailleurs : quête d'identité, ambiance flottante, lieux flous, personnages mystérieux, passé insaisissable... Peut-être parce que j'en ai maintenant trop lu de cet auteur, que je sais que le meilleur est déjà passé (Villa triste) ou à venir (Dora Bruder) ? Peut-être parce que je sais que la quête du personnage n'aboutira à rien et que j'aimerais que pour une fois on débouche sur quelque chose de tangible ? Peut-être parce que le plaisir que me procurait Modiano correspondait à une époque, à un état d'esprit qui faisaient partie de moi à un moment donné et qui ne sont plus ? Peut-être plus simplement parce que, malgré son couronnement, ce livre n'est pas à la hauteur des autres, que les personnages y sont trop nombreux et indistincts, parce que Modiano ne crée plus mais joue sur un procédé ? Sûrement un peu de tout ça.
Curiosité. "Au fond, une porte aux petits carreaux vitrés que j'ai eu de la peine à tirer à cause du blunt." (p. 90) Impossible de trouver ce que peut bien être ce blunt. C'est d'autant plus troublant qu'un personnage du roman se nomme Waldo Blunt (mais ce n'est pas lui qui a mis son pied dans l'ouverture de la porte).

MERCREDI.
Emplettes. J'achète les premiers romans de Melville, L'année 2007 dans Le Monde, les carnets d'André Blanchard et le deuxième volume de Millénium.

TV. Vol de nuit (émission littéraire de Patrick Poivre d'Arvor, diffusée sur TF1 le 19 février dernier).

JEUDI.
TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, 2006 avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Forest Whitaker, Catherine Dent, Benito Martinez, Walton Goggins; saison 5, épisodes 1 & 2 diffusés le soir même sur Canal +).

VENDREDI.
TV. Honkytonk Man (Clint Eastwood, E.-U., 1982 avec Clint Eastwood, Kyle Eastwood, John McIntire; diffusé le mois dernier sur TCM).

SAMEDI.
Patrimoine local 1. Les publicités peintes, c'est comme les aptonymes, je cours les chemins pour les dénicher et je ne vois pas celles qui se trouvent sous mon nez. Ce n'est que ces derniers jours que j'ai découvert celles-ci qui se trouvent à moins de deux cents mètres de la pharmacie...



Patrimoine local 2. Epinal, terre littéraire : je reçois le matin le dernier livre de Denis Montebello (Le diable, l'assaisonnement, un titre qui ne peut que mettre l'amateur de Joyce en appétit) et je fais un tour, l'après-midi, dans une librairie de la ville où un autre produit local, Dominique Resch, effectue une séance de signature pour ses Poules. Il y a bien trois ou quatre personnes autour de l'auteur quand j'arrive mais j'arrive à surmonter ma peur de la foule pour aller le saluer, ce qui me permet de finir la semaine sur un acte de bravoure.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°298 -11 mars 2007

DIMANCHE.
Enigme. La notulie s'est dépensée pour résoudre l'énigme du blunt qui bloquait la porte de chez Modiano. En fait, il s'agissait d'un système de fermeture de porte, du genre retardateur, de marque Blount et non Blunt, Gallimard que sont tes correcteurs devenus. Merci à EC et à MD, sans oublier ceux qui m'auront appris que le "blunt instrument" est la version anglaise de l'objet contondant et qu'un blunt tout court est, dans le jargon des fumeurs de joints, une cigarette de marijuana pure, voire "un cigare vidé de ses feuilles de tabac et rempli de feuilles de cannabis".

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

TV. Orgueil et Préjugés (Pride And Prejudice, Joe Wright, France/G.-B., 2005 avec Keira Knightley, Matthew Fayden, Brenda Blethyn, Donald Sutherland; diffusé en février dernier sur Canal +).

LUNDI.
TV scolaire. Les dix commandements (The Ten Commandments, Cecil B. DeMille, E.-U., 1956 avec Charlton Heston, Yul Brynner, Anne Baxter, Edward G. Robinson; DVD Paramount).

Obituaire. "... je retrouvai également éparses dans la maison diverses choses qui étaient sans doute à elle et en particulier, dans le salon où elle n'avait pas osé entrer avant de s'enfuir de peur de réveiller ma femme qui dormait dans la pièce à côté, le premier volume de la série romanesque d'Henri Troyat intitulée Les semailles et les moissons qui avait été publié quelques mois auparavant en France." (Georges Perec, La Vie mode d'emploi, ch. XXXI)

Situation critique. Je me suis employé (pas démené, on connaît le sportif) ces dernières semaines à soutenir avec mes gigantesques moyens une entreprise littéraire. Je n'ai pas l'impression d'avoir ménagé ma peine, mais il s'avère que tout ce que j'ai pu entreprendre, dire ou écrire dans cette perspective a été reçu de façon diamétralement opposée à l'intention de départ. A un point tel que je passe aujourd'hui, par un renversement qui frôle le comique, pour un sapajou briseur de gloire naissante, un empêcheur d'auréoler en rond. Gros sabots ? Guignon ? Pensez-vous, pure malveillance parce que, voilà, on ne rit pas, j'ai ça dans le sang. Rien d'important là-dedans au-delà du ridicule de l'épisode, ce n'est que fumée comme dit l'autre, ça ne vaut pas un ticket de tiercé ni les trois quatre lignes qu'on vient d'y consacrer, passez muscade. Mais c'est intéressant car c'est un cas de figure inédit dans un domaine dont je croyais avoir fait le tour. En écrivant sur des gens qui écrivent, il est fatal que des réactions me parviennent, bon nombre de notuliens font travailler les imprimeurs et à l'heure actuelle, quiconque lançant quelque chose sous son nom est un jour titillé par le réflexe Google : je suis Philippe Didion, j'écris des notules, je tape Philippe Didion sur Google histoire de voir ce que le vaste monde pense de moi. Miracle, il y a des réponses, j'existe, pourvu qu'il ne dise pas de mal sinon le vaste monde va voir de quel bois je me chauffe. Ce que j'ai oublié en route, c'est que ce que je prends pour le reflet du vaste monde n'est en fait qu'un ridicule miroir de poche dans lequel je suis le seul à me regarder : quel olibrius aurait l'idée saugrenue de lancer une recherche Google sur Philippe Didion à part Philippe Didion ? Peut-être un Philippe Bidion ou Didoin pas très habile avec le clavier... Ce qui fait que dans la phrase "tout le monde va voir ça sur internet" ("ça" pouvant signifier ma gloire ou ma disgrâce, mon triomphe ou ma déchéance), la différence entre tout le monde et personne est la plupart du temps infime, sans parler de ceux qui voient et qui s'en moquent. Pour ce qui est des réactions, la palette était déjà assez riche en nuances et en contrastes, de la diatribe du fou furieux qui voulait m'occire parce qu'il me croyait jaloux du prix qu'il venait d'obtenir (et dont il m'apprenait l'existence) au geste d'élégance - ou d'indifférence - suprême : le silence, en passant par la fâcherie, la bouderie, la déception, la satisfaction, la dispute intelligente sur la seule chose qui vaille qu'on dispute, le livre, le contenu, la moelle et non l'aura de son auteur, la classe d'une directrice de chez Fayard dont j'avais assez rudement étrillé le poulain prometteur, le merci discret, simple, civil, le signe, le clin d'oeil qui signifie qu'on a vu et qui suffit. Dans leur grande majorité, les auteurs savent que lorsqu'ils livrent quelque chose au public, ils s'exposent aux commentaires du public comme le notulographe sait qu'il s'expose lui aussi aux réactions de ses lecteurs. D'autres sont parfois la proie de la trinité pathologique bien connue et souvent observée, macération, autocombustion et départ en vrille. Sur ce chapitre, j'ai reçu ma dose de venin, j'en ai cherché, j'en ai eu, pas de doute, ça fait mal, je n'ai pas le cuir plus épais qu'un autre. Au début, je répondais, je luttais pied à pied, il m'est arrivé de jouter férocement contre tel ou tel simili-Balzac de chef-lieu de canton auteur d'un chef-d'oeuvre inconnu appelé à le rester, avant de me rendre compte que c'était vain et épuisant. On ne peut pas non plus perdre trop de temps et de santé à ferrailler contre des ego gonflés à l'hélium, on n'est pas obligé de tout subir ni d'ailleurs de tout faire subir. Après, j'ai joué l'apaisement, sur le mode "Brigadier, répondit Pandore, Brigadier vous avez raison" et puis il faut voir ce que sont les notules, ce n'est pas Le Monde des livres, leur pouvoir de nuisance ou de prescription est tout de même plus proche du néant que d'autre chose, je sais quelles sont ma place et mon influence. Le seul avantage que j'ai, si j'en ai un, c'est que je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas, que je ne rêve pas de carrière - je n'ai jamais rien sollicité, les publications dans lesquelles j'officie sont venues me chercher - et que je sais ce que valent mes avis, à savoir la même chose que les avis des autres. Maintenant j'ai compris, je laisse couler, je ne réponds plus et je vais me coucher sans dormir. J'ai entendu Gabriel Matzneff, au dernier Colloque des Invalides consacré aux "Querelles et invectives", et lui sait ce que c'est que de se faire rentrer dedans, si j'ose dire, il ne cherche que ça et donne à qui les veut les verges, hum, pour se faire fouetter, Matzneff donc disait que la plus sage attitude face à l'attaque était le silence, ce que j'ai mis du temps à comprendre. Ce n'est pas moins douloureux mais au moins ça fait gagner du temps et ça donne à l'autre la satisfaction d'avoir cloué le bec à l'importun. Encore un mot, d'Henri Troyat celui-ci, tiré de la nécrologie que lui consacre Le Monde de ce soir : "J'ai beau être encouragé par ceux qui me louent, c'est à ceux qui m'accablent que je donne raison." Si un jour on m'avait dit que ces notules serviraient de chambre d'écho aux pensées d'Henri Troyat et de Gabriel Matzneff...

TV. Le petit garçon (Pierre Granier-Deferre, France, 1994 avec Jacques Weber, Brigitte Roüan, Stanislas Crevillen; diffusé ce mois sur CinéCinémas Famiz).

MARDI.
TV. Le bateau livre (émission littéraire de Frédéric Ferney, diffusée dimanche dernier sur France 5).

MERCREDI.
Lecture. Tusculanes, Livres II, III, IV, V (Tusculanae Disputationes, Cicéron, 45-44 av. J.-C ; traduction, rubrique et notes par E. Bréhier, notice par V. Goldschmidt in Les Stoïciens, Gallimard, 1962, Bibliothèque de la Pléiade n° 156, 1504 p., 52,90 €).
Où l'on s'entretient du bonheur du sage qui ne craint ni la mort ni la douleur, résiste au chagrin et aux passions. Cicéron se fait ici le passeur des écrits de Chrysippe, l'ancêtre du stoïcisme, qu'il oppose aux tenants des doctrines adverses, Péripatéticiens et Epicuriens si j'ai bien compris. C'est de la belle rhétorique, appuyée d'exemples tirés de la mythologie et de l'histoire, on retrouve ainsi l' épisode de l'épée de Damoclès, des anecdotes issues de la vie de Denys le Tyran, d'Archimède et autres. Ce qui est confortable avec ce genre de lecture, c'est qu'on peut raconter n'importe quoi dessus, on a peu de chance de recevoir un courriel vengeur de Cicéron. Un bon type, Cicéron, pas bégueule, pas envahissant, pas fier pour deux ronds.

JEUDI.

De l'air. Aujourd'hui, au travail, j'ai séjourné assez longuement en salle des professeurs, ce qui ne m'était pas arrivé depuis un moment. J'ai un peu fui le monde, je le reconnais, pas envie de parler, les soucis de Lucie, tout ça, et puis c'est un endroit où je ne me sens pas à ma place, j'ai toujours l'impression de déranger, je ne sais pas où me mettre, quoi faire de mes bras que j'ai assez longs pour mon âge. Aujourd'hui j'y suis retourné avec plaisir, content de rouvrir les fenêtres après avoir respiré beaucoup d'air vicié. Même chose hier, j'ai redécouvert les gens, Bébert, le facteur, un tuyau pour Saint-Cloud, Jacky, le boucher, un quart d'heure de discussion sur le match de Lyon que je n'avais pas vu, ça ne fait rien, Pierre Bayard a écrit Comment parler des livres que l'on n'a pas lus, je pourrais faire de même avec les matchs que je n'ai pas vus, un voisin qui veut m'offrir une invitation pour le match de samedi, merci je suis abonné, chez le coiffeur, au supermarché, à la pharmacie, partout des gens qui disent bonjour, merci, qui ne vous demandent rien, ils ne peuvent pas être comme ça tout le temps, ça doit être le contraste. Et puis ce soir, une impression de retrouvailles avec R. qui passe at home, vidé par la naissance apocalyptique de sa fille mais qui va enfin pouvoir savourer. Ils sont bien, les gens, des fois.

Lecture. La Voix (Röddin, Arnaldur Indridason, 2002; Métailié Noir coll. Bibliothèque nordique, 2007 pour la traduction française; traduit de l'islandais par Eric Boury; 336 p., 19 €).
Un portier d'hôtel est retrouvé assassiné dans un réduit de l'établissement où il avait élu domicile. Le commissaire Erlendur s'installe à l'hôtel pour mener son enquête.
Au bout de trois romans, on peut désormais trouver des constantes dans l'univers d'Indridason. La qualité des trames policières d'abord, des enquêtes minutieuses et captivantes qui laissent peu de repos au lecteur. Le souci des victimes ensuite dont la fin tragique est toujours l'aboutissement d'une vie marquée par l'échec, une sorte de dénouement inéluctable. Le commissaire Erlendur cherche moins à trouver un coupable pour le punir que pour obtenir une sorte de réhabilitation posthume à sa victime, ici un homme qui fut, dans sa jeunesse, une sorte d'enfant star à la voix d'or, homosexuel réprouvé par sa famille. Une autre constante, le traitement réservé à la famille justement : tout ce qui peut apparaître comme un soupçon de bonheur familial est banni des livres d'Indridason : son commissaire se débat dans une relation haineuse avec sa fille, il n'y a dans ses histoires aucun couple qui tienne debout, rien que des femmes ou enfants battus, brimés, cassés. Le fait que l'histoire de La Voix se déroule dans les jours précédant Noël ajoute à ce rejet, le commissaire s'installe à l'hôtel - comme Maigret en son temps, me semble-t-il - pour fuir l'ambiance festive qui l'insupporte. Enfin, dernier élément, la volonté de donner de plus en plus d'épaisseur au personnage principal, le commissaire Erlendur dont on découvre la passé, marqué lui aussi par une tragédie familiale, au fil des épisodes. Tout cela contribue à faire des livres d'Indridason une des oeuvres policières les plus attachantes du moment.
Extrait. "Erlendur eut un sourire, s'accorda un instant de réflexion et entreprit de lui raconter une disparition qui avait eu lieu sous les yeux de tous : c'était celle de Jon Bergthorsson, un voleur dans le Skagafjördur.
Il s'était aventuré sur la banquise du fjord de Skagafjördur pour récupérer un requin qu'on avait remonté plus tôt dans la journée par un trou dans la glace. Brusquement, le vent du sud s'était mis à forcir, la pluie à tomber, la glace à se disloquer et à se diriger vers la haute mer. On jugea impossible d'aller secourir Jon en bateau à cause du temps déchaîné et du vent violent venu du sud qui poussait la banquise vers l'embouchure du fjord.
La dernière fois qu'on avait aperçu Jon, c'était à la longue-vue : il parcourait de long en large un iceberg dérivant à l'horizon, loin vers le nord."

VENDREDI.
Vie familiale. Rendez-vous à l'hôpital pour Lucie qui nous a inquiétés pendant quinze jours avec des taux très élevés, impossibles à corriger malgré les différents dosages d'insuline. Surveillance à toute heure du jour et de la nuit, l'impression de revivre les premiers jours de garde rapprochée du nourrisson, le même épuisement et l'intranquillité en plus. Le docteur se montre rassurant, ce peut être le signe que les dernières cellules du pancréas encore valides ont cette fois bel et bien rendu l'âme.

TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, 2006 avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Forest Whitaker, Catherine Dent, Benito Martinez, Walton Goggins; saison 5, épisodes 3 & 4 diffusés la veille sur Canal +).

SAMEDI.
TV scolaire. Supersize Me (Morgan Spurlock, E.-U., 2004; DVD diaphana).

Vie sociale. Reconstitution à la croûte de midi avec RG et J, d'un trio qui fit beaucoup pour la bonne santé financière des limonadiers de Châtel-Nomexy.

Football. SA Spinalien - SC Schiltigheim 2 -2.
Déception : Martin Djetou, ancien champion de France et international, ne figure pas dans l'équipe de Schiltigheim où il est venu finir sa carrière. J'aime beaucoup Martin Djetou, moins pour la qualité de son jeu que pour la distribution vocalique (a, i, e, o, u, le quinté dans le désordre) de ses prénom et nom.

Lecture. Le diable, l'assaisonnement (Denis Montebello, photographies de Marc Deneyer, Le temps qu'il fait, 2007; 120 p., 17 €).
Compte rendu à rédiger pour La Liberté de l'Est.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°299 - 18 mars 2007

DIMANCHE.
Bougies. Nous fêtons les soixante-dix ans de mon père au domicile parental et lui offrons l'intégralité de La Recherche sur CD. Cent onze CD exactement, de quoi l'occuper pour les soixante-dix ans à venir. Plus modestes, les notules ont aujourd'hui six ans.

Ecriture. Je passe la soirée sur mon article Montebello. Je l'envoie illico sinon je suis capable d'y passer la semaine.

LUNDI.
Ecriture. Je travaille sur ma chronique pour Histoires littéraires.

MARDI.
Rencontres. Pas de cours ce matin mais une réunion au centre-ville. Il fait beau, j'y vais à pied. Près d'un lycée professionnel, sous un porche, un jeune beur : "Bonjour !" Je réponds, lui demande si on se connaît, non. Je lui serre la pince, lui souhaite une bonne journée et poursuis mon chemin en me disant que cela fait une semaine, donc longtemps, que je trouve mon prochain sympathique. J'avais cru à un ancien élève, principalement parce que le type n'était pas blanc de peau. Non pas parce que je compte beaucoup d'élèves d'origine étrangère dans le collège où j'exerce, on est loin des mosaïques de certains quartiers urbains, mais il y a à Châtel-Nomexy une communauté marocaine assez importante, il y a même une petite mosquée, ça date du temps où l'industrie textile donnait du travail, du pain et de la semoule à tout le monde. Les élèves issus de cette communauté ne sont pas forcément les plus faciles mais ce sont assurément les moins rancuniers. Là où d'autres, quand je les croise à Epinal où ils sont devenus lycéens ou étudiants, me regardent comme une merde de chien sous prétexte qu'ils ont grandi de cinquante centimètres en deux ou trois ans et m'écraseraient volontiers comme tel maintenant qu'ils chaussent du 46, les Jaouad, Omar, Youssef, Hicham et Anouar me hèlent d'un bout à l'autre de la rue, accourent et m'abordent avec le sourire en me donnant du Monsieur Didion long comme mon bras, et ce, quelle qu'ait été la qualité de nos relations au temps où ils subissaient mon magistère.

Emplettes. J'achète un polar américain et un opuscule grammatical de Pierre Bergounioux.

Ecriture. Toujours privé de télé. Je boucle la chronique entamée la veille.

MERCREDI.
Retour. Où l'on remet les pieds dans deux endroits fortement délaissés ces derniers temps. La bibliothèque municipale le matin, où les filles m'accompagnent.

Le jardin l'après-midi où je commence à m'affairer. Pas violemment, il fait beau, d'accord mais d'ici à ce que la neige nous recouvre la semaine prochaine... Je coupe quelques branches, fais un peu de nettoyage, manie tout de même la serfouette mais pas question d'empoigner la bêche, pas d'affolement, même si l'envie est là. D'ailleurs ce matin, au comptoir agricole, il y avait du monde, on sentait que les sabots piaffaient. D'habitude j'ai des points de repère, mes voisins qui donnent le signal du départ, mais pas cette année : le voisin de gauche, qui était le seul rescapé est désormais en maison de santé où il doit raconter à ses commensaux l'histoire de son oeil perdu à cause des Allemands.

TV. Le bateau livre (émission littéraire de Frédéric Ferney, diffusée dimanche dernier sur France 5).

VENDREDI.
Cinéma scolaire.
Good Bye Lenin ! (Wolfgang Becker, Allemagne, 2003 avec Daniel Brühl, Katrin Sass, Chulpan Khamatova; vu dans le cadre de l'opération Collège au cinéma).
Je suis toujours aussi étonné de voir comment une si bonne idée peut donner un si mauvais film.

TV. Football. US Créteil Lusitanos - FC Metz 1 - 1, en direct sur Eurosport.

SAMEDI.
Courrier. Arrivée d'un CD de Debussy dont je voulais posséder la Rêverie pour piano et de nos nouvelles cartes d'électeurs. A ce sujet, il est temps que les notules prennent pied dans le débat pré-présidentiel. Un sondage récent montre que chez les électeurs résidant sous le toit du notulographe, on relève encore 50 % d'indécis (sondage réalisé de façon impromptue, ce midi avant le dessert, auprès d'un échantillon représentatif de deux personnes dont moi-même).

TV.
The Shield (série américaine de Shawn Ryan, 2006 avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Forest Whitaker, Catherine Dent, Benito Martinez, Walton Goggins; saison 5, épisodes 5 & 6 diffusés jeudi dernier sur Canal +).

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°300 - 25 mars 2007

DIMANCHE.
TV. Le bateau livre (émission littéraire de Frédéric Ferney, diffusée ce jour sur France 5).
Un bon numéro, cela faisait longtemps, avec Emmanuel Carrère, Pierre Pachet et Axel Kahn.

LUNDI.
TV. Bonjour l'angoisse (Pierre Tchernia, France, 1988 avec Michel Serrault, Guy Marchand, Jean-Pierre Bacri, Pierre Arditi; diffusé ce mois sur CinéCinéma Auteur).
Deux apparitions d'Hubert Deschamps, sourd comme peu de pots, l'une en ouverture, l'autre à la fin du film. En tout, deux minutes, pas plus. Ce qui se trouve dans l'intervalle est à oublier.

MARDI.
Vie familiale. Rendez-vous est pris, en mai, à l'hôpital de Saint-Avold pour la pose d'une pompe à insuline.

MERCREDI.
Emplettes. J'achète des billets de train et prends livraison des cinq premiers romans sélectionnés pour le Prix René-Fallet.

Fin (provisoire) de chantier. Je mets un point final à la relecture de Don Quichotte, le dernier livre que j'ai lu en 1998, ce qui n'est pas un fait anodin. En 1998, mon inventaire annuel consista à noter scrupuleusement tous les lieux dans lesquels mes pas ou mes pneus me menèrent : les pays, les départements, les villes et, à l'intérieur de celles-ci, tous les noms des rues empruntées. Un exercice un peu fastidieux, périlleux même au volant, mais qui fut mené à bien sans difficulté majeure. La deuxième phase fut le classement des données, classement géographique, plus un classement thématique consacré justement aux noms des rues : noms de communes (rue de Dijon, boulevard de Strasbourg...), adjectifs (rue Nationale, rue Basse, rue Haute...), noms d'hommes politiques (avenue Léon-Blum, rue Aristide-Briand...), dates (rue du 8 mai 1945...), noms d'écrivains, de militaires, de présidents de la République, de pays, de saints, d'ecclésiastiques, d'inconnus (rue Arthur-Gaulard, rue Eugène-Spiller, rue Léopold-Bourg...) et ainsi de suite. La chose aurait pu s'arrêter là, elle m'avait déjà pris assez de temps, mais elle ne me satisfaisait pas totalement, c'était trop simple, il fallait que je trouve quelque chose pour la compléter. J'ai d'abord eu la tentation de passer une année à marcher sur mes traces, à repasser par les mêmes endroits, j'ai abandonné, ma vie est déjà suffisamment répétitive pour que j'en rajoute. C'est alors que j'ai eu l'idée de compléter cet inventaire des lieux réels par un inventaire des lieux fictifs, c'est-à-dire ceux par lesquels j'étais passé en tant que lecteur au cours de cette même année. J'ai donc entrepris de relire, à temps perdu et la plupart du temps en diagonale tous les livres que j'avais lus en 1998, jusqu'à ce Don Quichotte terminé le 30 décembre de cette année-là. Le chantier n'est pas fini. Tous les lieux cités dans les livres en question sont notés, il me reste à les classer de la même manière que les lieux réels, à confronter ceux-ci avec ceux-là et à arriver au but de l'entreprise : voir s'il y a des lieux communs aux deux univers. Si j'en trouve, j'en retirerai une immense satisfaction. On sait que j'aime occuper mon existence à des chantiers pharaoniques totalement inutiles mais dans le genre, j'aurai rarement fait mieux, plus vain, plus vide. Peu après avoir fermé le Quichotte, je tombe sur cette phrase de Sartre sur Flaubert dans son Idiot de la famille : "La peine [...] devient noble géhenne si la sueur trempe pour rien le front du bon ouvrier, s'il se martyrise pour produire une oeuvre dont il sait d'avance qu'elle ne servira à rien et que d'ailleurs elle sera ratée." Les mots "sueur" et "oeuvre" sont bien sûr déplacés à mon endroit mais à part ça, je souscris.

TV. Le Secret de Brokeback Mountain (Brokeback Mountain, Ang Lee, E.-U. avec Heath Ledger, Jake Gyllenhaal, Michelle Williams; diffusé en février dernier sur Canal +).

JEUDI.
Vie hippique. C'est jour de liesse au café-PMU-articles de pêche de Nomexy. Le patron a donné le quinté dans le désordre. Comme j'ai scrupuleusement recopié son ticket, je participe d'autant plus volontiers à l'allégresse collective, embrasse la taulière et remettez-nous-ça.

TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, 2006 avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Forest Whitaker, Catherine Dent, Benito Martinez, Walton Goggins; saison 5, épisodes 7 & 8 diffusés le soir même sur Canal +).

VENDREDI.
Météo. Un coup d'oeil par la fenêtre au lever me convainc que j'ai bien fait de ne pas me précipiter pour ce qui est du jardinage.

Les chaussées ne sont pas très bien dégagées mais je tente quand même l'aventure et prends la route du collège. Pas vraiment par abnégation professionnelle mais j'ai les sous du quinté à retirer, de la pharmacie à livrer et puis, surtout, il y a l'attrait de passer une journée tranquille avec la poignée d'élèves qui auront bravé les intempéries. Lorsque je me fais emboutir, au bout de quelques centaines de mètres, et que je vois le conducteur de l'auto tamponneuse bondir de sa boîte pour constater les dégâts - insignifiants - je récolte tout de même une belle frayeur : j'ai bien cru qu'il en voulait à mon ticket de PMU.

TV. Football. Libourne - Saint-Seurin - FC Metz 0 - 2 (en direct sur Eurosport).

SAMEDI.
Sortie. Nous assistons en quatuor au joyeux massacre perpétré par le Théâtre de l'Etoile, à Vandoeuvre, sur le mythe de Jeanne d'Arc, belle occasion de goûter le spectacle d'une troupe de théâtre qui ne se sent pas obligée de mettre trois accents circonflexes sur le "a" de la discipline qu'elle sert avec bonne humeur. Belle occasion de voir aussi qu'une sortie anodine n'a plus rien d'anodin, il faut tout organiser, tout prévoir en fonction de Lucie. C'est un des dommages collatéraux de la maladie : la spontanéité, l'improvisation, l'impromptu n'existent plus.

Bon dimanche.