Notules dominicales 2005
 
janvier | février | mars | avril | mai | juin | juillet | août | septembre | octobre | novembre | décembre
 

Notules dominicales de culture domestique n°204 - 3 avril 2005

DIMANCHE.
Lecture. L'Auvergne insolite (sous la direction de Pascal Sigoda, Au Signe de la Licorne, 2002, coll. Le Grand Jeu; 256 p., 32 €).
Petit guide pataphysique.
Placé sous l'égide d'Alexandre Vialatte, ce volume qui s'ouvre sur "la Pataphysique auvergnate" (Hébert, qui servit de modèle au Père Ubu, fut professeur au lycée du Puy-en-Velay) rassemble de nombreux échantillons de tout ce que l'Auvergne compte comme fous littéraires, représentants de l'Art Brut, excentriques, parlementaires hors du commun et autres créateurs et créatures.
On peut ainsi, au hasard des pages, découvrir les nobles desseins du collège de Banalyse, lancé dans une "campagne d'observation du banal" centrée sur la petite gare des Fades (Puy-de-Dôme), apprendre que, selon Camille Audigier, "les sources de Vichy sont manipulées par une troupe de nains, les Kobolds, venus il y a 8000 ans de l'Atlantide", s'émerveiller devant la collection de lettres "authentiques" confectionnées par Vrain-Lucas qui en rédigeait jusqu'à dix par jour (5 lettres d'Alcibiade à Périclès, 6 lettres d'Alexandre le Grand, 1 d'Attila à un général gaulois, 1 de Jules César qui défie Vercingétorix, 18 de Laure à Pétrarque, 3 de Clovis devant Tolbiac, 3 de Cléopâtre à Caton, à César, à Pompée, 12 de Jeanne d'Arc à sa famille, 1 de Lazare le ressuscité, 10 de Ponce Pilate à Tibère, 1 de Sapho, 2 signées Jésus Christ, 1 de Charles Quint à Rabelais, 35 de Christophe Colomb à Rabelais...), regretter la disparition du Musée de l'Objet Quelconque de Marsac-en-Livradois, admirer - le livre est abondamment illustré - une authentique boîte de sardines du Cantal.
Les entames de chapitres sont particulièrement accrocheuses, témoin celle-ci : "Tout comme Arthur Cravan était poète et boxeur, Hector Rolland fut poète et concessionnaire Berliet" et celle-là : "Le 8 février 1846, naissait à Paris Alphonse Courson. Sans doute serait-il resté inconnu dans la région bourbonnaise s'il n'était décédé, le 17 septembre 1920, au domaine des Petits Delots, propriété de M. de Montlivaux à la Ferté-Hauterive. Du personnage qui a vécu une longue période dans notre région, on ignore absolument tout."
On rêve de trouver dans chaque région un pataphysicien capable de faire le même travail que celui de Sigoda pour l'Auvergne.
Curiosité. Georges Perec, qui est plus souvent pris pour un Breton que pour un Auvergnat, fait une apparition p. 32 à propos de l'Oubapo (Ouvroir de bande dessinée potentielle).

Cinéphilie portative. Dans le film Le vent nous emportera, d'Abbas Kiarostami, on voit un ingénieur, venu travailler à on ne sait quel projet dans un village isolé, se livrer à un étrange manège. Dès que son téléphone de poche sonne, il se précipite en voiture sur le sommet d'une colline, le seul endroit où il peut capter son appel. Je pense à ce film en arpentant les abords de l'auberge du Rouge Gazon à la recherche d'un endroit pourvu en ondes. Lorsque j'en déniche un, je peux enfin apprendre que le S.A.S. a perdu 2-0 hier soir.

Malnutrition. A l'auberge du Rouge Gazon, on sait ce que c'est que la diététique : choucroute à midi, bäkeofe le soir. Accessoirement, confirmation du fait que le meilleur bäkeofe du coin est servi à l'auberge de la Croix des Hêtres, au Haut-du-Tôt.

LUNDI.
Malnutrition (suite). Après cette fin de semaine hautement sportive passée, comme Gargantua "depuis les troys jusques à cinq ans (...) à boyre, manger et dormir; à manger, dormir et boyre; à dormir, boyre et manger" (et encore, je n'ai rempli que les deux tiers du programme), nous rentrons at home lourdement lestés. Au repas du soir, dans le cadre domestique, le contenu de nos assiettes nous paraît quelque peu ridicule.

Cinéma. Insatiable, Caroline s'offre le digestif avec La petite chartreuse, adaptation réussie du roman de Pierre Péju.

TV. Aimez-vous les femmes ? (Jean Léon, France-Italie, 1963 avec Sophie Daumier, Guy Bedos, Edwige Feuillère, Grégoire Aslan; diffusé sur Canal + en octobre 1999).
Dans un restaurant chinois plutôt louche, Jérôme assiste à la disparition d'un mystérieux cadavre et rencontre une jeune femme à l'identité changeante.
Le titre est à comprendre au sens culinaire, car c'est à une histoire d'anthropophagie que Jean Léon, qui sera plus tard assistant chez Alain Resnais et Pierre Granier-Deferre, consacre ce qui restera son seul film en tant que réalisateur. Le scénario est complètement abracadabrant, ce qui peut s'expliquer par la signature de Roman Polanski mais l'interprétation vaut le détour, avec Guy Bedos et Sophie Daumier, duo comique très en vogue à l'époque, utilisés ici complètement à contre-emploi.

MARDI.
Cinéma. Le Couperet (Costa-Gavras, France, 2004 avec José Garcia, Karin Viard, Ulrich Tukur, Olivier Gourmet, Yvon Bacq, Geordy Monfils, Christa Theret, Thierry Hancisse, Olga Grumberg, Yolande Moreau).
Un cadre supérieur licencié devient meurtrier de ses concurrents éventuels pour échapper au chômage.
Comme je le craignais, la vision du film n'ajoute pas grand-chose à la lecture du livre de Donald Westlake. Costa-Gavras suit fidèlement la trame du livre, se contentant d'ajouter un épilogue inutile et obscur. Le suspense éventé par la lecture préalable rend bien sûr l'aspect polar un peu faible, mais le volet intimiste de l'histoire (le couple face à ses difficultés, le doute, le mensonge) bénéficie de la présence de Karin Viard dans un rôle qui rappelle celui qu'elle tenait dans L'Emploi du temps de Laurent Cantet où elle jouait l'épouse du faux médecin Jean-Claude Romand.
Curiosité 1. On remarquera la bizarre répartition des rôles de cette production franco-belge : les vedettes sont françaises et les victimes sont belges.
Curiosité 2. Les scènes d'usine ont été tournées (dans la plus grande discrétion) aux Papeteries de Golbey, à côté d'Épinal.

MERCREDI.
M. Bricolage. Je plonge la moitié de la cabane dans le noir en voulant changer une ampoule. Il faudra, pour rétablir la situation, l'intervention d'une force extérieure. J'aurais dû attendre dimanche.

Vie mentale. Je mets fin à une longue psychothérapie qui m'a aidé à m'éloigner de la bouteille et à découvrir, sinon à accentuer d'autres fêlures. Je conseille au praticien, s'il désire rester informé sur celles-ci, de s'abonner aux notules. Ça me coûtera moins cher.

Emplettes. Je prends livraison des premiers romans sélectionnés pour le Prix René-Fallet, achète des billets de train, des livres à lire (Marivaux, Mankell, Faulkner) et des fèves à planter.

Lecture 1. De Fra Angelico à Bonnard, Chefs-d'œuvre de la Collection Rau (Skira/Musée du Luxembourg, 2000; 272 p., s.p.m.).
Catalogue d'une exposition visitée en août 2000.
La collection du Docteur Rau est certainement aujourd'hui, de par sa variété, la plus importante des collections privées. Contrairement aux autres grands collectionneurs spécialisés sur une période, Rau a pu rassembler un ensemble d'œuvres qui, à elles seules, forment un concentré de l'histoire de l'art pictural, des Primitifs italiens à 1945. Pour sa réouverture en juillet 2000, le Musée du Luxembourg avait frappé fort, dévoilant une richesse dont il s'est montré plus avare par la suite avec des expositions prestigieuses (Raphaël, Botticelli) mais assez peu fournies. Les 106 tableaux sont ici présentés pleine page, avec une page de commentaires en regard. De ces derniers, on peut regretter qu'ils soient pour une grande part consacrés à la biographie du peintre et à l'historique du tableau, aux dépens de l'étude et de l'observation proprement dites. Mais il faut bien dire que quelquefois, l'anecdote historique est bienvenue : "Fin 1871, Pissarro retrouve sa maison pillée. De cette période, il reste relativement peu d'œuvres, la plupart ayant été détruites par les Prussiens durant la guerre : les soldats se servaient de ses toiles pour marcher au sec à travers la cour."

Vie au grand air. Semis de carottes.

TV. Football. Israël - France (1-1).

Lecture 2. La mort du petit cœur (The Death of Sweet Mister, Daniel Woodrell; G. P. Putman's Sons, New York, 2001, Éditions Payot & Rivages, 2002 pour la traduction française, coll. Rivages/Noir n° 433; traduit de l'américain par Frank Reichert; 208 p., 7,95 €).
Contrairement à celle de beaucoup de ses confrères, l'œuvre de Daniel Woodrell ne tire pas son unité de la présence d'un personnage récurrent mais de l'utilisation d'un cadre géographique précis : la région des monts Ozark, aux confins du Missouri et de l'Arkansas. Faites-nous la bise, Chevauchée avec le diable, La fille aux cheveux rouge tomate présentaient déjà des intrigues qui se déroulaient dans cette partie des États-Unis. Des histoires plutôt que des intrigues spécifiquement policières car Woodrell pratique avec bonheur l'art de la chronique rurale et intimiste, comme ici où il est question d'un jeune obèse manipulé par l'amant de sa mère. Misère sociale, misère intellectuelle, misère sexuelle se rejoignent dans un tableau désespérant qui rappelle à bien des titres les grands romans de Jim Thompson (Avant l'orage en particulier).

Lecture 3. Le Cabinet d'amateur (n° 7/8, décembre 1998; Presses Universitaires du Mirail; 286 p., 24,39 €).
Revue d'études perecquiennes.
C'est le dernier numéro du Cabinet d'amateur en version papier. Depuis, Bernard Magné continue à mettre en ligne des articles en ligne sur le site internet dudit http://www.cabinetperec.org/ mais bien sûr, ce n'est plus pareil. Cette ultime livraison, sous-titrée "Perec et l'image", offre plusieurs parcours intéressants parmi les photographies, les glaces gravées, les tableaux, les dessins qui se promènent dans l'œuvre perecquienne. Bernard Magné semble ici à un tournant de son parcours critique. Après avoir étudié les traces autobiographiques présentes dans les livres de Perec (ce qu'il a appelé les autobiographèmes, puis les aencrages), il s'oriente vers la découverte et l'étude des réseaux formés par des éléments, autobiographiques ou non, qui se font écho d'un livre à l'autre. Ses anciens étudiants, Dominique Bertelli (étude du Songe de sainte Ursule, le tableau de Carpaccio, dans La Vie mode d'emploi) et Wilfrid Mazzorato (étude des apparitions de Citizen Kane dans l'œuvre), le suivent sur ce terrain et forment l'ébauche de ce qui pourrait s'appeler une école Magné de la critique perecquienne. Sur d'autres sujets, on remarquera un examen exhaustif des allusions à la littérature danoise dans La Vie mode d'emploi (Carsten Sestoft), un domaine dans lequel Perec fait preuve de connaissances approfondies dont on ignore toujours l'origine, et la liste des citations, programmées ou non, d'Italo Calvino dans le même roman (Dominique Bertelli). Si toutes ces études pointues sont d'un grand intérêt pour le connaisseur, en revanche les commentaires des écrivains et plasticiens qui ont travaillé sur une exposition intitulée "Autour de 39 polaroïds de Georges Perec" occupent un espace qui dépasse un peu leur intérêt.

JEUDI.
Vie politique. Le premier ministre Raffarin, en meeting à Lyon, assure qu'il votera oui au référendum sur la constitution européenne "non pas en pensant à son propre avenir, mais à sa mère et à sa fille". (Le Figaro du jour). Voilà un homme qui sait trouver les arguments qui portent. Et qui se fiche bien de l'avenir de sa femme.

TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, Scott Brazil et James Manos, avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 3, épisodes 10 & 11; diffusé sur Canal + le soir-même).
Le deuxième épisode montre un très habile jeu de cache-cache entre le détective Wagenbach et un suspect, dans lequel on reconnaît le goût du réalisateur invité sur la série, David Mamet, pour les situations troubles.

VENDREDI.
Vie artistique. J'assiste au vernissage de l'exposition d'un émule de Rothko. Je profite de ma présence en ville à une heure apéritive pour courir les bars à la recherche d'une épave que j'aimerais voir renflouer.

SAMEDI.
Football. S.A. Épinal - R.C. Strasbourg (2) : 0 - 1. Je me réjouis d'apprendre que R ne pourra pas assister à la prochaine rencontre prévue ici mercredi. Chaque fois qu'il m'accompagne, comme ce soir, le match tourne à la calamité.

TV. Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Peter Krause, Frances Conroy; saison 4, épisode 5, diffusé sur Jimmy le 27 mars 2005).
Dave Fisher vit une nuit de cauchemar, victime d'un détournement de corbillard. Ouf, ça y est, ça redémarre après quatre épisodes anémiques.

Vie religieuse. La mort du pape, au beau milieu de la soirée télévisée consacrée au Sidaction, n'étonnera personne, et surtout pas moi : ce matin, j'ai coincé une tartine dans le grille-pain et une épaisse fumée noire s'est échappée de l'appareil.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°205 - 10 avril 2005

DIMANCHE.
Abandonné. Caroline est de garde, les filles embarquées à Saint-Jean-du-Marché. Comme personne ne veut jouer avec moi je plante mes fèves et pars en safari photo. J'en ramène des idées pour mon Diasporama, une enseigne peinte et, du quartier de la Vierge, un salon de coiffure acrobatiquement nommé "Arc en C'il-Elle". On précise entre parenthèses "Coiffure mixte" pour ceux qui n'auraient pas compris.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules en provenance de Cincinnati (Ohio), la ville où Véra Orlova, selon sa petite-fille Anne Breidel, aurait rencontré Arnold Flexner si j'en crois le chapitre XL de La Vie mode d'emploi.

LUNDI.
Courrier. Mes écrits (Tentatives d'inventaires et d'épuisement d'un lieu spinalien) font leur entrée dans les collections de la Bibliothèque municipale d'Épinal à la diligence de DDL, ici remercié.

Vie scolaire. Comme les journalistes qui ont, ces jours-ci, transformé leurs organes en Radio Vatican ou en Osservatore Romano, j'avais pris mes dispositions en vue de la mort du pape. En lecture du jour, la délicieuse nouvelle d'Alphonse Daudet dans laquelle le jeune narrateur ne sait quel excuse inventer pour expliquer son retard au repas du soir (il a manqué l'école et passé la journée à canoter) :

   "Ô maman... Si vous saviez !
   - Quoi donc ?... Qu'est-ce qu'il y a encore ?... -
   - Le pape est mort.
   - Le pape est mort !..." fit la pauvre mère.
   Et elle s'appuya toute pâle contre la muraille. Je passai vite dans ma chambre, un peu effrayé de mon succès et de l'énormité du mensonge; pourtant, j'eus le courage de le soutenir jusqu'au bout. Je me souviens d'une soirée funèbre et douce; le père très grave, la mère atterrée... On causait bas autour de la table. Moi, je baissais les yeux; mais mon escapade s'était si bien perdue dans la désolation générale que personne n'y pensait plus.
   Chacun citait à l'envi quelque trait de vertu de ce pauvre Pie IX; puis, peu à peu, la conversation s'égarait à travers l'histoire des papes. Tante Rose parla de Pie VII, qu'elle se souvenait très bien d'avoir vu passer dans le Midi, au fond d'une chaise de poste, entre des gendarmes. On rappela la fameuse scène avec l'Empereur : Commediante!... tragediante!... C'était bien la centième fois que je l'entendais raconter, cette terrible scène, toujours avec les mêmes intonations, les mêmes gestes et ce stéréotypé des traditions de famille qu'on se lègue et qui restent là, puériles et locales, comme des histoires de couvent.
   C'est égal, jamais elle ne m'avait paru si intéressante. Je l'écoutais avec des soupirs hypocrites, des questions, un air de faux intérêt, et tout le temps je me disais : "Demain matin, en apprenant que le pape n'est pas mort, ils seront si contents que personne n'aura le courage de me gronder."
   Tout en pensant à cela, mes yeux se fermaient malgré moi, et j'avais des visions de petits bateaux peints en bleu, avec des coins de Saône alourdis par la chaleur, et de grandes pattes d'argyronètes courant dans tous les sens et rayant l'eau vitreuse, comme des pointes de diamant."
Alphonse Daudet, Le pape est mort (in Contes du lundi).

TV. Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Peter Krause, Frances Conroy; saison 4, épisode 5, diffusé sur Jimmy le 3 avril 2005).

MARDI.
TV. Fric-Frac (Maurice Lehmann & Claude Autant-Lara, France, 1939 avec Fernandel, Arletty, Michel Simon, Marcel Vallée, Hélène Robert, Andrex; diffusé sur France 3 en ?).
Un couple de malfaiteurs se lie d' amitié avec un employé de bijouterie naïf dans le but de commettre un cambriolage.
Fernandel d'un côté, Arletty et Michel Simon de l'autre, une pièce d'Édouard Bourdet comme argument et tout est en place pour un grand numéro d'acteurs. L'immoralité des uns, la pruderie de l'autre, la rouerie face à l'innocence, le ruisseau face à la petite bourgeoisie. Et surtout l'opposition des langages qui constitue le principal intérêt de l'opération : Michel Simon et Arletty carburent au Byrrh-cass', pratiquent le javanais, se traitent de fleur de nave et parlent de faire un cassement, Fernandel déclare à la belle "J'eusse préféré que vous vinssiez seule". Le naïf essaie d'entrer dans un monde qui n'est pas le sien avant de redécouvrir les bienfaits de la morale dans le final. Claude Autant-Lara tournera plus tard des films au message moins conventionnel (La Traversée de Paris).

MERCREDI.
Courrier. Arrivée d'un disque de Stan Getz et Chet Baker, Live at the Haig 1953. A l'écoute, remontée immédiate des souvenirs des images de Getz et Baker en concert au Södra Teatern, à Stockholm en 1983. Chet, avec un pull de camionneur élimé, les traits creusés, le cheveu gras ramené en arrière par un peigne à la dent rare, l'air de sortir de l'asile de nuit, la gueule cassée en lieu et place de la gueule d'ange qui clouait tout le monde au mur avec sa façon de susurrer My Funny Valentine; Stan, qui n'a jamais été tendre pour ses camarades de pupitre, le toise, l'air vaguement arrogant... Mais le même souffle, la même voix, la même magie, sur "Just Friends" (mensonge !), "Stella by Starlight", "Line For Lyons"... On a du mal à imaginer que Chet tiendra encore cinq ans avant de tomber de la fenêtre du deuxième étage du Prins Hendrik Hotel, à Amsterdam, le vendredi 13 mai 1988, suicide, accident, agression, on ne sait pas, comme pour Albert Ayler.

Football. Il faut une certaine dose d'abnégation pour aller voir Épinal - Vesoul sous la pluie quand Chelsea et le Bayern en décousent à la télévision, d'autant qu'on a cru bon de nous infliger ce soir une minute de silence en raison d'une soudaine accélération du taux de mortalité chez les principicules. Mais aujourd'hui, au moins, R. est absent, et son influence néfaste, quoique persistante, s'estompe un peu (0-0).

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

JEUDI.
Presse. Ça n'aura guère tardé : La Liberté de l'Est, très au fait des mouvements de fonds, consacre une page aux "Trésors trop discrets des bibliothèques vosgiennes".

TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, Scott Brazil et James Manos, avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 3, épisodes 12 & 13; diffusé sur Canal + le soir-même).
Après les gangs blacks, les latinos, la mafia arménienne ce sont les Coréens et les bikers qui font des leurs à Farmington. Tout ce que le monde compte de mauvais garçons semble s'être donné rendez-vous à Los Angeles...

VENDREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

Voyage. Départ pour Paris par le 19 heures 36.

SAMEDI.
Vie parisienne. Séminaire Pererc à Jussieu. Jean-Luc Joly, venu parler des rapports entre Perec et Paul Auster, ouvre son propos en soulignant le tournant qu'est en train d'aborder la critique perecquienne. Celle-ci, après avoir étudié sous toutes ses coutures l'intertextualité des textes de Perec, retracé toutes ses sources, traqué toutes les citations notamment sous la houlette de Dominique Bertelli, bref exploré l'amont de l'oeuvre, s'intéresse de plus en plus à ce qui en découle en aval. Les livres de Perec apparaissent désormais fréquemment comme ce qu'on appelle un hypotexte, une matrice, une oeuvre source à laquelle de nouveaux auteurs (mais aussi des architectes, des sociologues, des plasticiens) viennent puiser. Manet van Montfrans s'est penchée sur "l'habituel et le quotidien chez Georges Perec et François Bon", Eléonore Hamaide, ici même, a montré la présence de Perec dans la littérature jeunesse d'aujourd'hui, Isabelle Dangy a évoqué une possible "fraternité littéraire" entre Perec et Jean Echenoz. Si ce dernier ne s'est jamais ouvertement réclamé de l'auteur qui nous intéresse, Paul Auster, lui, n'a jamais caché son intérêt et le lecteur attentif sait depuis longtemps que Perec ne laisse pas Auster de bois : celui-ci a publié un article sur La Vie mode d'emploi dès sa traduction en anglais et, plus récemment, a contribué à Portrait(s) de Georges Perec, le livre de Paulette Perec. Les deux auteurs, fils de migrants juifs polonais et orphelins de père, partagent aussi des points communs identitaires.
Jean-Luc Joly part ensuite sur les traces de Perec, sur ce que les lecteurs d'Auster y lisent dans l'oeuvre même du romancier américain; Il remarque que L'invention de la solitude (qui se termine par une litanie de "Il se souvient") peut, par moments, être superposé à la partie autobiographique de W ou le souvenir d'enfance; qu'on retrouve, dans Léviathan, les repas monochromes organisés par Mme Moreau dans La Vie mode d'emploi. Mais c'est dans les deux derniers romans d'Auster que la présence de Perec est selon lui la plus évidente : dans Le livre des illusions, le parcours d'Hector Mann, réalisateur de l'époque du muet qui fait des films dans le seul but de les brûler ensuite rappelle étrangement le projet de Bartlebooth qui, dans La Vie mode d'emploi, consacre son existence à peindre des aquarelles qu'il reconstitue ensuite sous forme de puzzles avant de les détruire à l'endroit où elles ont été peintes. Dans La nuit de l'oracle, une page d'annuaire polonais est reproduite dans la quelle on remarque le nom Orlowska, un autre personnage de La Vie mode d'emploi. Cet annuaire provient d'une collection, celle amassée par le créateur d'un "Bureau de préservation historique" embarqué dans une tentative de préservation globale du monde qui rappelle l'installation de Boltanski intitulée "Les abonnés du téléphone." L'intérêt d'Auster ne se porte pas sur les contraintes formelles mais sur les contraintes existentielles, celles qui gouvernent une vie entière, celles que s'imposent des personnages de fiction (Bartlebooth, l'étudiant de Un homme qui dort), Perec lui-même (avec le projet Lieux entre autres) et tout notulographe qui se respecte.
Après la collation chez Paulette Perec où, décidément, je me sens de plus en plus à l'aise, il me reste juste assez de temps pour parcourir un Série Noire à la Bibliothèque des Littératures Policières. Je rentre à l'hôtel en fin d'après-midi pour une sieste tardive après avoir renoncé, une fois de plus au programme culturel que j'e m'étais vaguement promis de suivre. Je remarque d'ailleurs, au fur et à mesure de mes séjours parisiens, un changement de plus en plus évident. Jusqu'à l'année dernière, chaque fin de semaine passé ici était placée sous le signe de la boulimie : il s'agissait de s'en mettre plein les yeux, des films, des livres, des expositions, des lieux, des rues, des cimetières, des noms, des visages, des cafés. Depuis quelque temps, si j'étudie avec autant de soin L'Officiel des spectacles dans la semaine qui précède ma venue, si je trace avec autant de minutie mes itinéraires sur mon plan de Paris, si je liste avec autant d'application les films invisibles à voir et les livres introuvables à trouver, je n'aspire qu'à une chose : me retrouver peinard et seulabre dans ma chambrette à ligoter, à croiser les mots de Robert Scipion, à écouter la soirée de football à la radio et à notuler, atteignant ainsi, comme en ce moment (20 heures 19, chambre 41), une sensation de bonheur parfait. On me rétorquera que, si mon bien-être ne tient qu'à ça, je n'ai qu'à louer une chambre de temps en temps au Formule 1 à Épinal : ça me coûtera moins cher et si je me fais piquer mon portefeuille, comme ça m'est arrivé ici, je pourrai rentrer à pied. Oui mais. Oui mais il y a le voyage. Quatre heures de train aller, quatre heures de train retour, ça laisse le temps d'en abattre et d'en écraser : je n'ai pas forcément hâte que le TGV s'arrête à Épinal. Oui mais il y a l'hôtel, un hôtel, pas un cube à sommeil, la gentillesse de Larbi et Hicham, les réceptionnistes, qui, pour moi qui n'ai d'autre mérite que d'être un client fidèle et discret, dérouleraient le tapis rouge quand j'arrive s'il faisait partie du mobilier de la maison et qui me bénissent quand je m'en vais. Oui mais il y mes contraintes existentielles, puisqu'on en parlait tout à l'heure, qui, comme les contraintes formelles, sont source de création, de libération et de plaisir : le séminaire Perec, la sensation de connaître de mieux en mieux un homme et une oeuvre qui en valent la peine, la chance de côtoyer un milieu de cadors qui oublient pour la plupart de faire les bégueules, et mes deux chantiers interminables, mon Atlas de la Série Noire et ma Mémoire louvrière. Oui mais il y a Paris, Paris derrière la fenêtre de ma carrée mais Paris tout de même, Paris où je respire bien, où je dors bien, où je trouve mes idées de chantiers à venir, Paris où j'écris comme nulle part, sans difficulté, non, ce n'est pas cela, j'écris toujours sans difficultés, mais où j'écris bien, où, du moins j'ai la sensation d'écrire mieux qu'ailleurs même si cette phrase semble prouver exactement le contraire.

Bonne semaine.

Notules dominicales de culture domestique n°205 - 10 avril 2005

DIMANCHE.
Vie parisienne. Lorsque j'arrive au Louvre, l'état dans lequel se trouve la rue de Rivoli semble attester que le Marathon de Paris est déjà passé.

Sacs plastique, bouteilles vides, vêtements ôtés à la hâte et abandonnés dans le caniveau, papiers divers... Il y a des jours où on trouve que la voiture ne pollue pas tant que ça. Après le travail sur la Mémoire louvrière, je vais voir les nouveaux appartements de Monna Lisa, installée depuis la semaine dernière dans une salle des États rénovée. Les murs couleur champagne surprennent un peu mais l'effet n'est pas désagréable. L'agneau de la Vierge du Titien a tout de même l'air d'être un peu effrayé par la foule... Je rentre par le 13 heures 44, à temps pour participer aux agapes données pour l'anniversaire de Caroline.

Vie informatique. Entre-temps, je me hâte pour faire partir les notules et commets un impair : les noms des destinataires apparaissent dans une partie de l'envoi. La réaction est immédiate. Un notulien de fraîche date, à qui il n'aura fallu que quelques jours pour faire le tour de mes compétences informatiques et comprendre qu'il n'était guère prudent de laisser ses coordonnées à la merci d'un maladroit de mon acabit demande son désabonnement immédiat. Notulisé le vendredi, dénotulisé le dimanche : record à battre. Ça rappelle le petit poème de Philippe Soupault, Pour un dictionnaire :

"Philippe Soupault dans son lit
né un lundi
baptisé un mardi
marié un mercredi
malade un jeudi
agonisant un vendredi
mort un samedi
enterré un dimanche
c'est la vie de Philippe Soupault"

Vie familiale. Nous fêtons donc comme il se doit l'anniversaire de Caroline chez ses parents. Au moment de quitter les lieux, pris d'une soudaine impulsion sportive peut-être due au spectacle édifiant du Marathon de Paris, je décide de descendre par les escaliers et laisse le reste de ma cellule familiale dans l'ascenseur. J'arrive le premier. Et pour cause. L'ascenseur est resté coincé, à peu de choses près au premier étage. Caroline s'emploie à conjurer le début de panique chez les filles (heureusement, la lumière est restée allumée) et actionne le bouton d'appel d'urgence. Les forces de libération doivent arriver dans une vingtaine de minutes. Pendant ce temps, tout en priant pour que Lucie ne se lance pas dans une crise d'asthme, on glisse des livres par les interstices histoire d'occuper les belles captives. Au bout de huit lectures en boucle, Caroline est capable de réciter par cœur livre fermé les aventures de Rouge-gorge et ses amis. On passe ensuite aux chansons (Otis Redding, bien sûr) et c'est finalement un trio fort jovial que le technicien, un rien surpris, délivre un peu plus d'une demi-heure plus tard. Il est cependant probable que nous échapperons à la visite de la Tour Eiffel lorsqu'il sera temps de faire visiter Paris aux filles. Malgré l'heure tardive, je ne me couche pas sans sacrifier à une lecture de circonstance :

"L'ascenseur est en panne, comme d'habitude. Il n'a jamais très bien marché. Quelques semaines à peine après sa mise en service, dans la nuit du quatorze au quinze juillet 1925, il est resté bloqué pendant sept heures. Il y avait quatre personnes dedans, ce qui permit à l'assurance de refuser de payer la réparation, car il n'était prévu que pour trois personnes ou deux cents kilos. Les quatre victimes étaient Madame Albin, qui s'appelait alors Flora Champigny, Raymond Albin, son fiancé, qui faisait son service militaire, Monsieur Jérôme, alors jeune professeur d'histoire, et Serge Valène. Ils étaient allés à Montmartre voir le feu d'artifice et étaient revenus à pied par Pigalle, Clichy et les Batignolles, en s'arrêtant dans la plupart des bistrots pour boire des petits blancs secs et des rosés bien frais. Ils étaient donc plutôt éméchés quand la chose arriva, vers quatre heures du matin, entre le quatrième et le cinquième étage. Le premier instant de frayeur passé, ils appelèrent la concierge : ce n'était pas encore Madame Claveau, mais une vieille Espagnole qui était là depuis les tout débuts de l'immeuble; elle s'appelait Madame Arana et ressemblait vraiment à son nom, une petite femme sèche, noire et crochue. Elle arriva, vêtue d'un peignoir orange à ramages verts et d'une espèce de bas de coton en guise de bonnet de nuit, leur ordonna de se taire, et les prévint qu'ils ne devaient pas s'attendre à ce qu'on vienne les secourir avant plusieurs heures." (Georges Perec, La Vie mode d'emploi, chapitre XXXVIII).

LUNDI.
TV. L'Arrière-pays (Jacques Nolot, France, 1998 avec Jacques Nolot, Henri Gardey, Henriette Sempé, Mathilde Moné; diffusé sur Canal + en novembre 1999).
Un homme de cinquante ans, devenu acteur à Paris, revient dans son village natal du Sud-Ouest où sa mère est en train de mourir.
Le parti-pris ouvertement autobiographique permet de revoir quelques instants de la carrière de Jacques Nolot, comédien méconnu, notamment des images du feuilleton Les 400 coups de Virginie, de Bernard Queysanne (réalisateur avec Perec du film Un homme qui dort). Le propos est sincère, touchant, marqué par le désir de montrer le paradoxe qui veut que le jeune homme, qui dut fuir le village en raison de son homosexualité, y retourne auréolé d'une petite gloire, entretenue par chacun dans le but de masquer le passé.

MARDI.
Vie professionnelle. J'assiste au comité de pilotage de l'opération Collège au cinéma au Conseil général des Vosges.

TV. RRRrrrr !!! (Alain Chabat, France, 2004 avec Marina Foïs, Gérard Depardieu, Jean Rochefort, Maurice Barthélémy, Élise Larnicol, Pierre-François Martin-Laval, Jean-Paul Rouve, Alain Chabat).
Deux tribus préhistoriques, les Cheveux Propres et les Cheveux Sales se disputent la possession d'un bien précieux, le shampooing.
En rassemblant les moments drôles de ce film, il y aurait peut-être de quoi tirer un sketch télévisé de deux ou trois minutes. Pas plus. On a rarement vu un ratage d'une telle ampleur, ce qui étonne tout de même de la part d'Alain Chabat, souvent drôle, voire très drôle (Didier).

Lecture. L'homme qui souriait (Mannen son log, Henning Mankell, Ordfront Förlag, Stockholm, 1994; Éditions du Seuil, coll. Policiers 2005 pour la traduction française; traduit du suédois par Anna Gibson; 368 p., 21 €).
Un vieil avocat meurt sur la route. Peu de temps après, son fils est assassiné. L'inspecteur Wallander, du commissariat d'Ysatd, est persuadé que les deux morts sont liées et s'intéresse aux activités d'un mystérieux et richissime homme d'affaires.
Avec la traduction de ce dernier titre consacré à Wallander, on y voit enfin clair dans l'œuvre de Henning Mankell : huit livres, de Meurtriers sans visages, le seul paru chez Bourgois (1991) à La muraille invisible (1998), soit un livre par an pendant huit ans, ce qui est tout simplement prodigieux si l'on considère la densité des enquêtes et la richesse du personnage central. Dans chacun des volumes, Wallander voit un aspect du "modèle suédois" s'effriter, la tolérance, l'efficacité, la justice sociale... En s'attaquant ici à un chevalier de l'industrie, c'est un autre aspect de la société suédoise qui vole en éclats, sa richesse industrielle symbolisée par des sociétés prestigieuses comme Scania ou Volvo. Au départ de l'histoire, on n'a jamais vu Wallander aussi mal en point : très marqué par la mort d'un homme qu'il a provoquée, il a sombré dans la dépression, l'alcool, et songe à démissionner. Les liens personnels qu'il entretenait avec une des nouvelles victimes lui remettent le pied à l'étrier et il prend en charge l'enquête, mais à sa manière, peu soucieuse des convenances hiérarchiques. Comme souvent, le dénouement donne lieu à un affrontement d'homme à homme entre le criminel et le policier d'où celui-ci sort vainqueur mais meurtri. Aux dernières nouvelles, il semblerait que Wallander ait définitivement rendu son baudrier mais sa fille Linda serait prête à embrasser la carrière policière...

MERCREDI.
Cinéma. Mon petit doigt m'a dit (Pascal Thomas, France, 2005 avec Catherine Frot, André Dussollier, Geneviève Bujold, Laurent Terzieff, Sarah Biasini, Valérie Kaprisky, Alexandra Stewart, Bernard Verley).
En adaptant Agatha Christie, Pascal Thomas livre ici un film qui contient les mêmes qualités que Le Mystère de la chambre jaune vu par Denys Podalydès : soin du détail, de la lumière, de la photographie, finesse d'esprit, légèreté du propos, qualité de l'interprétation qui, outre le couple vedette qui semble beaucoup s'amuser, permet de voir des comédiens rares comme Laurent Terzieff, Geneviève Bujold et Maurice Risch. Comment se fait-il alors que le film ne suscite qu'un intérêt mitigé, voire de multiples assoupissements chez un spectateur peu résistant et un peu usé par ses activités horticoles ? Peut-être aurait-il fallu considérer la trame policière comme autre chose qu'un vague prétexte et se donner les moyens de bâtir un suspense un peu plus costaud, quitte à malmener Agatha Christie.

JEUDI.
TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, Scott Brazil et James Manos, avec Michael Chiklis, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 3, épisodes 14 & 15; diffusé sur Canal + le soir même).
A la fin de cette troisième saison, la "strike team" de Vick Mackey a volé en éclats, détruite par les rivalités, la cupidité et la vie conjugale. Ce qui promet peut-être un Vick un peu plus solitaire pour la saison prochaine...

VENDREDI.
Lecture. Viridis Candela (Carnets trimestriels du Collège de 'Pataphysique n° 17, 8 septembre 2004; 80 p., sur abonnement).
Un numéro entièrement consacré au trou (en hébreu : Péreç), à la lacune, au manque, au néant, à l'inexistant : trou de balle de Verlaine, trou de mémoire ibère, vertige de la page blanche, couteau de Lichtenberg, trous de Meccano... Un numéro très dense pour le sujet, présentant notamment un objet tiré de la bibliothèque du notulien Tristan Bastit, et une phrase à retenir : "Hegel, grand définisseur, eut la prétention de reconstruire l'univers avec des définitions, comme le maréchal des logis d'artillerie qui disait qu'on construit un canon en prenant un trou et en mettant du fer autour" (Miguel de Unanumo, Le Sentiment tragique de la vie, chap. 1).

TV. Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Peter Krause, Frances Conroy; saison 4, épisode 6, diffusé sur Jimmy le 10 avril 2005).

SAMEDI.
Vie funéraire. Il n'y a pas qu'à la télévision qu'on peut suivre des enterrements. Nous assistons aux obsèques de P., oncle de Caroline, en l'église d'Uxegney. Curieusement, c'est dans cette église que j'ai vu P. pour la première fois, à l'occasion des adieux à F., mon frère de sac et de corde, éternelle pièce manquante de mes années débridées. Au traditionnel vin blanc-brioche qui suit la cérémonie, j'échange deux mots avec, hasard des relations familiales, le frère de François Morel, comédien souvent irrésistible. Son frère lui ressemble comme deux gouttes d'eau, lunettes en plus et cheveux en moins. Bien sûr, il n'est absolument pas drôle, surtout en ces circonstances, mais je ne peux m'empêcher de penser à sa vie où il doit passer son temps à croiser des gens qui ne se réfèrent à lui qu'en tant que "frère de François Morel", comme je viens de la faire, et qui s'attendent à le trouver désopilant.

Football. SA Spinalien - FC Metz (2-2). Une information que ne mentionneront pas les gazettes sportives : les deux buts d'Épinal sont dus à Oswaldo Condi, fidèle client de la pharmacie Didion comme en témoigne sa belle santé.

Bon dimanche.

N.B. Le prochain numéro des notules sera servi le dimanche 1° mai.