Notules dominicales
de culture domestique n°284 - 3 décembre 2006 DIMANCHE.
Sortie inattendue. Si l'on m'avait dit un
jour que se tiendrait à Epinal un "Salon régional du diabète",
je me serais contenté de soulever un sourcil dubitatif. Si l'on avait ajouté
que j'en arpenterais les allées un dimanche après-midi, j'aurais
éclaté de rire en criant au fou. Et pourtant... L'événement
n'a rien de passionnant mais nous permet de glaner des renseignements sur les
pompes à insuline. Vocabulaire. L'appel
aux lumières lexicales lancé dans le dernier numéro a réveillé
la frange érudite de la notulie. "Nef stultifère"
: Stultifera Navis est la traduction latine d'un livre en allemand, Narrenschiff,
Bâle 1494, par Sébastien Brant, un Strasbourgeois; édité
en français en 1497 La nef des fols du monde, un voyage vers la narragonie.
Edité en 2004 par José Corti. A remarquer que Erasme a publié
en latin Stultitiae laus plus connu comme Éloge de la folie.
"Agathopède" : étymologiquement bon enfant, la Société
Pantechnique et Palingénésique des Agathopèdes fut fondée
à Bruxelles en 1847. Les membres juraient sur le pourceau d'observer les
lois de la gastronomie, de consoler la veuve et l'orphelin et de couvrir la vertu
des dames... Comme membre étranger, Alexandre Dumas père... Leur
calendrier était Raisinaire, Huitrimaire, Jambonose... avec la sottise
d'été, et l'équivoque du printemps. En bibliophilie leur
Annulaire Agathopédique et Saucial (Bruxelles, 1849) rare et recherché,
se vendit bien relié 1900 euros en 1994. Renier Chalon, son promoteur est
connu pour la mystification du catalogue du Comte de Fortsas. Précurseurs
du Collège de 'Pataphysique, la rubrique sur les Agathopèdes dans
L'Encyclopédie des Farces et Attrapes (Pauvert 1964) a été
rédigée par feu André Blavier (7 pages). Le catalogue "Littérature
conjecturale II" de la librairie du Scalaire (Lyon) propose les Oeuvres
facétieuses de Henri Delmotte, écrivain belge (1798-1841) ayant
participé aux travaux de la Société des Agathopèdes.
Merci à JMP et à MGM grâce à qui je n'arpenterai plus
le quai des Bons-Enfants mais celui des Agathopèdes dans mes déambulations
spinaliennes. TV. La belle vie
(Robert Enrico, France, 1962 avec Frédéric de Pasquale, Josée
Steiner, Lucienne Hamon; diffusé sur CinéCinéma Classic en
novembre dernier). Frédéric rentre à Paris après
son service militaire en Algérie, épouse Sylvie, son amour de jeunesse
mais la belle vie promise n'est pas au rendez-vous. C'est le premier long
métrage de Robert Enrico, un film aujourd'hui oublié. Pourtant,
Enrico a existé avant Les grandes gueules, et de quelle manière
! C'est une oeuvre cent pour cent Nouvelle Vague, jeu souple d'acteurs peu connus,
préoccupations contemporaines, dialogues naturels comme les décors,
un Paris qui n'a jamais été aussi bien filmé qu'à
cette époque. Pourtant, encore une fois, on cherchera en vain les mentions
d'Enrico chez les historiens de la Nouvelle Vague. C'est peut-être la censure
qui a fait du mal à cette Belle vie : Frédéric est marqué
par les vingt-sept mois sous les drapeaux qu'il vient de vivre, traîne un
malaise dont il ne peut se défaire. Pour marquer ce mal-être, le
réalisateur insère des images d'archives sur la libération
des camps, des images d'actualité sur la guerre d'Algérie mais aussi
sur des manifestations en Chine et aux Etats-Unis, montrant un monde prêt
à replonger dans la guerre qu'il vient à peine de quitter. Sa vie
quotidienne est pareillement traversée par des rappels de ce qui se passe
ailleurs : stands de recrutement pour les parachutistes au Trocadéro, manifestations
OAS, contrôles d'identité et fouilles... Avoir vingt ans en 1962
reste un calvaire, même loin des Aurès. Curiosités perecquiennes.
Les dialogues sont signés Maurice Pons, qui fera découvrir le Moulin
d'Andé à Perec, et Jean-François Adam, pour qui Perec écrira
le scénario de Retour à la bien-aimée, est crédité
comme assistant à la mise en scène. LUNDI.
TV scolaire. Germinal (Yves Allégret,
France, 1963 avec Jean Sorel, Bernard Blier, Claude Brasseur, Philippe Lemaire;
DVD René Château Vidéo). On connaît suffisamment
la version que Claude Berri tirera trente ans plus tard du roman de Zola pour
essayer d'aller voir ailleurs ce qui en a été fait. L'adaptation
d'Allégret est assez sage, manque peut-être un peu de souffle et
de conscience de classe. Berri jouait sur le patrimoine, comme il était
dit dans une notule de 2005 : patrimoine littéraire (Zola), patrimoine
géographique (le nord), patrimoine socio-culturel (le carreau, les corons),
patrimoine idéologique (la naissance d'une conscience ouvrière internationale)
et même patrimoine génétique, ou plutôt génital
puisque l'émasculation de l'épicier Maigrat était traitée
sur un mode on ne peut plus réaliste avec exhibition sans équivoque
du corpus delicti. Rien de tel ici où l'épisode est traité
de façon édulcorée, au grand dam des élèves
pour qui c'était la scène à ne pas manquer. Courriel.
Une demande d'abonnement aux notules. TV.
Joyeux Noël (Christian Carion, France, 2005 avec Guillaume Canet,
Daniel Brühl, Dany Boon; diffusé en novembre dernier sur Canal +).
Cette année-là, le film consensuel de rentrée sur la Guerre
de 14 (remplacé cette année par celle de 40 avec Indigènes)
quittait le terrain du destin individuel (traité les années précédentes
dans La Chambre des officiers et Un long dimanche de fiançailles)
pour s'attaquer à la fraternité entre les peuples, rien de moins.
D'une série d'épisodes avérés (des moments de trêve
et même de rencontre entre soldats ennemis lors du premier Noël vécu
dans les tranchées), Christian Carion a bâti une histoire exemplaire,
un moment de paix chrétienne dans le no man's land où se rassemblent
soldats français, allemands et écossais. Dégoulinant de pathos
et de mauvais goût, on a même convoqué une cantatrice pour
pousser un Ave Maria dans la neige, le film est digne de Christian Carion,
dont on avait déjà pu apprécier le médiocre Une
hirondelle a fait le printemps : un réalisateur qui prend les spectateurs
pour des poires. MARDI. TV.
Le bateau livre (émission littéraire présentée
par Frédéric Ferney, diffusée sur France 5 le 12 novembre
dernier). MERCREDI. Courriel. Une
demande d'abonnement aux notules. Vie familiale.
Je conduis Lucie à l'hôpital où elle reçoit
les félicitations du jury merdical pour la façon dont elle gère
sa maladie. TV. La Tête
d'un homme (Julien Duvivier, France, 1932 avec Harry Baur, Gina Manès,
Valéry Inkijinoff, Damia, Alexandre Rignault; diffusé sur Ciné
Cinéma Classic en novembre dernier). Un simple d'esprit est accusé
du meurtre d'une riche rentière. Maigret trouve que l'homme constitue un
coupable trop parfait. La figure de Maigret (Harry Baur, comme pour Jean Valjean,
précède Gabin) ne domine pas le film, loin s'en faut. Duvivier semble
plutôt s'être intéressé à celle de Radek, le
vrai coupable, artiste raté mais habile meurtrier. Seulement le jeu véhément
de Valéry Inkijinoff (Vladimir Sokoloff n'était pas le seul Russe
à sévir dans le cinéma français d'avant guerre), sa
façon de rouler les yeux et les R, la démesure qu'il met dans chacun
de ses propos et de ses gestes deviennent vite fatigants. Duvivier rate ce qui
faisait l'intérêt principal du livre de Simenon, à savoir
la peinture du Montparnasse bohême des années vingt. Heureusement,
Damia interprète une chanson. JEUDI. Courriel.
Une romancière, citée dans une récente notule, m'interpelle
: "Si vous vous sentez proche de ce que j'écris pourquoi ne pas aller
jusqu'à acheter mes livres ? Hein ?" Désormais, je suis sûr
de ne jamais le faire, je n'aime pas trop qu'on me force la main. Si au moins
elle avait écrit "lire" au lieu d'acheter... Vie
ferroviaire. Je pars pour Paris par le 19 heures 36. VENDREDI.
Lecture. Jeux d'enfants (Boy A,
Jonathan Trigell, Serpent's Tail, 2004; Gallimard, coll. Série Noire, 2006
pour la traduction française; traduit de l'anglais par Isabelle Maillet;
320 p., 18 €). "Le drame remonte au 12 février 1993.
James Bulger, trois ans, échappe à la surveillance de sa maman dans
le centre commercial de Bootle, en banlieue de Liverpool. L’enfant se laisse entraîner
par deux garçons de dix ans et demi. Les deux grands sont agressifs, ils
le frappent à la tête. Plusieurs passants croisent le trio et remarquent
des bosses sur le front du petit James. Ils questionnent les plus âgés.
Les garçons répondent qu’ils conduisent le petit au commissariat
de police. Ils l’emmènent en fait à trois kilomètres du centre,
près d’une voie ferrée. Là, durant dix heures, le petit James
vit l’enfer. Il est roué de coups par les aînés. Le corps
est retrouvé deux jours plus tard, coupé en deux par un train."
(L'Humanité, 25 novembre 1993). Jonathan Trigell part de ce fait divers
pour construire son polar. Dans son histoire un des deux gamins s'est suicidé
en prison et le second sort au bout de dix ans (ou quinze, j'ai déjà
oublié, dans la réalité, les deux gosses ont été
condamnés à une peine "illimitée"). Il imagine
ses premiers pas au dehors, sa nouvelle vie sous une nouvelle identité.
Une vie de bête traquée, la presse et la population entière
sont restées à l'affût. Coincé entre un passé
trop lointain pour qu'il en ait gardé un net souvenir et un avenir bouché,
Jack, c'est son nouveau nom, louvoie, serpente, trouve une réussite (un
travail, des amis, un amour) qui n'est compatible qu'avec le mensonge. L'auteur
réussit parfaitement à faire vivre son personnage, trouve le ton
juste pour raconter son parcours et pose la bonne question : "Peut-on commettre
un meurtre en état d'innocence ?" La fin relève plus du roman
d'action avec une bousculade de péripéties qui n'étaient
pas toujours utiles mais le livre reste une réussite indéniable.
Bourdes. "Le portier lui sert la main quand il entre." (p. 221)
"Par chance, la Sierra est une traction arrière." (p. 249)
Vie parisienne. Xe Colloque des Invalides
"Querelles et invectives", organisé par la revue Histoires
littéraires, Centre culturel canadien, rue de Constantine. M'y
revoilà. C'est la deuxième fois et ce n'est pas la dernière
puisque Jean-Jacques Lefrère et Michel Pierssens, les maîtres-d'oeuvre
du colloque ont décidé de renoncer à leur projet de s'arrêter
au bout de dix éditions. Je suis beaucoup plus détendu que l'an
dernier, cette fois je n'ai pas à me faire reconnaître. Je salue
les connaissances, reconnais les habitués, Marc Décimo (on parlera
donc de Jean-Pierre Brisset), Jean-Paul Morel, Alain Chevrier, Christian Biet,
Françoise Gaillard, Dominique Noguez, découvre de nouvelles têtes
(Gabriel Matzneff), constate que l'effectif oulipien a doublé (Jacques
Jouet a rejoint François Caradec) et que le bloc perecquien s'est étoffé
(Paulette Perec, Catherine Chauchat mais aussi Bernard Magné et Eric Beaumatin).
Le sujet est incisif mais on débute dans la douceur et la courtoisie en
déplorant la mort du journalisme polémique (du type L'Idiot international)
vaincu par la finance et la judiciarisation et en constatant qu'Internet est devenu
le terrain privilégié de l'attaque ad hominem. On se penche
sur les grandes gueules, Céline, Léon Daudet, Debord, les dadaïstes,
Breton, le capitaine Haddock, Materazzi et sur leurs victimes, Mallarmé,
Brisset donc, Sartre, Staline, le clergé ("les cléricochons
et les vaticanards"), le peuple, les architectes, on enrichit son vocabulaire
en découvrant les vieux dialogues poissards ("le vieux catéchisme
poissard" chanté par Brassens) : cousin d'mon chien, coffre à
graillon, jardin à poux, matelas ambulant, ornement d'échafaud,
vieille anguille de voirie et autres amabilités. Il faudra attendre assez
longtemps pour que Françoise Gaillard se place sur un autre terrain proche
de la psychanalyse en parlant de la jouissance de l'invective proférée,
d'un retour au stade oral avec le plaisir du mot en bouche qui peut aller jusqu'à
la glossolalie paranoïaque. La fin est d'un autre tonneau, Frédéric
Beigbeder arrive avec deux heures de retard, fait une entrée de plateau
de télévision qui ne réussit qu'à flanquer une intervenante
au bas de la tribune, annonce qu'il n'a rien à dire et ça se termine
dans une ambiance qui n'est pas loin de répondre au thème de la
journée. Vie ferroviaire.
Gare de l'Est. Je suis dans le dix-neuf heures quarante-cinq. Il est dix-neuf
heures quarante-cinq. Rien ne se passe. A vingt heures, une annonce : "Notre
train est immobilisé en gare en raison d'un défaut de locomotive."
Ce qui entraîne forcément un défaut de locomotion. On trouve
une Lison de rechange et le train démarre avec une heure de retard. Je
commence à transpirer pour ma correspondance mais une voix rassurante jaillit
du haut-parleur : le contrôleur va passer et relever les problèmes
de ce genre. Bien entendu, quand on arrive à Nancy, je n'ai pas vu l'ombre
d'une casquette étoilée et le dernier train pour Epinal s'est envolé
depuis lurette. Le problème est un rien délicat car il n'est même
pas question d'attendre le premier train du matin : la gare de Nancy ferme pour
deux jours afin de procéder à la nouvelle configuration des aiguillages,
à cause du TGV bien sûr, ce foutu TGV qui me pourrit l'existence
depuis des années. Heureusement la SNCF a fait diligence. Pas question
de laisser une armée de Vosgiens dans la grande ville, ce n'est pas pour
eux, un cordon de blousons bleus guide l'armée des bouseux, plus docile
que les hooligans de Rotterdam, jusqu'à un bus spécialement affrété
pour l'occasion. Finalement, je touche aux toiles vers les deux heures du matin,
non sans avoir colloqué une rallonge à la baby sitter, précédant
de peu Caroline qui était ce soir en représentation familiale dans
une cérémonie anniversaire du genre festif. J'aime assez cette répartition
des tâches, simpliste sûrement, sexiste peut-être, mais qui
nous va bien au teint : à moi les cercles austères des bibliophiles
poussiéreux, à elle les pouêt pouêt des faridons où
l'on rit et l'on danse. SAMEDI. (Bâillements).
Bon dimanche. Notules
dominicales de culture domestique n°285 - 10 décembre 2006 DIMANCHE.
Vie familiale. Une double célébration
anniversaire à tendance gastronomique nous entraîne vers l'inconnu
du côté de Servance, dans les Vosges saônoises qu'on appelle
aujourd'hui "Plateau des mille étangs" pour attirer le godillot
baladeur. Des étangs, on ne les a pas comptés mais il y en a un
paquet, presque tous défigurés par la présence, sur leurs
rives, d'une caravane pourrie sans doute destinée à abriter la paillasse
et le Butagaz de son propriétaire. Une incursion dans l'église du
minuscule village de Beulotte-Saint-Laurent nous ramène aux dimanches ordinaires
: une plaque émaillée y tient lieu de monument aux morts.
LUNDI. TV. Match Point (Woody
Allen, E.-U./G.-B., 2005 avec Jonathan Rhys Meyers, Scarlett Johansson, Matthew
Goode, Emily Mortimer; diffusé sur Canal + en novembre 2006). Un jeune
professeur de tennis épouse une fille de bonne famille et entretient en
parallèle une liaison avec une créature plus sulfureuse. A ceux
qui, régulièrement et pas toujours sans raison, s'inquiètent
d'un certain affadissement dans une production abondante, Woody Allen envoie un
magnifique retour gagnant en substituant Londres à New York pour le cadre
et l'opéra au jazz pour l'habillage. Premier set : une peinture presque
chabrolienne d'un milieu huppé, une famille londonienne soucieuse des convenances
et des bons mariages, familière de Covent Garden et des galeries d'art,
le vernis brillant qui cache une vacuité abyssale. C'est brillant, acide,
cruel, incisif : 6-0. Deuxième set : une étude de couple, une
réflexion sur la fidélité, le mensonge, la lâcheté
de celui qui hésite à quitter son confort pour sa passion. Même
score. Ça pourrait largement suffire mais Woody Allen ajoute à cela
une histoire criminelle qui donne lieu à un suspense de haute volée.
Score final : 6-0, 6-0, 6-0, imparable, applaudissements. MARDI.
TV. Les premiers outrages (Jean Gourguet,
France, 1955 avec Françoise Vatel, Maurice Sarfati, Rellys, Louis Seigner;
diffusé ce mois sur CinéCinéma Classic). Une jeune fille
en vacances à la campagne avec ses cousines rêve du grand amour avec
le fils de l'aubergiste voisin. En deux films (on a vu et chroniqué
ici La Cage aux souris en avril dernier), on peut penser avoir fait le
tour de l'oubliable Jean Gourguet. Sa démarche : rassembler une flopée
d'actrices débutantes, qui ne connaîtront pas toutes la carrière
de Dany Carrel, autour d'un scénario relâché et conter l'éveil
des sens des jeunes filles qu'elles interprètent, là auprès
d'un prisonnier évadé, ici devant un jeune gommeux à scooter.
L'intérêt est quasiment nul et l'avertissement "déconseillé
aux moins de 12 ans" un véritable mystère. Lecture.
Ce que je ne sais pas (Du Lérot éditeur, coll. "En marge",
2002; 144 p., 20 €). Cinquième colloque des Invalides, 23
novembre 2001, textes réunis par Jean-Jacques Lefrère et Michel
Pierssens. "Chacun a buté un jour ou l'autre sur une ultime frontière,
sur l'opacité d'un mystère obstinément résistant.
Pourquoi ne pas le confesser et, ce faisant, appeler à la rescousse le
brain-trust que représentent collectivement les chercheurs rassemblés
chaque année pour la visite des à-côtés ?" En
proposant ce thème aux habitués des Invalides, les organisateurs
ont pris un risque : pour qui les a brièvement côtoyés, ces
gens-là donnent l'impression de tout savoir dans le domaine de l'histoire
littéraire. Cependant, ces actes rassemblent bien des aveux de faiblesse
: "Je ne sais toujours pas qui est le vicomte Phoebus, Retoqué de
Saint-Réac" par Stéphane Le Couëdic, "Quoi qu'y faut
comprendre aux écrits de M. Philippe Beck ?" par Eric Dussert, qui
était "Eugène Mutiaux, le parrain de Proust ?" par Michel
Bernard et autres interrogations essentielles et taraudantes. Au-delà de
ces préoccupations ponctuelles, on trouve des interrogations plus générales
et souvent plus intéressantes. Ainsi, Jacques Neefs regrette de ne pas
savoir comment ont pu être reçues les oeuvres novatrices des siècles
précédents : "Quel fut l'étonnement de Louis XIV lorsque
Lenôtre lui présenta, dans une mise en scène grandiose, dans
le soir, les fastes des jardins de Versailles en pleine action ? Qu'étaient
la compréhension et l'admiration que pouvaient avoir les premiers à
voir les fresques de la Chapelle Sixtine, ou, dans les cellules de Saint Marc,
les moines devant les fresques de Fra Angelico ? Comment était-ce, de découvrir
en 1902, Pelléas et Mélisande de Debussy ? Que fut la puissance
de nouveauté pour l'oeil, l'oreille et l'esprit, de telles oeuvres ?"
La discussion qui clôt le volume nous entraîne sur un terrain plus
philosophique, sur les questions de la connaissance, de la science, de l'ignorance
et de l'apprentissage. Un constat d'impuissance s'impose, exprimé par Andrew
Oliver : "Le rythme d'accroissement des savoirs, dans tous les domaines,
n'a aucun rapport avec celui de la vie humaine. Il me paraît qu'il s'accélère
sans cesse, de manière exponentielle, de sorte que lorsque j'entreprends
une lecture quelconque, loin de devenir plus instruit, je le deviens moins car
les connaissances accumulées pendant le temps de ma lecture sont sans commune
mesure avec celles puisées dans mon livre." Curiosité.
Eric Dussert cite en note complémentaire à son intervention un petit
texte d'André Frédérique que j'avais oublié ou ignoré
jusque là et que j'ai eu plaisir à (re)découvrir : "Il
y a de la profondeur cachée dans mon langage. Je parle ne sachant à
l'avance ce qu'il sortira et les mots s'assemblent en oracle. Du moins on me le
dit. Si je parle longtemps, je bâtis un monde où je me perds moi-même.
Il me faut de patients amis pour me l'expliquer. [...] Je voudrais dire quelque
chose d'indifférent, une broutille, je n'y parviens pas. Toujours une lumière
au fond de mon puits, une fleur dans mon désert. Pour tout ce que je dis,
mes amis trouvent des excuses. Il me vient alors des envies de gâter le
miracle : je parle de mes bretelles. Eh bien ! ce n'est pas encore futile. Pas
du tout." MERCREDI. Informatique.
Premières tractations commerciales en vue du remplacement du parc informatique
domestique. La chaudière à bits qui ahane ici depuis plus de cinq
ans est au bout du rouleau et de ses capacités, l'obligation de l'allumer
aux aurores pour un usage vespéral un tantinet lassante. Le passage à
une autre machinerie ne se déroulera sans doute pas sans difficultés
et dommages collatéraux. Qu'on ne s'inquiète donc pas si les notules
venaient à disparaître pendant un an ou deux. Vie
familiale. Erection, sans trouble aucun, du sapin de saison dans le
salon. Lecture. Histoires littéraires
n° 22 (revue trimestrielle consacrée à la littérature
française des XIXe et XXe siècles, avril-mai-juin 2005, Histoires
littéraires et Du Lérot éditeurs; 208 p., 20 €).
Il y a toujours un inconnu à découvrir dans Histoires littéraires,
un oublié, un sans-grade de la littérature, un sous-fifre plus ou
moins capital. Ici, c'est Alain Chevrier qui sort de l'oubli Louis Tridon, "poète
outrancier et expérimentateur ès rythmes", un précurseur
du vers blanc et du poème en prose considéré en son temps
par Mallarmé et Verlaine. Alain Chevrier était présent aux
Invalides la semaine dernière, tout comme deux autres vedettes de ce numéro,
Jean-Louis Debauve qui raconte quelques souvenirs d'une vie tout entière
consacrée à la littérature dans ses moindres recoins, et
Dominique Noguez qui livre quelques pages de son journal dans lequel il balance
une bonne dose de formicide sur Bernard Werber, "... que je trouvais un gentil
garçon quand je le croisais à Saumur ou ailleurs, que je plaignais
même d'être un peu méprisé (après tout, me disais-je,
ce n'est pas parce qu'il vend beaucoup qu'on ne devrait jamais ouvrir un de ses
livres; c'est peut-être un bon auteur populaire, un Maeterlinck ou un Jules
Verne), outre une victime, lui aussi, des réformes pédagogiques
qui ont supprimé des cours d'histoire la chronologie, il se révèle
un triste con de douze ans d'âge mental, du gibier de cartomanciennes et
de librairies ésotériques complètement allumé."
A retenir dans la rubrique "Livres reçus" un recueil de Texticules
divers et... ondoyants d'un certain Luca Pitu, un Roumain francophone qu'on ne
lira sans doute jamais car édité dans son pays, ce qu'on regrettera
à la lecture de quelques titres : Le Manuel du copulateur tropical,
Le Maître puise des zéphyrs au Styx, Le Cul de la Chine : un locus
obscurus ?, Bonaparte en chien fécal, Le Coup du Gagadémicien, L'Ablation
phallique, La Mise en garde de la doyenne yankee, Quid du R grasseyé ?,
La Trace embrenée de l'autre... On y traite, paraît-il, de "l'usage
que peut faire d'une pomme un berger roumain occupé à besogner une
femelle d'isard, ou bien comment les lapins pètent, ou encore ce qu'il
en est des pissotières municipales roulantes à Pékin".
Il est temps de faire le tour de ses connaissances roumaines pour essayer de se
procurer la chose. TV. Backstage
(Emmanuelle Bercot, France, 2005 avec Emmanuelle Seigner, Isild Le Besco, Noémie
Lvovsky; diffusé sur Canal + en novembre dernier). Une jeune fan réussit
à entrer dans l'entourage d'une star de la chanson. Sans remonter à
Eve de Mankiewicz, on peut trouver de bons films traitant de la fascination
à l'égard d'une vedette, les plus récents étant
La Répétition de Catherine Corsini et Le Rôle de sa
vie de François Favrat. On n'en dira pas autant de ce Backstage
qui n'est qu'un nouveau témoignage de la passion d'Emmanuelle Bercot pour
Isild Le Besco, une passion qu'on n'est pas obligé de partager au vu des
mines torturées et compassées de la donzelle. Abandon de poste au
bout d'une heure. JEUDI. TV.
24 heures chrono (24, série américaine de Robert Cochran
& Joel Surnow avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory
Itzin, Jean Smart; saison 5, épisodes 1 & 2, diffusés sur Canal
+ le soir même). Laissé pour mort à la fin de la saison
dernière, Jack Bauer est bien sûr ressuscité. Il s'appelle
désormais Mike, ou Steve, ou Ronald, je ne sais plus, et travaille dans
l'industrie pétrolière... jusqu'au jour où le devoir lui
commande de reprendre du service pour sauver les Etats-Unis, une nation décidément
bien vulnérable. Seulement, il joue ici plutôt le rôle de la
proie que celui du chasseur. La principale question est désormais de savoir
qui, des responsables de la série ou des téléspectateurs,
jettera l'éponge le premier. Premier élément de réponse
: c'est la première fois que je m'endors au beau milieu du premier épisode.
VENDREDI. Vie familiale. Visite
à l'Hôpital d'enfants de Nancy-Brabois pour Lucie. D'où il
ressort qu'on n'est pas si mal soigné que ça à Epinal puisque
le protocole de soins mis en place et la façon dont il est appliqué
satisfont entièrement la diabétologue consultée.
Météo. Tempête à
Paris, le tiercé prévu à Saint-Cloud est annulé. Ce
qui occasionne pour moi un certain manque à perdre. TV.
Le nouveau Jean-Claude (Didier Tronchet, France, 2002 avec Mathieu Demy,
Clotilde Courau, Darry Cowl, Richard Berry; diffusé sur CinéCinémas
Premier en novembre dernier). Jean-Claude n'a pas de chance, rate à
peu près tout ce qu'il entreprend dans sa vie sentimentale ou professionnelle.
Ses amis décident de le transformer en un "nouveau Jean-Claude".
Les aventures de Jean-Claude Tergal restent un bon souvenir de ma très
lointaine fréquentation de Fluide glacial. En adaptant lui-même sa
bande dessinée, Tronchet reste heureusement fidèle à son
univers et livre un film drôle, bien servi par des comédiens de bonne
nature parmi lesquels on retrouve avec plaisir, toujours, et regret, déjà,
Darry Cowl. SAMEDI. Football.
SA Epinal - Besançon 0 - 2. Ceux qui professent depuis deux semaines que
nous vivons l'automne le plus doux depuis des décennies auraient dû
venir faire un tour ce soir à la Colombière. Bon dimanche. Notules
dominicales de culture domestique n°286 - 17 décembre 2006 DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
En route pour le monument aux morts de Bonvillet, je traverse une fois de plus
des villages où s'affiche clairement sur des panneaux, des façades,
le refus d'une décharge qu'on projette d'implanter dans le coin. C'est
un mouvement important, actif, je crois même qu'il y a des notuliens dans
le secteur. Ailleurs, ce sont les Témoins de Jéhovah qui ont l'intention
de créer un pôle de rassemblement qui suscite l'activisme des habitants.
Plus près d'ici, c'est un centre pour "jeunes en difficulté"
dont l'installation a été contrecarrée par l'hostilité
de la population. C'est la mouvance NIMBY, Not In My Back Yard, en français
: pas de ça chez nous. C'est un mouvement presque compréhensible,
nul ne souhaite vivre à côté d'un foyer de nuisances plus
ou moins avérées, si l'on ne devine pas le sous-entendu qu'il masque
: pas de ça chez nous, ça signifie aussi allez mettre ça
ailleurs, et l'ailleurs, en l'occurrence, c'est là que j'habite. En outre,
quand on voit les boursouflures pavillonnaires que certains néo-ruraux
ont fait construire sur la route que j'emprunte aujourd'hui, on peut aussi penser
que ces gens-là ont depuis longtemps assimilé leur lieu d'implantation
à une décharge. TV.
Football. Lyon - Paris Saint-Germain 3 - 1, en direct sur Canal +. LUNDI.
TV. Garden State (Zach Braff, E.-U.,
2003 avec Zach Braff, Natalie Portman, Ian Holm, Peter Sarsgaard; diffusé
sur Canal + en novembre dernier). Andrew regagne son New Jersey natal pour
assister à l'enterrement de sa mère. C'est pour lui l'occasion de
revoir quelques connaissances, de renouer le dialogue avec son père et
de s'interroger sur sa carrière de petit acteur à Hollywood.
Zach Braff a une tête sympathique, tourne un film sympathique sur un jeune
homme sympathique qui doit beaucoup lui ressembler. Le retour à la "hometown"
est un point de passage obligé de la vie américaine, souvent illustré
au cinéma. Braff ne montre pas grand-chose de plus qu'une application sérieuse
au traitement du thème. Le film hésite à plonger dans le
loufoque mais s'enfonce délibérément dans le sentimentalisme
béat lors de sa séquence finale. L'inverse aurait donné un
résultat plus probant. MARDI. Vie
éditoriale. Le licenciement annoncé
de Laure Adler par les éditions du Seuil n'est pas vraiment, par ricochet,
une bonne nouvelle pour moi. Vie aquatique.
Détection d'une nouvelle fuite dans un placard du grenier où je
retrouve fort endommagés tout un tas de vieux grimoires intimes. Le plombier-couvreur
convoqué et sitôt accouru (il connaît le chemin, il pourrait
avoir son rond de serviette à notre table) souligne la nécessité
d'une intervention lourde sur la zinguerie. Il ne reste qu'à convaincre
le représentant de cette engeance trois fois honnie, le prince des fesse-mathieux
des temps modernes : le propriétaire. Le nôtre a tendance à
prendre pour le petit Trianon le château des brouillards qu'il consent à
nous louer, et où il n'a pas mis les pieds depuis des décennies.
TV. L'Héritier (Philippe
Labro, France, 1972 avec Jean-Paul Belmondo, Carla Gravina, Charles Denner, Jean
Rochefort; diffusé ce mois sur CinéCinéma Classic). Bart
Cordell hérite de l'empire industriel de son père et entend désormais
le diriger avec de nouvelles méthodes qui ne plaisent pas à tout
le monde. Philippe Labro, fasciné par la culture américaine,
veut ici donner l'image d'un cinéaste digne de ses modèles, incisif,
efficace, engagé et ne reculant devant rien. Son histoire touffue mélange
l'espionnage industriel, l'émergence du néo-fascisme italien, le
rôle du Vatican pendant la Seconde Guerre Mondiale, les collusions entre
la presse et le pouvoir dont il sembla assez bien s'accommoder dans la suite de
sa carrière à RTL et ailleurs. Dans le genre et dans l'époque,
c'est très inférieur à Peur sur la ville d'Henri Verneuil
avec le même Belmondo. A signaler, pour les perecquiens, la présence
de Bernard Queysanne au rang d'assistant metteur en scène. MERCREDI.
Courrier. Arrivée du Bulletin Perec
n° 50 et d'un recueil de jeux mathématiques dans lequel AZ, notulien,
signe une contribution consacrée aux "Jeux de langage".
Emplettes. J'achète un Série
Noire, un volume de littérature fin-de-siècle et des cadeaux de
saison. TV. Edy (Stéphan
Guérin-Tillié, France, 2005 avec François Berléand,
Philippe Noiret, Marion Cotillard; diffusé sur Canal + en novembre dernier).
Un assureur tombe dans la dépression après une arnaque manquée.
Après Jacques Villeret, nous voici rendus à aligner les derniers
films de Philippe Noiret. Il ne devrait pas y en avoir beaucoup après celui-ci
(Trois amis, actuellement en post-production, semble être le point
final de sa carrière) tant il semble ici en petite forme. Lui qui d'habitude
impose sa présence au point d'effacer ses partenaires (voir Père
et fils, un modèle dans le genre) laisse ici Berléand tirer
la couverture à lui. Ce tandem d'acteurs on ne peut plus efficaces et talentueux
est malheureusement mis au service d'une intrigue abracadabrante (on ne comprend
rien à l'escroquerie qui en est le fil rouge) servie par un réalisateur
qui, pour son premier film, veut absolument mettre tout ce qu'il a appris et n'aboutit
qu'à une sophistication clinquante là où il voulait faire
preuve de virtuosité. Curiosité. Malgré ses vint-cinq
ans de carrière bien sonnés, le Spinalien Pierre Aussedat a du mal
à trouver des rôles de plus de dix secondes. JEUDI.
Courriel. J'invite les vieux de la vieille
à passer la soirée du Nouvel An sous notre toit percé.
TV. 24 heures chrono (24, série
américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer Sutherland,
Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory Itzin, Jean Smart; saison 5, épisodes
3 & 4, diffusés sur Canal + le soir même). Jack Bauer est
coincé dans un aéroport où se déroule une prise d'otages.
La cellule anti-terroriste va l'aider à se cacher : "We send you
a map of the airport on your cell." Un plan d'aéroport sur un
écran de téléphone de poche. C'est qu'il a de bons yeux,
notre ami Jack. VENDREDI. Lecture.
L'homme-toupie (The Spinning Man, George Harrar, 2003; Gallimard,
coll. Série Noire, 2006 pour la traduction française; traduit de
l'américain par Marie-Lise Marlière; 368 p., 21€). Un professeur
de philosophie est soupçonné d'avoir fait disparaître une
adolescente. Un nouvel auteur américain et une bonne pioche pour la
Série Noire qui semble retrouver un peu d'allant avec sa nouvelle formule.
Dans ce genre d'histoire, en général, le présumé coupable
peut compter sur ses proches, sa famille, ses amis. Il n'en est rien ici où
le professeur voit peu à peu s'éloigner de lui sa femme et ses jeunes
enfants. Même le lecteur, malgré les dénégations qui
constituent son récit, finit par douter du personnage jusqu'à un
dénouement qui ne l'innocente pas totalement. George Harrar parvient à
maintenir l'incertitude et l'intérêt jusqu'au bout avec un va-et-vient
de révélations compromettantes et de justifications à demi
satisfaisantes. L'autre attrait du roman vient de la profession du suspect qui
analyse tout ce qui lui arrive avec le prisme de la philosophie qu'il enseigne.
Chaque réaction, chaque conversation donne lieu à une réflexion
sur la culpabilité, sur le temps, sur le mensonge, sur le désir
avec, en guise de mentor, Wittgenstein dont l'homme est spécialiste. Ce
n'est pas tous les jours qu'un polar vous donne envie de plonger dans le Tractatus.
Curiosité. Deux définitions de l'enseignement données dans
ce livre : "une mort vivante" (Wittgenstein) et, pour ce qui est de
la pratique universitaire "l'enseignement de l'incompréhensible à
des indifférents par des incompétents" (Keynes). TV.
L'Homme pressé (Edouard Molinaro, France, 1977 avec Alain Delon,
Mireille Darc, Michel Duchaussoy; diffusé ce mois sur CinéCinéma
Famiz). Pierre Niox vit à cent à l'heure pour satisfaire sa
passion : acheter des oeuvres d'art. Cette histoire banale d'un collectionneur
effréné qui aligne les conquêtes féminines et artistiques
ne peut être transcendée que par le style. On ne connaît pas
celui de Paul Morand qui a écrit le roman à l'origine du film mais
on peut constater que Molinaro n'en a aucun, se contentant de filmer au pas de
course un Delon agité mais pas vraiment habité. N'importe, je n'étais
là que pour voir mon cinquante-sixième film avec Dominique Zardi
qui prouve qu'on peut faire une immense carrière avec des rôles de
dix secondes, ce qui est plutôt rassurant pour Pierre Aussedat.
SAMEDI. Lecture. Viridis Candela
(Carnets trimestriels du Collège de 'Pataphysique n° 24, 15 juin 2006;
72 p., 15 €). Pas grand-chose à se mettre sous la dent une
fois de plus avec ce maigre numéro. Le dossier sur la bicyclette pataphysique
est très léger et on ne trouve de la substance que dans un beau
pastiche d'Arsène Lupin, une nouvelle d'une vingtaine de pages aussi accrocheuse
qu'un texte de Maurice Leblanc. On regrettera que les cent cinquante ans de Christophe,
le père du sapeur Camember, ne donnent lieu qu'à quelques pages
d'hommage alors qu'il y avait là matière à un dossier copieux.
Courriel. "XP Hair", salon
lyonnais, trouve place dans l'Invent'Hair grâce à l'envoi
de PF. TV. Vive la vie (Yves
Fajnberg, France, 2005 avec Didier Bourdon, Alexandra Lamy, Zinedine Soualem;
diffusé ce mois sur Canal +). Un homme d'affaires, à peine sorti
de son divorce, est attiré à la fois par un mannequin dépressif
et une jeune fille condamnée. La jeune fille qui se bat contre la mort
s'appelle Colombe. Le film, ce qu'on a vu de pire dans la production 2005 pour
l'instant, est largement aussi tarte que le prénom. On se demande pourquoi
les trois membres des Inconnus n'a pas continué à faire des choses
rigolotes ensemble au lieu de s'abîmer dans des carrières individuelles
épouvantables, Campan et Bourdon en tête. Et il n'y a même
pas la consolation de voir Pierre Aussedat dans un petit rôle.
Bon dimanche. Notules
dominicales de culture domestique n°287 - 24 décembre 2006 DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
Je fais route vers le monument aux morts de Boulaincourt. Le hasard alphabétique
me fait heureusement éviter le secteur évoqué la semaine
dernière, celui qui doit recevoir une décharge. En fait de décharges,
c'est surtout celles de chevrotine que je redoute aujourd'hui. Il fallait s'y
attendre, la notule NIMBY de la semaine dernière m'a valu quelques réponses
enlevées et connaissant mes habitudes, on a sûrement donné
des consignes pour surveiller la route ce dimanche. Il est vrai que mes propos
mêlaient le bon grain et l'ivraie et que la cause des anti-décharges
n'est pas tout à fait la même que celle des associations de riverains
bobos qui bloquent tout projet risquant de faire de l'ombre à leurs bonsaïs.
Je ne sais si c'est, comme on me l'affirme, "la seule [association] à
se battre pour que de vraies alternatives soient mises en oeuvre contre des politiques
bornés et inactifs", ce qui n'est pas rien, mais on pourra toujours
se faire une opinion en consultant son argumentaire ici : http://www.assocrad.com/.
Je suis un pleutre, je ne l'ai jamais caché, et je ne voudrais pas que,
si par malheur le projet devait aboutir, on m'en tienne pour responsable et qu'on
me remercie en me précipitant dans le trou cul par-dessus tête. Quant
au monument aux morts de Boulaincourt, c'est sans doute le plus mince et le plus
facile à voler du département. TV.
Football. Racing Club de Lens - Olympique Lyonnais 0 - 4, en direct sur Canal
+. D'habitude, les Lyonnais ont la courtoisie d'attendre les dernières
minutes pour assassiner leurs adversaires. Ce soir, ils ont décidé
d'en finir au plus vite et ça ne rend pas la chose particulièrement
passionnante. Abandon de poste à la 80e minute. LUNDI.
Vie professionnelle. Jour de grève.
Par chance, une bonne pioche hippique (le brave Prince Lorme à 95 contre
1 dans la cinquième à Vincennes) permet de ne pas trop grever le
budget familial. TV. La Débandade
(Claude Berri, France, 1999 ave Claude Berri, Fanny Ardant, Claude Brasseur, Alain
Chabat; diffusé ce mois sur CinéCinéma Emotion). La soixantaine
approchant, Claude a de plus en plus de mal à satisfaire à ses devoirs
conjugaux et cherche à redresser la situation. Renouant avec sa veine
autobiographique, Claude Berri s'intéresse à un problème
de son âge. Il se tire plutôt bien du piège contenu dans le
côté scabreux du thème traité. L'humour n'est pas absent
(belle composition d'Alain Chabat en andrologue imperturbable) mais il y a aussi
un propos intéressant sur la vieillesse, le désir et la fidélité.
L' histoire se situe à un tournant de l'histoire pharmaceutique et informatique
puisqu'on y voit l'apparition du médicament miracle, que je ne peux nommer
ici sous peine de voir les filtres anti-spams des notuliens se mettre en action,
encore non autorisé en France mais que le personnage réussit à
se procurer en Suisse (en boîte de trente comprimés !). On était
loin alors de se douter que ce nom allait tant encombrer nos boîtes à
courriel... MARDI. TV.
La Guerre des mondes (War of the Worlds, Steven Spielberg, E.-U., 2005
avec Tom Cruise, Dakota Fanning, Justin Chatwin; diffusé ce mois sur Canal
+). Pas facile de passer derrière Orson Welles quand on sait ce que
celui-ci a réussi à faire avec le roman de son presque homonyme
à la radio en 1938. Il fallait pour être à la hauteur un Spielberg
de haut vol et c'est ce que l'on trouve ici. Pour réussir ce pari, Spielberg
a renoncé à certains de ses travers, l'étirement (le film
tient en moins de deux heures), l'envahissement par la musique de John Williams
(présente mais pour une fois discrète) et le montage haché
des scènes spectaculaires (ici les plans des scènes de panique sont
étendus, souvent à l'aide de travellings qui sont de véritables
prouesses). Les libertés prises avec le roman de Wells n'appauvrissent
pas l'histoire mais lui apportent un nouvel éclairage : on scrute le ciel
bien sûr pour voir l'arrivée des Martiens mais c'est du sous-sol
que provient la menace comme si la Terre produisait elle-même les forces
appelées à la détruire, le transfert des événements
de Londres à New York élargit la réflexion, l'histoire familiale
du héros donne lieu à des scènes dépourvues de la
mièvrerie redoutée en de pareilles circonstances. Les effets spéciaux,
impressionnants comme attendu, parviennent à flanquer une belle frousse
et le jeu sobre de Tom Cruise autorise une identification parfaite. MERCREDI.
Emplettes. Commande d'un nouvel ordinateur.
TV. Mes enfants ne sont pas comme
les autres (Denis Dercourt, France, 2003 avec Richard Berry, Elodie Peudepièce,
Mathieu Amalric, Malik Zidi; diffusé ce mois sur CinéCinéma
Emotion). Un musicien d'orchestre frustré de n'avoir pu accomplir une
carrière de soliste reporte ses ambitions sur ses enfants. C'est un
film glacial, le portrait d'un père tyrannique qui veut faire de ses enfants
de véritables virtuoses. Ceux-ci, confinés dans une austère
demeure strasbourgeoise, vivent sans école, sans amis, sans amour, ne sortent
que pour participer à des concours internationaux jusqu'à ce que
la révolte éclate. Persuadé de faire leur bien, le père
ne comprend pas, s'entête, devient odieux. Cette histoire montre le côté
sombre de l'art, la face cachée de la musique qui, loin d'être un
moyen de parvenir à la beauté, à la joie, s'apparente ici
à un processus de torture, de déshumanisation. On peut croire que
le réalisateur, à l'époque professeur au conservatoire de
Strasbourg, sait de quoi il parle. Son propos n'en est que plus terrifiant...
JEUDI. TV. 24 heures chrono
(24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec
Kiefer Sutherland, Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory Itzin, Jean Smart; saison
5, épisodes 5 & 6, diffusés sur Canal + le soir même).
Lecture. L'Affaire du grand 7,
Benjamin Rozes, Poeuf et autres nouvelles (éditeurs divers, 1880-1898,
rééd. Du Lérot, coll. "d'après nature",
2003; nouvelles précédées par Léon Hennique, de J.-K.
Huysmans, préface et notes de René-Pierre Colin; 248 p., 32 €).
Avec Henry Céard et Paul Alexis, Léon Hennique fait partie des figures
oubliées du naturalisme. En le sortant de l'ombre imposante de Zola et
Huysmans, les éditions du Lérot permettent aujourd'hui de redécouvrir
un auteur qui ne méritait pas cet abandon. Il faut dire que Hennique lui-même
ne chercha pas vraiment à perdurer comme auteur : il abandonna la plume
en 1903 (alors qu'il vécut jusqu'en 1935), limitant ses activités
littéraires aux réunions de l'Académie Goncourt dont il fut
membre depuis sa création et au sein de laquelle il manifesta peu de goût
pour l'audace de ses débuts : il vota en 1932 contre l'attribution du prix
au Voyage de Céline... Hennique a écrit des romans, du
théâtre, des nouvelles. René-Pierre Colin a choisi de réunir
celles-ci en trois sections thématiques : "La Guerre de 70 et la Commune",
"Variations naturalistes" et "Une enfance à la Guadeloupe".
Dans cette dernière, on trouve trois textes d'inspiration autobiographique
qui ne constituent pas le meilleur du recueil. En revanche, les textes d'inspiration
militaire et naturaliste révèlent un auteur qui se montre tout à
fait à la hauteur de son ami Maupassant dans des histoires de soldats,
de filles, de bordels fort courues à l'époque mais qu'il sait à
chaque fois agrémenter d'une chute bien trouvée. Le naturalisme
de Hennique n'est pas ostentatoire, pas de débordements lexicaux à
la Huysmans, pas d'analyse clinique à la Zola mais un oeil aiguisé
et un ton qui se laisse parfois aller de façon heureuse vers l'humour noir.
On gardera en mémoire la folie meurtrière des soldats de la nouvelle
titre, lancés dans une expédition punitive contre un bordel et la
détresse de Benjamin Rozes, un brave bourgeois désespéré
par la présence, en ses entrailles, d'un hôte indésirable
: "Ces courses continuelles le lassant, sur les conseils de Pédussault,
curieux d'examiner les fragments du ver solitaire, on installa dans la chambre
à coucher une antique chaise reléguée depuis plus de dix
ans au fond d'un débarras. - Elle infecta la maison. - Suzanne avait beau
courir dans les corridors, maintenir les odeurs sous un couvercle de sapin commandé
exprès, elles s'échappaient néanmoins, s'emparaient des armoires,
du linge, promenaient partout leur puanteur tiède, malgré les courants
d'air, malgré les branches de lavande que Madame Rozes ne cessait de brûler.
Benjamin s'assombrissait encore. Les éternels bouillons gras lui soulevaient
le coeur; il n'avalait qu'avec dégoût les mouillettes jaunies par
les oeufs à la coque. Il ne conversait plus, ne voulait confier à
personne le soin de chercher la tête de son bothriocéphale. Armé
d'une baguette, les lèvres plissées, gris de fièvre, après
chacune de ses coliques, on l'apercevait fouillant la cuve de sa chaise avec anxiété.
- Eh bien, demandait Madame Rozes ? - Rien... rien ! répondait-il.
Il attendait la tête de son bothriocéphale, le front vide, l'oeil
fiévreux. Telles, après un gros temps, lorsque la houle moutonne
encore, les femmes de pêcheurs consultent l'horizon." Léon
Hennique, Homère de la chaise percée. VENDREDI.
TV. Vive la vie ! (Gérard Krawczyk,
France, 2005 avec Sylvie Testud, Josiane Balasko, Eric Cantona, Michel Muller;
diffusé ce mois sur Canal +). Louise et sa mère tiennent "L'Etape",
un bistrot de bord de route en concurrence avec celui d'en face, "Le Virage".
Une grève des camionneurs vient perturber leur vie tranquille. En 1962,
Jean Chérasse tournait La Vendetta, un film dans lequel les partisans
du bar Napoléon affrontaient ceux du café Bonaparte. C'était
tout aussi mauvais que ce qu'on nous offre à voir aujourd'hui, mais il
y avait Francis Blanche et Louis de Funès et c'était quand même
autre chose que Cantona et Michel Muller. Comme l'histoire provient d'un roman
de Jean-Marie Gourio, on a droit à quelques brèves de comptoir mais
choisies parmi les plus mauvaises de la collection. A part ça, Josiane
Balasko ressemble de plus en plus à Marthe Villalonga. SAMEDI.
TV. La Voleuse (A Stolen Life,
Curtis Bernhardt, E.-U., 1946 avec Bette Davis, Glenn Ford, Walter Brennan, Charles
Ruggles; diffusé ce mois sur TCM). A la RKO, on sait que Bette Davis
n'est jamais aussi redoutable que quand on la met en situation de concurrence
avec une autre actrice. Aussi a-t-on choisi pour ce film de lui donner enfin une
partenaire-adversaire à sa hauteur : elle-même. Elle interprète
en effet un double rôle, celui de deux soeurs jumelles amoureuses du même
homme, une oie blanche et une mangeuse d'hommes. Celle-ci gagne la première
manche, épouse l'homme désiré, mais celle-là saura
prendre sa revanche. Le scénario est ingénieux, la mise en scène
solide (l'idée du plan sur l'alliance qui passe d'une main à l'autre
est une trouvaille magnifique), l'interprétation sans faille, emblématique
de la RKO, une maison sérieuse où l'on aime le travail bien fait.
Poésie de saison. NOËL
SCEPTIQUE Noël ! Noël ! J'entends les cloches dans la nuit... Et
j'ai, sur ces feuillets sans foi, posé ma plume : Ô souvenirs,
chantez ! tout mon orgueil s'enfuit, Et je me sens repris de ma grande amertume.
Ah ! ces voix dans la nuit chantant Noël ! Noël ! M'apportent
de la nef qui, là-bas, s'illumine, Un si tendre, un si doux reproche
maternel Que mon coeur trop gonflé crève dans ma poitrine...
Et j'écoute longtemps les cloches, dans la nuit... Je suis le paria
de la famille humaine, A qui le vent apporte en son sale réduit La
poignante rumeur d'une fête lointaine. Jules Laforgue, Premiers
poèmes Bon Noël. Notules
dominicales de culture domestique n°288 - 31 décembre 2006 DIMANCHE.
Courriel. Le message annuel concernant le
désengorgement des tuyaux donne lieu à trois demandes de désabonnement.
Noël. Je trouve dans mes chaussons
le deuxième volume Pléiade des romans de Queneau. De quoi me débarrasser
d'un bon paquet de Folio jaunis. LUNDI. Noël
(suite). La maison de mes parents résiste à l'invasion
de leurs dix-neuf descendants directs et conjoints. MARDI.
Noël (effets secondaires). Je m'escrime
à essayer de monter une construction que les filles ont reçue en
cadeau, ne parviens au total qu'à me ruiner les phalanges et la santé
mentale. Déjà petit, j'étais incapable de mettre bout à
bout deux morceaux de Meccano. Sur ce plan-là, aucune amélioration
à constater. Courrier. JCM,
ex-inconnu amateur de La Montagne magique devenu notulien et à qui
j'avais prêté les cassettes du feuilleton radiophonique me renvoie
mes enregistrements transférés sur CD. Je suis émerveillé,
deux minces galettes à la place d'une quinzaine de cassettes, vivement
mon nouvel appareillage que je m'y essaie à mon tour. TV.
Olé ! (Florence Quentin, France, 2005 avec Gad Elmaleh,
Gérard Depardieu, Valeria Golino, Sabine Azéma, Gaëlle Bona,
Valentin Merlet; diffusé ce mois sur Canal +). La complicité
d'un grand patron et de son chauffeur prend fin le jour où le premier se
lance dans des affaires louches au grand désespoir du second. Bien
sûr, on peut reprocher à Depardieu sa boulimie et son manque de discernement
dans le choix des rôles qu'il accepte. N'empêche que quand il débarque
dans un film, il apporte tout : son quintal et demi, sa grande gueule, son outrance
et son incroyable talent à rendre regardable des choses qui, sans lui,
n'éveilleraient pas le moindre soupçon d'intérêt. Celle-là,
par exemple. MERCREDI. Emplettes.
J'achète des billets de train, un piège à souris, mes derniers
livres de l'année et, renouant avec une tradition antédiluvienne,
le dernier Higelin. Le dernier dernier Higelin que j'ai acheté doit dater
de l'époque des 33-tours mais il y eut un temps, certains, au bout de ces
tuyaux, s'en souviendront, où il n'y avait pas grand-chose de plus important
dans nos vies que le dernier Higelin. TV. M.
et Mme Smith (Mr. & Mrs. Smith, Alfred Hitchcock, E.-U., 1941 avec
Carole Lombard, Robert Montgomery, Gene Raymond; diffusé ce mois sur CinéCinéma
Classic). Après trois ans de vie commune, M. et Mme Smith voient leur
mariage annulé pour un vice de forme administratif. Madame en profite pour
voler de ses propres ailes et Monsieur essaie de la séduire à nouveau.
Connu également sous le titre Joies matrimoniales, ce film constitue
la seule incursion de Hitchcock dans le domaine de la comédie pure. On
comprend qu'il n'ait pas persévéré dans cette voie qui, manifestement,
ne l'intéresse guère. On ne trouve aucune lumière personnelle
dans cette commande de studio que le maître se contente de remplir honnêtement
mais sans conviction. Il faut dire qu'il n'est guère aidé par son
acteur principal, Robert Montgomery, qui est loin d'un Cary Grant ou d'un Spencer
Tracy quand il s'agit de faire face à une femme de caractère.
JEUDI. Défense du territoire.
Arrestation et reconduite à la frontière du jardin d'un hôte
indésirable qui narguait nos services de répression sanitaire depuis
deux semaines. Lecture
1. Le Rocambole n° 24/25 (Bulletin publié par l'Association
des Amis du Roman Populaire, automne-hiver 2003; 352 p., 25 €).
E. Blyton - A. Buckeridge. Je feuillette souvent Le Rocambole à
la Bibliothèque des Littératures Policières mais c'est le
premier numéro que je lis in extenso. D'habitude, les dossiers traitent
d'auteurs et de thèmes que je ne connais que très peu, les grands
romanciers populaires du XIXe siècle, Fortuné du Boisgobey et autres,
mais ici avec Enid Blyton et Anthony Buckeridge, je suis dans mon élément
puisqu'il s'agit de deux piliers de ma littérature de jeunesse. Ce qui
m'a permis de constater l'excellence de cette revue, par la tenue des dossiers
bien sûr mais aussi par toutes les rubriques annexes, nombreuses et toutes
intéressantes : un mini dossier Dumas qui revient sur sa collaboration
avec Maquet, des articles sur Fantômas, des notes de lecture, des lettres
de lecteurs et deux nouvelles de Marie Aycard sorties du purgatoire et qui font
découvrir un pionnier (Marie Aycard est un homme) de la littérature
policière. La biographie d'Enid Blyton, créatrice du Club
des Cinq et de bien d'autres séries, est un peu fade, l'étude
thématique de son oeuvre un rien tirée par les cheveux (le chapitre
"La bicyclette dans le Club des Cinq" nous apprend qu'il s'agit
d'un moyen "pratique et simple d'utilisation [qui] permet de se rendre d'un
point à un autre") mais les divers contributeurs soulignent avec raison
l'importance de cet auteur dans la formation de nombreux lecteurs. On rappelle
les propos hâtifs d'un spécialiste de la littérature enfantine,
Marc Soriano, qui dans son Guide de littérature pour la jeunesse
dénonçait ces séries d'aventures qui flatteraient "le
goût de l'enfant pour la facilité et le déshabituent de l'effort
intellectuel, l'immobilisant à un stade infantile qui aboutit rapidement
à une régression." Je suis, pour ma part, tout à fait
satisfait de la régression que j'ai subie. L'histoire des aventures du
Club des Cinq n'est pas facile à retracer, du moins de ce côté-ci
de la Manche car les romans ont été traduits dans le plus complet
désordre et n'offrent pas la logique narrative souhaitée par l'auteur.
Catherine Brasselet y parvient tout de même à force de tableaux,
de listes de traducteurs, de rééditions, de collections qui témoignent
d'un imbroglio éditorial peu commun. Le cas d'Anthony Buckeridge est
plus intéressant car l'homme est moins connu. On lui doit le personnage
de Bennett, Jennings en version originale, ce collégien calamiteux héros
d'une série hilarante parue dans la Bibliothèque verte. Là
aussi, le travail de traduction, auquel participa Olivier Séchan (le père
du chanteur Renaud) fut largement erratique. L'article de Patrick Galois montre
d'ailleurs la difficulté du travail de transposition d'un monde typiquement
britannique, celui des collèges traditionnels du royaume, et d'un langage
souvent vernaculaire en français. Il semblerait que la série ait
été plutôt maltraitée par Hachette qui a laissé
plusieurs épisodes inédits, ce qui est incompréhensible quand
on se rappelle le plaisir qu'il y avait à suivre ces aventures. Je me laisserais
ailleurs bien tenter par une relecture de ces romans, je me souviens que ma mère
les lisait aussi... TV. 24 heures
chrono (24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow
avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, Mary Lynn Rajskub, Gregory Itzin, Jean Smart;
saison 5, épisodes 7 & 8, diffusés sur Canal + le soir même).
La vision de tous ces ordinateurs menés de main de maître à
une vitesse stupéfiante par les collègues et ennemis de Jack Bauer
ne me dit rien qui vaille à la veille de recevoir mon nouvel équipement.
Lecture 2. Le chien de Solférino
(Laurence Biberfeld, Gallimard, 2004, coll. Série Noire n° 2711;
224 p., 8,50 €). Le titre est très bien. C'est pour ça
que j'ai acheté le livre d'ailleurs. C'est souvent le cas avec les Série
Noire, un titre alléchant, bien trouvé, dont on a parfois du mal
à trouver le lien avec le texte qu'il chapeaute. Ici il y a bien un chien
tueur, mais pour ce qui est de Solférino, je cherche encore. Citation.
"Peut-être va-t-il se passer quelque chose qu'on pourra avoir du plaisir
à raconter, ou à écrire..." (p. 56). Il faudra attendre
longtemps encore avant que ce souhait se réalise. A ce moment-là,
le lecteur, ballotté entre des époques et des personnages volontairement
et inutilement emmêlés, a malheureusement abandonné la partie
depuis longtemps. Lecture 3. Pas
un tombeau (Bernard Bretonnière, le dé bleu, 2003; 48 p., 11,
50 €). "suite de proses rapides pour dire un père"
Je ne suis pas le seul à avoir été conquis par la lecture
des extraits de ce texte donnés par son auteur l'été dernier,
cité Véron à Paris, lors de la fête de remue.net.
Devançant l'hommage post mortem obligatoire, Bernard Bretonnière
a tenu à célébrer son père de son vivant par cette
succession de courtes entrées (toutes commencent par "Mon père")
qui mêlent souvenirs, coups de coeur et coups de gueule, éclats de
rire, éclats de voix, tendresses et vacheries, drôlerie et émotion.
Comme il le dit lui-même, Bretonnière aime à souffler le chaud
et froid. Il lui aurait été facile de composer une suite de moments
amusants, de souvenirs cocasses - le personnage paternel s'y prête admirablement
- mais il brise à chaque fois l'élan par des propos dans lesquels
se devine une émotion à fleur de peau. Les mots, d'ailleurs ne se
suivent pas régulièrement, il y a des blancs à l'intérieur
des phrases comme si la parole trébuchait, hésitait à sortir.
C'est sa façon de matérialiser la difficulté à s'adresser
à ce père imposant, truculent, peu taillé pour susciter la
confidence. Que faire de ce texte alors ? "Mon père trop d'émotion
le gêne lira pas ça jamais en pleurerait malade coeur lâcherait
ne lui montrerai pas amour c'est quoi ? amour imprononçable." Simplement,
comme l'auteur s'en explique, pouvoir rêver "d'avoir écrit le
plus beau texte jamais écrit par un fils sur son père." Dans
le genre, il y a pour moi, au-dessus de tout, un paragraphe de Proust inoubliable
("On ne pouvait pas remercier mon père; on l'eût agacé
par ce qu'il appelait des sensibleries....") mais Bretonnière réussit
ici, par cette approche de l'indicible, ce que tout fils aimerait ou aurait aimé
pouvoir exprimer un jour. Bernard Bretonnière est notulien.
VENDREDI. Vie informatique. Je
confie l'ordinateur à des mains expertes pour transférer les données
qu'il contient dans le ventre de son remplaçant. Je squatte l'appareil
de Caroline, il faut absolument que j'arrive à y faire entrer mon carnet
d'adresses pour l'envoi des notules de dimanche. Comme prévu, rien ne se
passe comme prévu, je bidouille n'importe comment, envoie dans tous les
azimuts des messages vides de contenu ou de sens qui ont dû en interloquer
plus d'un. Si ces lignes sont lues, c'est que je serai quand même parvenu
à mes fins. TV. Alex
(José Alcala, France, 2005 avec Marie Raynal, Lyes Salem, Adrian Ruiz,
Liliane Rovère, Eric Savin; diffusé en novembre dernier sur Canal
+). Alex vit seule en Ardèche, occupée à retaper une
maison en ruines et à vendre des légumes sur les marchés.
Ceux qui tentent de l'approcher, amants de passage, collègues commerçants,
jusqu'à son fils, sont rudement éconduits. Aïe, encore
un premier film avec une intrigue inexistante et des acteurs qui ne savent que
faire la gueule et prononcer une syllabe sur quatre des dialogues qu'on leur donne,
on connaît. En plus il fait froid, l'Ardèche l'hiver, la maison sans
chauffage, le marché des Vans au petit matin, au bout de vingt minutes,
j'étais transi. Mais petit à petit, on se dit que ce film a quelque
chose de plus que les habituels galops d'essai sans lendemain que sont la plupart
des premiers films. Parce que l'air buté de Marie Raynal va plus loin que
la posture de commande, parce qu'on s'attache à son personnage qui aurait
pu trouver sa place dans un film de Pialat, parce qu'on peut de temps en temps
se réfugier au Café des Sports des Vans où je connus avec
J et N un beau jour sous le signe du turf...
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules vient partiellement
compenser les défections du début de semaine. SAMEDI.
Vie nocturne. Caroline
s'entraîne au réveillon en assurant une nuit de garde. Ce que c'est
que d'être organisé tout de même... Bonne année. |