Notules dominicales
de de villégiature exotique n°257 - 14 mai 2006 DIMANCHE
1. Presse. La Liberté de
l'Est du jour rend compte de l'assemblée générale d'une
association de quartier. Extrait : "Michel Heinrich [le maire d'Epinal] répondait
ainsi par anticipation aux diverses questions qui allaient être posées
par le public : la plupart des dégradations ou dysfonctionnements signalés
seront soit résolus par le PRU, soit étudiés par les services
concernés (municipalité ou Office public de l'habitat - OPH). R.
l'interrompt à plusieurs reprises. Il souhaite poser sa question. L'homme,
visiblement alcoolisé, fait rire une partie de la salle, en agace une autre,
irrite les orateurs. Viennent alors les traditionnels bilans financiers, suivis
des questions du public. R. va pouvoir poser sa question. Promis, il n'en posera
qu'une seule. Qui suffit à glacer l'auditoire. "La municipalité
m'avait promis un emploi de cantonnier en 1987, après on m'a dit que je
n'avais pas le profil. Si j'avais eu ce boulot, j'aurais cotisé déjà
20 ans pour ma retraite. J'ai 37 ans, je suis Rmiste avec une gamine de 4 ans,
je n'ai plus le courant chez moi depuis deux ans. C'est vrai que je touche à
l'alcool, parfois au shit, mais comment je fais pour vivre avec 439 €
par mois ? Pourquoi, nous on est des décalés ?" Touchant, R.
ne fait plus rire personne, rappelant par son témoignage la triste réalité
de ceux qui sont déjà bien au-delà de l'exclusion. Hélas,
les possibilités sont restreintes, Michel Heinrich expliquant dans un aveu
d'impuissance que "la Ville ne peut pas assurer des emplois à tout
le monde [...] Un constat sincère et réaliste au goût amer
après l'évocation dans la journée des chantiers de cohésion
sociale et de l'égalité des chances par le ministre Azouz Begag
[en visite à Epinal]. Forcément, après cela, la litanie des
doléances en matière d'éclairage de telle rue, de reboucher
un trou à tel numéro ou de nettoyer les déjections canines
à tel endroit, peinait à réellement captiver le public abasourdi.
Entre temps, R. avait quitté la salle, à la demande de son frère,
sans vraiment avoir obtenu de réponse. Et dans la salle, une seule question
restait en tête. Combien existe-t-il de R. qui vivent dans une telle situation
de détresse ?" L'article est signé Julien Damien, je ne le
connais pas, je crois même que c'est la première fois que je vois
sa signature mais je tenais à le nommer et à le citer longuement.
Son article me touche, un peu parce que je connais R. et sa galère, beaucoup
parce qu'il a le mérite de replacer certaines choses dans une juste perspective.
On a bien souvent, et je ne m'en prive pas, l'occasion de brocarder la presse
locale. Julien Damien lui fait honneur en transformant un exercice banal, obligé,
en témoignage empreint d'une chose simple et rare dans ce contexte particulier,
l' humanité. Courriel. Une
demande d'abonnement aux notules. TV.
The Shield (série américaine de Shawn Ryan, avec Michael
Chiklis, Glenn Close, Catherine Dent, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes;
saison 4, épisode 10; diffusé jeudi dernier sur Canal +). Tiens,
un épisode devant lequel on ne s'endort pas, peut-être le premier
de la saison. Il faut dire que ça chauffe sévèrement pour
Vick Mackey. Après la dissolution de la "strike team", chacun
de ses membres a fait cavalier seul et a mis en danger la carrière des
autres. L'équipe est ici ressoudée, ce qui permet d'envisager avec
confiance les deux épisodes qui restent. LUNDI 1. TV.
Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Michael
C. Hall, Peter Krause, Lauren Ambrose, Frances Conroy, Rachel Griffiths; saison
5, épisode 12, diffusé dimanche sur Canal Jimmy). Fin. On ne
verra plus les Fisher apprêter les cadavres dans le sous-sol de leur maison
californienne pour les cérémonies funèbres. Fin d'une série
qui aura été d'abord enthousiasmante, puis souvent irritante mais
dont on n'aura jamais pu se détacher. Heureusement d'ailleurs car les derniers
épisodes étaient pleins d'une tension tragique propre à faire
oublier les réticences passées. Avec ses défauts, Six
Feet Under restera une série unique en son genre, un cocktail particulièrement
réussi d'Eros et de Thanatos. Ce qu'on y a appris, c'est que le voisinage
de la mort, ici par le biais d'une pratique professionnelle, ne permet pas de
l'apprivoiser, de la maîtriser, d'en évacuer la peur. Ce qu'on a
appris ou ce dont on a eu plutôt la confirmation, ici, chez nous, au-dessus
de la pharmacie. Bien sûr, ce n'est pas une position de première
ligne, Caroline n'est ni pompière ni infirmière, mais ce qu'elle
me raconte en remontant le soir suffit à créer une présence
: les clients chez qui on lit la progression du mal sur les ordonnances et sur
les corps, ceux qu'on finit par ne plus voir et dont on demande des nouvelles
aux proches désormais chargés de leur approvisionnement, les avis
de décès sur le journal local, les médicaments devenus inutiles
que les enfants rapportent un beau matin. Il y a la mortalité familiale
et amicale qui s'accélère logiquement avec le temps, il y a les
collègues, plus nombreux qu'on pourrait le croire, avec lesquels j'ai travaillé
et qui ne jouissent pas, quand ils l'ont atteinte, de la retraite paisible à
laquelle j'aspire. Toutes ces données mises bout à bout m'ont donné
conscience de mon absence d'immortalité. Plutôt tard, il y a un an,
deux ans peut-être, en réalisant que je ne viendrais jamais à
bout de ma bibliothèque. Enfin, non, n'exagérons pas, ce n'est pas
ma condition de mortel qui a jailli à ma conscience mais les conséquences
qu'elle devait immédiatement avoir sur mon quotidien. C'est très
tard, si je me réfère à l'exemple de Pierre Bergounioux :
"C'est à Limoges [à l'âge de dix-sept ans] que j'ai découvert
l'urgente nécessité de m'amender en totalité et que ce qu'il
me restait à vivre ne serait pas de trop, même s'il suffisait."
Ce retard a commandé l'urgence dans la réorganisation de ma vie.
Non pas dans une réorganisation prophylactique car je crois que les précautions
prises (alcool interdit, pas de sport, absence de risques professionnels majeurs
pour ce qui me concerne) et les risques courus (tabagie, conduite automobile quotidienne,
automédication anarchique à base de produits périmés
ou invendables) aboutissent à un équilibre et sont de toute façon
de peu de poids face à l'inéluctable et au manque de bol, mais dans
la mise en place d'une nouvelle hiérarchie, de nouveaux comportements qui
continuent à se radicaliser quotidiennement. Il ne s'agit plus désormais
de ne pas perdre du temps mais d'en gagner, il ne s'agit plus de rester indifférent
vis à vis des fâcheux mais de les bouter, sèchement s'il le
faut, hors de mon chemin, même si je dois pour cela forcer ma nature, il
ne s'agit plus de ne rien dire mais de dire non, de couper aux discussions stériles,
de fuir les aspects oiseux du métier par exemple (la somme de temps inerte
qu'on peut transformer en temps utile dans une journée au collège
est impressionnante). Il reste du chemin à accomplir, trouver la force
de refermer un livre inutile, de quitter un film sans valeur, d'abandonner les
chantiers littéraires qui ne mènent nulle part mais on y arrivera.
MARDI 1. Invent'Hair. MGM,
décidément intarissable, envoie des clichés de tout ce que
Carcassonne compte comme sites intéressants, capillairement parlant.
TV. Les Soprano (série américaine
de David Chase, 1999, avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco; saison
2, épisodes 1 & 2 diffusés samedi sur France 4). Comme
on est en version française doublée, on apprécie particulièrement
les passages muets. Dans le genre, l'ouverture de la deuxième saison, sur
It Was a Very Good Year (in extenso) de Sinatra, est magistrale.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules. MERCREDI 1. Emplettes.
Je fais mes commissions pour les vacances : l'intégrale Gogol, un polar
américain, Fred Vargas, David McNeil et le journal de Pierre Bergounioux.
TV. Le Gendarme de Saint-Tropez
(Jean Girault, France, 1964 avec Louis de Funès, Michel Galabru, Jean Lefebvre,
Geneviève Grad; DVD TF1 Vidéo). Une révision obligatoire
avant de partir pour la Côte d'Azur au même titre que l'écoute
intensive, cette semaine, de Paris plage d'Hawaii, guitares hawaïennes 1930,
un CD reçu récemment. Cela dit, je trouve ça aussi drôle
que Les Vacances de M. Hulot et ça m'a permis de redécouvrir
le prélude en noir et blanc que j'avais totalement oublié.
JEUDI 1. Courrier. J'envoie des coupures
à Y et à CD, une lettre à l'Association Georges Perec en
vue du prochain Bulletin sur lequel je dois travailler à mon retour.
VENDREDI 1. Transhumance. Nous
décollons en début d'après-midi, après ma sieste tout
de même. Pour une fois, nous ne ferons pas le trajet jusqu'à Mandelieu
d'une traite, une halte est prévue chez H où nous arrivons en soirée.
Nous découvrons sa maison, qui domine Mondragon. Les J et les P nous
ont précédés, transformant le lieu en camp de notuliens en
transit. Nous barbecroûtons sur la terrasse, balayée par le mistral
mais on est en vacances ou on n'y est pas. On se couche fort tard, transis mais
heureux et rigolards. SAMEDI 1. Vie
vacancière. Je pars explorer Mondragon en solitaire. Les salons
de coiffure ne valent pas tripette, à peine pourrait-on noter une dame
Roquet, orthophoniste. Le PMU local est sordide, on y débat déjà
bruyamment, malgré l'heure matinale, du match OM - PSG du soir. C'est avec
beaucoup d'appréhension que j'ai consenti à cette halte en Provence,
malgré le plaisir de revoir H. D'habitude, nous traversons cette région
le plus vite possible, et de nuit de préférence. J'ai sillonné
à vélo toutes les départementales du Vaucluse au cours des
vacances familiales de mon adolescence, j'y ai vécu des étés
d'un bonheur absolu, sans tache, et je me suis promis de n'y jamais remettre les
pieds pour garder cette image intacte. Sage décision, car je n'y trouve
aujourd'hui que du factice, l'architecture, l'accent, la toponymie, les rues Frédéric-Mistral
et les Espaces Georges-Brassens obligatoires me sortent par les yeux et les oreilles.
Peut-être cette fausseté était-elle présente il y a
vingt ans, peut-être étais-je trop naïf pour la ressentir. Plus
sûrement, c'est l'aigreur qui m'est venue avec l'âge. Nous arrivons
à Mandelieu en début d'après-midi. La température
extérieure autorise une première incursion au bord de la piscine.
La température de l'eau m'autorise à me féliciter d'avoir
oublié mon maillot de bain à Epinal. TV.
Je jette un oeil sur la finale de la Coupe de France en regrettant les deux équipes
éliminées en demi-finales. Un Rennes - Nantes aurait eu une autre
gueule et suscité une rivalité peut-être moins détestable.
De toute façon, sur le plan intensité, ça ne vaut pas un
bon vieux SAS - Schiltigheim. DIMANCHE 2. Vie
vacancière. Je retrouve le PMU de Mandelieu où j'ai brillé
au printemps dernier. J'y ouvre L'Equipe en tremblant. Le SAS n'a fait
que match nul (1-1) face à Compiègne. Le maintien n'est pas assuré,
loin de là. A part ça, je me replonge avec un plaisir qui me surprend
dans cet univers azuréen qui est aux antipodes de ce que je recherche en
temps ordinaire : la bêtise tiède qui s'écoule des programmes
de RMC (on entend, toute la matinée un certain Jean-Jacques Bourdin qui
dialogue avec ses auditeurs avec un poujadisme forcené), les vieillardes
hâlées halées par des chiens de race pour qui tout être
de moins de soixante-dix ans est un délinquant juvénile en puissance,
les gommeux en décapotable qui descendent des gated communities
cachées dans les collines, les nouvelles grilles, barrières et serrures
qu'on a ajoutées, comme chaque année, autour de la résidence
où se trouve l'appartement du généreux parrain. Pourtant,
je me sens bien, je me sens mieux au milieu des moutons de la Haute-Vienne mais
je me sens bien. Lecture. Le jardin
des pendus (The Hanging Garden, Ian Rankin, Orion Books, 1997; Editions
du Rocher, 2003 pour la traduction française, rééd. Gallimard,
coll. Folio policier n° 346, traduit de l'anglais par Edith Ochs; 528 p.,
s.p.m.). On compte déjà une bonne demi-douzaine d'enquêtes
de l'inspecteur Rebus traduites en français et qui ont fait de Rankin le
représentant le plus en vue du polar écossais. J'avais déjà
lu de lui L'ombre du tueur et avais déjà noté sa propension
à laisser son héros se démener au milieu d'une multitudes
d'intrigues pas toujours aisées à suivre pour le lecteur. On retrouve
ce travers dans ce Jardin des pendus où la police d'Edimbourg se
trouve confrontée à une guerre des gangs, à un trafic de
prostituées venues d'Europe de l'Est, à une invasion de yakusas
et à la réapparition d'un ancien nazi responsable d'un massacre
calqué sur celui d'Oradour. Comme si ça ne suffisait pas, Rebus
doit également veiller sur sa fille renversée par un chauffard et
tombée dans le coma. Ça fait beaucoup pour un seul homme et pour
le lecteur, un peu perdu dans ce catalogue des avanies, plus en tout cas que quand
il arrive à Ed McBain de multiplier les intrigues dans une enquête
du 87e. Rebus mène son enquête comme ses compatriotes jouent au football,
le nez au ras du gazon, avec une opiniâtreté qui compense le manque
de finesse et qui laisse le lecteur groggy, pas vraiment impatient de jouer le
match retour. Curiosité 1. On note la présence d'une famille
Petrec, originaire de Sarajevo. Curiosité 2. L'inspecteur Rebus aime
le rock des années 70 (The Hanging Garden est un titre de The
Cure) et Ian Rankin parsème son récit de titres et de citations
de chansons de l'époque. La traductrice n'a pas sa connaissance musicale,
comme on peut le lire p. 278 où il est question d'une "vieille chanson
sur la statu quo : Paper plane." Apparemment, le groupe Status
Quo n'a pas vraiment marqué les mémoires. Autre défaillance
de traduction, p. 96 ou le terme "derechef" est pris au sens d'immédiatement
(un sens que je lui ai moi-même longtemps attribué). LUNDI
2. Lecture. La théorie des
nuages (Stéphane Audeguy, Gallimard, nrf, 2005; 302 p, 19,90 € ;
sélectionné pour le Prix René-Fallet 2006). Correspondance.
Je trouve ceci à la date du 23 avril 1982 dans le Journal
de Bergounioux qui enchante mes soirées depuis notre arrivée
: "Je me découvre quitte des emportements, des fureurs dont je n'ai
pas souvenir de n'avoir pas été tourmenté. Cette absence
d'inquiétude m'inquiète un peu." Je replonge dans les anciennes
notules pour y retrouver celle-ci, dans le numéro du 11 août 2002
: "Je me trouve étrangement détendu, ce qui m'inquiète
un moment (paradoxe que je retrouve dans La montagne magique où
Hans Castorp "s'habitue à ne pas s'habituer" à la vie
à Davos) mais les choses ne tarderont pas à rentrer dans la norme."
MARDI 2. Presse. "Le 1er
mai mon voisin y va vendre du muguet à la sauvette ! C'est le seul jour
où y travaille un brin ! Le reste de l'année, il est chômeur
converti ! Il attend ce jour-là pour se faire la fête du travail...
au noir ! Lui, on peut dire que le travail... c'est pas son métier !!"
C'est tiré de "La semaine de Mado la Niçoise", sans doute
une humoriste, dans Nice-Matin. C'est quelque chose, l'humour, à Nice-Matin...
Lecture. A ma soeur du bout du monde
(Fanny Carel, Mercure de France, 2005; 174 p., 15 € ; sélectionné
pour le Prix René-Fallet 2006). Lecture
scolaire. L'étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde
(The Strange Case of Doctor Jekyll and Mr Hyde, Robert Louis Stevenson,
Longman, Green & Co., 1886; Texte traduit, présenté et annoté
par Charles Ballarin, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n°
474, Oeuvres I, 1252 p., 375 F, édition publiée sous la direction
de Charles Ballarin). Cette histoire fait partie de celles qu'on pense connaître
par coeur sans les avoir jamais lues, élevées au rang de mythes
par les succédanés et les adaptations cinématographiques.
La lecture en est souvent riche en surprises. Surprise, ici, de découvrir
un texte plutôt court, une soixantaine de pages dans cette édition,
une nouvelle un peu gonflée en somme. Surprise de voir le personnage principal,
malgré son caractère double, très rarement en action. Le
morceau de bravoure, la métamorphose Jekyll-Hyde n'apparaît jamais
sous la plume de Stevenson, les exactions de Hyde que l'on imagine innombrables
se limitent à une agression et à un meurtre que l'on ne découvre
qu'après coup... A la différence de ses épigones, Stevenson
ne s'intéresse pas du tout au côté spectaculaire de son histoire
mais à ses implications philosophiques, à la place du mal dans la
société victorienne, au rôle de la science et, en ce qui concerne
son art, aux possibilités offertes par la narration à plusieurs
voix. MERCREDI 2. Lecture.
La verticale de la lune (Fabienne Juhel, Zulma, 2005; 144 p., 12,50 € ;
sélectionné pour le Prix René-Fallet 2006). Correspondance.
"Nous repartons. J'ai trouvé tellement de livres que je
les ai entassés dans des sacs-poubelles. Nous passons par Feignies, Bavay."
C'est vrai, j'allais oublier. Au moment où je lis ces lignes de Bergounioux,
le SAS joue un match en retard à Feignies. Dans la nuit, je rêve
une défaite 3 - 2 et me réveille inquiet. JEUDI 2.
Football. La lecture de L'Equipe me rassure
: match nul 2 - 2. Vie aquatique.
Nous quittons notre cantonnement pour sacrifier, une fois n'est pas coutume, aux
loisirs de masse et embarquer les filles au Marineland d'Antibes. Il y a du monde,
c'est vrai, mais on circule aisément (on imagine ce que ça doit
donner en été quand on passe en coup de vent devant des panneaux
indiquant "Ici 45 minutes d'attente") et on s'offre tout consciencieusement
(il est vrai que les tarifs pratiqués n'incitent guère au dilettantisme)
: tunnel des requins, raies, otaries, aquariums tropicaux, dauphins en fête
et, clou de la journée, spectacle des orques dans l'équivalent d'un
beau stade de foot. Les orques m'intriguent parce qu'ils n'existaient pas dans
mes jeunes années où Skippy le kangourou et Flipper le dauphin suffisaient
amplement à satisfaire l'intérêt juvénile pour la zoologie
exotique. Je ne suis pas loin de penser que l'orque n'est rien d'autre qu'une
invention d'Hollywood ou d'un marchand de salles de bains destinée à
concurrencer le dauphin sur ses terres, enfin, dans ses eaux. VENDREDI
2. Lecture/écriture. Les
mots croisés du Nouvel Observateur (Robert Scipion, Librairie Générale
Française, Le Livre de poche n° 3159, 1971; 100 grilles, 152 p., s.p.m.).
Deux ans de vacances et de weekends parisiens pour venir à bout, en lorgnant
fréquemment sur les solutions, de ce recueil. Scipion est souvent trop
costaud pour moi, arriver à remplir une grille sans aide est un véritable
exploit. Le fait de buter contre des définitions dont on n'avait pas saisi
la subtilité est inexcusable mais il y a aussi, trop souvent, des énigmes
qui restent entières même après avoir vu la solution.
Définition pour Epinal (grille 98) : "L'image qu'on peut en rapporter
n'est pas nécessairement inoubliable". Lecture.
L'intérieur de la nuit (Léonora Miano, Plon, 2005; 210 p., 17 € ;
sélectionné pour le Prix René-Fallet 2006). SAMEDI
2. Vie olfactive. Le beau temps s'est
enfui mais ce qu'il en reste autorise une sortie à Grasse où nous
arpentons des rues d'allure presque napolitaine - pour ce que j'en sais, je n'ai
jamais vu Naples et mourrai avant de le faire. Pas de salon intéressant
(nul n'a osé le Cheveux Grass' que j'avais rêvé), mais
quelques belles enseignes peintes et un comptoir vinicole clos que je mets en
boîte. Lecture. Pissenlits
et petits oignons (Thomas Paris, Buchet-Chastel, 2005; 176 p., 10 € ;
sélectionné pour le Prix René-Fallet 2006). Je boucle
à l'heure mon travail de lecteur-juré, travail nécessitant
une disponibilité qui justifierait à elle seule notre présence
ici. Cinq premiers romans, une vraie réussite (mon vote), un livre au ton
intéressant pour une chose pas vraiment aboutie et trois produits qui poussent
à s'interroger sur le rôle des comités de lecture chez certains
éditeurs. DIMANCHE 3. Vie vacancière
(fin). Je fête mon anniversaire sur le trajet du retour. On m'a
dit que j'étais né à 10 heures du matin. Ce doit être
ma seule grasse matinée. LUNDI 3. Vie
spinalienne (reprise). Une journée de remise à niveau
dans la vie domestique, dans la presse (les avis de décès en tête,
la maman du marchand de télé qui n'avait jamais vendu de télé,
vite un petit mot à porter de l'autre côté de la rue, un ancien
condisciple qui n'est jamais revenu de son footing dominical), le courrier, le
courriel, le jardin... On nous fait part d'un mariage à venir, on nous
écrit de Bretagne, de Syrie, de Rome et de la Costa Brava où MGM
traque le merlan dans les eaux territoriales espagnoles. Le n° 25 d'Histoires
littéraires est arrivé, ce qui permet à Y de mettre en
ligne les textes que j'ai écrits dans le n° 24 : deux comptes rendus
(Cher papa d'Ariane Chemin et la première livraison de la revue
Fario où je m'aperçois que je parle déjà de
Bergounioux, que je ne connaissais pas encore) et ma chronique de l'actualité
littéraire. Tout est désormais disponible ici : http://pdidion.free.fr/chroniques/chroniques_2005.htm
Dans la boîte électronique, des photos de salons, une demande d'abonnement
aux notules et des nouvelles perecquiennes. J'écris à la [listeperec]
pour donner ma date de bouclage du Bulletin. Les filles se sont détachées
de la télévision et jouent en harmonie comme elles l'ont fait toute
la semaine. TV. The Shield
(série américaine de Shawn Ryan, avec Michael Chiklis, Glenn Close,
Catherine Dent, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 4, épisodes
10 et 11; diffusés ces deux derniers jeudis sur Canal +). MARDI
3. Courriel. Plusieurs messages de
notuliens inquiets de n'avoir pas reçu leur pitance dominicale depuis deux
semaines. C'est flatteur. Pourtant, la béance vacancière était
prévue et annoncée à la fin du dernier numéro envoyé.
Certains abonnés ne lisent donc pas les notules jusqu'au bout. C'est beaucoup
moins flatteur. TV. Les Soprano
(série américaine de David Chase, 1999, avec James Gandolfini, Edie
Falco, Lorraine Bracco; saison 2, épisodes 5 & 6, diffusés le
soir même sur France 4). On a raté les épisodes 3 &
4. Pourtant, ils étaient bel et bien enregistrés sur le DVD, je
n'étais d'ailleurs pas peu fier de la réussite de ma double programmation
pendant notre absence. Las, dans l'euphorie de la victoire, j'en ai effacé
la moitié à la suite d'une fausse manoeuvre. MERCREDI
3. Emplettes. Je renouvelle ma carte
SNCF, fais changer une pile de montre, achète mes plants de patates et
Jules Vallès. Scripta volent.
J'ai égaré la feuille sur laquelle je note les livres à acheter.
J'essaie de reconstituer la liste mais je suis loin d'y retrouver les quelque
soixante-dix titres qui y figuraient. Pareille mésaventure m'était
arrivée il y a quelques mois avec ma liste de disques à acquérir.
Ça fait un bien fou. Lecture. Histoires
littéraires n° 18 (revue trimestrielle consacrée à
la littérature française des XIX° et XX° siècles,
avril-mai-juin 2004, Histoires littéraires et Du Lérot éditeurs;
240 p., 20 €). Toutes les rubriques habituelles de la revue ont
disparu (à l'exception de "En société", "Livres
reçus" et "Courrier des lecteurs contents et mécontents")
pour laisser place à un volumineux dossier sur les suppléments littéraires
du Figaro, du Monde et de Libération. Une étude comparative très
fouillée qui fait le tour de la question sous tous ses aspects (on y traite
par exemple de la publicité et des illustrations qui émaillent les
pages de ces suppléments) sur un ton critique. On y voit le poids des attachés
de presse qui aboutit au traitement de la même nouveauté littéraire
par les trois quotidiens en même temps, le manque d'originalité qui
en découle, les marronniers, les travers (le "Grand Ecrivain étranger"
qu'on découvre tout à coup et qu'il faut lire séance tenante),
la manière de traiter d'un livre en trois lignes et deux phrases (spécialité
de Libération), le manque cruel de grands dossiers thématiques,
l'ennui qui suinte souvent de la lecture de ces pages... Parole est donnée
à la défense dans trois entretiens avec les responsables des suppléments,
Josyane Savigneau pour Le Monde des livres, Claire Devarrieux pour Libération
et Jean-Marie Rouart pour Le Figaro littéraire (à l'époque)
à qui l'on doit cette belle phrase : "Maurice Nadeau fait du Sainte-Beuve,
mais Sainte-Beuve ne s'intéressait qu'aux duchesses et lui qu'aux plombiers-zingueurs
cégétistes." JEUDI 3. Courrier.
Des nouvelles des notuliens CD et FB, qui envoie le DVD de son Paysage fer.
TV. The Shield (série américaine
de Shawn Ryan, avec Michael Chiklis, Glenn Close, Catherine Dent, CCH Pounder,
Benito Martinez, Jay Karnes; saison 4, épisodes 13; diffusé le soir
même sur Canal +). Fin de la saison et, apparemment, de la collaboration
de Glenn Close à la série. VENDREDI 3. Courrier.
J'envoie des coupures à Y, à Agir en Pays Jalignois et à
Agathe Fallet (copie de ma chronique sur les actes du colloque "René
Fallet, vingt ans après" parue dans Histoires littéraires).
Ecriture. Soirée de travail sur
le Bulletin de l'Association Georges Perec. Comme d'habitude, l'éditorial,
qui hante mes nuits précédant sa rédaction, est bouclé
en cinq minutes. SAMEDI 3. Football.
SAS - R.C. Lens (B) : 0 - 2. Plus que deux matches à jouer et quatre points
d'avance sur le premier relégable. Il y a plus de suspense qu'avec le F.C.
Metz. TV. Les Soprano (série
américaine de David Chase, 1999, avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine
Bracco; saison 2, épisodes 7 & 8, diffusés le soir même
sur France 4). Bon dimanche. Notules
dominicales de culture domestique n°258 - 21 mai 2006 DIMANCHE.
Lecture nocturne. Gone, Baby, Gone,
Dennis Lehane, 1998; Payot & Rivages 2003 pour la traduction française,
coll. Rivages/Noir n° 557; traduit de l'américain par Isabelle Maillet;
560 p., 9,50 €). Patrick Kenzie et Angela Gennaro forment le couple de
privés vedette des polars de Dennis Lehane. Ils exercent à Boston
où ils sont ici chargés de retrouver une petite fille mystérieusement
disparue. C'est la première fois que je les vois à l'oeuvre, ne
connaissant Lehane que par l'adaptation cinématographique de son Mystic
River par Eastwood et par la lecture du seul Shutter Island, plutôt
atypique dans sa production. Gone, Baby, Gone est un thriller de haute
tenue qui donne peu l'occasion de souffler. Sa principale qualité vient
du fait que Lehane, contrairement à certains auteurs qui se sentent obligés
de multiplier les intrigues annexes autour de l'histoire principale au risque
de perdre le lecteur (voir Ian Rankin), s'attache à une chose et une seule
: une gamine a disparu, il faut la retrouver, un point c'est tout et chacune des
cinq cents pages du livre est consacrée à cette recherche. L'environnement
urbain est présent mais ne donne pas lieu à de longues digressions
à la James Lee Burke, Kenzie et Gennaro sont aussi un couple en dehors
de leur profession mais leur vie sentimentale est à peine évoquée,
tout l'accessoire, toute l'enjolivure est écartée pour laisser place
à une quête qui devient obsessionnelle. Lecture
diurne. Premiers Académiques, Livre II (Cicéron,
45 av. J.C.; traduction d'E. Bréhier revue par V. Goldschmidt, rubrique,
notice et notes par V. Goldschmidt in Les Stoïciens, Gallimard, Bibliothèque
de la Pléiade n° 156, 1504 p., 52,90 €). Un dialogue
pas toujours très accessible entre tenants de la Nouvelle Académie,
à laquelle Cicéron se rattache, et stoïciens du Portique. On
y montre les limites du scepticisme ("Je dis que nous ne savons pas si nous
savons quelque chose ou si nous ne savons rien; je dis que nous ne savons même
pas ce qu'est savoir ou ne pas savoir; je dis que nous ne savons absolument pas
s'il y a quelque chose ou s'il n'y a rien"), considéré comme
une attitude stérile, on y apprend ce qu'est le sorite, sorte de cousin
du syllogisme, et on y trouve certaines interrogations qui ont traversé
les âges : "Certes le fondement de la dialectique est : "Toute
énonciation est vraie ou fausse", mais celle-ci est-elle vraie ou
fausse : "Si tu dis que tu mens et que tu dis vrai, est-ce que tu mens ou
est-ce que tu dis vrai ?" Vie familiale.
Je plante mes patates pendant que Caroline s'échappe un instant de sa garde
pour emmener les filles au vide-grenier du quartier. C'est peut-être la
cinquième année que se tient cette manifestation à Saint-Laurent,
ce qui m'amène à m'interroger. Ces gens, ceux qui vendent les objets
dont ils n'ont plus besoin, ont-ils des greniers inépuisables ? Ces gens,
les autres, ceux qui achètent les objets dont ils n'ont pas besoin, ont-ils
des greniers immenses pour les entreposer ? Parce que le vide-grenier des uns
est tout de même le remplit-grenier des autres... Il doit y avoir une espèce
de jeu de rôles, une année je vide mon grenier, l'année suivante
je le remplis et ainsi de suite. TV. Robinson
et le triporteur (Jack Pinoteau, France/Espagne, 1959 avec Darry Cowl, Béatrice
Altariba, Bill Kearns, Blanca de Silos; diffusé ce mois sur CinéClassics).
Pour conquérir la fille d'un magnat du pétrole, le jeune Antoine
part faire le tour du monde en radeau et échoue sur une île déserte.
Il y a de quoi avoir peur : Darry Cowl livré à lui-même au
milieu d'une distribution hétéroclite dans cette suite donnée
au Triporteur (qui n'a plus rien à voir avec le roman de René
Fallet) et qui prend la forme d'une co-production internationale. Contre toute
attente, c'est justement dans les scènes de robinsonnade que le film reste
à peu près regardable. Les inventions d'Antoine, les jeux auxquels
il se livre pour oublier sa solitude ont quelque chose de poétique, de
touchant. Mais ça ne va pas plus loin : le reste (les recherches de la
jeune fiancée, un débarquement de soldats américains sur
l'île déserte, la parodie de la télévision américaine,
la fin bâclée) est épouvantable. LUNDI.
Vie aquatique (fuite et fin). Les couvreurs
réparent enfin le toit. Normalement, nous devrions traverser l'été
à pied sec. TV. Brice de
Nice (James Huth, France, 2005 avec Jean Dujardin, Clovis Cornillac, Elodie
Bouchez, Bruno Salomone; diffusé sur Canal + en avril 2006). Les frasques
d'un surfeur d'opérette engagé malgré lui dans une compétition
internationale. Disons-le de suite, on ne regrette pas d'avoir manqué
la chose au cinéma, ça n'en valait pas la peine, c'est sûr.
Mais juste après avoir vu Robinson et le triporteur il est intéressant
de voir comment on traite et on reçoit le navet total à presque
cinquante ans de distance. On y met aujourd'hui beaucoup plus de moyens : chez
Pinoteau, tout tient du bricolage, du bout de ficelle (le thème s'y prête)
alors qu'ici tout est beaucoup plus clinquant et plus cher. On amortit cela en
multipliant les publicités plus ou moins déguisées comme
le logo Nike omniprésent sur le maillot de Brice alors que la marinière
d'Antoine, si elle plagie Jean-Paul Gaultier par anticipation, n'est pas siglée.
Les deux films reposent sur le même principe, le cabotinage, plus supportable
chez Darry Cowl que chez Dujardin. Ce dernier est une sorte de réplique
d'Edouard Baer, il a la même origine télévisuelle, le même
registre limité, à peu près les mêmes traits, les mêmes
mimiques et la même voix. Les scènes où il apparaît
seul, où on lui laisse la bride sur le cou, sont nulles à souhait
et le film n'est drôle que lorsqu'il est face à Clovis Cornillac
(la rencontre des deux personnages à l'hôpital est à peu près
tout ce qu'on peut sauver de l'histoire) qui, lui, impose une présence
réellement comique. MARDI. TV.
Chiens perdus sans collier (Jean Delannoy, France/Italie, 1955 avec Jean
Gabin, Anne Doat, Serge Lecointe, Jacques Moulières; diffusé ce
mois sur CinéClassics). La détestation des cinéastes
de la Nouvelle Vague pour un certain cinéma français académique
apparaît ici pleinement justifiée. Cette histoire de jeunes délinquants
chaperonnés par un juge bonasse est en quelque sorte l'anti Quatre cents
coups de Truffaut. Aucune sincérité sur les visages des chiens
savants qui jouent les mauvais garçons, aucune vérité dans
le personnage du juge interprété par un Gabin caricatural. Un film
empesé, empreint d'un sentimentalisme rance, détestable de bout
en bout. MERCREDI. Courrier.
J'envoie une vidéo à J, des coupures à Jean-Jacques Lefrère,
reçois un livre à chroniquer, un DVD acheté d'occasion (Le
Gendarme à New York qui, inexplicablement, manquait à ma collection)
et une lettre d'Agathe Fallet. Vie de quartier.
Fin de l'histoire du marchand de télé qui n'avait jamais vendu de
télé. Sa femme est partie depuis plusieurs mois et il a trouvé
acquéreur pour la maison, qui fait face à la pharmacie. On connaît
l'acheteur, c'est le frère du coiffeur qui occupe la partie inférieure
de la maison. Lui-même avait besoin d'un toit pour abriter le lit et la
chaise qu'il a réussi à sauver de son défunt ménage.
L'homme a l'air robuste, en pleine santé, ne présente aucun signe
de la plus petite dépression, pourtant coutumière en ces circonstances.
C'est fâcheux. On préfère, dans le voisinage immédiat
d'une officine, la présence de familles nombreuses à l'hygiène
de vie douteuse, affligées d'une tripotée d'enfants souffreteux
constamment sujets à des pathologies nécessitant l'administration
d'une pharmacopée abondante et forcément onéreuse. On ne
connaît pas la future destination du marchand de télé qui
n'avait jamais vendu de télé. Lui non plus. Pour l'instant, il a
décidé de vivre dans son camion, un truc qu'il a dû fabriquer
lui-même et qui, lorsqu'il le fait démarrer, dégage plus de
fumée que le stand de merguez de la Colombière. En ce moment, il
ne doit pas très bien marcher alors il l'a laissé dans la cour,
pour la plus grande joie du nouvel arrivant. TV.
Football. Barcelone - Arsenal (2 - 1) en direct sur TF1. En
admirant l'élégance d'Arsène Wenger, l'entraîneur d'Arsenal,
je pense avec un brin de nostalgie aux survêtements avachis et aux inépuisables
paquets de clopes de Stefan Kovacs. Je crois que le match Ajax d'Amsterdam - Panathinaïkos
d'Athènes, finale de la même compétition en 1971, fut le premier
que j'ai suivi à la télévision. Le premier match entre clubs
en fait car je retrouve à l'instant quelques images de la Coupe du Monde
1970 au Mexique. JEUDI. TV.
Innocence (Lucille Hadzihalilovic, France, 2004 avec Zoé Auclair,
Bérangère Haubruge, Marion Cotillard, Hélène de Fougerolles;
diffusé sur Canal + en avril 2006). De toutes jeunes filles sont pensionnaires
d'un institut perdu dans la forêt où elles apprennent la danse. Chaque
année, la directrice vient prélever deux éléments
de la communauté, les seuls qui soient autorisés à en sortir.
La réalisatrice réussit parfaitement à créer une ambiance
étrange, filme avec beaucoup de savoir-faire un monde inquiétant
dans lequel, malheureusement, il ne se passe rien. On reste deux heures à
suivre les entrechats des donzelles en se demandant où cela va nous mener.
La réponse : nulle part. VENDREDI. Vie
provinciale (interruption). Tout le monde ou presque est en voyage
au collège, ce qui me permet d'avancer mon départ pour Paris et
de décoller par le 14 heures 52. Dans le train, un jeune footballeur africain
va vendre ses services à Nantes après avoir effectué un essai
à Nancy. Il distribue son CV à la ronde : "si vous connaissez
quelqu'un dans un club, etc." Je n'ose lui parler d'une certaine équipe
vosgienne actuellement quinzième de son groupe en CFA. Le type a l'air
costaud. Vie parisienne. Une fois
sur place, je décide de tenter ma chance à l'Orangerie, qui tient
nocturne jusqu'à 21 heures. Las, la réouverture toute récente
après cinq années de travaux et la gratuité offerte pour
célébrer l'événement ont attiré la foule et
au moment où j'arrive, on n'entre plus. Comme le Louvre ferme tard lui
aussi, je traverse les Tuileries, sirote mon thé au Café Marly et
m'appuie la salle 21 consacrée à Rubens. SAMEDI.
Vie parisienne (suite). En arrivant à
Jussieu pour le séminaire Perec, je tombe sur DC, retour de Pékin
après un séjour d'un an et demi et heureuse de revenir vivre à
Paris. Je confie le Bulletin de l'AGP à Bernard Magné. Après
le travail à la Bilipo, je me risque à la Mutualité où
se tient le salon du livre ancien mais je recule devant le prix d'entrée
et préfère flâner dans les librairies. La fin de journée
est studieuse, occupée à recopier à l'ordinateur notes, notules
et commentaires et à lire Viviane Forrester qui m'exaspère.
Bonne semaine. Notules
dominicales de de villégiature exotique n°259 - 28 mai 2006 DIMANCHE.
Vie parisienne (suite). Retour au Louvre. Je
sais, j'y suis déjà allé vendredi mais cette fois, il ne
s'agit pas de progresser dans la Mémoire louvrière mais d'étudier
la position pseudo-zygodactyle chère à JCB et expliquée ici
: http://www.jcbourdais.net/journal/11mai06.php.
Je parcours en vitesse les salles déjà visitées, récolte
une drôle d'impression à ne regarder que les mains sur les tableaux,
et suis stupéfait du résultat. La position énigmatique se
trouve dans au moins un tableau par salle, une proportion gigantesque si l'on
considère qu'il s'agit d'une attitude qui n'a rien de naturel... Ma
perplexité ne m'empêche pas d'être à l'heure à
mon rendez-vous, sous la pyramide, à dix heures précises. Un admirateur
de La Montagne magique m'a repéré sur Internet et fait part
des vaines recherches qu'il mène depuis plusieurs années pour dénicher
le feuilleton radiophonique réalisé en 1972 d'après le roman
de Thomas Mann. Et dont je possède l'enregistrement. Bon prince, j'ai proposé
de lui prêter mes cassettes. Je n'aurais peut-être pas dû si
j'en crois mon expérience en ce domaine : une cassette envoyée à
un bavard de la [listeoulipo] et un enregistrement rarissime de René Fallet
adressé à son biographe (qui en ignorait jusqu'à l'existence)
pour lesquels je n'ai même pas obtenu un merci. Sans doute parce que ces
personnes pensaient que ces choses leur étaient dues... Qu'importe, je
pars du principe que les gens méritent confiance et de plus l'expérience
m'amuse, la rencontre d'un inconnu à un endroit et à une heure donnés,
ma première aventure d'agent secret, tendance Clouseau. Comme il est question
d'une histoire alpestre, j'aurais bien suggéré l'alpenstock, le
feutre empenné et l'edelweiss à la boutonnière comme signes
de reconnaissance mais je n'ai pas osé et nous sommes convenus de signes
distinctifs moins voyants mais efficaces : je repère mon loustic et lui
refile les trente épisodes du feuilleton. On dirait que je lui apporte
le Saint Graal. Pour ma part, je ne peux que prier pour récupérer
un jour mon bien. Il me reste assez de temps pour aller parcourir les allées
du marché aux livres en bordure du parc Georges-Brassens. Je n'y achète
rien, la profusion me bloque comme à chaque fois - un bienfait qui me permet
de courir les Fnac et autres grandes surfaces sans crainte pour le budget familial,
j'en ressors aussi léger que j'y étais entré. Je reprends
le métro porte d'Orléans, non sans sacrifier au pèlerinage
familial rue Maurice-Bouchor, et rentre at home par le 13 heures 44.
TV. Les Soprano (série américaine
de David Chase avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco; saison 2, épisode
9, diffusé samedi sur France 4). LUNDI. TV.
Les Soprano (série américaine de David Chase avec James Gandolfini,
Edie Falco, Lorraine Bracco; saison 2, épisode 10, diffusé samedi
sur France 4). MARDI. TV.
Sylvie et le fantôme (Claude Autant-Lara, France, 1946 avec Odette
Joyeux, Pierre Larquey, François Périer, Jean Desailly; diffusé
ce mois sur CinéClassics). Une jeune fille est amoureuse d'un ancêtre
dont le tableau orne une pièce du château qu'elle habite. Pour son
anniversaire, son père organise l'apparition de l'aïeul aimé
sous forme de fantôme. C'est l'occasion de voir Jacques Tati ailleurs
que dans ses propres réalisations. Une occasion très rare puisqu'il
n'a tourné que deux films, celui-ci et Le Diable au corps, toujours
avec Autant-Lara, avant de se lancer dans Jour de fête. Une occasion
un peu décevante car il joue ici le rôle du fantôme et n'apparaît,
par transparence, que sous forme ectoplasmique. C'est cependant le seul intérêt
du film qui n'est qu'une féerie plutôt mièvre. Lecture.
Mes passions de toujours. Van Gogh, Proust, Woolf, etc. (Viviane Forrester,
Fayard 2006, 498 p., 22€). Chronique à rédiger pour Histoires
littéraires. MERCREDI. Football.
SAS - Calais 0 - 0. Il faudra attendre samedi et le dernier match à Nancy
pour savoir si Epinal reste en CFA. Que c'est long, messieurs, que c'est long...
JEUDI. Courriel. R annonce
son départ d'Epinal pour Xamontarupt (à un jet de bouse de Saint-Jean-du-Marché),
se sentant prêt à affronter "le solennel emmerdement de la ruralité"
cher, enfin pas tant que ça, à Queneau. TV.
Un fil à la patte (Michel Deville, France, 2005 avec
Emmanuelle Béart, Charles Berling, Julie Depardieu, Dominique Blanc; diffusé
ce mois sur Canal +). Un coureur n'ose avouer à sa maîtresse
qu'il doit épouser une jeune fille fortunée. Michel Deville
réussit parfaitement à conserver l'esprit de Feydeau dans ce film
court et très enlevé, agrémenté de quelques clins
d'oeil (l'irruption d'une sonnerie de portable, l'introduction des titres des
autres pièces de l'auteur dans le dialogue). L'interprétation est
brillante, à l'exception d'un Stanislas Merhar plutôt fade. Une adaptation
qu'on aimerait pouvoir comparer à celle réalisée par Guy
Lefranc dans les années 50 avec Noël-Noël et Bourvil.
VENDREDI. Courrier. J'envoi des
coupures à Y, une vidéo à J, une nécrologie à
FD et des aptonymes à AZ. Cinéma.
Volver (Pedro Almodovar, Espagne, 2005 avec Penelope Cruz, Carmen Maura,
Lola Duenas, Blanca Portillo). On a beau ne guère goûter le carnaval
de Cannes, se garder de lire une seule ligne ou de voir une seule image qui lui
soit consacrée, on est tout de même content d'arriver à cette
période de l'année où la saison cinématographique
bascule et où les grands noms, Moretti, Loach, Coppola, Almodovar débarquent.
Même si ce dernier livre, avec Volver, un film moins fort que les
deux qui l'ont précédé, on se trouve tout de même nettement
au-dessus de ce qui nous est donné à voir en temps ordinaire. Almodovar
développe ici un récit sinueux comme il les affectionne sur un socle
familial bien sûr instable. C'est quelque chose, la famille, chez Almodovar,
ce n'est pas papa maman et les enfants, il y a des ramifications nombreuses, des
croisements insoupçonnés, des accouplements et des enfantements
improbables, jusqu'à un fantôme qui s'invite ici dans le quotidien
de deux soeurs madrilènes, Sole et Raimunda. Raimunda, c'est Penélope
Cruz qui, avec la complicité du metteur en scène, gomme tout ce
qu'il y a autour d'elle. Ses partenaires sont reléguées au rang
de comparses, Almodovar la fait rire, pleurer, s'improviser restauratrice du jour
au lendemain, chanter (en play back tout de même), porter des congélateurs,
enterrer des cadavres (Penélope creuse), ne la quitte pas des yeux, visiblement
fasciné. Tout tient en un mot, le titre du film que Carmen Maura regarde
à la télévision : Bellissima de Visconti avec la Magnani.
Lecture. Livret de famille (Patrick
Modiano, Gallimard, coll. nrf, 1977; 184 p., 16€). On se rappelle les
commentaires qui ont suivi la sortie de Pedigree, le dernier livre publié
par l'auteur en 2005 : enfin Modiano se livre, se dévoile, enfin une autobiographie
digne de ce nom, enfin les masques tombent. C'était faire peu de cas de
ce Livret de famille dans lequel, à presque vingt ans de distance,
il apparaissait déjà à visage découvert, sous la forme
d'épisodes indépendants les uns des autres, provenant de différentes
époques de sa vie : la naissance de sa fille, la rencontre d'une connaissance
de son père, les débuts de sa mère au cinéma, le tournage
d'un film dont il a écrit le scénario... A visage découvert,
mais flou, on connaît Modiano, il faut enquêter pour connaître
la vérité des faits dont il ne donne que l'ébauche mais tout
concorde : les lieux évoqués (Biarritz, l'appartement du quai Conti...)
sont les mêmes que ceux de Pedigree, les films hollandais tournés
par la mère existent bel et bien. C'est toujours la même histoire,
celle d'un homme qui cherche ses origines et son identité dans un monde
fuyant et c'est toujours diablement attachant. Citation. "Je descendis
l'escalier de l'hôpital, en feuilletant un petit cahier à couverture
de cuir rouge, le : "Livret de Famille". Ce titre m'inspirait un intérêt
respectueux comme celui que j'éprouve pour tous les papiers officiels,
diplômes, actes notariés, arbres généalogiques, cadastres,
parchemins, pedigrees..." Bourde. "Il s'agissait d'un certain Félix
Openfeld et de son père qu'on appelait Openfeld Senior. Ce dernier, courtier
en pierres précieuses à Berlin, s'était replié à
Anvers après qu'Hitler eut pris le pouvoir en Allemagne et qu'une menace
commençât à peser sur les entreprises juives."
SAMEDI. Vie sociale. Passage des
G qui m'offrent le dernier Michael Connelly. Vie
scolaire avec football. J'ai beau faire de mon mieux pour retarder
le moment de décoller, nous partons écouter la chorale du collège
sans que je puisse avoir accès au résultat d'Epinal à Nancy.
Au retour, blocage, je tourne une heure avant d'oser ouvrir le message que R a
laissé sur mon téléphone de poche et consulter l'ordinateur.
Résultat 1-1, le SAS échappe au couperet et gagne le droit d'empoisonner
ma vie au même niveau la saison prochaine. Bon dimanche. |