Notules dominicales 2006
 
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Notules dominicales de culture domestique n°249 - 5 mars 2006

DIMANCHE.
Vie parisienne (suite). Il fait un froid de canard sur l'avenue Wilson balayée par un vent glacial et quelques flocons de neige. Il faut une demi-heure de queue pour atteindre l'entrée du Musée d'Art moderne où se tient l'exposition Bonnard. Je suis là sans véritable conviction : les trois plus beaux Bonnard sont actuellement au Musée du Luxembourg et je doute de retrouver ici l'impression qu'ils m'ont faite. Cependant, Bonnard m'intéresse, principalement dans son rapprochement avec mon cher Vuillard. C'est flagrant ici, dès l'entrée de l'exposition où les trois panneaux de Méditerranée évoquent immanquablement ceux des Jardins publics de Vuillard. Il y a aussi le même goût pour les intérieurs, sales à manger et salles de bains, mais là où Vuillard enfermait ses personnages dans un univers clos et étouffant, Bonnard leur laisse toujours une issue, porte, fenêtre ou, le plus souvent, miroir. Enfin, dernier point commun, les toiles de Bonnard sont habitées par une présence, celle de Marthe, sa femme, omniprésente comme Mme Vuillard mère chez son confrère. Souvent en évidence, dans les salles de bains, mais parfois discrète, cachée, presque invisible comme dans l'Atelier au mimosa.
Avertissement : le catalogue est à fuir, les couleurs sont épouvantables.

Lecture. Avant le gel (Innan frosten, Henning Mankell, Leopard Förlag, Stockholm, 2002; Le Seuil, coll. Policiers, 2005 pour la traduction française; traduit du suédois par Anna Gibson; 448 p., 22 €).
Henning Mankell livre un roman de transition. Décidé, semble-t-il, à s'éloigner du personnage de Kurt Wallander, inspecteur de police au commissariat d'Ystad, il s'apprête à le remplacer par sa fille Linda qui, après un parcours tumultueux, va entrer dans la police. Au moment où s'ouvre ce neuvième épisode des aventures de Wallander, il reste une semaine à Linda avant d'enfiler l'uniforme mais la disparition mystérieuse d'une de ses amies va la conduire à devancer l'appel. Ce changement de perspective présente un intérêt certain : Mankell s'éloigne de Wallander, le récit est centré sur le personnage féminin, ce qui donne une sensibilité, une approche différentes. Mieux, Wallander est vu cette fois de l'extérieur, par sa fille, et peut-être sous son vrai jour. La sympathie qu'on pouvait avoir pour lui dans les volumes précédents est un peu émoussée : son mauvais caractère, ses accès de colère injustifiés plombent nettement le personnage, marquant la volonté de Mankell de faire basculer le lecteur du côté de Linda. Malheureusement, celle-ci n' pas encore la carrure requise. Mankell en fait une enquêtrice qui allie la maladresse de la débutante à l'obstination et à l'intuition héritées de son père. Le mélange donne un personnage un rien horripilant, qui n'est pas loin de ressembler à la calamiteuse fille de Jack Bauer dans 24 heures chrono (quand ça va mal, c'est papa qui vient la tirer des mauvaises passes dans lesquelles elle s'est fourrée). Sa psychologie n'est construite qu'à grands coups de retours en arrière, de souvenirs d'enfance retardant une enquête qui a pour but de mettre fin aux visées terroristes d'une secte, vague écho européen aux événements du 11 septembre. Une enquête longue, aux rebondissements pesants, qui donne, au total, le plus faible numéro de la série Wallander.

LUNDI.
TV. Amistad (Steven Spielberg, E.-U., 1997 avec Djimon Hounsou, Matthew McConaughay, Morgan Freeman, Anthony Hopkins; diffusé sur Canal + en ocobre 1999).
En 1839 l'arrivée d'un bateau d'esclaves africains sur les côtes américaines donne lieu à une série de procès retentissants.
C'est le Spielberg donneur de leçon, le Spielberg le moins intéressant. L'intention, le plaidoyer anti-esclavagiste, ne suffit pas à donner du souffle à cette oeuvre indigeste, constituée de scènes de tribunal dans lesquelles on a du mal à voir autre chose que des plates-formes à Oscars pour les plaideurs (Hopkins, McConaughy), encore alourdie par la guimauve musicale de John Williams. La seule bonne idée vient du directeur de casting qui donne à Morgan Freeman un rôle dans un film sur l'esclavage.

MARDI.
Vie sanitaire. Médecine générale, dentaire, ophtalmologie, laboratoire d'analyses où furent appréciés mes longs et boyaux services... Ma révision des 45 000 kilomètres m'amène à visiter bon nombre d'antres médicaux au cours de ces vacances. Aujourd'hui, c'est radiologie. Un coup d'oeil à un Madame Figaro défraîchi de mai 2005 qui moisit sur la table de la salle d'attente me conduit à l'idée d'un chantier littéraire possible, que je garderai en réserve pour mes vieux jours, ceux auxquels je serai peut-être astreint à une fréquentation encore plus assidue de ces lieux. La méthode : inventorier les publications proposées aux patients dans toutes les salles d'attente d'une ville, en noter le nombre, la variété (politique et thématique), les dates, l'état (degré de fraîcheur, pages arrachées, gribouillages, mots croisés vierges ou non), établir des paramètres aboutissant à un coefficient chiffré qualité-variété-nouveauté... Le but : arriver à la confection d'un vade-mecum de littérature médicale, d'un guide des salles d'attente (on pourra y inclure des considérations sur le confort des sièges, la décoration murale, l'éclairage, les soins apportés aux plantes en pot ou aux poissons rouges, etc.), un Routard de la table basse destiné à donner aux patients la possibilité de choisir un médecin non pas selon les critères éculés de la compétence ou des honoraires pratiqués, mais en vertu des lectures qu'il propose. Pour le titre, deux pistes possibles : celle du Silence des agneaux ("Docteur Lecteur") ou celle, plus appropriée dans le contexte, des Fleurs du mal ("Hippocrate lecteur", - mon semblable, - mon frère !)

Grands travaux. Un menuisier s'attaque au plancher pourri de la salle de bains.

TV. Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Michael C. Hall, Peter Krause, Lauren Ambrose, Frances Conroy, Rachel Griffiths; saison 5, épisode 4, diffusé dimanche sur Canal Jimmy).
On notera la première mention de la grippe aviaire dans une fiction américaine ("avian 'flu", en version originale).

MERCREDI.
TV. Football. France - Slovaquie (1 - 2), en direct sur TF1. Un match de l'équipe de France qui n'est pas ennuyeux, la chose est suffisamment rare pour être notée.

JEUDI.
Cinéma. Les Bronzés 3, amis pour la vie (Patrice Leconte, France, 2005 avec Josiane Balasko, Michel Blanc, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte).
Les anciens vacanciers de Val-d'Isère continuent de se voir. Cet été, ils se retrouvent dans un hôtel de luxe italien acheté par l'un d'eux.
Un mot : indulgence. Devant la promotion écoeurante, devant la manie envahissante de numéroter les suites (Le Gendarme et les gendarmettes, c'était Le Gendarme et les gendarmettes, ce n'était pas Le Gendarme 6), devant la platitude des gags (hypertrophie mammaire, homosexualité ridicule, défaut d'élocution, chutes dans la piscine...), devant l'impression que les acteurs en font des tonnes pour cacher leur malaise et ont hâte de retourner à leurs affaires qui consistent, pour certains, à servir de caution culturelle à Sarkozy, devant la mise en scène de Patrice Leconte qui prouve ici qu'il peut être l'égal d'un Jean Girault. On rit parce que tout n'est pas à jeter (le coup de théâtre final est parfait) mais on rit surtout parce qu'on se dit qu'on est venu pour ça, et aussi parce qu'on a tant ri avant grâce à cette équipe. Mais ce qui demeure, c'est une vraie tristesse, celle qui vous envahit quand vous retrouvez d'anciens vieux complices et que vous vous rendez compte que vous n'avez plus rien à vous dire.

VENDREDI.
Presse. Parution de ma chronique sur Laforgue dans La Liberté de l'Est, déjà ou bientôt disponible ici : http://pdidion.free.fr/chroniques/chroniques_2006.htm#030306

Vie économique. "Le gouvernement augmente les consultations des médecins généralistes d'un euro" (les radios). De quoi susciter des vocations : pas besoin de banderole, de grève, d'âpre négociation marathon. Quelques confrères bien placés au Parlement, quelques oreilles complaisantes au gouvernement, la vague promesse de réduire les prescriptions et de promouvoir les génériques (personne ne rit !), vous partez au ski et quand vous rentrez, vous apprenez que vous êtes augmenté et que vous pouvez acheter de nouvelles revues pour votre salle d'attente.

TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, avec Michael Chiklis, Glenn Close, Catherine Dent, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 4, épisode 3; diffusé la veille sur Canal +).

Lecture. Le frumieux bandagrippe (The Frumious Bandersnatch, Ed McBain, Hui Corp, 2004; Presses de la Cité, coll. Sang d'encre, 2005 pour la traduction française; traduit de l'américain par Jacques Martinache; 324 p., 18,90 €).
Les policiers du 87° enquêtent sur le kidnapping d'une star naissante de la variété.
Le titre fait référence à la traduction du célèbre "Jabberwocky" de Lewis Carroll, transformé ici en paroles de chansons pour la starlette enlevée. C'est l'occasion pour Ed McBain de livrer une satire amusante des milieux musicaux mais le livre, entamé sur ce registre léger, gagne peu à peu en noirceur pour se terminer de la façon la plus tragique qui soit. On s'apprête peu à peu à prendre congé d'Ed McBain dont c'est ici le dernier roman traduit de son vivant. Il en reste deux et il n'y aura plus qu'à tirer le rideau sur Steve Carella et ses collègues qui nous auront tenu en haleine pendant... cinquante ans !

SAMEDI.
Courrier. On nous écrit de Lyon (coupure), de Paris (interminable feuilleton judiciaire), de Saint-Cyr-sur-Loire (livre), de Chypre et de Tenerife (cartes postales). J'envoie des coupures à Y et à Jean-Jacques Lefrère.

Football. Pas de football, terrain impraticable. Toute cette neige, incroyable gâchis, qui aurait pu tomber en période scolaire...

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°250 - 12 mars 2006

DIMANCHE.
Vie familiale. Nous passons l'après-midi dans la neige. Une demi-journée, c'est un peu court pour arborer le bronzage Val-d'Isère que je compte bien présenter demain à mes collègues envieux.

TV. Wonderland (James Cox, E.-U., 2003 avec Val Kilmer, Lisa Kudrow, Kate Bosworth, Dylan McDermott; diffusé sur Canal + en février 2006).
Une star du cinéma porno est impliquée dans un règlement de comptes entre pourvoyeurs de drogue à Los Angeles.
L'histoire est vue successivement de deux points de vue différents, un procédé qui, s'il n'est pas neuf, s'avère très efficace du point de vue de l'intérêt qu'on porte à l'intrigue. On regrette le dénouement déceptif qui n'apporte pas de véritable explication aux faits mais ce goût d'inachevé est largement compensé par le plaisir procuré par une mise en scène très sophistiquée, qui a su digérer les procédés utilisés dans Usual Suspects, récit haché, inserts, écran éclaté, brusques retours en arrière qui remettent en cause toutes les certitudes acquises à tel ou tel moment du film. C'est brillant, un peu clinquant même par moment, déroutant et passionnant.

LUNDI.
Courriel. Deux demandes d'abonnement aux notules.

TV. Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Michael C. Hall, Peter Krause, Lauren Ambrose, Frances Conroy, Rachel Griffiths; saison 5, épisode 5, diffusé dimanche sur Canal Jimmy).

MARDI.
Cinéma scolaire. Au revoir les enfants (Louis Malle, France, 1987 avec Gaspard Manesse, Raphaël Fejtö, Francine Racette, Philippe Morier-Genoud, Stanislas Carré de Malberg, François Berléand, François Négret, Peter Fitz, Pascal Rivet; vu dans le cadre de l'opération Collège au Cinéma).
A noter au générique la présence de Jacques Amalric au titre de "stagiaire mise en scène"

TV. La grande combine (The Fortune Cookie, Billy Wilder, E.-U., 1966 avec Jack Lemmon, Walter Matthau, Ron Rich, Cliff Osmond, Judi West; diffusé sur ARTE en ?).
Un cameraman est blessé au cours d'un match de football américain. Son beau-frère, avocat véreux, voit là l'occasion de toucher une grosse somme et le convainc de feindre la paralysie.
Une comédie grinçante bien dans la manière de Billy Wilder, toujours attaché à dépeindre la société américaine dans ce qu'elle a de moins reluisant - ici l'appât du gain, qui autorise le mensonge et l'escroquerie éhontés. Elle met à l'honneur un tandem appelé à devenir célèbre, celui de Jack Lemmon et Walter Matthau. On voit d'ailleurs de suite le danger qui guette cette association et qui aboutira aux pitoyables Grincheux (Daniel Petrie, 1994) : le cabotinage. Ils se livrent à un exercice brillant, certes, mais qui se révèle fatigant sur les deux longues heures que dure le film.

Lecture. Modigliani (Doris Krystof, Taschen, 1996, traduit de l'allemand par Patrick Bouthinon et Martine Passelaigue; s.p.m., 98 p.).
Cette lecture confirme ce que l'on pressentait à la vision du film de Mick Davis, à savoir que la biographie cinématographique de l'artiste ne s'embarrassait pas trop de vérité historique. Si l'on en croit l'auteur, ce n'est pas une nouveauté car les biographies écrites qui ont eu cours ne valaient guère mieux, jusqu'à la mise au point de la propre fille du peintre dans son Modigliani sans légende. Tout au long de cette étude, Krystof reste d'ailleurs assez vague en ce qui concerne la vie de Modigliani, préférant se consacrer à l'oeuvre. Mais là aussi, c'est assez décevant car le propos reste très général, même s'il permet de découvrir une facette ignorée de l'artiste, à savoir son travail de sculpteur. Cette petite monographie vaut en fait surtout par la qualité et l'abondance des illustrations dont les légendes montrent la dispersion de l'oeuvre : les Modigliani présentés ici proviennent soit de collections particulières soit de musées étrangers (exceptions : un portrait du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, un au Musée Picasso, un à Villeneuve d'Ascq et deux petits formats à Beaubourg).

MERCREDI.
Emplettes. J'achète Claude Simon en Pléiade pour une expérimentation future et complète ma collection d'Arsène Lupin.

Courrier. Des cartes postales des Alpes et de l'Aveyron.

Vie optique. Le porteur de lentilles a su garder, dans son mode de vie, quelque chose de l'homme préhistorique. Il est en effet amené plus souvent qu'à son tour à se mettre à quatre pattes lorsqu'une de ses précieuses prothèses se carapate à la suite d'un coup de coude, de porte, de chambranle, d'un doigt dans l'oeil ou d'une manipulation hasardeuse. J'ai assez souvent ici parlé de mon habileté légendaire pour qu'on se doute que c'est cette dernière catégorie d'incidents qui m'amène à adopter parfois un comportement de quadrupède. Les filles y sont habituées et ne se formalisent plus de la vision d'un père au langage peu châtié occupé à fureter, la truffe au ras du sol, aux quatre coins de la salle de bains. Quoique, la dernière fois, c'était en plein air, en vacances, sur la terrasse. Une terrasse gravillonnée et dont le moindre gravillon, sous le soleil généreux ce jour-là, renvoyait un éclat brillant minuscule en tout point semblable à celui qui vous permet de localiser un verre de contact fugueur. En général, on trie les lentilles pour y dénicher des cailloux, mais pour l'occasion, j'avais passé une bonne partie de l'après-midi à trier des cailloux à la recherche d'une lentille. Aujourd'hui, j'innove encore puisque la lentille en goguette termine sa course dans le trou d'évacuation du lavabo. Me voilà lancé dans la plomberie, une discipline qui m'a déjà valu des réussites remarquables comme le jour où le réglage d'une chasse d'eau se transforma en catastrophe industrielle relativement coûteuse lorsqu'il fallut faire appel à un homme de l'art pour réparer les dégâts. Mais là, je ne m'en tire pas trop mal, je démonte le siphon et récupère ma lentille dans une cuvette, pas de problème. Pour l'opération inverse, c'est une autre histoire bien sûr, ça coince, ça fuit, une dalle du plafond de la pharmacie est ruinée mais dans cette maison où, en ces temps de fonte des neiges, les seaux et les serpillières font partie des accessoires d'usage quotidien, une gouttière de plus ou de moins ne se remarque absolument pas.

TV. La Vie de Michel Muller est plus intéressante que la vôtre (Michel Muller, France, 2004 avec Michel Muller, Jean Benguigui; diffusé sur Canal + en mars 2006).
Après Laurent Baffie et ses Clés de bagnole, Michel Muller nous refait le coup du faux documentaire narcissique sur un comique désireux de réaliser un film impossible. Car Michel Muller est un comique, je l'apprends ce soir car je ne l'ai jamais vu dans ses oeuvres (à part quelques rôles au cinéma comme dans Wasabi aux côtés de Jean Reno) mais j'ai déjà dû voir sa tête sur des affiches dans le métro. Il joue ici au provocateur mais ne parvient qu'à ressembler à une sorte d'imitateur de Gainsbourg sans talent. C'est censé remettre en cause son image mais encore eût-il fallu qu'il ait une image perceptible.

JEUDI.
Courriel. DDR m'éclaire sur la disparition du gendarme de Pithiviers dans Nuit et Brouillard d'Alain Resnais. On m'invite à une journée Jules Verne à l'université de Mulhouse. Le thème choisi, "Jules Verne ou la poétique de la liste", est alléchant mais les obligations professionnelles sont ce qu'elles sont.

TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, avec Michael Chiklis, Glenn Close, Catherine Dent, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 4, épisode 4; diffusé le soir même sur Canal +).

VENDREDI.
Courrier. Arrivée du dernier numéro de la revue Temps noir.

Cinéma. Fauteuils d'orchestre (Danièle Thompson, France, 2005 avec Cécile de France, Valérie Lemercier, Albert Dupontel, Claude Brasseur, Dani, Christopher Thompson, Laura Morante, Suzanne Flon, Sydney Pollack).
Jessica, jeune provinciale, débute à Paris comme serveuse dans un restaurant fréquenté par des personnalités (un pianiste, une actrice, un collectionneur d'art...) insatisfaits de la vie qu'ils mènent.
Depuis qu'elle se consacre à la mise en scène de ses scénarios, Danièle Thompson s'attache à la production de films consensuels et divertissants. Dans le genre, Fauteuils d'orchestre est supérieur à ses prédécesseurs, La Bûche et Décalage horaire. Le principe est celui de l'élément central qui sert de trait d'union entre différents personnages dont les histoires sont racontées par bribes, les unes après les autres, jusqu'à un finale rassembleur. Le message est simpliste : soyons vrais, soyons francs, soyons gais, la vie est trop courte pour se faire des soucis, etc. Ce qui ne risque pas de révolutionner le cinéma et c'est tant mieux. Le casting révèle de belles surprises, comme la présence de Sydney Pollack qui se prête gentiment au jeu (il joue un Américain venu à Paris réaliser une biographie de Sartre et Beauvoir, ce qui permet, c'est la plus belle idée du film, un plan montrant six sosies de Jean-Paul Sartre sur un banc s'apprêtant à auditionner pour le rôle) et celle de l'immarcescible François Rollin. Quant à Suzanne Flon, c'est son dernier rôle et j'en connais qui ne s'en plaindront pas.

SAMEDI.
Bougies. Les notules décrochent leur premier lustre.

Courriel. JL revient sur le rapprochement Bonnard - Vuillard évoqué la semaine dernière.

TV. Les Soprano (série américaine de David Chase, 1999, avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco; saison 1, épisodes 1, 2 & 3 diffusés sur France 4 le soir même).
Voici enfin l'occasion tant attendue de voir les premiers épisodes de la série, que j'avais prise en cours à la troisième saison. Il y avait bien eu une tentative précédemment sur France 2 mais la diffusion erratique avait eu raison de ma patience. Ici, sur cette chaîne dont je découvre l'existence, ça a l'air à peu près sérieux, horaire raisonnable et diffusion dans l'ordre. Seul problème : version française uniquement mais on s'en contentera. L'histoire commence avec la première consultation de Tony Soprano chez le docteur Melfi, la psychiatre qu'il est amené à consulter après les évanouissements dont il a été victime, signes d'une dépression qu'il se refuse à admettre. On ne voit pas encore les côtés les plus sombres du personnage, son physique de bon nounours et les problèmes qu'il rencontre au sein de son organisation mafieuse et dans sa famille (on découvre la mère, une Tatie Danielle plus vraie que nature) le rendent plutôt sympathique. Ca ne dure qu'un temps car il va être vite obligé de se salir les mains...

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°251 - 19 mars 2006

DIMANCHE.
TV. Elle et lui (Love Affair, Leo McCarey, 1938, E.-U. avec Irene Dunne, Charles Boyer, Maria Ouspenskaya, Roy Webb; diffusé sur CinéClassics en ?).
Un playboy et une chanteuse font connaissance sur un paquebot qui se rend à New York et promettent de se retrouver six mois plus tard au sommet de l'Empire State Building.
C'est le parangon de la romance filmée, toujours cité (la dernière fois dans Au plus près du paradis de Tonie Marshall) mais rarement égalé. Leo McCarey s'y montre l'égal de Capra et le précurseur de Douglas Sirk dans une histoire d'amour contrarié mais finalement vainqueur des obstacles mis sur son chemin. Autant dire que c'est un régal. Avec L'Homme qui en savait trop (Hitchcock, 1934-1956) et Le Comte de Monte-Cristo (Robert Vernay, 1942-1953), Elle et lui fait partie des rares films dont le remake a été réalisé par le même metteur en scène.

LUNDI.
Ecriture. Je boucle et envoie ma troisième chronique trimestrielle pour Histoires littéraires. Je m'y lance dans le commentaire de l'actualité littéraire vue par la télévision après avoir suivi les émissions de Patrick Poivre d'Arvor (Vol de nuit, TF1) et Frédéric Ferney (Le bateau livre, La 5ème) pendant trois mois, ce qui m'a permis de revenir sur quelques préjugés.

TV. Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Michael C. Hall, Peter Krause, Lauren Ambrose, Frances Conroy, Rachel Griffiths; saison 5, épisode 6, diffusé dimanche sur Canal Jimmy).

MARDI.
TV. Promenons-nous dans les bois (Lionel Delplanque, France, 2000 avec Clément Sibony, Clotilde Courau, François Berléand; diffusé sur Canal + en mars 2006).
Cinq jeunes comédiens amateurs sont invités à donner un spectacle dans l'inquiétante demeure d'un hobereau solitaire.
Cette tentative de film d'horreur à la française ne mène pas bien loin. Les jeunes acteurs sont pleins de bonne volonté, les techniciens sont excellents (le son est particulièrement soigné) mais le scénario est totalement inconsistant, se limitant à une série de meurtres inexplicables et inexpliqués qui déciment la petite troupe. On peut noter la belle performance de Denis Lavant et de Berléand, qui en ont vu d'autres et qui parviennent à garder leur sérieux dans cette production grand-guignolesque.

MERCREDI.
Vie urbaine. Mon nomadisme capillaire m'a conduit à prendre rendez-vous dans un salon de coiffure au nom tout à fait insignifiant mais qui a le mérite de se trouver sur le trajet de mes pérégrinations urbaines du jour (billets de train, denrées diverses, nouvelles lentilles et lectures à acquérir). Je me présente à l'heure prévue et un quart d'heure plus tard, je suis toujours à poireauter sur le fauteuil où l'on m'a installé, en attendant qu'on daigne s'affairer sur ma toison ("Vous désire un café ?" "Merci, je désire surtout qu'on me coupe les cheveux"). Je rends mon peignoir, récupère mon vestiaire et prends congé en disant que je n'ai pas que ça à faire, ce qui est pour moi un geste d'une audace inouïe dont je tire grande félicité. Je crois que ce qui m'a mis en rogne n'est pas le fait d'être considéré comme quantité négligeable et oubliable (je ne corresponds pas, c'est indéniable, à la clientèle habituelle du salon, plutôt sucrée, et j'ai l'habitude de passer inaperçu) mais le fait qu'on m'ait collé dans les pattes VSD et Gala pour patienter. Il y a des choses qui sont au-dessus de mes forces.

Courrier. Arrivée d'un disque de Jérôme Kisling.

TV. Sweet Sweetback's Baadasssss Song (Melvin Van Peebles, E.-U., 1971 avec Melvin Van Peebles, Simon Chuckster, Hubert Scales; diffusé sur ARTE en janvier 2000).
La course d'un jeune Noir poursuivi par la police.
Film culte de la communauté noire américaine, le Sweetback de Van Peebles se révèle aujourd'hui tout simplement impossible à regarder. Le modernisme tape-à-l'oeil de l'époque, la bande son perforatrice de tympans, le décousu et la pauvreté de l'histoire en font une épreuve qui dépasse de beaucoup mes capacités de téléspectateur.

JEUDI.
Lecture scolaire. Pourquoi j'ai mangé mon père (What we Did to Father, Roy Lewis, Hutchinson, 1960; Actes Sud, 1990 pour la traduction française; rééd. Pocket n° 3671; traduit de l'anglais par Vercors et Rita Barisse; 192 p., s.p.m.).
Les tribulations d'une horde de pithécanthropes d'Afrique australe pendant la période du pléistocène.
Ce récit mené à la première personne reconstitue la vie quotidienne des hommes de la préhistoire, une vie jalonnée et améliorée progressivement par une série de découvertes et inventions (le feu, la cuisson des aliments, les armes, la peinture, les vêtements, l'exogamie, la démocratie et bien d'autres). Sur un ton humoristique qui fait appel au très britannique nonsense, l'auteur fait apparaître toutes ces nouveautés sous forme de rencontre fortuites, d'heureux hasards, de coïncidences amusantes ce qui, avec l'autre procédé humoristique utilisé, l'anachronisme (les pitécanthropes n'hésitant pas à citer par anticipation Shakespeare ou la Bible), donne une lecture agréable et, mine de rien, instructive.

Lecture 1. Histoires littéraires n° 17 (revue trimestrielle consacrée à la littérature française des XIX° et XX° siècles, janvier-février-mars 2004, Histoires littéraires et Du Lérot éditeurs; 256 p., 20  €).
On fait dans le pointu dans ce numéro avec Steve Murphy qui décortique trois manuscrits autographes de Rimbaud, ce qui semble avant tout une affaire de spécialistes. Arnaud Laster - on reparlera de lui à l'occasion du prochain numéro - est lui aussi spécialiste, du théâtre de Victor Hugo en l'occurrence, et il inventorie et commente toutes les manifestations occasionnées par le bicentenaire de la naissance du grand homme. Affaire de spécialistes aussi la correspondance de Saint-Paul-Roux avec André Rolland de Renéville, du moins je le présume car je ne connais ni l'un ni l'autre des protagonistes. Intéressante découverte de la Bibliothèque Marguerite-Durand, bibliothèque spécialisée, comme il se doit, qui conserve, à Paris, tous les documents ayant trait à la cause féminine. Dans la rubrique "Livres reçus", je coche, en vue d'achats futurs, le volume Quarto consacré à Jean Tardieu, une promenade parisienne sur les traces de Baudelaire et la réédition de textes de Léon Hennique.

TV. The Shield (série américaine de Shawn Ryan, avec Michael Chiklis, Glenn Close, Catherine Dent, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 4, épisode 5; diffusé le soir même sur Canal +).

Lecture 2. La femme en vert (Graforpögn, Arnaldur Indridason, Edda-Publishing, Reykjavik, 2001; Editions Métailié, coll. Bibliothèque nordique/Noir, 2006 pour la traduction française; traduit de l'islandais par Eric Boury; 304 p., 18 €).
On découvre un squelette enterré sur un chantier de construction dans la banlieue de Reykjavik. Malgré le manque d'urgence - les débris semblent dater d'une soixantaine d'années - le commissaire Erlendur se passionne pour l'enquête et plonge dans le passé.
La première enquête d'Erlendur, La cité des Jarres, était prometteuse. Celle-ci confirme qu'on a affaire à un auteur qui se tient bien au-dessus de la production policière ordinaire. A l'heure où le Suédois Mankell semble marquer le pas, il est rassurant de voir que le polar nordique a d'autres ressources. De plus, ce qui n'est pas rien, on semble avoir pris la précaution chez Métailié de traduire les livres d'Indridason dans l'ordre de parution, un privilège dont n'avait pas bénéficié Mankell en son temps. Ici, au bout de cent pages, on a en gros deviné l'identité du cadavre mystérieux mais à ce stade, Indridason sait faire rebondir l'intérêt du lecteur en alternant l'enquête policière et un retour en arrière qui raconte l'histoire d'une famille pendant la Seconde Guerre Mondiale, histoire qui aboutira au drame que l'on a déjà deviné. Peu à peu, cette histoire prend le pas sur l'enquête d'Erlendur, devient une sorte de mini saga islandaise passionnante centrée sur une femme victime de la violence de son mari. Avec un profonde humanité qui le conduit à ne pas condamner même les pires ordures, Indridason va ici bien au-delà du polar sans pour autant se donner des airs de donneur de leçon. Le dénouement est poignant, magnifique.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

VENDREDI.
Cinéma. L'Ivresse du pouvoir (Claude Chabrol, France, 2005 avec Isabelle Huppert, François Berléand, Patrick Bruel, Robin Renucci, Marilyne Canto, Thomas Chabrol, Jean-François Balmer, Pierre Vernier).
Une juge d'instruction s'attaque au président d'un grand groupe industriel accusé de détournement de fonds.
Dans Le Monde du jour, on peut lire une tribune libre d'Eva Joly, modèle du personnage interprété par Isabelle Huppert, intitulée "Claude Chabrol a rétréci l'affaire Elf." Encore heureux. Je n'ai jamais rien compris aux scandales financiers, aux affaires, Elf, Urba, HLM de la Ville de Paris, frégates de Taïwan, que sais-je encore. Dès qu'il s'agit de gros sous, je décroche, c'est trop tordu pour moi. En fait, je crois que si je mène une existence à peu près honnête, c'est principalement par incompétence, je ne suis tout simplement pas assez malin pour être malhonnête. L'affaire Elf vue par Chabrol, tout édulcorée ou rétrécie qu'elle soit, me suffit amplement. De toute façon, le propos de Chabrol n'est pas franchement dénonciateur, ni explicatif. Le constat est plutôt désabusé car si, à la fin du film, quelques têtes ont vacillé, le système de corruption reste bien en place. L'affaire sert avant tout de prétexte à un portrait de femme et à une série de face à face entre divers requins et ce juge qui les vaut bien sur le plan de la férocité. Chabrol fait toujours dans le grinçant et l'acide, mais donne des films confortables, dans lesquels, quelles que soient les turpitudes qu'il dénonce, on se sent à son aise. Ah, ça me revient. Il y a une affaire financière que j'ai à peu près comprise, celle des emplois fictifs du RPR à la mairie de Paris. Le RPR n'existe plus. C'était un parti qui se livrait à des combines que même moi j'étais capable de comprendre.

SAMEDI.
Football. S.A. Epinal - F.C. Metz B 1 - 1. J'inaugure pour l'occasion un nouveau gadget destiné à vaincre le froid polaire qui règne comme de coutume à la Colombière : une bouillotte de poche, en vente dans les bonnes pharmacies. Ce n'est pas vraiment un calorifère mais au moins ça me permet de garder les doigts assez agiles pour rouler mes cigarettes.

TV. Les Soprano (série américaine de David Chase, 1999, avec James Gandolfini, Edie Falco, Lorraine Bracco; saison 1, épisodes 4 & 5, diffusés sur France 4 le soir même).

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°252 - 26 mars 2006

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.

 

Vie au grand air. Le temps est au beau et permet une première incursion dans le jardin. Pas question d'attaquer la terre, encore profondément gelée mais il y a de quoi s'occuper, nettoyer, ramasser les feuilles et les branches du saule récemment mis à nu. Tout ça avec l'impression de revivre et le plaisir d'avoir mal au dos enfin pour quelque chose.

TV.
Mar adentro (Alejandro Amenabar, Espagne, 2004 avec Javier Bardem, Belen Rueda, Lola Duenas; diffusé sur Canal + en février 2006).
Ramon Sampedro, tétraplégique suite à une chute, ne demande qu'une chose : la mort. Pour ce, il doit se battre contre les institutions et contre sa famille.
De ce double combat, c'est le premier qui est le moins intéressant. Ramon est assisté par des avocats qui plaident sa cause, essaient en vain de faire évoluer la législation espagnole afin que soit reconnu le droit de mettre fin à sa propre vie dans les cas médicaux sans issue. Quand Ramon ferraille contre l'église, c'est déjà un peu mieux car c'est sans intermédiaire, c'est un curé lui-même handicapé qui se déplace pour le convaincre et qui est prestement renvoyé à ses chères études. Mais c'est l'histoire familiale qui est la plus réussie. Ramon est entouré de braves gens, son frère, sa belle-soeur, son père, son neveu, qui s'occupent de lui avec amour depuis des années et qui ne comprennent pas son désir de mourir. Là se pose la vraie question, qui est de savoir si on peut aller jusqu'à tuer quelqu'un par amour. De cette histoire vraie qui a secoué l'Espagne des années 1990, Amenabar a tiré un film honnête auquel on reprochera toutefois de tirer un peu trop, par moments, sur la corde des violons.

Lecture. Les histoires d'amour de Monsieur Spongexstrate (Claude Daubercies, La Voix du Nord, 2005; 136 p., 12€).
Direction plein nord pour Claude Daubercies qui quitte les éditions lozériennes du Bon Albert (où, soit dit en passant, il était mieux traité par les maquettistes) pour celles de La Voix du Nord. C'est en Belgique que se situe son dernier roman, en vue de la frontière française. Des canaux, une roulotte, des personnages qui se posent après une longue errance, il y a là un univers qui rappelle André Dhôtel et son Pays où l'on n'arrive jamais. Comme M. Léon, alias L'homme qui faisait des boustrophédons du livre précédent, deux hommes, deux solitaires arrivés au soir de leur vie se perdent dans le rêve. L'un rêve d'un voyage en montgolfière qui l'emmènerait jusqu'à Samarcande, l'autre rêve d'oublier son passé tourmenté. Le livre raconte la naissance de leur amitié et se construit autour de leurs conversations, conversations qui amènent l'un d'entre eux, Henri Spongexstrate, à raconter ses souvenirs, ses histoires d'amour, mais aussi de guerre et de meurtre. Dans un environnement qui part en déliquescence, les deux rescapés se bâtissent une oasis incongrue, faite de poésie et de tendresse, mis pudiquement en place par l'auteur. On partirait volontiers en montgolfière avec eux.
Claude Daubercies est notulien.

LUNDI.
Cinéma. O'Brother (O Brother, Where Art Thou ?, Joel Coen, E.-U., 2000 avec George Clooney, John Turturro, Tim Blake Nelson, John Goodman, Holly Hunter; vu dans le cadre de la formation pour l'opération Collège au cinéma).
On a vu cette année se succéder une telle bande de charlots dans le cadre de cette formation qu'on est tout étonné aujourd'hui, après le film, d'entendre un formateur compétent, informé et qui a visiblement bossé sur le sujet. Un travail fouillé, qui va au-delà de l'évidence - le détournement de l'Odyssée et l'influence de Preston Sturges - pour dénicher des emprunts à Moby Dick, à Faulkner, à Sinclair Lewis, à Busby Berkeley, aux Rapaces d'Erich von Stroheim, étudier les effets de rimes dans certaines séquences et faire voir un film politique au-delà de la pochade burlesque. Le traitement de l'aspect musical souffre de quelques oublis et approximations que l'on pardonne aisément devant le sérieux du reste du travail.

TV. Six Feet Under (série américaine d'Alan Ball avec Michael C. Hall, Peter Krause, Lauren Ambrose, Frances Conroy, Rachel Griffiths; saison 5, épisode 7, diffusé dimanche sur Canal Jimmy).

MARDI.
Vie professionnelle. J'accompagne un groupe d'élèves pour une représentation théâtrale sur le thème des conduites addictives, dans le cadre de l'éducation à la santé. Le spectacle offert est une ineptie allégorique pompeuse et mal jouée. Je m'étonne de la conduite stoïque des élèves qui subissent cela sans broncher, sans huer. Aujourd'hui, le théâtre a perdu définitivement quatre-vingt dix jeunes spectateurs potentiels. Devant ce genre de production artistique, je suis toujours partagé entre deux sentiments : soit ces gens-là sont vraiment persuadés de la qualité de leur travail et je suis atterré, soit ils ont conscience de se foutre du monde et se disent qu'ils auraient tort de ne pas ramasser les subsides - conséquents en l'occurrence - qu'une institution est prête à leur allouer et là, je suis franchement admiratif.

TV. La Messe est finie (La messa è finita, Nanni Moretti, 1985 avec Nanni Moretti, Ferrucio De Ceresa; diffusé sur CinéCinémas en ?).
Un jeune prêtre quitte sa paroisse du sud de l'Italie pour s'installer près de ses parents dans la banlieue de Rome.
La surprise vient de la découverte du beau visage imberbe de Moretti, qui porte aussi bien la soutane que Montgomery Clift dans La Loi du silence d'Hitchcock. Seule surprise car le reste correspond bien aux autres films qu'on connaît de lui, Aprile et Journal intime, proposant une succession un peu hétéroclite de scènes qui constituent un panorama désabusé de la société italienne. Car le père Giulio qu'interprète Moretti a bien du mal à garder sa foi devant les actions et les attitudes de ceux qui l'entourent. Sa soeur qui veut avorter, son père qui veut se remarier avec une jeunesse, son ami qui s'enferme dans le mutisme, son prédécesseur qui a jeté le froc aux orties constituent autant d'épreuves à sa foi. Giulio se bat, parfois même avec ses poings, mais le combat est inégal devant l'égoïsme et l'hypocrisie qui règnent. Gilulio ne fera pas de miracles, ne changera rien à la situation malgré ses efforts. C'est un constat plutôt amer, pessimiste, qui correspond à un stade de la vie de Moretti. Celui-ci saura retrouver un peu d'espoir par la lutte politique dans ses films suivants.

Lecture. Le nombre d'or (Marius Cleyet-Michaud, PUF, 1973, coll. Que sais-je ? n° 1530, 128 p., s.p.m.).
On louera la prudence avec laquelle l'auteur aborde l'énigme du nombre d'or. Après un exposé mathématique du genre costaud qui permet de replacer les notions de section dorée, de pentacle, de gnomon, de moyenne et de grande raison, il examine les domaines naturels et artistiques dans lesquels apparaît le nombre d'or. Sa prudence l'amène à considérer avec méfiance ceux qui voient le nombre d'or partout : le nombre d'or est certes un nombre particulier, mais un nombre particulier parmi d'autres et il faut se garder de l'entourer de mystères qui, souvent, ne résultent que d'approximations : "En toute équité, dans l'observation des phénomènes naturels, il faudrait porte à d'autres nombres, et notamment aux nombres apparentés aux différents polygones réguliers (triangle équilatéral, carré, hexagone régulier, heptagone régulier, etc.), la même attention qu'au nombre d'or." Un livre bien argumenté, bien illustré par des exemples clairs, qui peut de se lire même quand on patauge un peu dans la géométrie.
Belle frayeur page 100 où l'on apprend que le nombre d'or est égal à 1,272... Une coquille (il s'agit de sa racine carrée) un peu gênante dans ce genre d'ouvrage.

MERCREDI.
Vie technologique. Nous profitons d'une conjonction d'offres spéciales et de bons d'achat pour renouveler à vil prix notre matériel vidéo. Dommage qu'il n'y ait pas eu de promotion sur les techniciens, j'en aurais volontiers pris un pour l'installation de tout ce bazar.

TV. Open Water, en eaux profondes (Open Water, Chris Kentis, E.-U., 2003 avec Blanchard Ryan, Daniel Travis; diffusé sur Canal + en mars 2006).
Un jeune couple en vacances aux Bahamas part faire de la plongée avec un groupe. A la fin de leur exploration, ils remontent à la surface et constatent que le bateau qui les avait conduits en pleine mer a disparu.
C'est un petit film, une heure et quart, pas plus, pas un nom connu au générique, pas de gros moyens, pas d'effets spéciaux, juste une caméra légère, et une seule idée : filmer deux personnes perdues en mer en train de patauger en attendant l'arrivée hypothétique des secours. Le résultat, comparé aux moyens mis en oeuvre, est sensationnel, le réalisateur parvenant à faire à partir de cette situation une oeuvre angoissante à souhait. Un film qui devrait, s'il est suffisamment diffusé, faire baisser les effectifs des clubs de plongée. Ce sont les requins qui vont en être fort marris...

JEUDI.
Vie technologique. Le voisin d'en face, le marchand de télé qui n'avait jamais vendu de télé, vient mettre de l'ordre dans notre installation.

TV.The Shield (série américaine de Shawn Ryan, avec Michael Chiklis, Glenn Close, Catherine Dent, CCH Pounder, Benito Martinez, Jay Karnes; saison 4, épisode 6; diffusé sur Canal + le soir même).

VENDREDI.
Vie technologique. Première tentative d'enregistrement programmé avec le nouveau matériel. Ça marche.
Installation d'internet à la pharmacie. Ca marche. Puis ça ne marche plus. Puis ça remarche. Quand ça marche, on ne peut plus lire les cartes bancaires ni les cartes Vitale. Bref, c'est internet.

TV scolaire. Le Comte de Monte-Cristo (Pierre Vernay, France, 1942, avec Pierre Richard-Willm, Michèle Alfa, Aimé Clariond, Lise Delamare; DVD René Chateau Vidéo).
C'est un des grands succès du cinéma de l'Occupation, une époque où l'on adaptait les chefs-d'oeuvre littéraires à tour de bras pour éviter de se frotter à l'actualité. Deux époques, trois heures de film pour ce qui est, au vu de ce que je connais, la meilleure adaptation du livre de Dumas. Le travail d'élagage a été fait intelligemment, comme d'habitude c'est le personnage de Danglars qui passe à la trappe au profit de Caderousse dont le rôle est étoffé, on regrettera simplement que la scène de retrouvailles dans la maison d'Auteuil ait été éliminée. L'interprétation de Pierre Richard-Willm est remarquable de sobriété. Habitué aux figures romantiques (il a déjà, à l'époque, joué Werther sous la direction d'Ophüls), il campe ici un Monte-Cristo hiératique, imperturbable, qui accomplit sa mission vengeresse avec une froideur impressionnante.

Voyage.
Départ pour Paris par le 19 heures 34.

SAMEDI.
Vie parisienne. On a pris soin, sur les antennes, de ne pas trop me dépayser : au réveil, la revue de presse de RFI cite longuement l'éditorial de La Liberté de l'Est.
Comme toutes les entreprises de grande envergure, le séminaire Perec est victime des délocalisations : le campus de Jussieu n'est pas d'un accès facile ces temps-ci et c'est dans les locaux d'Act Up Paris, près de la Bastille, que nous nous retrouvons pour écouter Claudia Amigo Pino, venue de Sao Paulo pour présenter son travail sur 53 jours, le roman inachevé de Perec. Un travail de généticienne, travail remarquable, complet, vertigineux rendu possible par la consultation et l'étude minutieuse des manuscrits auxquels Mlle Pino est sans doute la dernière à avoir eu accès...
Je rôde un peu autour de la Bastille, gagne la rive gauche au pont d'Austerlitz, ramasse quelques clichés pour mes Frontons (école maternelle et école élémentaire mixte, rue Buffon) et croûte au Petit Cardinal. Après ma séance de travail à la Bibliothèque des littératures policières, je flâne chez Compagnie, en face de la Sorbonne où l'on voit de drôles de choses.

Il pleut à seaux, les parapluies ont des mouvements ophtalmicides, j'ai fort mal dormi, je suis moulu, je rentre, croûte une sole en solo à la Brasserie de l'Est en attendant les résultats de football (victoire de Metz à Ajaccio et match nul du SAS à Mulhouse).

Bonne semaine.