Notules dominicales
de culture domestique n°240 - 1er janvier 2006 DIMANCHE.
Vie familiale. Nous passons le jour de Noël
chez mes parents. Il n'y a que huit petits-enfants présents sur onze mais
l'agitation est conséquente. LUNDI. Courrier.
J'envoie des chèques, des voeux, des coupures et quelques Bulletins Perec
à d'éminents contributeurs. Lecture.
Viridis Candela (Carnets trimestriels du Collège de 'Pataphysique
n° 19, 15 mars 2005; 80 p., 15 €). Ce numéro contient
un beau dossier sur l'éléphant d'Europe, une espèce "virtuelle,
née dans l'imagination fertile des Européens qui, longtemps privés
par la nature de proboscidiens en chair et en os, s'en sont façonné
à leur image, si l'on peut dire, ou du moins conformes à leur imagination."
L'éléphant, tel qu'il apparaît dans les textes de l'Antiquité,
du Moyen Âge ou de la Renaissance est un être hybride ("une grosse
tête, de petits yeux, des oreilles en forme d'ailes de hibou, un nez qui,
prenant naissance au sommet de la tête, descend jusqu'à terre, deux
dents extérieures dressées en avant, d'une grandeur, d'une grosseur
et d'une longueur hors du commun [...] Ils ont des pieds énormes, munis
de six ongles, qui ressemblent à des pieds de boeuf ou plutôt de
chameau", Jourdain de Séverac, XIV° siècle), discret ("C'est
par pudeur [...] qu'ils ne s'accouplent que dans le secret", Pline l'Ancien,
Histoire naturelle), peu porté sur la bagatelle ("Quand il s'accouple,
contraint par la loi de la nature, il le fait en se détournant, presque
à contrecoeur et avec répugnance, et la femelle le reçoit
une seule fois, sans rechercher une seconde étreinte", Pierre Damien),
fidèle ("il ne change jamais de femelle et aime tendrement celle qu'il
a choisie", saint François de Sales, XVII°) et adepte de la position
du missionnaire ("sachez que quand le mâle veut saillir la femelle,
ils font une grande fosse dans la terre; et se met l'éléphante à
la renverse dans cette fosse, et l'éléphant monte dessus, comme
le fait l'homme à la femme : cela parce que l'éléphante a
la nature très près du ventre", Marco Polo). Par ailleurs,
on apprend tout sur une nouvelle langue, le bien nommé désespéranto
: "Au contraire de l'espéranto [...] le désespéranto
est une langue très compliquée, aux règles si complexes et
si grevées d'exceptions qu'il est improbable qu'elle dépasse les
bornes du cerveau de son créateur". Qu'on en juge plutôt : 12
x 12 signes basiques, soixante-quatre silences, six genres (masculin, féminin,
neutre, hermafro, bon genre et mauvais genre), un seul pluriel mais une multitude
de singuliers, treize cas de déclinaison, dix formes de conjugaison, et
ainsi de suite. Un avantage, l'ordre des mots : "il n'y a aucun ordre usuel
établi [...] donc liberté totale est offerte pour combiner entre
eux noms, verbes, adjectifs, adverbes, etc." C'est rassurant. Un exemple
: ~ ¬ ...÷ signifie "dis, pourquoi tu pleures mon lapin ?"
Courriel. Une demande de désabonnement
aux notules. Ce n'est jamais agréable mais c'est éminemment préférable
à la crainte que ces dernières atterrissent en terrain hostile ou
indifférent. TV. L'Enquête
corse (Alain Berbérian; France, 2004 avec Christian Clavier, Jean Reno,
Caterina Murino; diffusé sur Canal + en septembre 2005). Jack Palmer
débarque en Corse à la recherche d'un homme à qui il doit
remettre un héritage. Je ne connais pas l'album de Pétillon
dont est tiré ce film, bien que ce soit un des rares auteurs de BD que
j'arrive à lire. L'idée de confier le rôle de Jack Palmer
à Christian Clavier peut sembler saugrenue (j'aurais bien vu quelqu'un
comme Jean-François Balmer) mais il faut bien dire que dans l'affaire,
il est le seul qui semble croire un peu à ce qu'il fait. La caricature
est gentille (il s'agit de ne pas effrayer le touriste), on sent le désir
de faire une sorte de parodie de James Bond qui ne va pas bien loin. Clavier s'agite
comme à son habitude pour meubler le vide dans lequel on a du mal à
déceler deux ou trois gags poussifs. MARDI. Courrier.
Arrivée d'un livre à chroniquer. Lecture.
Des notions communes contre les Stoïciens (Plutarque, I°-II°
siècle; traduction, présentation et notes de Pierre-Maxime Schuhl
in Les Stoïciens, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n°
156, 1504 p., 52,90 €). Plutarque poursuit ici son attaque des
principes du Portique entamée dans Des contradictions des Stoïciens,
cette fois sous forme d'un dialogue entre un défenseur des notions communes
et un familier des Stoïciens. Il s'agit de montrer ce en quoi ceux-ci contredisent
le sens commun en relevant les absurdités et les facilités de leur
doctrine. Les démonstrations sont longues et d'accès difficile pour
le non initié que je suis, plus Béotien que Stoïcien.
TV. French Cancan (Jean Renoir, France,
1954 avec Jean Gabin, Françoise Arnoul, Maria Félix; diffusé
sur ARTE en ?). Henri Danglard dirige un cabaret montmartrois à la
Belle Époque. Il remarque Nini, une petite blanchisseuse dont il veut faire
une vedette. Pour son premier film après sa période américaine,
Jean Renoir retrouve avec plaisir ses racines. French Cancan est un hommage à
son Auguste père, mais aussi à ses pairs (Toulouse-Lautrec, Degas
avec la dégustation de l'absinthe), au pays avec la tradition du cabaret
et du music-hall (un monde éclatant de couleurs mais sans pitié
pour les faibles et les gloires passées) et à la ville, Paris, avec
la description minutieuse des petits métiers saisis dans les scènes
de rue. C'est aussi le portait d'un créateur, Danglard, qui ne s'intéresse
à une femme que le temps d'en faire une vedette, avant de passer à
une autre. La danse finale, clou du spectacle inaugural au Moulin-Rouge, époustouflante,
montre que Renoir n'a pas perdu son temps en Amérique et qu'il peut égaler
les maîtres de la comédie musicale. MERCREDI.
Lecture. 96° (Seksognitti, Kjell
Ola Dahl, Gyldendal Norsk Forlag A/S, 1994; Gallimard, 2005, coll. Série
Noire n° 2740 pour la traduction française; traduit du norvégien
par Francine Girard et revu par Nils Ahl; 352 p.; 13,50 €). A sa
sortie de prison, Bendik Fleming se voit proposer de prendre part à un
trafic d'alcool illégal. Ce polar mou qui essaie en vain de raccrocher
le lecteur dans les cinquante dernières pages, un peu plus animées
que le reste, est typique de la Série Noire dernière manière
: prenant conscience avec retard qu'il se passe quelque chose d'important dans
le domaine du polar nordique, elle se pointe sur le marché alors que les
concurrents se sont déjà partagé les beaux morceaux et ne
trouve à ramasser que des seconds couteaux, comme ce Norvégien qui
a attendu plus de dix ans pour être traduit et qui aurait bien pu encore
attendre cinquante ans de plus. On comprend mieux le naufrage de la prestigieuse
collection. Courriel. Une demande
de désabonnement aux notules. Il ne faudrait pas non plus que ça
se généralise. Hat trick.
Joli coup de chapeau dans la page d'avis de décès de la Liberté
de l'Est qui annonce la mort d'un Chapelier, d'un Berret et d'un Martin (pour
les initiés, nom d'un chapelier spinalien, rue Léopold-Bourg). TV.
L'Équipier (Philippe Lioret, France, 2004 avec Sandrine
Bonnaire, Philippe Torreton, Grégori Derangère, Émilie Dequenne;
diffusé sur Canal + en décembre 2005). Antoine, revenu handicapé,
de la guerre d'Algérie, arrive à Ouessant où l'attend un
poste réservé de gardien de phare. Les autochtones le considèrent
d'un sale oeil. Voilà un film qui, bien délayé, aurait
pu aisément faire les choux gras de TF1 tout un été sous
forme de feuilleton : une province photogénique (Ouessant, sans une seule
crêperie) qui sert de cadre à un passé qui ressurgit sous
forme d'un journal découvert par hasard (toute l'histoire est un long flash
back), une rivalité amoureuse qui débouche sur une paternité
incertaine, plus une belle bande d'imbéciles heureux d'être nés
quelque part bien décidés à signifier au jeunot débarqué
du Conquet qu'il n'est pas en terrain conquis. Sur une heure trente de film, cependant,
ça tient la route et ça se regarde avec plaisir. Les facilités
du scénario sont compensées par une interprétation convaincante,
Sardine Bonnaire et Torreton (au naturel), décidément trop rare
au cinéma, en tête. JEUDI. Fin
de chantier. Je viens à bout d'un travail qui m'a occupé
quotidiennement ces cinq dernières années : un fichier contenant
la totalité des films que j'ai vus à la télévision
ou au cinéma avec leur distribution complète. C'est en fait un chantier
beaucoup plus ancien puisque ce doit être en 1975 ou 76 que j'ai commencé
à noter, sur des cahiers puis sur des fiches, la filmographie de tous les
acteurs et réalisateurs que je pouvais trouver, me contentant alors de
souligner les titres que je voyais au fur et à mesure. J'ai fait ça
pendant des années, jusqu'à ce que ce fichier devienne physiquement
inutilisable de par sa taille : il contenait véritablement des milliers
de fiches et j'ai dû le jeter par dessus bord au cours d'un déménagement.
Dans cette entreprise adolescente, une rencontre fut déterminante, celle
de Gilles G., camarade de lycée à qui je m'ouvris un jour de mon
occupation compilatoire. Il la considéra d'un oeil d'autant plus bienveillant
qu'il la pratiquait aussi, mais depuis plus longtemps que moi. Il disposait d'un
fichier beaucoup plus complet que le mien, dans lequel je me mis à puiser
sans retard, pris d'une sorte de vertige. Je me souviens par exemple de la fiche
de Pierre Larquey, un acteur que je connaissais à peine et qui comportait
près de deux cents films... Gilles G. avait pour idoles Jean Gabin et Danielle
Darrieux (à qui il avait soutiré un autographe au théâtre
municipal d'Epinal), ce qui n'était pas très rock'n'roll pour un
garçon de seize ans. C'était un maniaque des petits rôles,
une manie dans laquelle je ne tardai pas à le suivre. Nous passions nos
temps de récréation à comparer les listes d'acteurs que nous
avions repérés dans le film vu la veille à la télévision
(j'ai gardé la manie de suivre un film toujours un bloc et un stylo à
portée de main), pas les grands qui apparaissaient au générique
bien sûr, mais les sans grades, les silhouettes à peine aperçues
des Marcel Gassouk, Max Montavon, Robert Rollis et autres Dominique Zardi. Gilles
G. avait une spécialité : les petites vieilles. On n'en voit
plus dans les films d'aujourd'hui, à part Esther Gorintin, les petites
vieilles sont devenues des "seniores", les emplois de grands-mères
sont tenus par des Line Renaud, des Patachou, des Micheline Presle, des Stéphane
Audran, des Danielle Darrieux justement, des femmes qui semblent hors d'âge.
Mais l'histoire du cinéma français est pleine de petites vieilles,
des vraies, des ridées, de celles qui semblent n'avoir jamais été
jeunes, de celles qui ressemblaient à ma grand-mère. C'est Gilles
G. qui m'a appris à reconnaître Muse Dalbray, Gabrielle Fontan, Germaine
Delbat, Madeleine Barbulée, à repérer Paulette Dubost et
Hélène Dieudonné, à distinguer Gabrielle Dorziat et
Gilberte Géniat, à différencier Andrée Tainsy de Sylvie
(l'héroïne de La vieille dame indigne de René Allio). Nous
achetions Ciné Revue pour la dernière page qui contenait toujours
une filmographie complète aussitôt recopiée, nous n'allions
guère au cinéma, c'était un peu cher et les films nous semblaient
trop neufs, mais nous fréquentions le ciné-club du lycée,
ne rations aucun film à la télévision et étions à
l'affût de tout ce qui pouvait enrichir nos fiches. Je me souviens particulièrement
d'une projection des Grandes vacances de Jean Girault au Centre social
de la ZUP un mercredi après-midi (entrée 1 franc), une salle pleine
de gosses piaillards avec, au premier rang, deux grands dadais qui n'étaient
là que parce qu'ils avaient appris qu'on y voyait Jacques Dynam dans un
rôle de camionneur. Ces années partagées avec Gilles G. ont
conditionné mon rapport au cinéma, que je pratique moins en spectateur
qu'en scrutateur, à l'affût du moindre petit rôle. Ainsi, si
j'ai été heureux cette semaine de voir enfin French Cancan,
parce que c'est Renoir, parce que c'est un classique, parce que c'est un bon film,
je l'ai été surtout parce que j'ai reconnu, dans une série
de plans furtifs, Jacques Marin, Claude Berri et Paul Mercey faisant la queue
pour entrer au Moulin-Rouge. Pour la même raison, je ne répugne jamais
à visionner le pire nanar qui soit à partir du moment où
il me permet d'ajouter un élément à la filmographie de tel
ou tel obscur tâcheron. Dès que je me suis mis à l'ordinateur,
j'ai eu envie de ressusciter mes fiches sous forme informatique. Ce n'était
plus la peine de le faire par noms de personnes, il existe suffisamment de sites
spécialisés offrant des filmographies complètes, mais cette
fois par film vu, avec une distribution exhaustive pour chacun d'eux. C'est ce
chantier que je viens de terminer. J'ai retrouvé 1829 films, il en manque
certainement mais ce n'est déjà pas mal. Grâce au système
de recherche inclus dans la banque de données, je peux trouver instantanément
ce que j'ai vu de tel ou tel acteur ou réalisateur. Tous les mois, comme
il y a trente ans, je remets à jour mon palmarès des acteurs les
plus fréquentés. Je donne ici les positions acquises en décembre
2005, parce qu'elles donnent une bonne idée de la pseudo cinéphilie
que je pratique : 1. Dominique Zardi 52 films vus 2. Robert Dalban 45 3.
Michel Serrault 41 4. Gérard Depardieu 37 5. Michel Galabru 36 6.
Louis de Funès, Bernard Blier 35 8. Jean Carmet, Thierry Lhermitte,
Gérard Jugnot 32 Cet outil me permet aussi de constater que malgré
mon application il reste des acteurs que je suis incapable de reconnaître.
J'ai vu, pour prendre un exemple, Albert Michel dans 31 films (depuis Un revenant
de Christian-Jaque, 1946, jusqu'à L'Aile ou la cuisse de Claude
Zidi, 1976) mais je ne sais toujours pas la tête qu'il a. En fait, on l'aura
compris, le cinéma n'est pour moi qu'une occasion, une de plus, de faire
des listes... Après le lycée, j'ai retrouvé Gilles G.
à quelques reprises à Nancy, nous écoutions les premiers
numéros des Cinglés du music-hall de Jean-Christophe Averty
qui devaient me donner le goût définitif des vieilleries musicales
sur disques crachotants. Puis nous nous sommes perdus de vue, je ne sais ce qu'il
est devenu mais je sais ce que je lui dois. La dernière fois que je l'ai
vu, c'était à la télévision, il répondait aux
questions de Pierre Tchernia dans une émission jeu qui s'appelait Monsieur
cinéma. Inutile de dire qu'il était très fort...
TV. 24 heures chrono (24, série
américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer Sutherland,
Kim Raver, William Devane, Mary Lynn Rajskub; saison 4, épisodes 11 &
12, diffusés sur Canal + le soir même). VENDREDI.
Travaux. Un plombier et un électricien
s'affairent dans nos murs. On y voit déjà un peu plus clair, les
pieds au sec. Lecture. La Gazette
fortéenne (Vol. 1, 2002, Éditions de l'Oeil du Sphinx; 386 p.,
30 €). Le Fortéanisme (de Charles Fort, 1874-1932, "un
Américain qui consacra sa vie à rechercher dans la littérature
scientifique et journalistique des bibliothèques de New York et de Londres
tous les faits anomaliques que la science de son époque rejetait ou ignorait",
dit l'éditorial) s'il n'est guère connu en France, compte tout de
même assez d'adeptes pour éditer une imposante revue qui en est aujourd'hui
à son quatrième numéro. On y parle de l'étrange sous
toutes ses formes, des OVNI comme de phénomènes moins connus, les
Prédateurs de sang du Chili, la Théorie des Anciens Astronautes
("Des extra-terrestres, cosmonautes ou astronautes d'une autre civilisation
de l'espace ont-ils, un jour, visité la Terre ?"), de disparitions
mystérieuses, de bipédie initiale ("On peut donc dire que l'homme
est né debout !"), de cryptozoologie (science des animaux cachés),
de parapsychologie, etc. Si les Fortéens sont des gens convaincus, ils
ne sont toutefois pas prêts à tout gober. Une enquête passionnante
de 80 pages est ainsi consacrée à démystifier l'histoire
du célèbre anthropoïde de Loys, une créature inconnue
photographiée au Venezuela en 1917, qui ne fut qu'une énorme supercherie. On
peut déceler chez eux un certain goût pour la théorie du complot
: beaucoup de phénomènes paranormaux serviraient de paravent à
des expériences secrètes menées par des militaires ou des
agents de la CIA... On trouve dans les Notes de lecture en fin de volume la signature
de François Angelier, producteur de l'émission Mauvais genres
sur France Culture où j'ai appris l'existence de ce mouvement et de cette
publication. Ces notes signalent la réédition d'une Histoire
secrète de l'Europe due à Claude-Sosthène Grasset d'Orcet
(1828-1900), un auteur simplement mentionné par Blavier dans ses Fous
littéraires. Les détails fournis ici sont intéressants
: "Grâce à des étymologies parfois surprenantes [...
] il établit des liens généalogiques incroyables : par exemple,
Bonaparte était lié par le sang aux grandes dynasties familiales
byzantines des Comnènes et des Paléologues ainsi qu'aux Capétiens
et aux Bourbons, sans compter dans son ascendance maternelle Attila et Mahomet."
La présentation des auteurs contribuant à la revue est également
à signaler, comme le montre ce paragraphe consacré à Theo
Pajimans : "Theo Pajimans fait partie de ces personnes dont le regard se
perd rêveusement vers l'horizon, là où le ciel et l'océan
se confondent ensemble (sic). Il se considère comme un voyageur solitaire
dans les terres des légendes, de la poésie et de l'âme, dans
les archives poussiéreuses et les livres oubliés depuis longtemps,
ressuscitant les hérésies fortéennes et le sens du merveilleux.
[...] Il habite Amsterdam avec son autre moitié, un lapin noir et deux
poissons rouges." TV. Ridicule
(Patrice Leconte, France, 1996 avec Charles Berling, Fanny Ardant, Jean Rochefort,
Judith Godrèche, Bernard Giraudeau; diffusé sur Canal + en ?).
Un nobliau de province se rend à Versailles pour convaincre le roi d'assécher
les marais de sa région. Il découvre les usages de la cour de Louis
XVI. Avant de s'en faire l'apôtre, Patrice Leconte a montré qu'il
savait faire autre chose que des films gentils. Son Ridicule est une oeuvre
coruscante, une satire acérée des moeurs de la cour qui peut, c'est
ce qui en fait le prix, s'appliquer à n'importe quelle coterie. On y voit
toutes les bassesses, perfidies, avilissements consentis par les courtisans sous
le brillant des costumes et de la conversation. Le nobliau qui y débarque
représente un humanisme et une franchise qui n'ont pas place en ces lieux.
Les dialogues sont un véritable feu d'artifice, la mise en scène
est somptueuse, la distribution royale. Mon peu de goût pour les films à
costumes m'avait jusqu'à ce jour tenu éloigné de ce film,
c'était une erreur. SAMEDI. Vie
calendaire. Nous finissons l'année à Maxéville
en compagnie de la notule canal historique, branche amitié ancestrale.
Bonne année. Notules
dominicales de culture domestique n°241 - 8 janvier 2006 DIMANCHE.
Bilan annuel 2005. * 80 livres lus (-
8 par rapport à 2004) * 162 films vus (+ 20) dont 36 (- 14) au cinéma
* 60 pages de lecture de longue haleine (Sartre, Flaubert, Kafka, Proust, Blavier)
(- 20) * 157 abonnés aux notules version électronique (sans
oublier les irréductibles abonnés papier de l'Aveyron) (+ 50)
* 12.838 visites sur le site des notules (+ 5420) En ce qui concerne
mes chantiers littéraires : * Inventaire 1998 toujours
en cours d'élaboration * Aperçu de littérature passive
2001-2002 toujours pas mis au propre * 68 éléments (+ 2)
pour l'inventaire Félicités * 1304 peintres étudiés
dans les Propos sur l'art peint (+ 76) * 2600 Souvenirs quotidiens
notés (+ 365, le compte est bon) * 77 Nouvelles en deux lignes
(+ 6). * 207 volumes étudiés dans L'Atlas de la Série
Noire (+ 27) * 56 communes visitées (+ 10) de Ableuvenettes (Les)
à Bertrimoutier dans le cadre de L'Itinéraire patriotique départemental
* 75 photos de Bars clos commentées (+ 15) * 268 entrées
dans la Petite géographie de l'incipit (+ 40) * 343 Bribes
oniriques recueillies (+ 74) * 350 tableaux commentés dans la Mémoire
louvrière (+ 143) * 101 publicités murales peintes photographiées
(+ 58) * 140 numéros de téléphone récoltés
dans des films en vue d'un travail à venir (+ 52) * 50 photographies
de salons de coiffure pour l'Invent'Hair (+33) * 28 frontons d'école
photographiés dans l'Aperçu d'épigraphie républicaine
(+19) Nouveautés 2005 : * 16 Lieux où j'ai dormi
retrouvés et photographiés * 30 numéros de Diasporama
envoyés à 31 abonnés. Parutions : * Bulletin
de l'Association Georges Perec n° 46 * Bulletin de l'Association Georges
Perec n° 47 * 2 articles dans la page "Livres en liberté"
de La Liberté de l'Est. L'année fut donc belle et bien remplie
avec une extension notable du domaine de la plume puisqu'il reste à paraître
les chroniques et notes de lecture d'Histoires littéraires. Mais
les journées ne font toujours que vingt-quatre heures et je ne pourrai
indéfiniment rogner sur les plages de sommeil que je m'accorde de moins
en moins généreusement. L'accumulation des chantiers a pour conséquence
une progression au ralenti pour chacun, les strates s'amoncellent sans que je
me résolve à en éliminer une ou plusieurs. Il y a pourtant
là-dedans des travaux qui mériteraient qu'on y mette fin, soit parce
qu'ils ont atteint un stade suffisamment développé, soit parce qu'ils
ne mènent nulle part. C'est le cas par exemple de celui des Bribes oniriques,
entamé dans l'enthousiasme en décembre 2002 et ainsi présenté
dans les notules de l'époque : "Chantier
littéraire. J'achète un petit carnet, un grand cahier et
une lampe de poche à faisceau étroit à poser sur ma table
de nuit pour mettre en pratique un exercice qui me trotte dans la tête depuis
quelques semaines : consigner mes rêves par écrit. Ce désir
vient probablement d'un double sentiment de frustration : d'abord celui de ne
pas posséder l'imagination qui me permettrait d'écrire de la fiction.
Parallèlement, et comme beaucoup de gens sans doute, je suis souvent étonné
de la richesse de l'imaginaire que je développe en rêve. Malheureusement,
seconde frustration, cet étonnement est souvent la seule trace qui me reste
à mon réveil : ce qui l'a suscité, le rêve proprement
dit, a disparu entre le moment où j'ai ouvert les yeux et celui où
j'ai posé le pied par terre. Il faut donc agir vite pour noter les choses
rêvées, d'où l'acquisition de cet équipement. Je ne
sais ce que je ferai de ce qui sortira de ce travail : en général,
les recueils de rêves ne sont pas passionnants, même celui de Perec,
La boutique obscure, ne m'a pas vraiment intéressé. Si j'essaie
de cerner mes intentions, je pense qu'il s'agit ici inconsciemment (c'est le cas
de le dire) de soumettre ma vie entière à l'écriture en transformant
en production écrite le seul moment de mon existence qui y échappe
encore, le sommeil. Avec ça, j'ai l'impression d'avoir bouclé la
boucle, d'être totalement sous le joug de l'écriture. Je n'en suis
pas encore, comme Kafka, à passer une moitié de ma nuit "éveillée"
et l'autre "sans sommeil" mais ça viendra. Ce doit être
le onzième ou douzième chantier littéraire ouvert, tout aussi
interminable et inutile que les autres mais ces livres, si on peut les appeler
ainsi, "n'existent que pour être écrits, pas pour être
lus" (Kafka encore, à propos du Procès tout de même,
citation à redimensionner à mon échelle donc)."
La quête d'imaginaire que j'entreprenais alors ne m'a pas mené
bien loin. Bien sûr, il y a des situations, des aventures plus riches que
celle que je trouve dans ma vie consciente mais je ne trouve rien à en
faire. Je constate tout de même, à relire ces récits de rêves,
la récurrence de deux thèmes, deux phobies : celle d'arriver en
retard au boulot et celle de me remettre à boire, souvent liées
d'ailleurs : je me fais piéger, je m'endors saoul et je me réveille
en retard totalement paniqué (je me réveille pour de vrai, d'ailleurs,
et vraiment paniqué, dans cette circonstance). Pour la première,
pareille mésaventure a dû m'arriver deux fois en vingt ans et pour
la seconde, je ne ressens aucune tentation, je fréquente les zincs et les
soirées arrosées sans aucune difficulté. Pourtant je continue
à noter mes rêves : il faut bien que je finisse mon carnet... Une
résolution pour 2006 : trouver la force de devenir enfin velléitaire.
TV. Narco (Tristan Aurouet &
Gilles Lellouche, France, 2004 avec Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde,
Zabou Breitman; diffusé sur Canal + en octobre 2005). Gus est narcoleptique,
s'endort n'importe où, n'importe quand, ce qui l'empêche de trouver
un emploi stable. Passionné de dessin, il se lance dans l'écriture
d'une bande dessinée. Le portrait de Gus donne lieu à une succession
de bons gags sur le thème de ses plongées inopinées dans
le sommeil. La présence de Poelvoorde ajoute au côté réjouissant
de l'histoire. Après, ça se gâte (Gus se fait piller ses idées
de BD par un psychiatre indélicat qui édite les albums sous son
nom) et ça se termine dans l'indifférence la plus totale. A voir
donc pour la première demi-heure. Courriel.
Une demande d'abonnement aux notules. LUNDI. Courrier.
GN envoie une carte joycienne et MGM son Approche du lanceur de cailloux.
Courriel. Deux demandes d'abonnement
aux notules. La statistique en ressort tout assainie. TV.
L'Inconnu du Nord-Express (Strangers on a Train, Alfred Hitchcock,
E.-U, 1951 avec Farley Granger, Robert Walker, Ruth Roman, Patricia Hitchcock;
diffusé sur TCM en mars 2005). Bruno Anthony propose à Guy Haines,
rencontré dans un train, d'assassiner sa femme qui refuse le divorce. En
échange, Guy supprimera le père de Bruno, qui lui rend la vie impossible.
Guy refuse mais Bruno remplit la première partie du contrat. A revoir
cet Inconnu à plus de vingt ans de distance, on se rend compte que
l'on n'oublie rien des grands Hitchcock (car il en est tout de même de mineurs),
que les images marquantes restent en mémoire. Ici, le meurtre vu en reflet
dans les lunettes de la victime, le briquet perdu dans la bouche d'égout,
le manège fou... On voit aussi comment des films vus plus récemment
s'inspirent directement d'Hitchcock, Je suis un assassin de Thomas Vincent qui
reprend l'idée du meurtre par procuration, Sang pour sang des frères
Coen où un briquet joue un rôle similaire par exemple. On remarque
simplement davantage la maîtrise du metteur en scène qui construit
pratiquement toute la deuxième heure du film en montage parallèle
et la composition de Robert Walker qui prend rang dans la galerie des grands monstres
hitchcockiens aux côtés du Perkins de Psychose et du Michael Caine
de Frenzy. MARDI. Courrier.
Le greffe du Tribunal de Grande Instance de Paris m'avertit de l'audience concernant
mon voleur de portefeuille. TV scolaire. Les
merveilleux contes de Grimm (The Wonderful World of the Brothers Grimm,
Henry Levin & George Pal, E.-U., 1962 avec Laurence Harvey, Karlheinz Böhm,
Claire Bloom; diffusé sur Canal + en ?). Les réalisateurs se
sont partagé la tâche, à Levin les séquences biographiques
sur la vie des frères Grimm et à George Pal, spécialiste
du merveilleux déjà auteur d'un Tom Pouce, les contes insérés
dans l'histoire principale. Ces contes ne laissent pas un souvenir impérissable
mais le récit de la vie des deux frères est intéressant par
le portrait de Wilhelm, le cadet, qui s'obstine à recueillir les contes
et légendes de son pays au mépris de sa santé et de sa position
sociale. TV. Le Carton (Charles
Nemes, France, 2004 avec Vincent Desagnat, Bruno Salomone, Armelle Deutsch; diffusé
sur Canal + en octobre 2005). Antoine a une matinée pour déménager
son appartement. Il appelle ses copains en renfort. Sur le thème du
déménagement qui tourne à la catastrophe, Olivier Doran avait
déjà signé Le Déménagement en 1996,
avec Dany Boon et Emmanuelle Devos. Le Carton ne risque pas de marquer
davantage les mémoires. Le sujet est traité sur le mode du boulevard
(on trouve une pièce de théâtre à l'origine) avec quiproquos
éventés, homosexuel marqué, voisin en slip enfermé
sur le palier, ce genre de choses. Ça permet à de jeunes comédiens,
issus de la télévision, de faire leurs gammes et ça se regarde
avec indulgence et, parfois, quelques sourires. MERCREDI.
Emplettes. J'achète mes premiers livres
de l'année, un recueil de Verheggen et un polar américain.
Courrier. Arrivée d'un nouveau fascicule
du catalogue de littérature conjecturale proposé par la Librairie
du Scalaire et de voeux de diverses provenances. TV.
Pourquoi pas moi ? (Stéphane Giusti, France, 1999 avec
Amira Casar, Julie Gayet, Bruno Putzulu, Alexandra London, Carmen Chaplin, Johnny
Hallyday; DVD DVDY Films). De jeunes homosexuels des deux sexes lassés
d'avoir à cacher leur mode de vie décide d'en faire part à
leurs parents respectifs. De là, une réunion dans un beau château
de province qui sert de cadre au coming out et au mélodrame qui
s'ensuit. Les jeunes comédiens, aux prises avec une série de situations
convenues et la bouche pleine de dialogues ineptes, sont pitoyables. Une mention
toutefois pour Johnny Hallyday, imperturbable, et il a bien du mérite,
en toréador retraité reconverti dans l'élevage de lévriers.
JEUDI. Courrier. Arrivée
d'un opuscule footballistique (Rien à foot) et d'un roman à
chroniquer. TV. 24 heures chrono
(24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer
Sutherland, Kim Raver, William Devane, Mary Lynn Rajskub; saison 4, épisodes
13 & 14, diffusés sur Canal + le soir même). On bascule
dans la seconde moitié des vingt-quatre heures sans avoir vu le temps passer.
Après deux saisons plutôt moyennes, la série a retrouvé
le punch de ses débuts. VENDREDI. Courrier.
J'envoie des voeux, des coupures et une lettre au Tribunal de Grande Instance
de Paris. Arrivée de voeux d'Aveyron.
Lecture/écriture. René Fallet, vingt ans après,
colloque de Cusset, 17-18 octobre 2003, actes publiés sous la direction
de Marc Sourdot (Maisonneuve & Larose, 2005, 174 p., 20 €). Chronique
adressée à Histoires littéraires. Cinéma.
Lord of War (Andrew Niccol, E.-U., 2005 avec Nicolas Cage, Ethan Hawke,
Jared Leto, Bridget Moynahan, Eamonn Walker, Ian Holm, Sammi Rotibi, Steve J.
Termath, Nalu Tripician). La vie d'un trafiquant d'armes international.
On avait déjà pu le constater dans S1m0ne avec Al Pacino,
Andrew Niccol fait ses films pour servir ses interprètes, mettre en valeur
une vedette. C'est encore le cas ici avec un Nicolas Cage présent dans
pratiquement tous les plans et en plus en voix off. Il campe un marchand d'armes
sans scrupules, une ordure sans conscience mais comme c'est Nicolas Cage, un acteur
qui suscite une sympathie immédiate, on ne lui en veut pas vraiment. C'est
pour lui qu'on reste jusqu'au bout, parce que les messages véhiculés
par le film (les armes tuent, ceux qui les vendent sont mauvais, l'Afrique est
une région pauvre) sont un rien simplistes même s'ils sont généralement
absents du film américain de base. On regrette que le réalisateur
n'ait pas axé son histoire sur la traque dont son héros fait l'objet
de la part d'un agent du FBI acharné à sa perte. On aurait pu alors
établir une comparaison avec Attrape-moi si tu peux de Spielberg
et, au moins, avoir un film un peu plus haletant, celui qu'on ne devine que dans
les trois séquences mettant ces deux personnages face à face.
SAMEDI. Courriel. Une demande
de désabonnement aux notules. TV.
Alive (Frédéric Berthe, France/Belgique, 2004 avec Richard
Anconina, Maxim Nucci, Valeria Golino; diffusé sur Canal + en novembre
2005). On aurait pu croire Richard Anconina vacciné contre les films
musicaux depuis sa prestation en rocker dans Paroles et musique d'Elie
Chouraqui. Eh bien non, vingt ans plus tard, il récidive avec un film encore
plus mauvais où il interprète un metteur en scène de comédies
musicales qui, après une séparation et une dépression, monte
un nouveau spectacle avec une troupe de jeunes chanteurs et danseurs inconnus.
Auditions, répétitions, pas de danse, bêlements sonores, confidences
de coulisses, on sent la volonté d'exploiter le filon Star Academy. Les
chanteurs ont la même voix que ceux qui sont "découverts"
par ce genre d'émission, puissante à l'excès, dépourvue
de grain et apte à produire des effets faciles. La musique, s'il faut la
mentionner, est consternante. Allez, tous en choeur : "Le plus beau de
tous les cadeaux du monde C'est de se donner à ceux qu'on aime Le
plus grand de tous les bonheurs du monde C'est d'être là pour
ceux qu'on aime A chaque seconde." Bon dimanche. Notules
dominicales de culture domestique n°242 - 15 janvier 2006 DIMANCHE.
Vie régalienne. Encore une fois, j'échappe
à la fève cachée dans la traditionnelle galette. C'est un
soulagement : qu'on imagine mon embarras et les inimitiés qui ne manqueraient
pas de se produire si j'avais à choisir une reine parmi mes commensales.
Je préfère le rôle de consort qui ne manque bien sûr
jamais de m'échoir et qui me permet aujourd'hui d'imposer une sortie vers
Bettegney-Saint-Brice et son monument aux morts. TV.
La Rue rouge (Scarlet Street, Fritz Lang, E.-U., 1945
avec Edward G. Robinson, Joan Bennett, Dan Duryea; DVD 10 Grands Classiques du
cinéma américain/Le Figaro). Un modeste caissier se laisse séduire
par une créature qui exploite ses talents de peintre. On aura reconnu
l'argument de La Chienne de Jean Renoir dont Fritz Lang réalise
ici un remake assez fidèle. On a bien sûr du mal à oublier
Michel Simon mais Edward G. Robinson n'est tout de même pas n'importe qui.
La seule différence de traitement survient à la fin de l'histoire
où Lang insiste beaucoup plus sur le remords qui taraude le peintre après
le meurtre qu'il a commis, ce qui correspondait sans doute davantage aux attentes
des producteurs et des spectateurs américains. Curiosité. Je
n'ai jamais su à quoi ressemblait un pic à glace. La Série
Noire des années cinquante regorge de crimes commis à l'aide d'un
pic à glace, une arme presque aussi prisée que le revolver par les
voyous américains. Je l'ai imaginé d'abord comme une pince à
sucre (comme pour saisir des glaçons), puis comme une sorte de petit piolet
d'alpiniste, deux images qui ne m'ont jamais vraiment satisfait. Enfin Fritz Lang
vint : le peintre assassine sa maîtresse avec un pic à glace, l'objet
est nommé (icepick) et visible. Il ressemble à un couteau
à huîtres. Je suis un peu déçu. J'aimais bien mon petit
piolet... Lecture/écriture.
Le sang nouveau est arrivé. L'horreur SDF (Patrick Declerck, Gallimard,
nrf, 2005; 96 p., 5,50 €). Chronique rédigée pour
La Liberté de l'Est. LUNDI. Noël
(fin). Le Père Noël de la pharmacie redescend sur terre.
L'opération est plus facile à conduire que son ascension, grâce
à la présence de H, alpiniste chevronné et au choix de le
faire descendre par l'arrière de la bâtisse, ce qui évite
tout risque de le voir défoncer la vitrine. TV.
A boire (Marion Vernoux, France, 2004 avec Emmanuelle Béart, Edouard
Baer, Atmen Kelif; diffusé sur Canal + en janvier 2006). Ce n'est pas
la première fois qu'on imagine qu'il suffit de rassembler quelques personnages
bien typés dans une station de sports d'hiver pour faire naître le
comique : le sol est glissant, la neige amortit les chocs, les moeurs s'allègent
avec l'altitude et la fondue coule à flots. Le résultat peut être
formidable (Les Bronzés font du ski) ou pitoyable (Les Marmottes,
La Femme de mon pote) selon le soin apporté au seul scénario,
car question mise en scène, le thème n'apparaît pas très
stimulant (les faux raccords repérés ici semblent le prouver une
fois de plus). A boire répondrait parfaitement à la deuxième
définition, tant il est creux et convenu, n'était la présence
d'Edouard Baer. Celui-ci campe un médecin dépressif alcoolique,
venu se ressourcer au grand air mais qui ne saurait se contenter de l'ivresse
des cimes. Toujours entre deux vins, le goulot à portée de lippe,
la démarche chaloupée de ceux qui savent boire beaucoup et longtemps,
il est extraordinaire et sauve largement l'entreprise. MARDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.
TV. Citizen Welles (RKO 281, Benjamin
Ross, E.-U., 1999 avec Liev Schreiber, James Cromwell, Melanie Griffith; DVD DVDY
Films). Hollywood, 1939. Orson Welles, vingt-quatre ans, arrive de New York
précédé d'une réputation flatteuse et entreprend le
tournage de Citizen Kane. William Randolph Hearst, magnat de la presse
qui sert de modèle à Kane, fait tout pour empêcher la sortie
du film. Orson Welles méritait certainement un film plus à sa
mesure et un autre interprète mais quand on s'intéresse au bonhomme
et à Citizen Kane, tout est bon à prendre. Benjamin Ross
n'est pas non plus un biographe très fiable, il brode allègrement
sur la réalité, incorpore les ragots et les légendes et l'intervention,
en bonus, de l'historien du cinéma Jean-Pierre Berthomé vient remettre
les pendules à l'heure : Welles, contrairement à ce que montre le
film, n'a jamais été invité à San Simeon (la demeure
de Hearst qui sert de modèle à Xanadu), Welles n'a jamais décidé
sur un coup de tête de défoncer un plancher pour obtenir de sa caméra
une contreplongée plus accentuée, Welles et Hearst ne se sont sans
doute jamais rencontrés. N'empêche qu'on y croit et qu'on suit avec
passion cette histoire. Parce qu'on y retrouve Xanadu (les fenêtres à
croisillons, le grand hall), parce qu'on y retrouve des plans copiés sur
ceux du film, parce qu'on y apprend aussi des choses vraies : les relations Welles
- Mankiewicz (Herman, scénariste, frère de Joseph le réalisateur),
l'opération commune des studios pour bloquer le film de peur que Hearst
leur refuse toute publicité, la mise en péril de la RKO par Welles...
On y voit aussi Bernard Herrmann au travail sur la musique, Carole Lombard, Walt
Disney, Clark Gable... Et on se prend à rêver : si un jour Scorsese
pouvait nous sortir un Welles de la trempe de son Hughes dans Aviator...
MERCREDI. Emplettes. J'achète
des billets de train et Ramuz en Pléiade. Lecture.
Dictionnaire du roman policier 1841 - 2005 (Jean Tulard, Fayard; 770 p.,
35 €). Chronique rédigée pour Histoires littéraires.
TV. Tu vas rire mais je te quitte
(Philippe Harel, France, 2005 avec Judith Godrèche, Sagamore Stévenin,
Coralie Revel). Une comédienne trentenaire végète de
sitcoms en pubs sans réussir à décrocher un rôle intéressant.
Elle met dehors son petit ami et se lance dans de nouvelles aventures sentimentales.
C'est un peu désolant de voir Philippe Harel, dont on a déjà
vu des choses autrement intéressantes, se contenter de films dignes d'un
cinéaste débutant sans imagination. Judith Godrèche joue
une fois de plus les nunuches, et on va finir par croire que c'est parce qu'elle
ne sait rien faire d'autre. Ses mésaventures sentimentales la conduisant
dans le milieu littéraire, on a tout de même la satisfaction de voir
apparaître des acteurs et figurants inattendus comme Frédéric
Beigbeider et Dominique Noguez. Comme Harel est tout de même un peu au-dessus
de la mêlée, il y a quelques éclairs d'intérêt,
quelques dialogues percutants, quelques situations intéressantes (l'idylle
avec le philosophe qui n'aboutit à rien, contre toute attente) mais ça
reste un film très paresseux. JEUDI. Vie
professionnelle. Divine surprise au collège où le verglas
qui s'est abattu sur la région a empêché le passage des bus.
J'occupe sans mal la poignée de courageux qui ont bravé les intempéries
et passe la journée à traiter le travail scolaire en souffrance
et à lire in extenso le Roman de l'année de Libération.
Courrier. La Voix du Nord m'envoie le
dernier roman de CD, notulien. TV. 24
heures chrono (24, série américaine de Robert Cochran &
Joel Surnow avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, William Devane, Mary Lynn Rajskub;
saison 4, épisodes 15 & 16, diffusés sur Canal + le soir même).
VENDREDI. Cinéma.
Au revoir les enfants (Louis Malle, France, 1987 avec Gaspard Manesse,
Raphaël Fejtö, Francine Racette, Philippe Morier-Genoud, Stanislas Carré
de Malberg, François Berléand, François Négret, Peter
Fitz, Pascal Rivet; vu dans le cadre de la formation Collège au Cinéma).
1944. Julien, fils d'un industriel, se lie d'amitié avec Jean, un garçon
juif inscrit dans un pensionnat religieux sous une fausse identité.
Louis Malle, après un long exil aux Etats-Unis, signe son retour en France
avec ce film qui remporta un succès critique et public quasi unanime (Lion
d'Or, Prix Louis-Delluc, moult Césars, millions de spectateurs). C'était
comme si on voulait fêter le retour du réalisateur à un cinéma
consensuel (éléments autobiographiques, histoire d'enfance, histoire
de France, émotion juste) après avoir causé pas mal de malaises
avec ses oeuvres précédentes, du Feu follet à Lacombe
Lucien, comme si justement Au revoir les enfants effaçait l'ardoise
de Lacombe Lucien, l'histoire d'un enfant juif contre le parcours d'un
jeune collabo. C'est un peu moins simple que cela, car Louis Malle montre une
fois de plus comment, dans cette période de l'histoire, une vie peut basculer
d'un côté ou de l'autre à partir d'un hasard, d'une rencontre
(voir ici le personnage de Joseph, qui dénonce Jean aux Allemands pour
se venger d'avoir été mis à la porte du collège).
La direction d'acteurs est magnifique, les jeunes garçons jouent avec une
justesse et une sobriété étonnantes. L'après-midi,
au cours de laquelle un formateur un rien suffisant intervient sur le film, est
une torture. TV. Dédée
d'Anvers (Yves Allégret, France, 1947 avec Simone Signoret, Bernard
Blier, Jane Marken, Marcel Pagliero, Marcel Dalio, Marcel Dieudonné; diffusé
sur Paris Première en ?). Une prostituée d'un bar d'Anvers est
résolue à quitter son souteneur pour partir avec un marin italien.
Dédée d'Anvers ouvre une sorte de trilogie noire qu'Yves
Allégret tourna entre 1947 et 1949. Il faudrait voir les films dans l'ordre
car leur qualité va croissant : Une si jolie petite plage est supérieur
à Dédée et Manèges, qui clôt le
cycle en mettant à nouveau aux prises Blier et Signoret, est un chef-d'oeuvre.
Ici, Allégret est si occupé à soigner l'atmosphère,
le port recréé à Joinville (le bourgmestre d'Anvers avait
refusé l'autorisation de tourner dans sa ville) avec ses bars louches,
ses quais et ses pavés gras, qu'il semble ne pas se rendre compte de la
minceur de son intrigue. L'histoire et les personnages sont vraiment stéréotypés,
et on est plus proche du naturalisme que du réalisme poétique à
la Carné. On lira avec profit le long article que Bernard Chardère
consacre à Allégret dans Positif de décembre 2005.
SAMEDI. Courrier. Le facteur
ploie sous le faix de la somme que MF, notulien, a consacrée à Céline
et la musique, apte à combler mon "goût définitif des
vieilleries musicales sur disques crachotants". TV.
L'Ennemi naturel (Pierre Erwan Guillaume, France, 2004 avec
Jalil Lespert, Aurélien Recoing; diffusé sur Canal + en décembre
2005). Un jeune lieutenant de police enquête sur la mort d'un adolescent
dans un village de Bretagne. Un premier film dû à quelqu'un qui,
qu'on l'apprécie ou non, a un certain style. La maladresse de l'enquêteur,
sa capacité à braquer tout le monde contre lui en font un personnage
intéressant. En ce qui concernes les acteurs, on voit ici réunis
les deux protagonistes des deux meilleurs films de Laurent Cantet, Lespert (Ressources
humaines) et Recoing (L'Emploi du temps). Curiosité. On
peut remarquer, chez Pierre Erwan Guillaume, un certain goût pour les corps
d'hommes nus, filmés sous toutes les coutures. Ce qui permet de constater
que la nature ne s'est pas montrée ingrate avec Aurélien Recoing.
Le reste, après ça, s'oublie très vite. Bon dimanche. Notules
dominicales de culture domestique n°243 - 22 janvier 2006 DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
Il n'y a pas de monument aux morts à Bettoncourt, à moins qu'il
ne soit dissimulé dans l'église fermée. Ça permet
au moins de ne pas s'attarder dans cette localité qui aurait une belle
place au palmarès des villages les plus moches et les plus sales de France.
Lecture/écriture. Géométrie
variable (Olivier Bordaçarre, Fayard; 168 p., 14 €). Chronique
rédigée pour La Liberté de l'Est. TV.
Poussière d'ange (Edouard Niermans, France, 1987 avec Bernard Giraudeau,
Fanny Bastien, Fanny Cottençon, Jean-Pierre Sentier; diffusé sur
Canal + en ?). Un flic alcoolique et quitté par sa femme se lie avec
une jeune fille mystérieuse qui semble liée à une série
de meurtres. C'est sans doute avec Série noire une des réussites
majeures du cinéma policier français des années 80. Bernard
Giraudeau, paumé, hagard, y traîne la même dégaine que
Patrick Dewaere dans le film d'Alain Corneau, prisonnier d'un univers urbain fantomatique.
Si Niermans excelle dans la création de l'atmosphère délétère
qui est le principal atout du film, il prend soin de tenir le spectateur en haleine
grâce à un solide scénario. Celui-ci est dû à
Jacques Audiard, qui devait par la suite passer à la réalisation
avec le succès que l'on connaît. LUNDI. Courrier.
J'envoie un mot à CD, des coupures à Y et à Paul Fournel.
Presse. Parution de ma critique des Miscellanées
de Mr. Schott dans La Liberté de l'Est, disponible ici : http://pdidion.free.fr/chroniques/chroniques_2006.htm
Lecture. Teckel (Les Contrebandiers
Éditeurs, n° 3, hiver 2005; 96 p., 10 €). Revue de "Folies
littéraires". Il aura malheureusement suffi de trois numéros
pour que l'intérêt pour cette revue retombe. On a beau avoir de l'affection
pour celui qui la préside (Jean-Bernard Pouy) et pour ceux qui y oeuvrent
(Jacques Vallet, Francis Mizio, Alain Chevrier, Patrice Caumon...), on a la désagréable
impression que ça manque de sel. Les "lettres à cinquante balles"
de Patrice Minet sentent le réchauffé, les anagrammes sentent l'exercice
scolaire, la lettre de Jacques Theillaud sent la blague Carambar, les acrostiches
scatologiques de Rémi Schulz sentent autre chose, la parodie de confession
d'Amélie Nothomb lasse (et fait mourir Roland Barthes boulevard Saint-Michel
en lieu et place de la rue des Ecoles), les monosyllabes d'Alain Chevrier ne sont
pas ce qu'il a fait de mieux. Il faut attendre les dernières pages et la
suite du dossier Altagor dû à Marc Vernier pour sentir l'intérêt
s'éveiller à la lecture d'un texte d'abord totalement obscur mais
qui finit par révéler la beauté de ses alexandrins cachés :
"J'avais imaginé de suprêmes orgies, des pourpres et des nus
parfois convulsés d'or... J'ai conçu des pervers plus divins que
des dieux..." Courriel. Message
d'un témoin de l'affaire des tueurs de l'Ardèche. TV.
Les Dalton (Philippe Haïm, France/Allemagne/Espagne, 2004 avec Eric
Judor, Ramzy Bedia, Til Schweiger, Marthe Villalonga; diffusé sur Canal
+ en janvier 2006). Simple mais éprouvante confirmation, après
L'Enquête corse d'après Pétillon, de l'inanité
des récentes adaptations de bandes dessinées françaises au
cinéma. Prudent, Jean Rochefort ne s'est guère impliqué,
se contentant d'interpréter la voix de Jolly Jumper. Plus sage encore,
Goscinny a fait le geste de mourir avant de voir ça. MARDI.
Courriel. Je tente de prendre langue avec
le pharmacien responsable du musée Alphonse Allais à Honfleur.
TV. Millionnaires d'un jour (André
Hunebelle, France, 1949 avec Ginette Leclerc, Gaby Morlay, Pierre Larquey, Bernard
Lajarrige, Yves Deniaud, Pierre Brasseur; diffusé sur CinéClassics
en novembre 2004). Un journal se trompe de numéro dans l'annonce des
résultats de la Loterie Nationale. Quatre personnes se croient millionnaires
pendant un moment : un clochard, une femme au foyer, un gangster et un centenaire.
Le cadre choisi est celui du tribunal où l'on juge le journaliste coupable
de la boulette typographique. A l'intérieur, quatre longues séquences
font revivre les aventures des faux vainqueurs. Ces sketches donnent lieu à
deux beaux numéros de comédiens, Yves Deniaud en cloche, véritable
plagiaire de Coluche par anticipation, et le méconnu Jean Brochard en mari
tyrannique. Les performances de Pierre Brasseur en mauvais garçon et de
Pierre Larquey en vieillard increvable sont moins réussies mais l'ensemble
est très réjouissant, très drôle et donne une image
valorisante du cinéma comique de l'époque, qui pouvait aussi fonctionner
sans Fernandel. Louis de Funès apparaît dans un petit rôle,
mais il n'a pas encore droit à la parole. MERCREDI.
Lecture. Le Père-Lachaise (Christian
Charlet, Gallimard, coll. Découvertes/Culture et société
n° 441; 128 p., s.p.m.). "Au coeur du Paris des vivants et des morts"
L'intérêt de ce petit volume tient au fait qu'il ne se contente pas
de nous faire visiter le célèbre cimetière parisien, mais
qu'il contient aussi une réflexion pertinente sur la mort et les lieux
prévus pour l'accueillir. Bien sûr, l'auteur ne peut éviter
de mentionner les tombes de Morrison, de Victor Noir ou d'Oscar Wilde, de donner
la liste des personnalités qui sont au Père-Lachaise (et de celles
qui n'y sont pas), mais son propos est plus riche que cela. En retraçant
la genèse du lieu, il donne un bon aperçu historique de la place
de la mort dans la société, principalement urbaine, à partir
du Moyen Âge. On apprend comment on est passé des nécropoles
hors de la ville aux cimetières attenant aux églises, du lieu clos
réservé aux morts à l'espace public, de la fosse commune
à la sépulture individuelle, évolutions tenant principalement
au décret du 12 juin 1804. Ce texte s'appuie sur deux règles, celle
de l'hygiène et de la salubrité ("Le cimetière sera
un jardin, on y fera des plantations en prenant des précautions convenables
pour la circulation de l'air") et celle de l'égalité, chacun
ayant droit à y reposer. L'histoire du Père-Lachaise proprement
dit, ancienne propriété des Jésuites, est plus connue, mais
l'auteur met en valeur le rôle de l'architecte Brongniart (celui de la Bourse)
dans sa conception de cimetière-jardin. Le lieu ne rencontre pas un succès
immédiat, les Parisiens sont réticents à venir y enterrer
leurs morts jusqu'à ce que le gouvernement décide d'y transférer
quelques figures prestigieuses comme Molière ou La Fontaine. Puis viendront
les généraux napoléoniens, les événements historiques
et politiques (la Commune) qui en feront un lieu incontournable. On passe ensuite
à l'aspect économique avec toutes les entreprises funéraires
qui s'installent aux abords du cimetière et à l'architecture, les
dalles, les stèles, les cippes, les chapelles, les sarcophages, les mausolées,
les gisants, les pleureuses... Si Christian Charlet est, au sein de la Ville de
Paris, l'historien des cimetières parisiens, il est aussi conseiller culturel
auprès des conservateurs et impliqué dans les actions de sauvegarde
du patrimoine funéraire. Cette spécialité lui permet de terminer
son livre par une réflexion sur les problèmes du Père-Lachaise
d'aujourd'hui : vieillissement du site, surpopulation aussi bien chez les allongés
que chez les visiteurs, conservation du patrimoine minéral et végétal.
L'iconographie est très soignée (c'est un des atouts de la collection)
avec de nombreuses photos mais aussi un nombre important de gravures et peintures
qui montrent que le Père-Lachaise est un lieu particulièrement prisé
par les artistes. Curiosité. Si l'on visite, ne pas manquer l'épitaphe
du général Nansouty (27° division) : "Durant toute ma vie,
je n'ai fait de mal à personne."
Scène de rue. Place des Vosges. J'attends le bus qui doit me
ramener du marché. Passe un jeune homme, fringué comme quelqu'un
qui a quelque chose à vendre, accompagné d'une jeune collègue
qu'il semble chaperonner et initier aux arcanes de sa profession. Soudain, il
s'agenouille et dégaine un petit appareil. "Attends, on va voir où
on est." Il tapote, l'air sûr de lui et dominateur, sur ce qui doit
être un GPS. Au bout d'un moment, il se relève, essuie son pantalon,
m'avise et m'apostrophe : "Pardon monsieur, la rue des Halles ?" C'est
à deux pas. Je l'envoie à l'autre bout de la ville avec sa quincaillerie.
TV. El Bola (Achero Manas, Espagne,
2000 avec Juan José Ballesta, Pablo Galan, Alberto Jimenez, Manuel Maron;
diffusé sur Canal + en novembre 2005). El Bola, 12 ans, vit à
Madrid. L'arrivée d'un nouveau venu dans son école lui permet de
découvrir l'amitié et d'oublier les mauvais traitements que lui
inflige son père. Deux doigts de Grand Meaulnes, un soupçon
de Quatre cents coups, une bonne recette assurément pour ce qu'on
pourrait prendre pour un film ordinaire sur l'enfance. Mais il y a plus, avec
la violence paternelle dont la présence se fait de plus en plus sentir
au fur et à mesure que le film progresse. D'abord insoupçonnable,
puis diffuse, elle finit par éclater au grand jour et devenir l'axe central
de l'histoire. Le réalisateur traite ce sujet avec beaucoup de justesse
et de retenue, montre la vérité derrière les apparences (le
bon commerçant est une brute, le marginal est un homme droit) et fait de
son premier film une réussite incontestable. JEUDI.
Vie éditoriale. Je reçois le
numéro 24 d'Histoires littéraires qui contient ma "Chronique
de l'actualité littéraire" et deux de mes critiques de livres.
Je manie le coupe-papier avec fébrilité, ça fait un moment
que j'attends ça, je biche. TV.
24 heures chrono (24, série américaine de Robert Cochran
& Joel Surnow avec Kiefer Sutherland, Kim Raver, William Devane, Mary Lynn
Rajskub; saison 4, épisodes 17 & 18, diffusés sur Canal + le
soir même). VENDREDI. Transhumance.
Je pars pour Paris par le train de huit heures.
Cinéma. Les Jeux de la Comtesse Dolingen de Gratz (Catherine
Binet, France, 1981 avec Michael Lonsdale, Carol Kane, Katia Wastchenko, Marina
Vlady, Roberto Plate, Marilu Marini, Emmanuelle Riva; vu à l'Accatone,
rue Cujas). Depuis plusieurs mois, l'Accatone programme ce film produit par
Georges Perec et réalisé par sa compagne, à raison d'une
séance hebdomadaire, le vendredi après-midi. Je ne pensais pas être
en mesure de le voir un jour, mais comme cette semaine est une période
chanceuse (joli coup au PMU, édition, emploi du temps professionnel réduit
qui me permet de me tailler plus tôt que d'habitude), c'est fait. La lecture
des Fleurs de la Toussaint de Catherine Binet m'a un peu familiarisé
avec cette personne et son univers, ce qui est préférable car il
y a de quoi être désarçonné. Elle fait de son film
un mélange de trois histoires, à la limite du fantastique, dans
lesquelles on retrouve des thèmes de Dracula, Edgar Poe, Unica Zürn,
Hans Bellmer, Jules Verne, et une ambiance qui rappelle celle des livres de Jean
Ray. Elle s'offre une vedette, Lonsdale, mais à part dans la séquence
finale, ne le filme que de façon à ce que son visage n'apparaisse
pas. C'est lui qui est au coeur de l'histoire la plus intéressante, celle
d'un homme qui, voyant sa maison de campagne cambriolée à plusieurs
reprises, imagine un stratagème diabolique pour se débarrasser du
monte-en-l'air. Ailleurs, on suit une très jeune fille qui tombe amoureuse
d'un bellâtre, étonnant sosie de Jean-Edern Hallier (Roberto Plate,
qui est aussi le décorateur du film, il faut utiliser toutes les compétences),
et on fait le portrait de la femme de l'homme cambriolé, très obscur.
Le film a été montré à Cannes, la critique l'a assez
bien reçu mais le public n'a pas suivi. On comprend cela. J'espère
en apprendre plus dans le prochain numéro des Cahiers Georges Perec consacré
aux relations entre l'écrivain et le cinéma. Vie
parisienne. Je flâne dans les librairies, Compagnie, Gibert,
les PUF, place de la Sorbonne, où je prends quelques photos. C'est la première
fois que j'y entre, c'est aussi la dernière puisqu'elle va fermer pour
laisser place à un marchand d'habits dont la "dernière campagne
de communication, telle qu'on la découvre sur son site, prend la forme
d'une affiche où explose en lettres gothiques un violent amour de l'avenir,
exprimé en peu de mots : Love 2006 et en dessous : Fuck 2005. Tout en bas
de l'affiche est écrit en plus petits caractères : D... (la marque
de nippes) philosophy. Concision remarquable." (Libération du 19 janvier).
A l'intérieur, on brade, on liquide et tout le monde fait la tronche, les
clients comme les vendeurs. Sur l'autre rive, je croise Agathe Fallet sur
le quai de la Mégisserie. C'est nocturne au Louvre, je stagne un moment
au café Marly avant de me mettre au boulot : fin de la galerie Médicis
et entame de la salle 19, aile Richelieu, deuxième étage. SAMEDI.
Vie parisienne (suite). Séminaire Perec
à Jussieu. Bernard Magné accueille Magné Bernard pour une
étude du Perec préfacier. Comme à son habitude, Magné
commence par quadriller le terrain, préciser la nomenclature qu'il va utiliser
(celle de Genette en l'espèce), distinguer préfaces allographes
(écrites pour d'autres auteurs) et préfaces auctoriales (destinées
à ses propres livres). Pour les premières, accompagnant des oeuvres
de Roger Price, Gotlib ou Raymond Queneau, il remarque l'homologie entre les préfaces
et les textes préfacés, souligne l'empathie entre les unes et les
autres. Perec s'adapte, se coule dans le moule des auteurs qu'il accompagne. Quand
il s'agit de ses propres oeuvres, ses avant-propos, post-scriptum et autres préambules
sont bien plus que de vagues textes de présentation. Ils appartiennent
entièrement au texte encadré. Bernard Magné montre une fois
de plus l'importance des réseaux dans les livres de Perec, comment certaines
composantes se répondent et se complètent de l'un à l'autre.
C'est l'avant-propos d'Espèces d'espaces qui contient des éléments
que l'on retrouve dans W ou le souvenir d'enfance et dans Je me souviens.
C'est aussi le post-scriptum de La Vie mode d'emploi qui est un véritable
trompe-l'oeil avec sa liste de trente écrivains cités dans le roman,
certains de façon uniquement allusive. Il faut bien sûr un oeil aiguisé
pour voir autant de choses dans des lignes qui semblent anodines, qu'on lit en
vitesse avant d'attaquer l'oeuvre proprement dite. Celui de Magné est parfaitement
affûté pour suivre des chemins que Perec n'a pas spécialement
balisés. Mais la conclusion est évidente : même dans les textes
de complément, Perec est Perec, il ne néglige rien et sature de
sens l'espace écrit. Je retourne dans ma pizzeria marocaine de la rue
des Boulangers, y récupère le recueil de Scipion que j'avais oublié
le mois dernier et passe l'après-midi à la Bilipo. Lecture.
La mort au fond du canyon (Savage Run, C.J. Box, G.P. Putnam's Sons, 2002;
Editions du Seuil, coll. Points P1394, 2004, pour la traduction française;
traduit de l'américain par William Olivier Desmond; 352 p., 7€).
"Au troisième jour de leur lune de miel, Stewie Woods, écolo
activiste à la notoriété douteuse, et son épouse,
Annabel Bellotti, cloutaient des arbres dans la forêt nationale de Bighorn
lorsqu'une vache explosa et les mit en pièces." L'incipit est du genre
explosif : le pays, le Wyoming, est en guerre. Une guerre qui oppose les éleveurs
propriétaires de ranch aux écologistes radicaux, dits aussi écoterroristes.
Au milieu de ce conflit, le paisible Joe Pickett, garde-chasse de son état,
découvert dans Détonations rapprochées, le précédent
livre de Box. Pickett est un personnage très attachant, il n'a rien d'un
héros, il tire mal, il est maladroit dans ses gestes et ses paroles, mais
il ne supporte pas l'injustice, la corruption, les privilèges indus, ce
qui l'amène une fois de plus à se battre contre plus fort que lui,
le pouvoir, l'argent, la hiérarchie. C.J. Box est en train de s'affirmer
comme un excellent spécialiste du polar écologiste. Sa connaissance
du terrain, due à son expérience professionnelle, et son sens du
récit laissent présager de beaux jours encore pour Joe Pickett.
C'est un peu du Jim Harrison avec beaucoup moins de whisky et beaucoup plus de
suspense. La chasse à l'homme qui occupe la deuxième moitié
du livre est un modèle dans le genre western. Curiosité. "Faire
exploser une vache n'est qu'une variante de leurs turlupinades, reprit Barnum.
Encore une de leurs singeries pour bloquer la machine. C'est un écrivain
qui a inventé ça pour faire la promo du sabotage au nom de l'environnement.
L'est mort, le type. - Edward Abbey, dit Joe. Il s'appelait Edward Abbey.
Il a écrit un bouquin qui s'appelait The Monkeywrench Gang."
Le livre d'Edward Abbey vient d'être traduit chez un nouvel éditeur,
Gallmeister, qui veut se consacrer aux écrivains de la nature. Son titre,
fidèlement traduit (Le gang de la clef à molette) fait référence
à l'outil de prédilection des activistes de l'écologie, qui
s'en servent pour saboter les engins de chantier. Pépites de traduction.
"Deux femmes de forte corpulence, l' une avec une luxuriante chevelure châtaine,
l'autre avec des cheveux droits et courts..." (p. 73). "D'où
il se tenait, le Vieux apercevait un couloir donnant sur un séjour en contrebas
et spartiatement meublé de sièges en cuir." (p. 86) "Un
fois, alors qu'il venait d'intercepter une passe [...] et fonçait jusqu'à
l'en-but pour y déposer le ballon, il s'était tourné vers
la tribune où se tenaient les supporters de Saddlestring et avait épelé
M-A-R-Y avec ses longs bras, car il savait qu'elle regardait la partie avec ses
amies." (p.93) "Joe, Marybeth et leur correspondant prirent conscience
en même temps qu'elle venait de le tutoyer." (p. 180) Bon dimanche. Notules
dominicales de culture domestique n°244 - 29 janvier 2006 DIMANCHE.
Vie parisienne (suite). Fort des enseignements
puisés chez Christian Charlet, je me lance dans une virée au Père-Lachaise.
J'arrive par l'entrée Gambetta, choix judicieux qui permet une promenade
dans le sens de la descente et au calme (peu de visiteurs, ce fut mon cas la première
fois, parviennent au sommet après avoir commencé la visite par l'entrée
principale). Il n' y a pas non plus de vendeurs de plans à la sauvette,
ce qui autorise l'arpentage aléatoire que j'étais venu chercher.
Le hasard fait bien les choses puisqu'au bout de quelques pas je tombe sur la
sépulture de Raymond Roussel, solus en ce locus, ce qui suffirait à
faire mon bonheur du jour. Après, ce sont les monuments consacrés
aux camps de déportation, le Mur des Fédérés, récemment
fleuri (belle couronne : "A notre camarade actuel Marx") et le carré
du PCF (tombe de Duclos, "éminent dirigeant"). Je suis doucement
la pente, rencontre peu de célébrités mais les anonymes et
les oubliés sont aussi intéressants. Il y a là de quoi satisfaire
l'amateur de palindromes et l'apothicaire restée au pays. Je
passe à la viande un peu moins froide dans une brasserie de Ménilmontant
et repars par le 13 heures 44. TV.
Nuit et Brouillard (Alain Resnais, France, 1956; diffusé sur ARTE
en ?). Il est intéressant de voir ce qui restait de ce film à
trente ans de distance. C'était au lycée, probablement en cours
d'histoire. On ne parlait pas encore du képi du gendarme du camp de Pithiviers
(avait-il été effacé des photos tirées du film ou
avait-on coupé le plan ?) bien visible ici. J'avais le souvenir d'un film
entièrement en noir et blanc, oublié les vues en couleur des sites
tournées pour le film mais pas la voix de Michel Bouquet, les bulldozers
charriant les corps, les yeux hallucinés de ce prisonnier qui m'ont longtemps
hanté ni l'interminable travelling sur les latrines. LUNDI.
TV. Les Revenants (Robin Campillo,
France, 2004 avec Géraldine Pailhas, Jonathan Zaccaï, Frédéric
Pierrot; diffusé sur Canal + en octobre 2005). Un beau jour, les morts
quittent les cimetières et reprennent leur place dans le monde des vivants.
Les autorités d'une petite ville tentent de s'organiser : identification,
retour au foyer familial, retour au travail. Mais les morts font preuve d'un comportement
étrange : aphasie, lenteur, déambulations nocturnes, regroupements...
jusqu'à en devenir menaçants. Voilà qui a de quoi intriguer
après une visite au Père-Lachaise. Robin Campillo réussit
le pari de faire un film fantastique sans puiser dans la gamme des effets spéciaux.
Tout est une affaire de climat, de regards, de paroles décalées.
A la fin, les morts retournent d'où ils sont venus mais le malaise qu'ils
ont réussi à créer perdure bien après le générique...
MARDI. TV. La Piste des
géants (The Big Trail, Raoul Walsh, E.-U., 1930 avec John Wayne,
Marguerite Churchill, Tully Marshall, El Brendel, David Rollins, Frederick Burton;
diffusé sur FR3 en octobre 1991). Breck Coleman prend la tête
d'une caravane de colons désireux de s'implanter dans l'Oregon. Il compte
profiter de ce voyage pour retrouver les meurtriers d'un de ses amis. Mentionnons
de suite les défauts de l'objet : film bavard, trop long, parfois ennuyeux.
Mais qui possède un double intérêt : d'abord, c'est le premier
grand rôle de John Wayne, son quatrième ou cinquième film
mais le premier qui le met en vedette. Le jeu est encore fruste, l'attitude un
rien figée, mais la stature et l'accent traînant sont déjà
là. Ensuite, il faut le voir davantage comme un documentaire que comme
le récit d'une entreprise individuelle : la vengeance de Breck Coleman
intéresse moins Raoul Walsh que l'aventure collective des pionniers auxquels
il veut rendre hommage. Il reconstitue avec soin la vie de la caravane, peuplée
de gens humbles désireux de trouver un pays. Les difficultés du
terrain (la traversée apocalyptique d'une rivière sous l'orage constitue
le morceau de bravoure du film), l'hostilité des Indiens (pas tous, certains
font partie de la caravane), les problèmes relationnels qui s'élèvent
entre eux ne parviennent qu'à rendre plus forte leur détermination.
Raoul Walsh fait ici une incursion remarquée sur le territoire de John
Ford et met en place les codes du western. MERCREDI. Courrier.
A force d'écrire dans les gazettes, il fallait bien qu'un jour
ou l'autre les lecteurs se manifestent. La première lettre que je reçois
est signée Agathe Fallet. Vie familiale.
Les filles m'accompagnent à la bibliothèque municipale où
nous n'avons pas mis les pieds depuis bien longtemps. J'en profite pour régler
nos cotisations, saluer DDL, emprunter le Faust de Goethe et remplir une
fiche de suggestion d'achat ou plutôt d'abonnement à Histoires littéraires.
TV. Quand je serai star (Patrick
Mimouni, France, 2004 avec Arielle Dombasle, Yvan Fahl, Pierre-Loup Rajot, Nini
Crépon; diffusé sur Canal + en janvier 2006). Improbable pensum
qui met aux prises, via des dialogues d'une rare ineptie, une comédienne
sur le déclin et son jeune fils homosexuel. On apprend au générique
final que Frédéric Mitterrand et Bernard-Henry Lévy ont participé
à l'aventure, ce qui ne rassurera pas ceux qui tiennent à leur santé.
JEUDI. TV. 24 heures chrono
(24, série américaine de Robert Cochran & Joel Surnow avec Kiefer
Sutherland, Kim Raver, William Devane, Mary Lynn Rajskub; saison 4, épisodes
19 & 20, diffusés sur Canal + le soir même). VENDREDI.
Courrier. J'envoie des coupures à Y,
à Bernard Magné et à Mme Fallet. TV
scolaire. Les Chasses du comte Zaroff (The Most Dangerous
Game, Ernest B. Schoedsack & Irving Pichel, E.-U., 1932 avec Leslie Baker,
Joel McCrea, Fay Wray; DVD "Le cinéma du Monde", série
2). A la suite d'un naufrage, un chasseur de fauves et une jeune femme échouent
sur une île. Ils sont recueillis, puis retenus prisonniers par le comte
Zaroff qui se livre à une singulière sorte de chasse. L'histoire
a beau être connue, elle garde son pouvoir malsain et morbide. Schoedsack,
qui tourna le film en même temps que son King Kong, la traite sur un mode
expressionniste, avec des gros plans saisissants. Le film, dont on ne connaît
pas la version complète (celle-ci dure une heure) a plutôt bien vieilli,
contrairement à certaines productions fantastiques de l'époque.
TV. La Sirène du Mississipi
(François Truffaut, France, 1969 avec Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve,
Michel Bouquet, Nelly Borgeaud; diffusé sur Antenne 2 en octobre 1991).
Louis Mahé, un industriel de la Réunion accueille Julie, la jeune
femme qu'il doit épouser, rencontrée par petite annonce. Mais il
y a erreur sur la personne : il s'agit d'une aventurière, Marion, qui s'est
débarrassée de la vraie Julie et qui ne tarde pas à faire
main basse sur la fortune de Mahé et à s'enfuir. Mahé charge
un détective privé de la retrouver mais c'est lui-même qui
la retrouve par hasard. Là aussi, comme pour Nuit et Brouillard,
la redécouverte du film ménage quelques surprises. Abusé
par le titre, je voyais encore Belmondo en riche propriétaire de la Louisiane
alors qu'il est cigarettier à la Réunion. Je croyais l'intrigue
limitée à ce cadre alors qu'il s'agit d'un film itinérant
qui conduit ensuite les personnages d'Antibes à Marseille, puis à
Lyon où Mahé et Marion essaient d'échapper au détective
privé, puis à la police. C'est la deuxième fois que Truffaut
adapte William Irish. La Sirène n'a pas la force dramatique de La
Mariée était en noir parce que Truffaut veut faire plus qu'une
histoire policière en présentant un amour fou, un thème qui
se retrouvera dans plusieurs de ses films. SAMEDI. Vie
dramatique. Tel une Condoleezza Rice au petit pied je poursuis ma tournée
des capitales européennes, et me retrouve en compagnie des N au Théâtre
des Capucins, à Luxembourg, pour y voir L'Augmentation, de Georges
Perec, dans une mise en scène de Jacques Nichet. L'Augmentation
est un épuisement, un exercice combinatoire qui présente les démarches
accomplies par un employé désireux de demander une augmentation
à son chef de service. Avant d'être une pièce de théâtre,
c'est un texte à six voix écrit pour la radio. Sa présentation
au théâtre laisse donc toute latitude au metteur en scène
qui, ici, réussit à étirer le texte pour donner une heure
vingt de spectacle (d'autres versions sont bouclées en 45 minutes), avec
des passages instrumentaux ou chantés. Si l'humour du texte reste sensible,
il est fortement teinté de noir, Nichet lorgnant visiblement du côté
de Kafka dans la description d'un univers de plus en plus étouffant. Le
personnage principal se retrouve prisonnier, prisonnier du langage, prisonnier
des conventions sociales, prisonnier tout court, enfermé dans un carton
(très tendance, le carton, d'après AN, matériau noble et
incontournable du théâtre contemporain). Bon dimanche. |