Notules dominicales 2009
 
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Notules dominicales de culture domestique n°425 - 6 décembre 2009

DIMANCHE.
Lecture. Esquisses de Boz (Sketches by Boz, Charles Dickens, édition originale Macrone, 1836, traduit de l'anglais pas Henriette Bordenave, texte présenté et annoté par Sylvère Monod, Gallimard, bibliothèque de la Pléiade n° 334, 1986; 1794 p., 56,56 €).
Dickens s'appelle Boz et il est encore journaliste quand il publie cette série de textes dans la presse londonienne à partir de 1833. Ce sont en quelque sorte ses "Scènes de la vie londonienne" rassemblées en trois sections, Scènes, Personnages et Récits, reprises ici pour la première fois en français dans un recueil qui ne respecte pas l'ordre chronologique de publication. Il est donc difficile d'y voir une évolution des préoccupations et du style de l'auteur et l'on ne saurait dire si, par exemple, le fait que la dimension sociale semble peu à peu prendre le pas sur l'humour dans la partie Scènes provient d'un choix de l'éditeur ou d'un souci de Dickens lui-même. Le parti-pris de livrer la totalité des textes donne lieu à un corpus dense, 550 pages du volume Pléiade, et forcément inégal. Une sélection aurait fait la part belle aux histoires rassemblées sous le titre "Notre paroisse", aux premiers Personnages et à un ou deux Récits seulement. Sur la distance, force est de constater que le plaisir de lecture s'effiloche, que certaines histoires traînent en longueur et que l'humour devient parfois lourdaud. Il faut donc garder à l'esprit qu'on assiste ici à la période d'éveil de l'écrivain : il a une vingtaine d'années et manifeste déjà une belle faculté d'observation. Les travers de la vie londonienne qu'il souligne (sur la circulation, le logement, les spectacles...) sont traités de façon amusante et ironique, les personnages qu'il met en scène sont bien campés et parlants. On note une certaine propension à décrire des trompés, des naïfs, des dupes souvent victimes de leur propre bêtise et de leur fatuité. La quête d'une épouse ou d'un époux et le lien matrimonial sont les phares de la vie sociale vue par Dickens, ce qui ne l'empêche pas de prendre un ton plus grave de temps à autre pour raconter une visite de prison, décrire un taudis ou dénoncer l'hypocrisie des ligues de vertu et de tempérance. Après ce long galop d'essai, il est temps pour le lecteur comme pour l'auteur de s'attaquer au roman.

MARDI.
Lecture. La Terre des mensonges (Berlinerpoplene, Anne B. Ragde, Forlag Oktober, 2004, traduit du norvégien par Jean Renaud, Balland, 2009; 384 p., 22,90 €).
Présenté comme un roman policier dans une sélection estivale du Nouvel Observateur, ce roman n'a en réalité que peu de rapports avec le genre. C'est davantage une histoire familiale, celle de trois frères qui ont connu des parcours différents et qui se retrouvent dans la ferme qui abrita leur enfance à l'occasion du décès de leur mère. L'un dirige une entreprise de pompes funèbres, l'autre est devenu décorateur et le troisième est resté à la ferme. Leurs monologues intérieurs se succèdent puis s'entremêlent, laissent entrevoir une sombre histoire passée qui sera révélée dans les dernières pages avec suffisamment de sous-entendus pour que le lecteur n'y pige pas grand-chose. C'est sans importance : cloué devant un téléviseur, on accepterait peut-être de suivre cette histoire sous la forme d'un téléfilm de remplissage mais ça ne va guère plus loin.

Vie littéraire. J'ai un nouveau boulot à Histoires littéraires. J'épluche Livres Hebdo, le volumineux canard de la profession et je suis chargé de repérer dans la rubrique "Livres de la semaine" les ouvrages susceptibles de faire l'objet d'une chronique dans la revue, ceux qui touchent d'une manière ou d'une autre à l'histoire littéraire et doivent donc être demandés aux éditeurs. Il est certain que ce n'est pas un boulot très spectaculaire mais il est nécessaire et correspond bien à mon tempérament de compilateur. De plus, mon prédécesseur dans cette tâche n'était autre que François Caradec : lui succéder est un honneur.

MERCREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Ouest canadien et Ontario de Karla Zimmerman, guide Lonely Planet.

JEUDI.
Vie judiciaire. L'an passé, ce devait être à peu près à cette époque, je recevais un avis comme quoi j'avais été tiré au sort pour figurer dans la liste annuelle des personnes susceptibles de siéger en tant que juré aux Assises des Vosges. Je devais me rendre en Mairie pour en accuser réception, ce que je fis. La dame au guichet m'avait dit que je pouvais être tranquille, on ratissait large, j'avais peu de chances ou de risques d'être retenu au final. En septembre dernier, c'est le commissariat qui me téléphonait sur mon lieu de travail - ce qui fait une drôle d'impression quand on vient vous quérir en vous annonçant simplement l'origine de l'appel : j'allais recevoir une convocation pour les Assises, il me fallait donner des renseignements concernant mon état-civil. Le 5 octobre, lettre du tribunal : "Vous allez recevoir une convocation de justice, car vous avez été désigné pour remplir les fonctions de juré etc.". Un peu plus tard arrivait la convocation promise, rendez-vous le jeudi 4 décembre au Palais de Justice. Le 30 octobre, nouveau courrier : "Suite à une erreur de frappe, la session d'assises débutera le jeudi 03 décembre 2009 et non le 04 comme indiquée sur votre convocation." Pas de doute, le budget courrier du tribunal d'Epinal doit atteindre des proportions élyséennes. En tout cas, ce matin, nous devons être une cinquantaine de jurés dûment convoqués, reconvoqués et surconvoqués pour la séance d'ouverture de la session. Le président fait procéder à l'appel et se retire avec ses assesseurs pour statuer sur les demandes de dispense. Au retour, un échange intéressant. Le juré pressenti qui a demandé à se défiler pour des raisons liées au transport : "Mais Monsieur le Président, j'habite dans un trou !" Le président : "Monsieur, la France est faite de trous." Fermez le ban. Pour moi, ça s'arrêtera là, je suis juré suppléant numéro 4 et à moins que la grippe ou le typhus viennent faire des trous béants dans les rangs des titulaires, je n'aurai pas à revenir. Le président quitte ensuite sa robe et entreprend de nous faire un laïus sur le déroulement d'un procès d'assises. Il parle de présomption d'innocence, de publicité des débats, d'audition de témoins et d'experts, les gens répondent comment qu'on fait pour se garer, combien on touchera de sous et quand est-ce qu'on mange. Au fil des interventions du public, j'en viens à penser que je n'aimerais pas que mon sort dépende de certains de ceux qui le composent.

VENDREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes de Stieg Larsson chez Actes Sud.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

SAMEDI.
Football. SA Epinal - Villemomble 0 - 1.

IPAD. 10 décembre 2006. 80 km. (6341 km).


352 habitants

Une stèle massive, posée devant l'église.

Bonvillet à ses enfants morts pour la France

1914-1918

PRO PATRIA

Face :

GUYOT Louis Joseph Auguste

TINCHANT Joseph

WINCKLER Joseph

THIEBAUT Charles

COQRON Joseph Etienne

THIEBAUT Camille

RETOURNAY Jules Maurice

GRAMBLAISE Albert Jules

GROSJEAN Jules Joseph

PAUCHARD Charles Félix

GROSJEAN Emile Arsène

PREVOT Auguste

GROSJEAN Paul Louis

DEMANGE Lucien

HENRY Charles Ferdinand

GROSJEAN Henry

Sur la base : Ils ont bien mérité de la patrie.

Gauche, sur une plaque avec une croix de Lorraine :

Guerre 1939 – 1945

LAURENCEAU Marcel

POIRIER Marcel

Maroc 1933

QUENARD Jean

La gerbe du 11-Novembre, fort défraîchie, provient de « La Porte de la Forêt », Darney et Contrexéville.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Landerneau (Finistère), photo de Francis Pierre, 9 août 2006

Au Teil (notules 403) et à Concarneau comme on le verra plus tard, on met deux f. L'apostrophe suivie d'une seule lettre a déjà été constatée à Villefort (Colorati'f, 384) et, à nouveau, au Teil (Graffiti'f donc).

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°426 - 13 décembre 2009

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. Le monument aux morts de Darnieulles est enregistré.

Lecture. La Cendre aux yeux (Jean Forton, première édition Gallimard 1957; rééd. Le Dilettante, 2009; 320 p., 19 €).
Compte rendu à rédiger pour Vosges Matin.

LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). L'Enigme Alexandrie de Steve Berry, gros pavé au Cherche Midi que son lecteur a posé sur ses genoux pour mieux m'empoisonner avec son téléphone de poche.

MARDI.
En feuilletant Livres hebdo. Deux titres intéressants : Comment chier au bureau : l'art d'aller aux toilettes sur son lieu de travail de Mats et Enzo aux éditions Leduc.S et, des mêmes, Comment chier quand on est amoureux : l'art d'aller aux toilettes sans tuer l'amour. La notice ne précise pas sur quel papier ces ouvrages sont imprimés.

MERCREDI.
Vie éditoriale. "Olivier Bétourné devient PDG des éditions du Seuil" (Le Monde). Je me souviens de mon entrevue avec Olivier Bétourné alors qu'il était directeur d'Albin Michel. C'est lui, bien sûr, qui avait souhaité me rencontrer après avoir jeté un oeil sur les notules, un oeil sans doute orienté par une personne bienveillante (merci F). Nous avions parlé des notules donc, mais surtout de mes chantiers parallèles qui l'intéressaient mais qu'il ne savait comment utiliser éditorialement parlant - moi non plus d'ailleurs, mais après tout ce n'était pas moi le plus éditeur des deux. De fait rien de concret n'était sorti de cette entrevue ("Continuez à travailler", ça tombait bien je n'avais jamais rien su faire d'autre) mais je n'en avais tiré aucune amertume, tout heureux et un rien éberlué d'avoir, moi le plouc des Vosges, pu mettre un pied dans la place et passer une demi-heure avec l'homme qui beurrait chaque matin les biscottes d'Elisabeth Roudinesco. Il m'avait fallu un long arpentage du cimetière du Montparnasse, juste à côté, pour retrouver une partie de mes esprits. Depuis, obéissant, j'ai continué à travailler, je lui ai fait part de mes progrès mais je doute que la liasse de notules qui encombrait son bureau ce jour d'avril 2007 ait suivi Olivier Bétourné jusqu'au nouveau siège du Seuil.

JEUDI.
Lecture. Une tombe accueillante (A Welcome Grave, Michael Koryta, Thomas Dunne Books, 2007, Le Seuil, coll. Policiers, 2009 pour la traduction française, traduit de l'américain par Mireille Vignol; 352 p., 21,80 €).
C'est la troisième enquête de Lincoln Perry, un ancien policier devenu détective privé à Cleveland. Un privé de plus mais heureusement débarrassé des clichés de la profession vue par le polar américain. Il en faut tout de même un minimum : on imagine mal un privé menant une vie familiale heureuse et banale par exemple et Lincoln Perry est bien évidemment un solitaire qui, dans cette histoire, ne peut éviter de répondre à la requête de son ancienne fiancée quand celle-ci lui demande d'enquêter sur le meurtre de l'homme qu'elle a épousé après l'avoir quitté. Mais Koryta n'en rajoute pas sur la psychologie de bazar, il pose les faits sans s'étendre. De même, les passages descriptifs sont réduits au minimum : quelques décors nécessaires à l'enquête et c'est tout, c'est Cleveland mais cela pourrait être n'importe quelle ville américaine du nord. Alors que reste-t-il ? L'enquête, les faits, l'action. Et sur 350 pages, il y a de la place : on a donc droit à une intrigue particulièrement tortueuse dans laquelle Lincoln Perry se fourvoie souvent avant de finir par retomber sur ses pattes. Il faut avouer qu'on en perd parfois le fil mais on arrive toujours par se raccrocher et l'intérêt ne faiblit pas. En choisissant de tourner le dos au remplissage et aux poncifs, Michael Koryta se révèle plus proche des auteurs de la Série Noire classique que de ses contemporains immédiats et ce n'est finalement pas un mauvais choix.

SAMEDI.
IPAD. 17 décembre 2006. 93 km. (6434 km).


61 habitants

C’est une simple plaque de marbre, posée sur un support métallique, sans doute le monument aux morts le plus mince et le plus facile à voler du département. La présence de cloches massives sur la même place laisse à penser que la plaque provient d’une église disparue.

1914 – 1918

Aux enfants de Boulaincourt

Morts pour la France

BEAUGEARD Eugène, soldat au 79e Infie

Tué à Saint Eloy (Belgique) le 1er novembre 1914

JOIGNY Charles, soldat au 207e Infie

Tué à Souchez (Nord) le 1er juin 1915

VOSGIEN André, chasseur au 107e Bataillon

Tué à Souain (Marne) le 28 septembre 1915

La plaque est signée « Colombey à Dombasle ».

Une plaque rectangulaire a été ajoutée :

Guerre 1939-1945

CHEVRIER Edmond, Ct Chef 45e Col.

Mort à Saint-Dié (Vosges) le 9.7.1940

L'Invent'Hair perd ses poils.


Serrières (Ardèche), photo de Marc-Gabriel Malfant, 28 août 2006

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°427 - 20 décembre 2009

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. La commune de Deinvillers est enregistrée.

MARDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Urgence sociale de Pierre Larrouturou chez Ramsay.

JEUDI.
Presse. Parution ce matin de mon article sur Jean Forton dans Vosges Matin, lisible ici.

SAMEDI.
IPAD. 11 février 2007. 43 km. (6477 km).


Commune de La Neuveville-devant-Lépanges

La plaque se trouve sur le mur de la mairie-école. Je suis passé devant des dizaines de fois sans la voir. C’est du marbre vert-de-grisé par les coulures provenant de la croix de guerre qui surmonte les inscriptions.


La commune du Boulay

A ses glorieux enfants

Morts pour la France

Guerre de 1914-1918

BOULAY Constant 26 7BRE 1915

DEFRANOUX Georges 21 juin 1916

FERRY Paul 22 mai 1916

GRANDJEAN Auguste 8 juin 1918

LECOMTE Ernest 17 9BRE 1917

LEMASSON Jules 26 7BRE 1915

MARCHAL Camille 30 août 1914

RIVAT Charles 27 8BRE 1916

L'Invent'Hair perd ses poils.


Saint-Pierre-d'Oléron (Charente-Maritime), photo de Victorio Palmas, 30 août 2006

Une enseigne déjà rencontrée à Marseille dans le numéro 377.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°428 - 27 décembre 2009

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. Au point mort. Les conditions météorologiques me forcent au confinement, surtout que le village qui suit Deinvillers dans l'ordre alphabétique des communes vosgiennes ne semble pas d'un accès très facile. La tempête souffle, la neige abonde et l'électricité finit par rendre l'âme. Le temps de faire du feu, de rassembler toutes les bougies disséminées dans la cabane, d'envisager avec joie de passer la soirée sous la couette, de faire un tour en ville pour prendre la mesure (limitée) de l'avarie et ça y est, le courant est rétabli. On le regretterait presque.

LUNDI.
Presse. "Les Français recommencent à s'en griller une au bureau ou au café. L'interdiction totale de fumer dans les lieux publics est de plus en plus contournée." (Le Monde). Il y a plus grave : selon M. Audureau (de tabac), président de l'association Droits des non-fumeurs, "de plus en plus de fumeurs vont sur le balcon s'en griller une, et la fumée gêne ceux qui habitent au-dessus." Qu'attend-on pour balancer ces gêneurs par-dessus le garde-corps ?

MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Jean Clausel, Le marcel de Proust, Portaparole, 84 p., 11 €. Notice de présentation : "Ce récit sur les tissus, notamment sur le marcel, se passe dans des lieux secrets et exclusifs de Paris, au milieu d'une société qui figure l'ultime témoignage du monde proustien."

Lecture. Je ne sais si nous avons dit d'impérissables choses (Maria Van Rysselberghe, Gallimard, 2006, coll. Folio n° 4425; 720 p., s.p.m.).
Une anthologie des Cahiers de la Petite Dame, choix et présentation de Peter Schnyder.
De 1918 à 1951, Maria Van Rysselberghe a tenu ces Cahiers à l'insu de celui qui en était l'unique sujet, André Gide, lequel n'eut connaissance de la chose que deux jours avant sa mort. L'édition intégrale parue dans quatre numéros successifs des Cahiers André Gide compte 3400 pages et l'on saura gré à Peter Schnyder d'avoir réalisé cette sélection nettement plus accessible. On ne peut guère trouver plus proche d'André Gide que l'épouse du peintre Théo Van Rysselberghe : elle le rencontre en 1899, se lie d'amitié avec lui et finit par emménager rue Vaneau en 1928, sur le même palier que l'écrivain qu'elle ne quittera plus qu'épisodiquement. Accessoirement, si l'on peut dire, Gide aura un enfant avec Elisabeth, la fille de Maria, en 1923. En se vouant à Gide, Maria se veut son Eckermann, elle fait fi de son oeuvre personnelle, ne vit, n'écrit que par rapport à Gide à qui elle ne dit rien de son entreprise : "Il ne se doute pas de ce que j'écris en face de lui !" (1920). Il y a au départ, une admiration sans bornes : "Comment faire sentir l'exaltation, l'effervescence qu'il provoque dans nos esprits, dans nos coeurs, le rayonnement de son génie ?" (1919). Heureusement, au fil des ans, cet aspect hagiographique s'efface et l'admiration laisse parfois place à la critique, souvent amusée, des travers du grand homme. Critique littéraire aussi : Gide pratique ce que l'on pourrait appeler "l'oeuvre ouverte", il ne publie rien sans avoir au préalable lu ou fait lire ses textes à ses fidèles et tient compte de leurs remarques, une habitude qui s'étend au cercle de la NRF au sein duquel tout le monde (Martin du Gard et Schlumberger en tête) livre ses oeuvres en avant-première. L'oeuvre et la pensée de Gide sont d'ailleurs les seuls domaines auxquels s'intéresse Maria Van Rysselbeghe. Les Cahiers ne forment pas une biographie, les anecdotes en sont absentes. A peine quelques notes sur les préparatifs des voyages en Afrique et en URSS, quelques détails domestiques et tout de même, le récit émouvant des derniers jours, mais c'est tout. Le reste est une affaire d'intellect, il faut donner au monde ce que pense ou dit Gide de telle personne, de tel livre, de telle idée et offrir ainsi un pendant au Journal qu'il écrit lui-même en parallèle. On suit cette aventure spirituelle d'abord avec un rien d'agacement (quand l'admiration aveugle prédomine) puis avec un intérêt croissant, aidé par l'intelligente construction de Peter Schnyder qui a privilégié une approche à la fois chronologique et thématique : chaque année est découpée en plusieurs parties, toujours les mêmes (Autocritique, Gide et la Petite Dame, Observations, L'entourage, Les amis, Gide et son oeuvre, Maximes et réflexions, Critique littéraire) qui permettent, comme il le dit dans sa préface "d'effectuer des lectures transversales sans négliger le cours de l'histoire". Maria Van Rysselberghe voulait faire entrer le lecteur dans la tête d'André Gide mais il n'est pas sûr que le lecteur d'aujourd'hui parvienne toujours à la suivre : l'aura de Gide est de nos jours difficilement imaginable, ses oeuvres ne peuvent remuer comme elles l'ont fait à l'époque, la facilité avec laquelle Maria accepte ses moeurs et ses prises de position politiques, l'aisance - la complaisance ? - avec laquelle il accepte le rôle de contemporain capital et l'agitation d'une petite cour autour de lui peuvent paraître surprenantes. Il reste l'incroyable dévouement d'une femme qui n'aura vu sa vie que comme une chance de servir celui qu'elle plaçait au-dessus de tout.
Curiosité. Un personnage traverse furtivement cette anthologie. C'est Madame Davet, présentée en 1946 comme une "secrétaire dévouée" qui éclate en sanglots parce qu'on ne la laisse pas venir travailler le dimanche. Madame Davet fait l'objet d'un hommage dans le Bulletin des Amis d'André Gide n° 158 d'avril 2008 dont Histoires littéraires a donné ce compte rendu : "Véritablement tragique est le "In Memoriam Yvonne Davet" d'Alain Goulet. La vie de cette femme montre comment Gide savait créer des catastrophes humaines. Mariée, mère d'un enfant, militante communiste, Yvonne Davet s'éprend de Gide, en reçoit un baiser qui la décide à tout quitter (elle ne reverra jamais son petit garçon d'un an) et commence une vie de poursuite du grand homme qui la repousse sans ménagement, tout en lui confiant de vagues tâches éditoriales qui, le plus souvent, n'aboutissent à rien. Être poursuivi par elle devait être bien pénible, mais Gide la conduisit à une pathétique autodestruction, dont son travail de traductrice sauva mal Yvonne Davet. A la mort de Gide, dont elle veille la dépouille, commence une autre poursuite : cette fois, c'est elle qui est poursuivie par les universitaires qui veulent la faire parler et obtenir des lettres reçues de Gide."

MERCREDI.
Obituaire. J'apprends dans Le Monde la mort de Dominique Zardi à l'âge de 79 ans. J'ai toujours eu une grande affection pour Dominique Zardi. Il fut le premier second rôle anonyme du cinéma sur lequel j'ai su mettre un nom, et ce dès mes années de lycée où j'avais remarqué que les génériques des films de Chabrol créditaient toujours Attal et Zardi. Il est même l'acteur dont j'ai vu le plus de films, soixante-quatorze à ce jour; de La Chatte (Henri Decoin, 1958) au Bénévole (Jean-Pierre Mocky, 2006), ce qui ne constitue sans doute qu'une infime partie de son immense filmographie. J'avais été très heureux de le voir un soir d'avril 2004 au Brady, boulevard de Strasbourg, où il accompagnait Mocky pour la présentation du Furet.

VENDREDI.
Vie littéraire. Je découvre que le recueil des notules réalisé par publie.net est en vente sur le site alapage.com, dans la section des livres érotiques. Je me demande bien ce que j'ai pu y écrire d'assez salé pour mériter un tel honneur. Le cul contenu dans culture domestique a peut-être suffi.

SAMEDI.
IPAD. 25 février 2007. 94 km. (6571 km).


826 habitants

Le monument est une stèle de granit, sur une plate-forme en terrasse.

Face :

1939 – 1945

Les noms sont illisibles, la dorure a disparu. On ne lit que les rubriques : Décédés en captivité/Déportés du travail/Victimes civiles. Au pied de la stèle, une plaque « Aux veuves et orphelins victimes de guerre ».

Gauche :

Aux enfants de La Bourgonce

Morts pour la France

1914-1918

22 noms de SEVERIN Emile à MANGEOLLE Joseph

Victimes civiles de la guerre

4 noms de DERVAUX Xavier à ORY Edouard

Général Charles Jacquot

Commandant le 33e CA

Dos :

Victimes de la guerre 1870 -1871

7 noms de ANDRE Emile à HUIN Dominique

Plus loin, à l’entrée de l’église, on trouve une autre plaque, du Souvenir français, pour les morts de 1870 et d'Algérie.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Pornic (Loire-Atlantique), photo de Victorio Palmas, 30 août 2006

Bon dimanche.