Notules dominicales 2009
 
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Notules dominicales de culture domestique n°390 - 1er mars 2009

DIMANCHE.
Lecture. Les Folies de l'industrie (Jean-Marie de Busscher, Archives d'architecture moderne, 1981; 288 p., s.p.m.).
Dans les années 1970, Jean-Marie de Busscher a tenu, dans Charlie, une série de chroniques consacrées à "L'art patriotico-tumulaire", autrement dit aux monuments aux morts. Ce livre en reprend un certain nombre, avec une introduction générale et un riche cahier de photographies des monuments en question. On comprend que cette lecture est là pour nourrir et documenter les pérégrinations que j'effectue dans le cadre de mon Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental, alias IPAD. Parce qu'il est peut-être temps de l'avouer maintenant que la chose est bien lancée : je ne connais rien à la guerre de 14 - même si, comme disait l'autre, c'est tout de même celle que je préfère - je n'y connais rien en histoire tout court et je n'ai aucune notion en architecture monumentale. En réalité, la guerre de 14 ne m'intéresse pas plus que ça. Si je voulais faire un vrai travail de recherche sur cet événement, je resterais tranquillement à mon bureau à lire des traités sur le sujet, si je m'intéressais particulièrement aux morts de telle ou telle commune de mon département, je consulterais les sites du ministère de la Défense qui sont très précis ou j'irais travailler aux Archives départementales où l'on trouve des documents autrement plus costauds que mes élucubrations. Les sentiers de la guerre de 14 sont battus et rebattus, les instituteurs travaillent dessus avec les élèves, font de la micro-histoire à partir d'un nom prélevé sur un monument, il y a des collectionneurs, des chercheurs amateurs et même de vrais historiens qui travaillent dessus ici, dans les Vosges. J'ai choisi ce thème parce qu'il touche à des choses sur lesquelles j'aime bien bricoler, l'onomastique, la contrainte de l'ordre alphabétique, la géographie, le hasard, l'exotisme ramené à mes limites exiguës, l'aventure avec un a plus que minuscule. Je pourrais aussi bien faire le même chantier en laissant de côté les monuments et en me consacrant à la liste des curés de toutes les paroisses du coin, en photographiant les frontons d'école (d'ailleurs je le fais aussi) ou en décidant d'emprunter toutes les routes départementales des Vosges dans l'ordre de leur numérotation (d'ailleurs j'y pense fortement). Ce qui m'intéresse dans ce chantier, c'est le fait qu'une visite à Aydoilles me mène sur les traces de Bontems, Bontems qui me conduit à Roland et ainsi de suite, ça donne à manger aux notules comme on l'a vu la semaine dernière. Mais ça n'empêche pas de se documenter. Ainsi, cet après-midi, au lieu de courir les routes pour découvrir le monument de Coinches, je suis allé au Musée d'art ancien et contemporain d'Epinal qui propose une exposition consacrée à Louis Guingot. Louis Guingot, c'est un local, un obscur. Né à Remiremont en 1864, c'est pourtant l'un des membres fondateurs de l'Ecole de Nancy, spécialisé dans les décors muraux. Des décors qu'il a réalisés pour des églises, des théâtres, des édifices publics, des hôtels, la confiturerie de Liverdun, le casino de Vittel, la brasserie de Charmes, la brasserie Thiers de Nancy... Le rapport avec la guerre de 14 ? On y vient. Dès le début des hostilités, Guingot prend conscience du risque que courent les artilleurs sur le front avec leur uniforme voyant. Il a alors l'idée de fondre les soldats dans la nature en peignant leur uniforme de dégradés mêlant les couleurs de la forêt, de la terre, de la roche, de la végétation, une idée qui lui serait venue en fréquentant le Théâtre du Peuple de Bussang, créé par Maurice Pottecher, dont le fond de scène s'ouvre encore aujourd'hui sur la montagne vosgienne. En septembre 1914, Louis Guingot réalise une veste, la première veste de camouflage, la première tenue léopard, dont il adresse un échantillon au service des Armées. Quelques semaines plus tard seront effectués, à Toul, les premiers essais sur site réel avec de grandes toiles camouflées dues à Louis et à son fils Henri mais les autorités ne manifestent que peu d'engouement pour cette nouveauté. Il faudra attendre août 1915 et la création de la Section de camouflage, à Toul toujours, pour que l'idée fasse son chemin. A ce moment-là, d'autres créateurs auront pris le relais de Guingot, des artistes comme lui, le pastelliste Lucien-Victor Guirand de Scevola et le cubiste André Mare mais le camouflage sera avant tout utilisé pour le matériel, les camions, les mitrailleuses, les abris alors que le projet de Guingot était avant tout d'escamoter les formes des soldats en mouvement. On peut d'ailleurs voir dans l'exposition quelques toiles de sous-bois dans lesquelles il n'y a pas grand-chose à ajouter ou à retirer pour arriver au camouflage abstrait. La confusion autour de la paternité de cette invention signifiera l'effacement de Guingot qui mourra, en 1948, dans une misère relative. Revenons maintenant aux Folies de l'industrie et à de Busscher. Trois parties donc. La première, je l'ai dit, une introduction générale dans laquelle l'auteur expose ses vues, assez personnelles, sur l'origine du conflit et surtout son goût pour l'architecture de la mémoire. Il situe de façon intéressante l'art tumulo-patriotique dans l'histoire de la statuaire publique, donne des dates (l'idée de construire des monuments commémoratifs naît dès 1916), des chiffres (37.708 monuments construits entre 1920 et 1930 pour 1.390.000 morts à la guerre, soit un monument pour 36,86 morts), établit une sorte de classification des monuments et livre des éléments mal connus comme ce discours de Barrès datant du 1er février 1916 dans lequel celui-ci propose que "les veuves de guerre des soldats morts pour la patrie disposent du bulletin de vote de celui qui ne peut plus défendre les intérêts de sa petite famille". Les photos se partagent en deux catégories : les monuments sur champs de bataille (Douaumont, Les Eparges...) et les monuments de villes et villages. La première section permet des découvertes inattendues, un cimetière chinois à Noyelles-sur-Mer, un cimetière russe à Mourmelon, la seconde, qui semble avoir moins intéressé l'auteur, recèle tout de même quelques pépites localisées à Suippes, Châlons-sur-Marne, Sillery-en-Champagne, Torcé et surtout, surtout, le monument aux morts de Neuville-Saint-Vaast qui présente un Poilu au regard hypnotisé par une grenade qui vient de rouler à ses pieds. La troisième partie, celle des chroniques, est la plus déroutante. Jean-Marie de Busscher y déploie, au milieu de sa grande connaissance des épisodes du conflit, un art consommé de la digression qui l'amène à parsemer ses textes mi-explicatifs mi-descriptifs d'anecdotes familiales ou personnelles, de considérations sur l'air du temps, de jeux de mots ("Yp-Yp-Ypr-Hourrah"), de paroles de chansons de Julio Iglesias et autres incongruités qui s'étalent dans le corps du texte comme dans les notes, fort nombreuses et copieuses. Un exemple, tiré de la description du cimetière de Noyelles : "Colverts et halbrans foisonnent dans cette baie largement découverte à marée basse. Montés à bord de pinasses ou masqués par des buttes percées de volets de tir, à la "botte" ou à la "hutte", les para-chasseurs y chassent de façon continue et les massacrent avec un bel entrain. Je craignais fort d'avoir à les rencontrer plus tard au bar de l'hôtel de Paris. Sans doute charrieraient-ils la caissière-barmaid tricoteuse avec sa gueule ingrate de petite pute à la Maxence Van Der Meersch modèle Sardou 80 pour charbonnages dont les sirènes se sont tues..." Confiant ce qu'il appelle ses "émois esthético-civiques", l'auteur balance entre le pathos outré, l'émotion sincère et le foutage de gueule intégral. Une écriture alambiquée à souhait, des phrases auxquelles il est malaisé de se raccrocher, je m'y suis senti aussi perdu que dans certaines notices des Fous littéraires du compatriote de de Busscher, André Blavier. En fait, je crois bien que de Busscher n'est pas loin du fou littéraire et qu'il ne lui déplairait pas d'être considéré comme un membre de cette glorieuse famille. Un dernier extrait en guise de témoignage à charge (p. 266, note 15) : "Au coeur du Segou, ce foyer historique de la civilisation bambara, à Bamako (la capitale de l'actuel Mali), le Monument aux Morts (datant évidemment de la colonisation) est la copie conforme de celui de Reims. Pour vous dépayser, amateurs d'exotisme, au lieu de faire les cons en de coûteux safaris, achetez une saharienne et allez à Reims au mois d'août."
Après vérification, Jean-Marie de Busscher figure bien dans le Blavier (p. 194), pas au titre de pensionnaire mais comme auteur d'un article sur Charles-Joseph de Grave (1736-1805), un authentique celui-ci, qui prétendait que Homère et Hésiode étaient belges.

LUNDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

MARDI.
Lecture. Mort de trouille (The Scared Stiff, Donald Westlake, 2002 pour l'édition originale, Payot & Rivages, coll. Thriller, 2006 pour la traduction française, traduit de l'américain par Nathalie Beunat; 242 p., 17,50 €).
On a affaire ici à la veine exotique de Westlake qui a déjà situé des intrigues dans des pays improbables, la Tsergovie et le Votskojek dans Histoire d'os par exemple. Il nous entraîne ici au Guerrera, en Amérique du Sud où le protagoniste, Barry, met en scène sa disparition pour que sa prétendue veuve puisse toucher son assurance vie. Une escroquerie minutieusement préparée mais qui, comme les cambriolages de Dortmunder, héros récurrent de Westlake, ne va pas se dérouler comme prévu et entraîner des conséquences rocambolesques. Le héros est donc bien westlakien, le ton, l'humour sont westlakiens en diable mais l'intrigue, si elle est elle aussi d'essence westlakienne, est un peu fade et on tourne rapidement en rond dans ce roman qui ne sera donc qu'un Westlake mineur. Tant pis, il m'en reste encore à lire, d'autant qu'avec les rééditions, les nouvelles traductions et les ouvrages posthumes qui ne vont pas tarder à tomber, les amateurs ne sont pas encore au bout de leur plaisir.
Perle (p. 44). "Nous nous asseyâmes."

MERCREDI.
Petites phrases. Plusieurs notuliens m'ont fait remarquer le parallèle qu'on pouvait établir entre la phrase de Margaret Thatcher citée en exergue du livre de Ray French notulisé dans le dernier numéro ("Un homme de vingt-six ans qui prend encore le bus peut considérer sa vie comme un échec") et celle prononcée par Jacques Séguéla dans l'émission Télé matin sur France 2 le 13 février : "Si à cinquante ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie." C'est un procédé facile qui, s'il est amené à faire florès, doit être manié avec précaution parce qu'il peut très facilement être retourné contre son utilisateur. Un exemple : si à 75 ans un publicitaire est obligé de se farcir le plateau de Télé matin pour faire la promotion de son dernier bouquin, on peut considérer que sa carrière n'est pas à son zénith.

JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Le Cimetière des poupées de Mazarine Pingeot (Julliard).

VENDREDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Les Principia Ethica de G.E. Moore en version originale m'ont l'air bien ardus pour le frêle jeune homme que je côtoie ce matin. J'ose à peine respirer de peur de lui en faire perdre le fil.

SAMEDI.
Lecture. Le Plagiat par anticipation (Pierre Bayard, Éditions de Minuit, 2009, 160 p., 15 €).
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

Anniversaire. Cela fait à peu près un an que nous sommes dans ce nouveau logis (c'était en fait un 29 février, anniversaire malcommode). Une des motivations principales de ce déménagement était que les filles, à l'étroit dans leur ancienne carrée, jouissent d'une chambre chacune. Une parfaite réussite : depuis que nous sommes ici, la plupart du temps, elles dorment toutes deux dans le même lit, tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre.

Football. SA Epinal - Besançon RC (B) 1 - 1.

IPAD. 30 novembre 2001. 25 km. (2627 km).


Badménil-aux-Bois, 145 habitants

La commune de Badménil fait partie du secteur de recrutement du collège où j'exerce. La semaine dernière, j'ai donc pris la précaution de demander à un élève qui réside dans ce village où se trouvait le monument aux morts. Il m'a appris qu'il n'y avait pas de monument, mais qu'une plaque figurait dans l'église. Celle-ci étant ordinairement fermée, il s'est arrangé pour que la personne qui s'en occupe la laisse ouverte tout au long de la matinée d'aujourd'hui. Je m'échappe donc du collège à 11 heures 30 et pénètre dans l'église glaciale. Sur le mur de droite, une plaque de marbre.


1914-1918

A nos morts de la Grande Guerre
La commune de Badménil reconnaissante

TREFF Edouard 22 ans
MOUGEL Léon 39 ans
NOËL Marcel 21 ans
VINOT Gabriel 39 ans
VAUTHIER Paul 35 ans
MOUGEL Maurice 19 ans

Priez pour eux
Seigneur donnez-leur le repos éternel

SIMON Pierre 21 ans

Sur les côtés, deux plaques individuelles. A gauche :

Henri MOUGEL
Maire
Mort pour la France
le 19 juin 1940
âgé de 43 ans

A droite :

Jules COLIN
Victime du bombardement
le 19 juin 1940
âgé de 59 ans

Avant de quitter les lieux, je laisse un mot de remerciement près du bénitier.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Rennes (Ille-et-Vilaine), photo de Danielle Constantin, 23 août 2005

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°391 - 8 mars 2009

LUNDI.
Lecture. Houellebecq au laser. La faute à Mai 68 (Bruno Viard, Ovadia, coll. Chemins de pensée, 2008; 128 p., 12 €).
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

MARDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Mausolée de Linda Fairstern (Pocket).

Ma vie en sportif. "54e : lancé par Dupuy, Didion donne à Mouithys. Parade de Lucas, mais Mouithys est à la réception (1-0)", France Football du jour, page 35, fiche technique du match Libourne-Saint-Seurin - Paris FC comptant pour la 25e journée du championnat de France National. Je suis, par obligation homonymique, un ardent supporter de Libourne-Saint-Seurin.

MERCREDI.
Football. SA Epinal - CO Saint-Dizier 1 - 1.

JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Introduction à la comptabilité, gros ouvrage, couverture voyante.

VENDREDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Je vivais seul, dans les bois de Thoreau, en Folio.

Lecture. Le Jourde et Naulleau. Précis de littérature du XXIe siècle (Pierre Jourde & Éric Naulleau, Mango, 2008; 280 p., 13,50 €).
"Le petit livre noir du roman contemporain".
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

SAMEDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Une étudiante lit The Invisible Man de H.G. Wells, édition non reconnue, un dictionnaire Hachette & Collins de poche à portée de main. Pour son voisin, c'est plus coton, je n'arrive à voir que la première phrase de la page 58 : "Je sais que l'on n'accepte pas volontiers cette opinion". C'est un volume de la Petite Bibliothèque Payot. Au bout d'un moment, j'aperçois la quatrième de couverture, un portrait de Freud et un titre assez long qui pourrait bien être Cinq leçons sur la psychanalyse. Je possède le volume, dans la même collection, mais dans une édition sans doute plus ancienne. A l'arrivée, je vérifierai. La page 58 ne porte pas cette phrase. Le mystère reste entier. Qui dira après cela que la vie est monotone ?

IPAD. 3 février 2002. 34 km. (2661 km).


photos reprises le 1er mars 2009
691 habitants

Le monument est à l'entrée du cimetière, devant la porte de l'église. Il est entouré d'une guirlande d'obus.

Face :

La commune de La Baffe
A ses héros morts pour la France
1914-1918

BABEL Joseph
BARROUE Joseph
BONVIN Lucien
BRENIERE Emile
GERARD Joseph
HOUILLON Joseph
LAGARDE Léon
RAGUE Jules
RIVAT Marcel
RUER Georges
THIEBAUT Albert
THIEBAUT Emile

Sur le côté :

HATTON Henri
JACQUOT Georges

1939-1945

CLAUDON Georges
FREMIOT Robert
CLEMENT Jean
CARTINIERE Léon déporté
COLIN Jean déporté
MOUGEOT Charles victime civile
VIRY Louis victime civile

Sur le côté de l'église, une plaque :

En mémoire de Léon Cartinière
Mort en déportation au camp de Mauthausen le 18-03-1945
Mort pour la France

Avant de partir, je suis allé saluer Daniel D. (1938-1991), mort noyé un lendemain de noces (pas les siennes, heureusement, mais il en avait déjà connu plusieurs), avec qui j'ai partagé pas mal de flacons. On l'appelait le Breton, il devait venir de là-bas d'autant qu'il se glorifiait d'avoir, dans sa jeunesse, été figurant dans Les Vikings aux côtés de Kirk Douglas. Mourir dans l'eau douce après ça. Au lendemain de sa mort, le journal local s'était trompé de prénom dans le récit de l'accident, l'avait appelé Patrick D., ce qui lui donnait l'état-civil d'un danseur vedette de l'époque. Ultime pirouette qui lui aurait bien plu, lui qui tenait plus du grizzly que du petit rat. Il avait fini son parcours mouvementé à La Baffe comme éleveur de pigeons. Je suis venu plusieurs fois chez lui, dont un soir pour manger du sanglier, c'était répugnant, mais aujourd'hui je serais incapable de retrouver sa maison. Dans son cercueil, il y a un bouchon de pêche, je sais qui l'y a jeté avant la première pelletée. Le bistrot dans lequel nous avions bu un coup après l'enterrement est aujourd'hui fermé.

L'Invent'Hair perd ses poils.
Rubrique curiosités exotiques


Antalya (Turquie), photo de Danielle Renault, 28 décembre 2005

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°392 - 15 mars 2009

LUNDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). L'Intox. Quelques vérités sur vos médicaments par le docteur Donatoni (Médecine Information Formation). Celui-là, je l'aurais bien rapporté à la maison.

MARDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). Un volume de la collection "Concours Fonction publique". Bonne chance.

MERCREDI.
Football. FCA Xertigny - APM Metz 0 - 7. Dans le fond, pas besoin de regarder Barcelone - Lyon pour voir sept buts. Un bon seizième de finale de coupe de Lorraine à la Colombière fait aussi bien l'affaire.

JEUDI.
Arts ménagers. Une bonne heure écope et vadrouille en main en fin d'après-midi pour cause de lave-vaisselle débordant. L'ouverture de la porte de la machine par le maître de maison, intrigué par une légère fuite, déclenche un tsunami domestique. Après la réduction de la pratique automobile et l'abandon de la téléphonie mobile, le retour à la Spontex et au torchon à carreaux est un pas de plus vers un salutaire dépouillement.

VENDREDI.
Vie professionnelle. En général, c'est contraint et forcé que j'assiste aux réunions qui se déroulent au collège mais j'ai demandé à faire partie de celle qui se tient ce matin en présence de quelques représentants de la municipalité. Il s'agit de réfléchir sur le réaménagement des abords de l'établissement où l'on voit, en fin de journée, quatre cents élèves s'échapper par une porte de 80 centimètres de large pour prendre d'assaut les bus qui les attendent sur deux files au milieu de la chaussée, louvoyer entre ceux-ci pour gagner le véhicule parental garé n'importe où pourvu que ce soit près de la sortie ou se planquer pour fumer un clope tranquille derrière un bus. Bref, c'est un capharnaüm quotidien et c'est un véritable miracle que personne ne soit encore passé sous les roues d'un véhicule. On parle donc sécurité, travaux, plans cadastraux à l'appui, je suis content d'être là, de participer à quelque chose qui me concerne, qui me préoccupe : il est tout de même question d'essayer de rendre à leurs foyers dans un état présentable les mômes dont on a la charge. Les autres représentants du personnel présents ont d'autres priorités : ils se plaignent d'avoir à patienter à cause de la cohue pour pouvoir atteindre leur auto et du fait que la route qu'ils empruntent est insuffisamment déneigée les matins d'hiver sur les derniers hectomètres. Ridicule, médiocre, affligeant. J'avais honte.

Lecture. L'Heure trouble (Skumtimmen, Johan Theorin; Wahlström Widstrand, Stockholm, 2007, Albin Michel, 2009 pour la traduction française; traduit du suédois par Rémi Cassaigne; 432 p., 19,50 €).
Après les succès de Henning Mankell et de Stieg Larsson, les éditeurs français sont désormais à l'affût de tout ce qui sort des usines à polar suédoises. Il faut désormais être prudent, ne pas prendre tout ce qui est estampillé "Made in Sweden" pour du haut de gamme, on l'a constaté récemment avec La Princesse des glaces de Camilla Läckberg. Mais ici, avec ce premier roman, il semble bien qu'on ait tiré un bon numéro. Johan Theorin a d'abord bâti une structure des plus solides sur un modèle qui a fait ses preuves : une femme revient sur une île où son fils a disparu dans la lande en 1972, décidée à retrouver des traces du drame avec l'aide de son propre père, pensionnaire d'une maison de retraite. Parallèlement, on suit le parcours, de 1936 à sa mort, d'un habitant de l'île, violent, mauvais, qui apparaît rapidement comme le responsable idéal de cette disparition. Les deux pistes finissent bien sûr par se rejoindre mais un dénouement inattendu permet de déjouer les attentes du lecteur. On se contenterait aisément de cette habileté mais Theorin se révèle supérieur à un bon faiseur dans la façon qu'il a de traiter son sujet. Il réussit en effet, sur un thème où les pièges sont nombreux (l'enfant perdu, la mère dépressive incapable d'oublier, le travail de deuil et tutti quanti) à éviter toute mièvrerie sentimentale, à trouver les mots justes sans en rajouter. Sur les autres aspects du roman (le destin d'une contrée autrefois vouée à la pêche qui survit artificiellement par le tourisme, la vieillesse, les relations familiales), l'auteur se montre tout aussi économe d'effets, ce qui est rare dans un roman policier d'aujourd'hui où l'on aime parfois tirer à la ligne. Il n'y a dans celui-ci pas une page de trop, pas un paragraphe qui sent le remplissage. Très fort.

SAMEDI.
Football. SA Epinal - AS Illzach Modenheim 2 - 0.

IPAD. 17 février 2002. 77 km. (2738 km).


photos reprises le 1er février 2009
1490 habitants

Le monument, flanqué d'un mât où flotte un drapeau, représente un Poilu courbé. Il est situé près d'une esplanade pavée, fermée par l'Hôtel de ville et un cinéma où l'on joue Astérix et Obélix, mission Cléopâtre.

Face :

1914 -1918
A nos morts

Côté 1 :

1914

20 noms de A. BRENIERE à A. TONDO

1915

8 noms de A. BOUTON à C. CLAUDE

et, de l'autre côté de la lame d'une épée,

1915

25 noms de A. DECHASEAUX à P. VILMIN

1916

E. BOUTON
J. BRULE
P.CHARTON

Sur la base, 10 noms avec une croix de Lorraine et les dates 1939-1945

Côté 2 :

1916

27 noms de C. CHASSARD à P. VIEILLE

et, de l'autre côté de la lame d'une épée,

1917

10 noms de R. BICHET à L. ROLLIN

1918

19 noms de E. BOULICAULT à A. RICHARD

Sur la base, 10 noms avec une croix de Lorraine et les dates 1939-1945

L'Invent'Hair perd ses poils.


Rubrique curiosités exotiques
Antalya (Turquie), photo de Danielle Renault, 28 décembre 2005

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°393 - 22 mars 2009

DIMANCHE.
Lecture. Lune captive dans un oeil mort (Pascal Garnier, Zulma, 2009; 160 p., 16,50 €).
Ça fait un moment que Pascal Garnier roule sa bosse en bordure du polar et du roman doux, pour reprendre la terminologie de Léo Malet. On était là à ses débuts au Fleuve Noir en 1996 et si on n'a pas tout lu depuis - l'homme publie à un rythme soutenu - on n'a jamais été déçu par ses livres. Variété des intrigues, concision du propos, nervosité de la narration sont ses principales caractéristiques. En général, il prend un échantillon humain avec ses traits sociaux et son passé, il le place dans un milieu révélateur, agite le tout, observe et note les réactions, qui tiennent de l'inéluctable. Dans un autre siècle, on aurait appelé ça du naturalisme. Ici, ce sont quelques échantillons de la race des seniors, confinés dans une résidence surveillée du sud de la France avec leur luxe, leur peur du monde extérieur et leurs névroses qui s'agitent sous son regard. La peur tourne à la phobie, la bêtise devient violence et tout s'embrase. Garnier s'empare d'un corps social, l'ouvre au scalpel et nous montre la tumeur. Après ça, il ne referme pas la plaie et passe au livre suivant. Pas mal.

Itinéraire patriotique départemental. Le monument aux morts de Coinches est enregistré.


LUNDI.
Arts ménagers. Le lave-vaisselle est réparé. L'intermède médiéval aura été de courte durée.

MARDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). J'ai épousé un communiste de Philip Roth (Folio).

JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). La Reine dans le palais des courants d'air de Stieg Larsson (Actes Sud).

Lecture. Histoires littéraires n° 31 (juillet-août-septembre 2007, Histoires littéraires et Du Lérot éditeurs; 232 p., 20 €).
Le dossier Baudelaire qui forme l'ossature du numéro est annoncé par une photo en couverture, due à Charles Neyt, sur laquelle le poète apparaît en dandy tourmenté, col fermé, cravate, pochette au coeur et cigare en main. Steve Murphy ("Baudelaire ? Coupable !") s'attache à montrer que le procès des Fleurs du Mal était mérité, voire recherché par Baudelaire par désir de se faire connaître et usage d'une obscénité volontaire : "C'est bien à un principe de réhabilitation par aseptisation que l'on a recouru longtemps afin de ménager l'image d'un poète entièrement sérieux, constamment hissé par l'élévation des sujets métaphysiques et philosophiques, chroniquement incapable de blagues et de passages scabreux [...] Il y aurait beaucoup plus à louer dans la lecture des censeurs de 1857 que dans celle de certains des prétendus défenseurs du poète [...]" Dans les articles suivants, Pierre Laforgue parle de la révolution de 1848 dans Les Fleurs du Mal, Solenn Dupas examine les ambiguïtés érotiques du recueil et Jean-Louis Debauve présente quelques lettres retrouvées qui ne faisaient pas partie de la correspondance éditée. L'entretien donne la parole à Delfeil de Ton, un des soutiens indéfectibles de la revue, qui revient sur les années Hara-Kiri. Pour le reste, un poème inédit de Charles Cros, un dossier sur la réception de Malraux dans la presse et les chroniques habituelles. Dans celle que je signe, une belle bourde, je parle de François Jauffret, l'ancien tennisman, au lieu de Régis Jauffret l'écrivain. Un peu plus loin, dans la rubrique "En société", le pauvre Régis Jauffret devient Régis Jauffray. Rassurons-nous : il y a peu de risques que Régis Geoffrey lise Histoires littéraires.

Correspondance IV - Janvier 1869 - décembre 1875 (Gustave Flaubert, Gallimard, 1998, Bibliothèque de la Pléiade n° 443, édition établie, présentée et annotée par Jean Bruneau; 1494 p., 470 F).
Les nuages commencent à s'accumuler au-dessus de la tête de Flaubert pendant ces années : L'Education sentimentale est mal reçue, les efforts entrepris pour la survie des oeuvres de Bouilhet sont vains, les Allemands s'installent à Croisset (1870), il se brouille avec Lévy, son éditeur, et se prive de tout revenu littéraire, sa mère meurt, Théophile Gautier en fait autant, il n'arrive pas à faire jouer ses pièces, ses recherches pour Bouvard et Pécuchet l'épuisent et, pour finir, la faillite de Commanville, le mari de sa nièce Caroline, le laisse au bord de la ruine : à la fin de la dernière année couverte par ce volume, Flaubert ne sait toujours pas s'il pourra garder Croisset. En face, il y a tout de même de quoi ne pas désespérer : le cercle des amis s'est réduit mais il reste les têtes de pont, George Sand et Tourgueneff, La Tentation de Saint Antoine se vend bien, les Trois contes sont en route. La balance penche nettement vers le négatif et la tonalité des lettres ici rassemblées est assez désabusée : "Le cher Petit continue à n'être pas gai. Pourquoi ? Tous les amis disparus, la bêtise publique, la cinquantaine, la solitude, et quelques soucis d'argent, voilà les causes, sans doute ? - Je lis des choses très dures, je regarde la pluie tomber et je fais la conversation avec mon chien, et puis le lendemain c'est la même chose, et le surlendemain encore la même chose" (à Léonie Brainne, 26 novembre 1872). L'aigreur n'est pas loin et se manifeste surtout dans les lettres envoyées de Suisse où il séjourne pour sa santé : "J'ai refusé (bien entendu) de manger à la table d'hôte, qui est d'ailleurs infestée d'Allemands, et il n'y a pas de chance pour que, d'ici à mon départ, je desserre les lèvres [...] je viens tout à l'heure d'entendre écorcher la valse de Chopin d'une façon à faire fuir toutes les vaches d'Helvétie. Messieurs les voyageurs ou plutôt mesdames les voyageuses poussent l'amour du piano jusqu'au délire. - C'est comme celui de la longue-vue; il y en a une installée sur la terrasse de l'hôtel, et il y a toujours un crétin installé devant la longue-vue, chapeau en arrière, tendant le cul et poussant des exclamations" (à sa nièce Caroline, 1er juillet 1874); "Hier j'ai été tenté d'embrasser trois veaux que j'ai rencontrés dans un herbage, par humanité et besoin d'expansion" (à Ivan Tourgueneff, le lendemain). Les notes de Jean Bruneau sont toujours aussi précises et précieuses, à peine y relève-t-on une erreur de date lorsqu'il fait venir Carvalho, directeur du théâtre du Vaudeville, à Croisset le 6 juillet 1873 alors que la visite eut lieu, selon Flaubert lui-même, le 27 juin. Bruneau aura ensuite juste le temps de commencer le travail sur le cinquième volume avant de mourir en 2003. Le volume en question, le dernier, paraîtra en 2007.

La voiture de pompiers disparue (Brandbilen som försvann, Maj Sjöwall & Per Wahlöö, Stockholm, 1969; première édition française aux éditions Planète, 1972, puis aux éditions 10/18, 1986; rééd. Payot & Rivages, 2009, coll. Rivages/Noir n° 723, traduit de l'anglais par Michel Deutsch; 336 p., 9 €).
Il y a une vingtaine d'années, le polar, vu d'ici, n'avait pas le caractère cosmopolite qu'on lui connaît aujourd'hui. C'était avant tout une affaire réservée aux locaux et aux Anglo-saxons. Seule la collection Grands détectives, chez 10-18, ouvrait une petite fenêtre sur l'extérieur. Entrouvrait plutôt, car le choix n'était pas vaste : un ou deux Italiens (Fruttero & Luccentini peut-être, Giorgio Scerbanenco j'en suis sûr), un Néerlandais qui racontait des histoires chinoises (les enquêtes du juge Ti par Robert Van Gulik) et le duo suédois Sjöwall & Wahlöö avec dix livres consacrés à l'enquêteur Martin Beck et son équipe. A cette époque, le polar suédois est loin du succès qu'il connaît aujourd'hui - on traduit d'ailleurs en français à partir des versions anglaises - mais au moins il s'exporte. Depuis, il a fait le chemin que l'on sait avec une réussite qui explique que les éditions Rivages aient décidé de reprendre l'ensemble du cycle Sjöwall - Wahlöö. A la lumière de cet épisode, on peut constater que les Suédois n'ont pas encore atteint l'émancipation. Plutôt que d'exploiter les particularités de leur pays (une géographie particulière, les implications locales de l'Histoire, la survivance des traditions locales à l'heure de la mondialisation), Sjöwall et Wahlöö se coulent dans le moule américain avec un polar urbain dans lequel les membres d'un commissariat de Stockholm sont confrontés à des affaires qui pourraient se dérouler à n'importe quel autre endroit de la planète (ici un incendie criminel qui masque un suicide, à moins que ce soit l'inverse). Ed McBain a manifestement servi de modèle pour l'utilisation d'intrigues secondaires, l'insertion de rapports officiels et de dialogues d'interrogatoires dans le récit, le mélange entre la vie privée et les occupations professionnelles des inspecteurs. Mais heureusement, La Voiture de pompiers disparue n'est pas seulement une histoire dans laquelle le rollmops prend la place du hamburger. Les auteurs n'ont pas le même regard qu'Ed McBain sur leurs personnages : Martin Beck n'est pas un héros purement positif à la Carella, l'harmonie qui règne entre collègues dans le commissariat du 87e n'existe pas ici, les policiers n'entretiennent pas de rapports amicaux, ils se tirent dans les pattes plus souvent qu'à leur tour, leurs ridicules et leurs travers sont soulignés avec une ironie acide. Au total, la découverte de cette série, du moins ce qu'on peut en voir sur un seul titre, ne constitue pas une révélation renversante. Il manque avant tout à Sjöwall et à son compère la concision, le côté ramassé et nerveux des intrigues d'Ed McBain, héritage de la nouvelle et des parutions en collections populaires rigoureusement formatées. Ici, c'est plutôt filandreux, étiré, et le lecteur ne se sent pas vraiment captivé. On essaiera peut-être un autre numéro de la série pour se faire une idée plus nette.

SAMEDI.
IPAD. 11 novembre 2002. 61 km. (2799 km).


Bainville-aux-Saules, 123 habitants

Le village est traversé par une route fréquentée, celle qui va d'Epinal à Vittel. J'y suis passé cent fois sans y voir de monument. Celui-ci existe pourtant, devant l'église que je n'avais jamais vue non plus parce qu'elle se trouve un peu à l'écart, en contrebas de la route, et que son clocher ne domine pas vraiment le paysage. Le monument est une stèle blanche, posée sur une esplanade gazonnée et surmonté d'une croix de Lorraine. Le jour est bien choisi : huit petits drapeaux l'entourent, un autre flotte au sommet d'un mât.

Aux soldats de Bainville
Morts pour la France
1914-1918

René L'HÔTE - 1914
Pierre GANTOIS - 1915
Albert L'HÔTE - 1918
Aimé LELARGE - 1918

La plaque est surmontée d'une cocarde tricolore "Souvenir français". Sur la base :

THIERY Henri 1922-1954
C.E.F.O.E. (?)
Hommage et reconnaissance

Le marbrier a signé : Bastien à Vittel. Quatre noms, comme à Aulnois et à Avillers.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Monestier-de-Clermont (Isère), photo de Dominique de Ribbentrop, 9 février 2006

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°394 - 29 mars 20

DIMANCHE.
Lecture. Verlaine (Jean-Baptiste Baronian, Gallimard, 2008, coll. Folio Biographies n° 40; 224 p., s.p.m.).
Un des avantages de la biographie resserrée comme la pratique cette collection, c'est qu'on y voit bien les trajectoires des vies racontées. Pour Verlaine, la trajectoire, c'est le zigzag, le roulis continuel, l'impossibilité du juste milieu. Pas d'axe médian pour le Pauvre Lélian, comme il le dit dans une de ses Epigrammes : "Une inquiétude profonde/M'agite en douloureux transports/Entre le sublime et l'immonde/Deux écueils, Seigneur, ou deux ports ?" La vie de Verlaine aura toujours ce mouvement de balancier : Mathilde ou Rimbaud, emploi fixe ou bohème, l'absinthe ou l'eau bénite, le Parnasse ou la forme libre, Paris ou la province, voire l'étranger, Philomène Boudin ou Eugénie Krantz, l'église ou le bordel, l'hôpital ou l'hôtel miteux. Incapable de composer, Verlaine va d'un pôle à l'autre, entier, tête baissée, sans jamais transiger. Jean-Baptiste Baronian retrace fidèlement, semble-t-il, ce parcours dont certains passages sont plus que connus. N'empêche, on ne se lasse pas de s'entendre raconter une fois de plus les frasques rimbaldo-verlainiennes, les tentatives de réconciliation avec Mathilde et les dernières années qui dessinent une véritable cartographie des hôpitaux parisiens de l'époque.

Itinéraire patriotique départemental. Coup double avec l'enregistrement des monuments aux morts de Colroy-la-Grande et de Combrimont.

LUNDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). J'ai épousé un communiste de Philip Roth (Folio). Le même que la semaine dernière. Ca fait du bien de voir un mariage qui dure.

Lecture. Chambre 12 (Pascal Garnier, Flammarion, 2000; 144 p., 89 F).
Retrouvé en rangeant le dernier livre de Pascal Garnier, notulisé la semaine dernière. L'occasion de voir si ce que je disais de l'auteur à ce moment-là, cette histoire de naturalisme moderne, pouvait coller à ce roman que j'avais oublié de lire à l'époque. C'est qu'il faut se méfier des jugements hâtifs et péremptoires, aussi sincères soient-ils. J'ai pu le vérifier suite à la notule, parue également dans le dernier numéro, sur le tandem Sjöwall - Wahlöö. Le duo suédois compte parmi les notuliens plusieurs amateurs éclairés qui se sont mués pour l'occasion en défenseurs, ne se faisant pas prier pour souligner la légèreté de l'avis que j'émettais, avis fondé sur la lecture d'un seul volume de leur série qui mérite d'être abordée dans sa totalité. Alors, pour Garnier, est-ce que ça tenait debout ? Pas du tout. Chambre 12 ne correspond pas le moins du monde à ce que j'énonçais. C'est un roman à part, qui n'a pas son équivalent dans ce que j'ai déjà lu de l'auteur. Prenons le résumé : un homme, la cinquantaine, exerce le métier de veilleur de nuit dans un hôtel parisien. Il mène une vie terne, solitaire, entre sa chambre et quelques cafés. Un soir, une cliente arrive, une dame à l'accent étranger, au passé mystérieux. L'homme est attiré par ce mystère, une relation bizarre se noue, faite de secrets à demi révélés au cours d'errances nocturnes. Vous donnez ce résumé à n'importe qui, on vous dit que c'est du Modiano. Et c'est vrai qu'on n'en est pas loin pour ce qui est de la mise en place des personnages, de leur fragilité, de leurs secrets. Ce n'est pas du pillage, juste une coïncidence, un croisement de chemins. Garnier n'est pas Modiano, c'est moins travaillé, c'est encombré d'images, de comparaisons "inattendues" qui ponctuent les phrases de façon trop systématique (le métro aérien "pareil à un porte-jarretelles d'acier", la mosaïque du carrelage "ressemblait à ce qui avait été sa vie", etc.) et puis la fin évoque davantage La femme du Ve de Douglas Kennedy que l'auteur de La Petite Bijou mais la magie fonctionne tout de même, de façon furtive.
Extrait. "... il entendit à la radio ce fait divers qui clôturait les informations : dans une commune du Pas-de-Calais, une petite fille qui jouait à proximité du monument aux morts de la place centrale s'était fait écraser par un des obus servant d'ornement à la stèle funéraire." A méditer lors des prochaines étapes de l'IPAD, même si l'on a passé l'âge d'être une petite fille.

MERCREDI.
Lecture. Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique. Viridis Candela, 8e série, n° 4 (15 juin 2008, 128 p., 15 €).
Après la "fiction dans la fiction" étudiée dans le numéro 2 du Correspondancier (le fait que des personnages de fiction prennent conscience de leur irréalité), la revue transpose le sujet au domaine des arts visuels, peinture, photographie, bande dessinée. Autrement dit, on part ici à la recherche de la "peinture peinte", et les exemples ne manquent pas. Chez Giotto, dont on voit un personnage rouler la fresque sur laquelle il est peint dans le Jugement dernier, chez Francesco del Cossa dont l'escargot qui parcourt le bord du cadre avait déjà été étudié par Daniel Arasse, chez Escher (Dessiner), chez Tex Avery dont les personnages surgissent souvent de l'écran pour commenter l'action, mais aussi chez Hergé, Gotlib, Edika... Dans un autre domaine, on notera l'apparition d'une nouvelle figure de style très technique, l'homéozeugme, présentée ici par Jean-Louis Bailly. Là où le zeugme, figure connue, se contente d'associer à un même verbe deux compléments sémantiquement hétérogènes ("Après avoir sauté sa belle-sœur et le repas du midi, le Petit Prince reprit enfin ses esprits et une banane", double zeugme dû à un orfèvre en la matière, Pierre Desproges) l'homéozeugme "attellera ses deux compléments à un mot qui sera à la fois lui-même et son homonyme." Peu d'exemples pour l'instant ("A l'heure de la réforme agraire, Fidel fumait un havane et son champ", "Son épouse avait fuit, le privant de ses charmes : ce maçon ravalait la façade et ses larmes") mais la piste mérite d'être exploitée.

Football. ES Thaon - SA Epinal 0 - 3. Le match, prévu en décembre dernier, avait été remis pour cause de pluies continuelles. Ce soir, il ne pleut que pendant une heure. Le reste du temps, il neige.

JEUDI.
Épinal - Châtel-Nomexy (et retour). La Prise de Washington, volume de la série "L'Exécuteur" chez Gérard de Villiers.

VENDREDI.
Lecture. La Mort est mon métier (Robert Merle, Gallimard, 1952, rééd. Folio n° 789; 380 p., s.p.m.).
Où l'on s'aperçoit que finalement, on aurait pu s'épargner la lecture des Bienveillantes. En 1950, quand Robert Merle commence à écrire, les témoignages sur les camps de la mort existent déjà dans la littérature, Robert Antelme et David Rousset ont déjà publié leurs livres fondamentaux. Il choisit de prendre une autre voie et de présenter la vie de Rudolf Hoess, devenu Rudolf Lang, commandant du camp d'Auschwitz, sous la forme d'une biographie romancée. S'appuyant sur les confessions autobiographiques de Rudolf Hoess, sur les entretiens de celui-ci avec le psychologue américain Gustave Gilbert datant du procès de Nuremberg et sur les archives administratives disponibles, il retrace les grandes étapes de son parcours : l'enfance soumise à un père qui le destine à la prêtrise, l'engagement à 16 ans, la Première Guerre Mondiale dans les Balkans, les Corps Francs, la prison, la dèche, la SS et la transformation minutieuse du petit camp d'Auschwitz en usine de mort. Avec en tête un seul souci, la grandeur de l'Allemagne, et une seule préoccupation, obéir. Merle prend le risque de faire de Lang un héros de roman, de lui faire endosser le récit à la première personne, d'imaginer des dialogues, de lui prêter des sentiments, des pensées. On imagine les hauts cris de Lanzmann. Et pourtant, l'entreprise n'est pas inintéressante. Bien sûr, il y a des mauvais choix, des incohérences (pourquoi des bouts de phrases en allemand, pourquoi faire dire tantôt oui, tantôt ja aux personnages), mais dans l'ensemble l'auteur parvient à ses fins : montrer comment un homme, au bout d'un parcours rectiligne guidé par une seule obsession, peut devenir un monstre sans même s'en rendre compte. Comme il le dit dans sa préface rédigée en 1972 : "Tout ce que Rudolf fit, il ne fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'Etat. Bref, en homme de devoir : et c'est en cela justement qu'il est monstrueux." A côté de ce récit sec et tranchant, les afféteries de Jonathan Littell, ses échappées vers Blanchot, ses intrigues secondaires, ses dérives scatologiques, sa fin grotesque paraissent des boursouflures inutiles qui font des Bienveillantes une construction de carton-pâte. Cinquante ans plus tôt, Robert Merle avait traité la chose de façon directe, honnête. Il faudrait voir maintenant comment les romanciers allemands ou autrichiens ont eux évoqué cette période, il doit y avoir des choses à lire là-dessus chez quelqu'un comme Hermann Broch.

Courrier musical. Arrivée de No Sport, dernier disque de Rodolphe Burger. Bashung est mort, il nous reste Rodolphe Burger.

SAMEDI.
Football. SA Epinal - SR Saint-Dié 2 - 0.

IPAD. 17 novembre 2002. 132 km. (2931 km).


114 habitants

Une stèle surmontée d'un aigle, entourée de rosiers. Du 11 novembre, il reste une vasque contenant des chrysanthèmes et du buis entourés d'un ruban tricolore. L'inscription mentionne la localité voisine du Ménil-sur-Vair qui n'est pas une commune.


Balléville et Ménil
A leurs enfants
Morts pour la patrie

1914 Gustave ANGELVIN
1915 Alix VALETTE
Aimé LAURENT
Eugène LAURENT
Alfred THIEBAUT
Alfred PIERROT
Louis TOUSSAINT
Paul THIRIOT
1916 Marcel PIERROT
1918 Pierre CHAMBROT
Paul VINOT

1914-1918

L'Invent'Hair perd ses poils.


Paris, rue de Dunkerque, photo de Damien Didier-Laurent, 21 janvier 2006

Bon dimanche.