Notules
dominicales de culture domestique n°42 - 6 janvier 2002
DIMANCHE.
Cinéma. Les Autres (The
Others, Alejandro Amenabar, U.S.A.-Espagne, 2001 avec Nicole Kidman,
Fionnula Flanagan, Christopher Eccleston, Alakina Mann, James Bentley,
Eric Sykes, Elaine Cassidy).
Île de Jersey, 1945. Une femme attend le retour de son mari parti
se battre en France en s'occupant de ses deux enfants allergiques à
la lumière. L'arrivée d'un trio de nouveaux domestiques
coïncide avec l'apparition de phénomènes étranges.
L'héroïne a beau être prénommée Grace
et être coiffée comme une héroïne hitchcockienne,
ce n'est pas à Sir Alfred que l'on pense en voyant ce film mais
à Sixième Sens de M. Night Shyamalan. Qui est mort
? Qui est vivant ? Les fantômes nous veulent-ils du mal ? La présence
des enfants accentue encore cette référence, alors que le
rôle joué par les domestiques nous oriente du côté
de Rebecca. Ce qu'il y a de nouveau, c'est le huis-clos, tout se déroule
dans une grande demeure isolée, et là, c'est à Shining
que l'on pense. L'obligation de maintenir les enfants dans une semi- pénombre
donne lieu à des exercices d'éclairage. On a droit à
quelques bonnes poussées d'adrénaline mais on ne se laisse
pas avoir. Car si on pense à Sixième Sens, on se
met naturellement à comparer et à se rendre compte que la
copie ne vaut pas l'original.
TV. Épisode 4 de Six Feet
Under. Cette fois, ça y est, nous sommes pris. Je me suis surpris
plusieurs fois dans la journée à songer avec impatience
à l'épisode du soir.
LUNDI.
Cinéma (ciné-junior).
Le Vol des dinosaures (Munro Ferguson, Canada, 1996).
Dessin animé. Comment les dinosaures ont appris à voler.
Des moments assez drôles, desservis par un dessin plutôt laid.
Une poupée dans la neige (Co Hoedeman, Canada, 1998).
Un petit ours adopte une poupée qui appartient, en fait, à
sa voisine.
Ce sont des ours en peluche, dans un décor de maison de poupée,
qui sont ici mis en scène dans une belle histoire d'amitié.
Lucie a pleuré un peu moins que moi.
Coucou, M. Edgar (Pierre M. Trudeau, Canada, 1999)
Un coucou mécanique recueille trois oeufs et élève
leurs occupants.
Une animation un peu trop survoltée. Il y avait mieux à
faire sur cette opposition du mécanique et du vivant (définition
du comique par je ne sais plus qui).
Cactus Swing (Beth Portman et Susan Crandall, Canada, 1995).
Un cow-boy est sur le point de s'endormir quand soudain les cactus se
lancent dans une folle sarabande.
Cette fois, c'est un dessin animé anglophone, réalisé
à Vancouver, et on y sent nettement l'influence des studios Disney.
Les animaux et les végétaux prennent figure humaine, jouent
de la musique, chantent et dansent comme on l'a déjà vu
souvent.
Courrier. Vœux de VJ. et lettre de
B.
Mail. Sur [listeoulipo], échanges
sur le caractère palindromique de l'année à venir.
2002 est un palindrome, ce qui n'est pas exceptionnel puisque la dernière
année de ce genre ne remonte qu'à 1991. La date palindrome
du 20 février à venir (20 02 2002) semble plus intéressante
mais là non plus rien d'exceptionnel, on avait déjà
le cas le 10 février 2001 (10 02 2001), pour la première
fois depuis le 29 novembre 1192 (29 11 1192). Vivrons-nous assez vieux
pour connaître le 29 février 2092, qui ne devra son caractère
palindromique qu'à
la nature bissextile de l'an 2092 ?
Festivités. Réveillon
à Maxéville, chez les D. C'est la première fois depuis
1991 que je sors pour cette soirée. Il y a là J.-L.., ancien
condisciple des années de lycée que je n'ai pas vu depuis
25 ans. Nous mangeons somptueusement, devisons sur l'euro, bien sûr,
l'Autriche où nous nous retrouverons bientôt, C. Jérôme,
la défragmentation des disques durs (sic)... Nous rentrons à
4 heures, dans un brouillard épais.
MARDI.
Bilan annuel. "J'ai coutume tous
les ans, pendant la nuit de la Saint-Sylvestre, de me recueillir comme
les dévots qui font leur examen de conscience, et de résumer
mon année comme les négociants qui font leur inventaire."
(Gustave Flaubert, lettre à la Princesse
Mathilde du 31 décembre 1868, Correspondance vol. III, La Pléiade,
Gallimard). J'inaugure mon agenda 2002 par un bilan statistique de l'année
passée :
* 113 livres lus
* 204 films vus (72 au cinéma et 132 sur cassette vidéo)
* 320 pages de lecture de longue haleine avalées (j'appelle de
longue haleine la lecture des oeuvres que je lis en boucle, par tranche
de 10 pages : Proust, Kafka, Flaubert, Dumas, Nabokov...)
* poids oscillant entre 66 et 69,4 kg.
Le moment est venu aussi de faire le point sur mes travaux d'écriture
:
* Mon Inventaire concernant l'année 98 est toujours en cours d'élaboration.
Il comprend une phase de relecture plutôt longue.
* L'année 2001 a également donné lieu à un
inventaire, intitulé Aperçu de littérature passive,
que j'ai décidé de laisser courir sur une année supplémentaire.
* Toujours dans la catégorie Inventaires, 2001 a vu les débuts
d'une liste intitulée Félicités.
* Les Souvenirs quotidiens atteignent le numéro 1142, le premier
mille est en cours de recopiage informatique.
*Propos sur l'art peint : 837 peintres étudiés de Niccolo
dell'Abbate à Hyacinthe Collin de Vermont.
*51 Nouvelles en deux lignes écrites.
*99 volumes étudiés dans le cadre de l'Atlas de la Série
Noire.
*L'Itinéraire patriotique départemental en est à
la commune de Badménil-aux-Bois.
*20 photos de Bars clos sont étudiées mais il y en a d'autres
non développées dans l'appareil.
*Enfin, 2001 a vu également la mise en œuvre d'un nouveau chantier
intitulé Petite géographie de l'incipit qui comporte
pour l'instant 55 éléments.
TV. Ça ira mieux demain
(Jeanne Labrune, France, 2000 avec Jeanne Balibar, Sophie Guillemin, Nathalie
Baye, Jean-Pierre Darroussin, Danielle Darrieux, Hélène
Lapiower, Hubert Saint Macary, Isabelle Carré, Didier Bezace, Philippe
du Janerand, Christophe Odent, Nathalie Besançon, Dominique Besnehard,
Sylvie Joly).
Élisabeth redécore son appartement. Une commode l'encombre.
Elle ne sait qu'en faire : la stocker à la cave, la donner ?
L'argument, comme on le voit, est plutôt mince. Mais cette fameuse
commode, sorte d'objet transitionnel, va permettre à Élisabeth
(Balibar) d'entrer en contact avec diverses personnes et au film de devenir
une petite galerie de portraits très attrayants. Il y a un couple,
Sophie et Xavier, à qui Élisabeth décide de donner
la fameuse commode. Lui mène une double carrière de psychiatre
(Darroussin, qu'on a plus l'habitude de voir sur le divan qu'à
côté) et d'ostéopathe (!) dans deux cabinets contigus.
Il y a un décorateur qui s'inquiète pour sa ligne (Bezace),
une vieille dame qui cherche la tombe de son père à Douaumont
(Darrieux), une contrebassiste (Carré), une serveuse de restaurant
(Guillemin)... La plupart sont ce qu'on appelle aujourd'hui des bo-bos
qu'il eût été facile de caricaturer. Mais le regard
de Jeanne Labrune n'est pas cruel, elle observe ses personnages avec tendresse
et humanité. Servie par des comédiens impeccables, elle
livre ici un film drôle et séduisant qui semble appeler une
suite.
MERCREDI.
Euro. Premier contact avec la nouvelle
monnaie. Il y a un côté excitant, ludique à la chose.
De toute façon, il suffit que les Anglais soient europhobes pour
que je me sente férocement europhile. Je retire des euros au troisième
distributeur que je trouve (les autres ne fonctionnent pas), vais à
la boulangerie, chez le marchand de journaux, au marché, au café,
j'achète une carte de bus, je joue au tiercé... Tout se
passe parfaitement, avec un petit peu plus d'attente que d'habitude. La
panique annoncée (la même que pour le fameux bogue de l'an
2000) n'a pas cours. Pour Caroline, c'est un peu plus compliqué,
les employées font des erreurs dans le rendu de monnaie et la caisse
du soir est fausse. Les chevaux ont même la délicatesse de
courir un peu mieux que d'habitude et je touche, en euros, mon premier
quarté de l'année.
Lecture. Fin du troisième tome
de la Correspondance de Flaubert, lecture de longue haleine entamée
le 12 juillet 1999.
La cinquième affaire de Thomas Ribe (Thomas Ribe Femte
Sak, Øysten Lønn, 1996, 2001 pour la traduction française,
traduit du norvégien par Alain Gnaedig, Gallimard, Série
Noire n°2607).
Thomas Ribe enquête sur une série d'agressions dont sont
victimes des juges. L'enquête le ramène dans son village
natal.
La vogue du polar nordique n'apporte pas que des choses exceptionnelles.
La Série Noire a pris le train en marche avec des auteurs comme
Nino Filastò, Matti Yrjänä Joensuu, Stig Holmås
et cet Øysten Lønn, après les éditions Odin
où j'ai lu La déesse aveugle d'Ann Holt (Norvégienne,
elle aussi) et Le Seuil qui a touché le gros lot avec Henning Mankell.
Thomas Ribe est un ancien juge devenu policier flanqué d'une ex-épouse
alcoolique, d'une fille amoureuse d'un malfrat et d'une petite-fille dont
il s'occupe amoureusement.
L'auteur s'intéresse plus aux états d'âme de son personnage,
en pèlerinage sur ses terres natales, qu'à son enquête
filandreuse à souhait sans parvenir à intéresser
le lecteur à l'un ou à l'autre.
Le peuple migrateur. Visite d'H.,
en provenance de Marseille, qui nous présente sa compagne F.
JEUDI.
Courrier. J'envoie le formulaire de
réservation de notre location dans l'Eure, des vœux à M.
D. (mais pas à N. qui est passée dans la matinée
avec son globe-trotter de fils), des coupures à l'AGP (Télérama)
et à T. (Le Figaro).
TV. My Name Is Joe (Ken Loach,
G.-B., 1998 avec Peter Mullan, Louise Goodall, Lorraine McIntosh, David
Mc Kay, Anne-Marie Kennedy, David Hayman).
"My name is ... " est la phrase rituelle par laquelle commence
toute prise de parole aux A.A. Joe est un ex-alcoolique, chômeur,
entraîneur d'une petite équipe de football à Glasgow.
Il tombe amoureux de Sarah, assistante sociale, et essaie de sortir un
de ses joueurs du monde de la drogue.
Après s'être égaré sur les voies de l'espionnage
et du terrorisme (Hidden Agenda), en Espagne (Land and Freedom)
et au Nicaragua (Carla's Song), Ken Loach revient enfin à
ce qu'il sait faire de mieux, à savoir filmer au ras du bitume
la réalité sociale de son pays. On est ici dans la riante
agglomération de Glasgow où Joe essaie de vivre une histoire
d'amour "normale", malgré ses handicaps.
C'est très noir, bien sûr, mais Loach ne force pas le trait,
introduit même quelques scènes d'humour pour aérer
son propos. Il suffit d'une scène au centre médical pour
qu'on prenne conscience du délabrement du système de santé
britannique. Joe s'attaque aux puissances
locales, un gang de dealers, mais c'est sans espoir. Ici, pas de happy
end, la situation finale est aussi noire que celle du début et
le combat de Joe est conclu par un échec. Peter Mullan n'a pas
volé le prix d'interprétation qu'il a obtenu à Cannes.
VENDREDI.
Puériculture. Alice fait sa
rentrée à la crèche.
Mail. Y. envoie les photos du Nouvel
An. Nous y faisons des têtes qui pourraient faire croire que le
franc, qu'on enterrait ce soir-là, faisait partie de notre famille.
J'en profite pour ouvrir un album photos informatique.
Lecture. On n'y voit rien (Daniel
Arasse, Denoël 2000).
Descriptions.
Daniel Arasse, qu'on entend souvent sur France Culture, a choisi cinq
tableaux (Mars et Vénus surpris par Vulcain de Tintoret,
L'Annonciation de Cossa, L'Adoration des Mages de Bruegel,
La Vénus d'Urbin de Titien et Les Ménines
de Velázquez) et un attribut iconographique (la chevelure de Marie-Madeleine)
et en livre une lecture personnelle. Celle-ci va souvent à l'encontre
des thèses établies, et l'auteur se pose en adversaire de
l'analyse iconographique (qui permet de faire dire à peu près
tout ce qu'on veut à un symbole présent sur un tableau)
et de la méthode de Gombrich selon qui un tableau a une signification
et une seule. Son goût du détail le conduit à écrire
25 pages sur un escargot qui se trouve au premier plan de L'Annonciation
de Cossa, mais sans susciter la moindre trace d'ennui chez le lecteur.
L'érudition d'Arasse passe très bien, sauf dans l'analyse
des Ménines, qui m'a chappé.
Deux défauts. La qualité médiocre des reproductions,
en noir et blanc, qui en viennent involontairement à justifier
le titre : on n'y voit effectivement pas grand-chose (j'ai cherché
longuement la tête de Mars dans le premier tableau) et il vaut mieux
disposer d'autres images des tableaux choisis. Ensuite, certainement dans
le but de ne pas rebuter le lecteur non initié, Arasse choisit
de s'exprimer d'une façon pseudo populaire qui ne cadre pas avec
son propos (adresses directes au lecteur, dialogue "parlé"
avec un contradicteur imaginaire...) et qui tombe à plat.
Voyage. Réservation de nos
billets pour Paris, Caroline ayant décidé de m'accompagner
et d'aller faire les soldes en euros.
SAMEDI.
TV. A tombeau ouvert (Bringing
Out the Dead, Martin Scorsese, U.S.A., 1999 avec Nicolas Cage, Patricia
Arquette, John Goodman, Ving Rhames, Tom Sizemore, Marc Anthony, Mary
Beth Hurt, Cliff Curtis).
Une semaine dans la vie de Frank Pierce, ambulancier de nuit dans le quartier
new yorkais de Hell's Kitchen.
Scorsese et New York, c'est un vieux couple. Mais la ville que Scorsese
filme ici ne bénéficie pas du regard indulgent qu'il adopte
parfois : il n'y a plus de règles, la jungle gagne du terrain,
la Mort Rouge (encore plus destructrice que le crack) décime la
population. Le taxi de De Niro (Taxi Driver) est devenu une ambulance
qui ramasse les épaves dans des courses qui sont autant de descentes
aux enfers. Frank Pierce est hanté par les fantômes des morts
qu'il a convoyés. Par moment, il est le Bon Samaritain, volant
au secours des victimes, d'autres fois il cède au découragement,
à l'alcool, et rêve d'abandonner sa mission. La vision du
New York nocturne qu'offre Scorsese est effrayante, presque autant que
celle de la salle des urgences où Pierce amène ses clients.
La présence de la fille d'un homme victime d'un arrêt cardiaque
au début du film (Arquette) sert de lien entre toutes les courses
de Pierce mais celles-ci, répétitives et filmées
avec une caméra dynamite, finissent par lasser, de même qu'on
se lasse d'essayer de comprendre les motivations du personnage, interprété
par un Nicolas Cage hanté. L'impression finale est qu'on n'a pas
ici affaire à un très grand Scorsese.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°43 - 15 janvier 2002
DIMANCHE.
Lecture. Vivre et penser comme
des porcs (Gilles Châtelet, Gallimard 1998, coll. Folio actuel
n°73).
De l'incitation à l'envie et à l'ennui dans les démocraties-marchés.
J'avais été attiré vers ce livre par son titre et
par certaines expressions et trouvailles de l'auteur reprises dans des
articles critiques : un pamphlet pourfendant les "Cyber-Gédéons"
, les "Turbo-Bécassines", la "yaourtière
à classe moyenne", la "Régie française
des jobards du consensus" me semblait promettre une lecture saine
et roborative. J'avais oublié que mes connaissances en philosophie
et en économie étaient trop proches du zéro, malgré
l'aide d'un "Glossaire pour lecteur peu versé dans l'économie
politique".
On devine les cibles de Châtelet , les bo-bos, les décideurs,
la marchandisation, les Alain (Minc et Touraine) mais son propos échappe
à mon entendement. Châtelet est mort depuis, c'est dommage,
j'aurais bien aimé l'entendre un samedi matin dans Répliques
face à un
autre Alain (Finkielkraut).
Vie familiale. On mange la galette.
Lucie est reine et n'a pas de mal à choisir son roi. Le sapin de
Noël retourne au grenier.
Radio. J'écoute le Radio libre
consacré aux Papous enregistré la veille. On y entend des
disparus qui ont participé à l'émission au fil des
années (Desproges, Gainsbourg, Perec, Topor...) et un écrivain
que je n'ai jamais lu, Louis Calaferte dont je recopie les propos
dans mes carnets (il s'agissait de faire un inventaire des "Pas question
de..."). "Pas question de souffrir. Il est surprenant que notre
temps, par ailleurs si apparemment évolué, en soit encore
culturellement à ne pas avoir franchi le cap de la crucifixion.
Il faut absolument se
convaincre que la vie n'est pas un lieu d'expiation, il n'y a rien à
expier, que la souffrance est sans signification, qu'il faut la supprimer
autant qu'il se peut, qu'elle est un mythe malsain entretenu par les pouvoirs
qui y trouvent leur intérêt. La souffrance est la faiblesse
et la
honte de la vie, elle est notre ennemie et doit être traitée
comme telle."
"...la vie n'est pas un lieu d'expiation..." Il me semble que
si j'avais pu connaître cette phrase plus tôt, m'en convaincre
et l'appliquer, j'aurais gagné du temps dans mon existence.
TV. 5° épisode de Six
Feet Under. Le nombre de "fuck" et de ses dérivés
prononcé (la série est diffusée en V.O.) est assez
impressionnant.
Mail. Carte de vœux de N.
LUNDI.
Vie professionnelle. Rentrée
des classe, échange de vœux. il me semble que ça fait une
éternité que je n'ai pas mis les pieds au collège,
signe que les vacances ont été bonnes et efficaces. Je les
redoutais (contrairement à mes élèves, mes filles
ne respectent absolument pas mon sommeil) mais elles se sont déroulées
bien mieux que prévu.
Courrier. Vœux de K., une ancienne
élève, carte d'adhérent 2002 des Amis de Proust.
Mail. X. m'envoie le récit
coloré de son retour au Québec et la recette du gumbo.
MARDI.
Santé. Nouvelle attaque de
kératite.
Vie scolaire. Galette des rois au
collège. C'est l'occasion de revoir quelques têtes connues,
éloignées par la retraite ou une mutation mais ce genre
de cérémonie attire de moins en moins de monde et, dans
la salle de cantine déserte, ça donne plutôt l'impression
d'un noyau d'irréductibles grévistes autour d'un brasero
que d'un joyeuse bande festoyante. Je sens la fève tinter contre
mes dents, je la cache à l'abri d'une gencive et la glisse dans
ma poche. Transparence...
TV. La Séparation (Christian
Vincent, France, 1994 avec Daniel Auteuil, Isabelle Huppert, Jérôme
Deschamps, Karin Viard, Laurence Lerel, Jean-Jacques Vanier, Louis Vincent,
Nina Morato).
Anne annonce à Pierre qu'elle a un amant. Petit à petit,
le couple s'achemine vers la séparation.
C'était déjà après une séparation qu'Antoine
(Luchini) décidait de se venger de la gent féminine dans
La Discrète du même Christian Vincent. Mais ici, le ton n'est
pas le même. Cette situation, d'une banalité confondante,
donne lieu à un déchirement cruel.
Pierre, homme policé, cultivé, a des comportements inattendus,
devient méchant, bête, voire violent. Anne ne sait plus où
elle en est, de plus, la liaison qui enclenche le processus de séparation
ne mène nulle part. Comme dans la vie réelle, le sentiment
premier que donne ce
spectacle désolant est celui d'un immense gâchis. A partir
de très peu de choses (principalement des face à face, aérés
de temps en temps par la présence d'une baby-sitter ou d'un couple
d'amis) Christian Vincent signe un film dur, jamais ennuyeux grâce
au talent de
ses interprètes et à sa mise en scène.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète un livre
de Daniel Arasse à la Licorne, un recueil de mots croisés
de Michel Laclos et le dernier Michael Connely à Panorama 88.
Cinéma. Laissez-passer
(Bertrand Tavernier, France, 2001 avec Jacques Gamblin, Denis Podalydès,
Charlotte Kady, Marie Gillain, Marie Desgranges, Maria Pitarresi, Ged
Marlon, Philippe Morier-Genoud, Françoise Bette, Henri Attal, Philippe
Saïd, Serge Riaboukine, Jacques Boudet, Olivier Gourmet, Philippe
Meyer.
Paris, 1942-1943. La Continental, firme de cinéma, est dirigée
par les Allemands. Jean-Devaivre accepte d'y travailler comme assistant
metteur en scène. le scénariste Jean Aurenche s'y refuse.
L'ambition de Bertrand Tavernier est immense : rendre compte de la situation
du cinéma français sous l'Occupation.
Même en 2 heures 50, c'est un pari démesuré. On se
rend vite compte que sur les deux personnages qu'il a choisis, il y en
a un de trop.
C'est celui d'Aurenche, qu'on croit même totalement abandonné
aux deux tiers du film et qui est desservi par le jeu de Podalydès
qui fait du Francis Perrin. Se concentrer sur Jean-Devaivre eût
été amplement suffisant. Le fait de travailler pour une
firme allemande ne l'empêcha pas de résister et il finit
d'ailleurs par rejoindre le Maquis à la suite d'un épisode
rocambolesque. Seulement, il y avait là un danger, celui de présenter
Devaivre comme un emblème, et de dédouaner ainsi toute la
profession. Tous résistants, quoi, comme dans Le Père
tranquille de René Clément. La vision des techniciens
de la Continental, où on ne compte pas un collabo, est d'ailleurs
plutôt idéalisée.
Un autre aspect de l'ambition de Tavernier tient dans le fait que malgré
le soin apporté à la reconstitution et la présence
de comédiens connus, il ne fait pas un film grand public. Il faut
en effet une certaine connaissance de l'histoire du cinéma pour
ne pas se perdre dans les personnages. On peut penser que les noms de
Clouzot, Autant-Lara ne sont pas inconnus (on cite aussi Tino Rossi, Fernandel,
Pierre Fresnay, Danielle Darrieux, on aperçoit Michel Simon de
dos) mais les noms de Jean-Devaivre, Aurenche, Pierre Bost, Roger Richebé,
Richard Pothier, Maurice Tourneur, Jean-Paul Le Chanois, Albert Valentin,
Louis Daquin, Charles Spaak ne doivent pas évoquer grand-chose
à grand monde. Aurenche et Bost sont surtout restés dans
l'histoire du cinéma parce qu'ils furent les têtes de turc
des critiques des Cahiers du cinéma qui allaient fonder
la Nouvelle Vague, Truffaut en tête. le film de Tavernier apparaît
alors comme une tentative de réhabilitation du cinéma "qualité
française" qu'ils incarnaient -et qui n'est pas haïssable
à mes yeux.
En tout cas, et c'est déjà un mérite, Laissez-passer
donne envie d'en savoir plus sur cette période et son cinéma.
Il doit y avoir des livres de Siclier là-dessus, qu'il me tarde
de consulter.
JEUDI.
Newton. L'enseigne de la nouvelle
pharmacie perd son M qui s'écrase sur le trottoir, mal collé
à cause du gel. Alice tombe de sa table à langer. Le M seul
est fichu.
Courrier. J'envoie un cadeau de Noël
au jeune F., des vœux à K., une coupure du Monde à l'AGP.
TV. Sixième Sens (The
Sixth Sense, M.Night Shyamalan, U.S.A., 1999 avec Bruce Willis, Haley
Joe Osment, Toni Colette, Olivia Williams, Glenn Fitzgerald, Donnie Wahlberg,
Mischa Barton, Trevor Morgan, Bruce Norris).
Philadelphie. Un jeune garçon est hanté par des visions
de morts qui lui réclament de l'aide. Un psychologue essaie de
lui faire vaincre sa peur.
En voyant ce film pour la deuxième fois, je me suis bien sûr
attaché à déceler les indices qui permettent de sinon
deviner, du moins expliquer la révélation finale. Ceux-ci
sont suffisamment peu nombreux et ténus pour faire en sorte que
la surprise fonctionne parfaitement. Cette nouvelle vision permet également
de voir les emprunts à L'Exorciste que je n'ai découvert
qu'entre-temps (cf. notules n° 2). Enfin, en étant débarrassé
du besoin de comprendre, on peut trouver plus de défauts au film
: une lenteur du récit qui devient pesante, le visage de chien
battu de Bruce Willis, les effets musicaux faciles. Sixième Sens
est un film habile, mais pas un chef-d'œuvre.
VENDREDI.
Courrier. Je reçois les vœux
chaleureux de M.D., mon ancien principal.
Voyage. Nous laissons Alice, Lucie
et son angine chez mes beaux-parents et prenons le 19 heures 36 pour Paris.
J'abats la première grille de mon volume de Laclos.
Lecture. Moi, les parapluies
(François Barcelo, Éditions Libre Expression, Montréal,
1994, Gallimard, coll. Série Noire n°2547).
Sorel, Québec. Le jeune Normand Bazinet passe sept ans dans une
maison de redressement, accusé d'avoir tué sa grand-mère
en lui plantant un parapluie dans la bouche sur son lit d'hôpital.
Il en sort à 18 ans, décidé à retrouver le
vrai coupable.
Dans sa volonté d'élargissement géographique, la
Série Noire a fait une découverte intéressante avec
le Québécois Barcelo. Cadavres, son premier titre paru,
avait été une bonne surprise avec un langage et une thématique
inhabituels dans le monde du polar. Moi, les parapluies est de quatre
ans plus ancien mais n'a paru dans la collection qu'en 1999. Le côté
loufoque qui m'avait bien plu dans le premier titre y est déjà
présent mais tempéré par l'amertume du personnage
de Normand. Celui-ci est victime d'une grave erreur judiciaire. Son passage
en maison de redressement va lui forger un caractère froid, indifférent
et lui faire perdre toutes ses illusions sur sa famille. La cellule familiale
vue part Barcelo n'est pas un nid douillet. Déjà dans Cadavres,
le narrateur tuait sa mère. Ici, Bazinet va successivement soupçonner
et éliminer tous les membres de sa famille ou à peu près,
avec un détachement digne du Nick Corey de 1275 âmes
de Jim Thompson.
Citation : "A Noël il y a deux ans, Marie-Josette m'a donné
le Larousse gastronomique. Et j'ai entrepris d'essayer la plupart des
recettes - dans l'ordre alphabétique, ce qui m'inspire plus que
de commencer par maîtriser le poulet, par exemple, avant de m'attaquer
au bœuf. L'ordre alphabétique a quelque chose d'aléatoire,
qui combat la monotonie et multiplie les surprises. Je me souviens du
premier jour : j'ai à moitié réussi les acras de
morue, raté les abattis à l'anglaise et triomphé
avec les abricots à l'ancienne." Il va de soi que j'ai trouvé
la démarche intéressante...
SAMEDI.
Vie parisienne. Je suis à l'heure
de l'ouverture chez Gibert Jeune, en haut du boulevard Saint-Michel où
j'achète La France de Pétain et son cinéma de
Jacques Siclier. A Jussieu, j'assiste au séminaire Perec ("Le
département des récits policiers dans La Vie mode
d'emploi et 53 jours", par Isabelle Dangy qui ne m'apprend pas
grand-chose). Je rejoins Caroline au Bouillon Racine, qui est quand même
la meilleure cantine du quartier. J'épluche deux Série Noire
à la Bibliothèque des Littératures Policières,
traverse la Seine pour me trouver à 17 heures 15 dans la salle
de lecture de la Bibliothèque de l'Arsenal où se tient l'Assemblée
Générale de l'Association Georges Perec.
Je me sens tout petit, assis entre Ela Bienenfeld, cousine et détentrice
des droits de Perec, la gardienne du temple en quelque sorte, et Jacques
Neefs, l'ancien président de l'Association, qui est un des plus
grands spécialistes actuels de Flaubert. L'année Perec s'annonce
plutôt riche avec des colloques prévus à Perpignan,
Bari, Tunis, Budapest, l'émission d'un timbre, la célébration
du 20ème anniversaire de la mort de Perec et de la création
de l'Association. Claude Burgelin, le président, annonce également
la parution des Cahiers Georges Perec n°7. La soirée doit se
terminer par une cérémonie apéritive chez Paulette
Perec, je m'éclipse et vais rejoindre Caroline, retour de soldes.
Nous passons devant l'église Saint-Laurent. Distribution de soupe
chaude aux SDF. Un peu plus loin, un vieux bus de la RATP attend les passagers
pour Nanterre. Je pense à Patrick Declerck et à ses Naufragés...
(cf. notules n°36).
Cinéma.
Spy Game (Jeu d'espions) (Tony Scott, U.S.A., 2001 avec
Robert Redford, Brad Pitt, Catherine McCormack, Stephen Dillane, Larry
Briggman, Marianne Jean-Baptiste, David Hemmings, Charlotte Rampling).
Nathan Muir vit sa dernière journée au sein de la C.I.A.
à Langley : il doit partir à la retraite le soir-même.
Il apprend qu'un agent qu'il a formé, Tom Bishop, est détenu
dans une prison chinoise. La dernière journée de Muir va
être bien occupée.
Muir est un héros. Avant d'être dans les bureaux, il a été
sur le terrain. De longs flash-backs le montrent en action avec son élève
au Vietnam, à Berlin, à Beyrouth. Ceux qui travaillent avec
lui le connaissent et l'estiment. Quand il arrive au bureau, sa secrétaire
lui tend sa tasse de café sans qu'il ait à la réclamer,
comme quoi il reste encore du petit personnel -même de couleur-
sur lequel on peut compter. Mais il y a les jeunes aux dents longues qui
arrivent et qui veulent bouleverser les vieilles méthodes et ceux
qui les incarnent. Dans cette affaire, ils sont prêts à sacrifier
l'agent prisonnier en Chine du fait que les États-Unis sont en
passe de signer un important accord commercial avec ce pays. Bien entendu,
Muir ne va pas se laisser faire et, malin comme un singe, réussira
au prix d'une opération rocambolesque et invraisemblable à
faire libérer son ami.
C'est le cinéma américain gros calibre dans toute sa splendeur.
Deux vedettes, un scénario qui, en deux heures et sept minutes
ne livre absolument rien d'inattendu, des situations, des dialogues et
des personnages tellement convenus qu'ils frisent la caricature. Quand
Tony Scott quitte sa façon trépidante de filmer, ça
donne un plan obscène, un ralenti sur des enfants dans un camp
de réfugiés à Beyrouth.
On peut redouter, après avoir vu ça, ce que ça donnera
quand les attentats du 11 septembre seront assimilés et digérés
par l'industrie cinématographique américaine. Scénaristiquement,
on risque de souffrir...
Malgré le manque de qualités du film, nous ne regrettons
pas notre soirée. Parce qu'il y a le film, certes, mais il y a
aussi le cadre. Et là, on est dans le grandiose. Nous sommes pour
la première fois au Grand Rex, un salle que je rêvais de
fréquenter depuis longtemps, au deuxième balcon. C'est un
vrai théâtre, tellement escarpé qu'on a peur de tomber
(ce qui ne m'empêchera pas de m'assoupir à quatorze reprises),
au décor kitsch à souhait. Le plafond représente
un ciel étoilé, comme la grande salle de Poudlard dans Harry
Potter. Avant que le film commence, on se demande pourquoi il n'y
a personne au parterre jusqu'au moment où l'écran, immense,
descend des cintres au ras du balcon. Les imprudents qui occupent les
premiers rangs ne tardent pas à refluer vers l'arrière.
Le son est incroyable, les hélicoptères décollent
dans notre dos, les portes de la prison chinoise claquent quasiment sur
nos doigts. J'imagine ce que ça doit être de voir un vrai
bon film dans ces conditions...
Bonne semaine, et les excuses pour la livraison tardive.
Notules
dominicales de culture domestique n°44 - 20 janvier 2002
DIMANCHE.
Vie parisienne (suite). Visite
de l'exposition Au temps de Marcel Proust, la collection de F.-G.
Seligmann, au Musée Carnavalet, près de la Bastille. Il
s'agit de tableaux peints par des contemporains de Proust et qui représentent
des personnes qu'il a connues, dont il s'est servi de modèles pour
des personnages de La Recherche, de lieux qu'il a fréquentés
ou décrits (Trouville, le Pré-Catelan...). Je dois dire
que ce n'est qu'en vertu du caractère alphabétique que j'ai
donné à mon exploration du monde artistique que je reconnais
quelques noms : Amaury-Duval, Léon Bonnat, Carolus-Duran...Si,
il y a tout de même Jacques-Émile Blanche, qui peignit toutes
les célébrités littéraires de l'époque
(ici Mary Cassatt). C'est une peinture des Salons de l'époque,
très conformiste, très convenue. Nous arpentons le reste
du musée. C'est le musée de l'Histoire de Paris, contenu
dans un grand hôtel particulier. Il faut suivre une enfilade de
pièces meublées selon telle ou telle époque (c'est
aussi passionnant
que la visite d'un château anglais) pour dénicher, tout au
bout du dernier couloir qui se termine en cul-de-sac, ce que suis venu
chercher : la reconstitution, avec les objets
authentiques, des chambres de Proust et de Léautaud : le lit
métallique, la canne, l'encrier, la pelisse en loutre de l'un,
le panier à chat, le pot de chambre, le fauteuil défoncé
de l'autre... C'est incroyablement déprimant. Il y a à Beaubourg
deux ou trois chambres d'anonymes reconstituées par je ne sais
plus quel artiste, américain je crois, qui m'avaient fait le même
effet. Je vais à la librairie relire les lignes de Jérôme
Prieur (Proust fantôme, cf. notules n° ) : "Dans
le labyrinthe de l'hôtel Carnavalet, un gardien accepte finalement
d'aller ouvrir la salle qui est toujours fermée quand on veut la
voir, la salle des Chambres d'écrivains. A l'intérieur de
la même pièce, sans presque aucun recul, on peut parcourir
d'un seul regard le boudoir de jeune fille d'Anna de Noailles, le fourre-tout
de Paul Léautaud, et la chambre de Marcel Proust. Au cœur du dortoir,
sous la lumière crue d'un tube de néon, la chambre capitonnée
comme un sous-marin, la chambre-forte est trop étroite. Minuscule
lit en cuivre qui semble remis à neuf sous son étole bleu
pétrole. Entassement de trop rares bibelots dans l'espace
exigu, frêle table de nuit sur laquelle a été abandonnée,
parmi deux ou trois cahiers d'écolier toujours vierges, la fiole
d'une bouteille d'encre noire. Les souvenirs n'ont pas l'air d'être
vrais, c'est un décor de pièce de boulevard."
LUNDI.
TV. Épisode plutôt creux
de Six Feet Under.
Mail. J'entame la rédaction
des notules n°43. Vœux de R. et de Jl. La [listeoulipo] s'intéresse
aux lieux palindromiques (Laval, Eze, Senones, etc.).
MARDI.
Mail. Je reprends les notules l'aube
et les termine en soirée. Je recopie un entrefilet du Monde pour
Y.
TV. Nez de cuir, gentilhomme d'amour
(Yves Allégret, France, 1954 avec Jean Marais, Françoise
Christophe, Valentine Tessier, Jean Debucourt, Mariella Lotti, Massimo
Girotti, Bernard Noël, Yvonne de Bray, Denis d'Inès, Yolande
Laffon, Gabriel Gobin, Gianni Esposito, Marcel André).
1814. Pendant la campagne de France, le comte Roger de Tainchebraye, jeune
et brillant séducteur, est grièvement blessé au visage.
les femmes continuent à lui céder, mais celle qu'il aime
vraiment, Judith de Rieusses, lui résiste.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que Jean Marais ne se souciait guère
des transformations qu'on faisait subir à son physique : Le
Bossu, la série des Fantômas, La Belle et la
bête... Il porte ici un masque qui laisse tout de même
deviner la beauté de ses traits. Malheureusement, son jeu un peu
emphatique a plutôt mal vieilli et les tourments de ce personnage,
attaché à séduire la seule femme qui lui oppose une
certaine résistance (Françoise Christophe) ne passionnent
guère. La mise en scène d'Yves Allégret, qui accumule
les fondus au noir et les scènes de chasse (pour bien faire comprendre
que l'amour est une traque) manque également de subtilité.
MERCREDI.
Mail. Message musical de J. Je l'abonne
d'autorité aux notules. Les deux dernières personnes à
qui j'ai proposé un abonnement n'ont pas donné suite à
mon offre, ce qui a occasionné une légère blessure
narcissique. Donc, je ne propose plus, j'impose.
Presse. Je lis Le Canard enchaîné
à la Bibliothèque municipale, où Lucie assiste à
L'heure du conte. Le bretzel qui a failli étouffer le fils
Bush est appelé un étouffe-crétin. Bien vu.
Obituaire. Mort de Michel Poniatowski.
"Contre le mur du fond, une desserte de style indéterminé
sur laquelle sont posés une lampe dont le socle est un cube d'opaline,
une bouteille de pastis 51, une unique pomme rouge sur une assiette d'étain,
et un journal du soir dont on peut lire l'énorme manchette : PONIA
: LE CHÂTIMENT SERA EXEMPLAIRE." (Georges Perec, La Vie
mode d'emploi, chap. LXI).
TV. Laissons Lucie faire (Emmanuel
Mouret, France , 2000 avec Marie Gillain, Emmanuel Mouret, Dolorès
Chaplin, Arnaud Simon, Georges Neri, Natalia Romanenko, Frédéric
Niedermeyer).
Lucie vend des maillots de bain sur une plage près de Marseille.
Elle vit avec Lucien qui vient de manquer son concours d'entrée
dans la Gendarmerie mais qui est recruté par les services secrets.
La musique, le cadre, dès le générique, nous orientent
du côté de Tati et des Vacances de M. Hulot. Comme
Hulot, Lucien se cogne aux portes et se place de lui-même dans des
situations inextricables. Contraint de cacher sa profession d'agent secret,
il invente des mensonges invraisemblables qui finissent par lasser Lucie.
Emmanuel Mouret, qui signe son deuxième film, lui prête son
visage élastique (qui n'est pas sans évoquer Fernandel)
d'adolescent attardé. Il a des talents de comédien, des
talents d'auteur, et de metteur en scène. Comédie fraîche
et légère, fable sur le mensonge et l'amour, Laissons
Lucie faire est une vraie bonne surprise. Ne reculant devant rien,
Mouret va même jusqu'à livrer sa propre version du baiser
de plage entre Deborah Kerre et Burt Lancaster tirée de Tant
qu'il y aura des hommes.
JEUDI.
Courrier. J'envoie des coupures à Y. (Le Canard enchaîné)
et à l'AGP (Libération, Viridis Candela).
Cinéma. Se souvenir des
belles choses (Zabou Breitman, France, 2001 avec Isabelle Carré,
Bernard Campan, Bernard Le Coq, Zabou Breitman, Dominique Pinon,Denys
Granier-Deferre, Anne Le Ny, François Levantal, Aude Briant, Jean-Claude
Deret, Céline Léger).
Claire Poussin souffre de troubles de la mémoire après avoir
été foudroyée. Dans un centre de soins, elle rencontre
Philippe, qui a perdu sa femme et son fils dans un accident de voiture.
Ils s'installent dans un appartement. La maladie de Claire est en fait
plus grave : Alzheimer.
Pour marquer son entrée dans le monde des gens sérieux,
Zabou a ajouté son nom de famille à son pseudonyme et est
passée derrière la caméra pour traiter un sujet grave
et difficile, la désagrégation d'un cerveau, la déliquescence
d'une jeune femme qui perd progressivement la mémoire, la parole,
ses repères. Disons tout de suite que dans le rôle, Isabelle
Carré est remarquable. La vie dans le centre qu'elle fréquente
donne à la première partie du film un ton de comédie.
C'est une galerie de portraits de pensionnaires et de soignants interprétés,
là aussi, avec talent. Et puis on bascule dans le tragique avec
la descente aux enfers de Claire à laquelle Philippe assiste impuissant.
Il y a là dedans de belles trouvailles (l'appartement de Claire
et Philipp envahi par les Post-It, les réveils et les minuteurs,
la scène où Claire se perd dans un hypermarché),
il y a aussi des maladresses, à commencer par le choix de Bernard
Campan, qui manque cruellement d'envergure, des scènes ridicules
(l'amour sous la pluie, les cauchemars de Philippe), des choses absolument
indignes comme cette séquence où deux vieux juifs se transforment
en jeunes gens vêtus de l'habit de déporté. Bien sûr,
dans le genre, C'est la vie (d'ailleurs distribué par la
même société, Pan-Européenne) de Jean-Pierre
Améris était infiniment plus subtil mais, encore une fois,
l'exercice était très difficile.
En tout cas, le titre est joli et les seins d'Isabelle Carré parfaitement
ronds.
VENDREDI.
Courrier. Je reçois la bande
originale de La Pianiste (Schubert, entre autres) et le n°6
de Viridis Candela.
Mail. J'avertis J. de la prochaine
diffusion du Radeau de la Méduse, film dans lequel il fut
figurant.
TV. Une Histoire immortelle
(Orson Welles, France, 1966, avec Orson Welles, Jeanne Moreau, Roger Coggio,
Norman Eshley, Fernando Rey).
Macao. Un riche négociant, M. Clay, demande à son employé,
Levinsky, de lui trouver une jeune femme qui sera appelée à
jouer le rôle de son épouse dans la mise en scène
d'une légende de marin.
Le film dure une heure. Si on connaît Orson Welles et les difficultés
qu'il a connues pour mener à bien tous ses projets, on se doute
que c'est le manque d'argent qui explique cette durée réduite.
Il a quand même le temps dans ce format de faire admirer son goût
pour les jeux de miroir (que l'on connaît depuis La Dame de Shanghai
au moins) et pour les cadrages millimétrés (dont s'inspirera
Peter Greenaway). Il semble qu'on ait affaire à une méditation
sur la vieillesse : Clay veut, avant sa mort, faire prendre corps
à une légende. Est-ce ainsi que Welles considère
le rôle du cinéaste ? Quoi qu'il en soit, ce n'est pas
passionnant : une heure, finalement, suffisait amplement.
SAMEDI.
Toile. je découvre, après
lecture d'un hors-série des Cahiers du cinéma consacré
à Cinéma et internet, le site de la Bibliothèque
du Film qui donne, pour chaque film existant, une fiche avec la distribution
absolument complète, jusqu'au plus petit rôle, jusqu'à
la moindre silhouette ce qui ne peut que combler mon désir d'exhaustivité.
Ce qui signifie qu'il va falloir que je revoie entièrement mon
répertoire de Films vus, que je suis en train de transférer
du papier à l'écran (j'en suis à 593 films annotés).
Vivement la retraite...
Notules
dominicales de culture domestique n°45 - 27 janvier 2002
DIMANCHE.
Vie familiale. Mes parents viennent
manger et visiter la pharmacie.
TV. 7ème épisode de
Six Feet Under.
Toile. Je passe beaucoup de temps
sur le site de la BiFi à compléter mes filmographies.
LUNDI.
Lecture. L'Oiseau des ténèbres
(A Darkness more than Night, Michael Connely, 2001, traduit de
l'américain par Robert Pépin, Éditions du Seuil,
coll. Seuil Policiers).
On assiste ici à la rencontre de Terry McCaleb, l'agent du FBI
héros de Créance de sang, et de Hyeronymus - dit Harry -
Bosch, héros des autres livres de Michael Connely. Bosch assiste
à un procès important, il témoigne du côté
de l'accusation. Il espère parvenir à la condamnation pour
meurtre d'un célèbre réalisateur de Hollywood. Parallèlement,
McCaleb est sollicité pour élucider l'assassinat d'un petit
malfrat dont la mise en scène l'intrigue : elle ressemble étrangement
à la reconstitution d'un tableau de Hyeronymus Bosch, le maître
flamand du 16ème siècle.
D'habitude, Bosch n'a d'ennuis qu'à propos de sa manière
de travailler. Plusieurs de ses aventures précédentes le
montraient aux prises avec sa hiérarchie, notamment avec l'équivalent
de l'Inspection Générale des Srvices. Cette fois, c'est
plus grave : il est soupçonné de meurtre, et plus précisément
du meurtre dont l'accusé est en train d'être jugé...
McCaleb enquête d'abord à partir d'un tableau de l'homonyme
de Bosch. On essaie de l'écarter de l'enquête, sa femme ne
voit pas d'un très bon œil son retour aux affaires après
la transplantation cardiaque qu'il a subie. C'est une course contre la
montre, Bosch devant se disculper avant l'issue du procès auquel
il témoigne.
Michael Connely mène tout cela avec son brio habituel, son sens
des rebondissements et son art du suspense. Finalement, Bosch sauvera
la vie de McCaleb et McCaleb sauvera la vie de Bosch, innocent bien sûr,
mais victime d'une machination redoutable.
Curiosité : "Nous avons retrouvé soixante-huit empreintes
dans la maison où la victime est morte. Soixante-deux d'entre elles
appartenaient à la victime et à sa colocataire. Il a été
ensuite établi que les seize autres appartenaient à sept
personnes différentes."
68 - 62 = 16 !?
Toile. Y. me donne l'adresse de D.R.,
qu'il estime susceptible d'être intéressé par les
notules. J'en envoie quelques exemplaires de démonstration. J'en
profite pour abonner d'autorité des correspondants qui n'ont pas
répondu à ma proposition d'abonnement. Après tout,
qui ne dit mot consent.
TV. Esther Kahn (Arnaud Desplechin, France, 2000 avec
Summer Phoenix, Ian Holm, Fabrice Desplechin, Frances Barber, Laszló
Szábó, Emmanuelle Devos).
Londres, fin du XIX° siècle. La jeune Esther Kahn, fille d'un
pauvre tailleur juif, rêve de devenir actrice.
Ce film se trouve à la croisée de trois tendances du cinéma
français de ces deux dernières années : la renaissance
du film à costumes (Les Destinées sentimentales,
L'Anglaise et le Duc, Saint-Cyr) , le tropisme de l'Angleterre
et des comédiens anglais (Mauvaise passe, Intimité,
le dernier Rohmer encore, sans parler de choses plus légères
comme Barnie et ses petites contrariétés ou Ma
Femme est une actrice) et enfin le goût de filmer le théâtre
(Je rentre à la maison, La Répétition,
Va savoir ! mais là c'est Desplechin qui le fait le mieux).
On suit Esther du noyau familial (où elle sert de modèle
à son père, répétant les gestes qu'elle fera
plus tard face à son habilleuse) à la scène d'un
grand théâtre en passant par la troupe yiddish du quartier.
On a parfois l'impression de se trouver face à un bel objet, une
belle reconstitution, soignée mais un peu glacée. Et puis
arrive le dernier moment du film où Esther, suite à une
déception amoureuse, refuse de monter sur scène le soir
où elle doit rencontre la consécration. Il y a là
une tension extrême entre ce qu'elle désire depuis son enfance
(jouer) et son désir du moment (mourir).
La détermination du personnage se confond avec celle de l'actrice
(Phoenix, qui peut rappeler une jeune Adjani) et, à un deuxième
niveau, avec celle du personnage qu'Esther interprète sur scène
au cours de cette fameuse soirée : celui d'Hedda Gabler dans la
pièce éponyme d'Ibsen. A Propos d'Ibsen, les joyciens apprécieront
l'échange entre Esther et son amant, à qui elle vient d'offrir
un recueil d'Ibsen sans savoir qu'il était en version originale :
"Je suis désolée.
- Ça ne fait rien, j'apprendrai le norvégien."
A savoir, ce que fit Joyce à l'âge de 18 ans, justement pour
pouvoir écrire à Ibsen et lui faire part de son admiration.
A noter que Desplechin remet à l'honneur une vieille technique,
celle de l'ouverture et de la fermeture à l'iris, qui lui permet
de faire durer un détail ou un visage.
Cet oculus est d'ailleurs repris dans le trou ménagé dans
le rideau de scène qui permet à Esther de surveiller la
salle avant le début d'une représentation.
MARDI.
TV. Cadet d'eau douce (Steamboat
Bill Junior, Charles Reisner, U.S.A., 1928 avec Buster Keaton, Ernest
Torrence, Tom Lewis, Tom McGuire, Marion Byron).
Willie Canfield exploite un vieux rafiot sur le Mississipi. Son puissant
concurrent, King, menace de couler son entreprise. Mais les enfants de
Canfield et de King s'aiment.
Comme dans Voisin, voisine (1921, cf. notules n°30), Keaton
apparaît dans une variation de Roméo et Juliette. Les relations
entre Canfield et son fils sont certainement d'inspiration autobiographique
: le père rêve d'un fils qui soit un vrai loup de mer, capable
de lui succéder à bord de son bateau, il hérite d'un
avorton amoureux, en plus, de la fille de son concurrent mais qui finira
par lui sauver la vie.
Le film est surtout connu pour la spectaculaire séquence du typhon
au cours de laquelle une façade d'immeuble s'écroule sur
Buster qui s'en sort sans une égratignure, une scène qui
fut une véritable prouesse de tournage.
MERCREDI.
Travaux. Dernière réunion
de chantier avant la réouverture de la pharmacie prévue
lundi. Vu ce qui reste à faire, ça semble improbable mais
il paraît que c'est faisable.
TV. Je visionne en accéléré
Le radeau de la Méduse enregistré la veille (et qui
m'a l'air d'être un fier navet) à la recherche du visage
de J. mais en vain.
Cinéma. De l'eau tiède
sous un pont rouge (Akai hashi no shita no nurui mizu, Shohei
Imamura, Japon, 2001 avec Koji Yakusho, Misa Shimizu, Mitsuko Baisho,
Mansaku Fuwa, Kazuo Kutramura, Isao Natsuyagi).
Yosuka débarque dans un village de pêcheurs à la recherche
d'un hypothétique trésor. Il rencontre Saeko, une jeune
femme dont le corps se remplit d'eau régulièrement et qui
doit faire l'amour pour s'en libérer.
Après sa belle Anguille palmée à Cannes en
1997, Imamura (75 ans tout de même) avait un peu déçu
avec Dr Akagi mais retrouve ici toute son originalité et
tout son charme. Il est encore une fois question d'une petite communauté,
un village de pêcheurs, avec ses personnages plus ou moins insolites
: une vieille femme qui attend, posée sur une chaise, le retour
d'un ancien amour enfui depuis des années, un marathonien noir
qui s'entraîne pour les Jeux Olympiques, un trio de pêcheurs
à la ligne qui joue le rôle du chœur antique, une jeune femme
aux caractéristiques physiques pour le moins déroutantes.
Arrive un étranger, un homme qui a tout perdu, travail et foyer,
conduit par l'appât du gain et qui, comme Yamashita dans L'Anguille,
va découvrir bien d'autres choses et s'intégrer à
la société locale. Une nouvelle fois, c'est l'eau, la mer
et la mère, qui est source de renaissance, mais si philosophie
il y a, elle n'est jamais pesante, Imamura faisant preuve d'humour et
de malice. Le
slogan du vieux sage qui indique à Yosuka l'existence du pseudo-trésor ?
"La vraie vie, c'est bander !" Comme Oliveira et Kiarostami,
Imamura raconte des fables. Les siennes sont simplement plus légères
et plus digestes.
JEUDI.
Mail. J'envoie un aperçu de
mes chantiers littéraires à D.R.
Courrier. J'envoie des coupures à
N. (Avantages) et à l'AGP (Les Cahiers du cinéma) et réponds
aux vœux de M.D.
Cinéma. L'Emploi du temps
(Laurent Cantet, France, 2001 avec Aurélien Recoing, Karin Viard,
Serge Livrozet, Jean-Pierre Mangeot, Nicolas Kalsch).
Je me suis intéressé à l'affaire Jean-Claude Romand,
cet homme qui parvint à faire croire à tout son entourage
qu'il était médecin à l'OMS à Genève
alors qu'il n'était et ne faisait rien du tout, à partir
de la lecture de L'Adversaire d'Emmanuel Carrère. Laurent
Cantet, à son tour, s'est inspiré de cette histoire sans
en faire une reconstitution. Ici Vincent (Recoing, inconnu mais très
fort) cache à sa femme son licenciement et prétend être
employé par un organisme de Genève dépendant de l'ONU.
La fin du film se détourne du dénouement tragique de l'affaire
Romand (qui tua parents, femme et enfants) pour présenter un Vincent
prêt (?) à repartir dans un nouvel emploi, réel celui-là.
Ce qui m'intéresse dans cette histoire, c'est la construction du
mensonge qui finit par occuper toute une vie d'une part - mais on a déjà
vu ça au cinéma, des personnages à double vie - et
surtout la façon dont on peut meubler une vie qui ne repose que
sur le vide. Ce qui m'intrigue, c'est : mais que faisait Romand de ses
journées, alors que tout le monde le croyait au boulot, à
Genève ? Le titre du film indique que c'est dans cette direction
que Cantet est allé. Les lieux fréquentés par Vincent
sont une succession de parkings et de halls d'hôtels, de stations-services,
d'endroits isolés dans la nature où il s'attache à
apprendre son rôle pour pouvoir donner le change. Car c'est ça
aussi qui est fascinant, à savoir que le vrai Romand, au cours
de sa vie de mensonge, a dépensé beaucoup plus de temps
et d'énergie à
emmagasiner toutes les connaissances susceptibles de le faire passer pour
un médecin que s'il avait tout bêtement poursuivi ses études
pour le devenir vraiment. Il y a aussi l'aspect financier, les emprunts
aux parents et aux amis, la construction d'un gigantesque château
de cartes à la merci du moindre souffle.
Laurent Cantet réalise un film admirable, confirmant que son premier
film, Ressources humaines, n'était pas qu'une promesse.
Il parvient à montrer, sur le visage de ses interprètes,
la progression de la lassitude, de l'exténuation (il n'y a rien
de plus fatigant que de mentir), l'invasion du doute.
Petit plaisir personnel : une vision fugitive du quartier des organismes
internationaux à Genève, que j'ai sillonné en avril
1996 à la recherche de traces d'Albert Cohen.
VENDREDI.
Lecture. Histoires littéraires
(Revue trimestrielle consacrée à la littérature française
des XIX° et XX° siècles, n°6, Avril-mai-juin 2001,
Du Lérot éditeur).
Ce numéro s'ouvre sur des documents présentant l'arrivée
de la traduction de l'Ulysse de Joyce dans la littérature française,
avec la liste des personnalités, institutions et librairies qui
en reçurent les premiers exemplaires. Suit un long dossier sur
Vercors, puis il est question de Germain Nouveau, de Catulle Mendès...
Dans la rubrique Livres reçus, qui est toujours la plus intéressante
car c'est là qu'apparaît le "ton" de la revue,
j'ai relevé un essai d'Annie Le Brun intitulé Du trop
de réalité qui est susceptible de m'intéresser.
Dans cette même rubrique, le Journal inutile de Paul Morand
est chroniqué sans qu'il soit fait mention des propos antisémites
de l'auteur qui, si j'en crois d'autres critiques, occupent nombre de
pages. C'est une négligence tout de même fâcheuse...
Courrier. Je reçois trois numéros
gratuits de Fiches cinéma commandés sur le site internet
de cette revue. Les filmographies sont moins complètes que celles
du site de la BiFi, je ne m'abonnerai pas.
Radio. Je finis d'écouter et archive les enregistrements
réalisés cet été sur France Culture, 14 cassettes
consacrées à autant de rediffusions de l'émission
Les mardis du cinéma : D.W. Griffith, Fritz Lang, Orson
Welles, Charles Laughton, Buster Keaton, Ava Gardner, Bette Davis, Judy
Garland, Marilyn Monroe, Vincente Minnelli, James Dean, James Stewart,
Gregory Peck, Woody Allen.
Mail. Je fais passer un message d'alerte
virale.
SAMEDI.
Déménagement. Transfert
de la pharmacie des cellules installées sur le trottoir aux anciens
locaux rénovés. Il y a assez de bras costauds (les conjoints
des employées, mon père) pour la manutention et de mains
expertes (lesdites employées, Caroline) pour le rangement pour
que je me consacre à la garde des filles.
Délicieuse sensation de se sentir inutile en de pareilles circonstances.
Comme Lucie tient à participer à l'effervescence, je passe
une journée des plus paisibles avec Alice. Pour la première
fois depuis des mois, je parviens à faire progresser toutes mes
entreprises littéraires, sur papier comme sur écran. Je
finis la journée exténué mais me garde de le crier
sur les toits, on ne me croirait pas.
TV. Piège fatal (Reindeer Games, John Frankenheimer,
U.S.A., 20000 avec Ben Affleck, Gary Sinise, Charlize Theron).
A sa sortie du pénitencier, Rudy Duncan se fait passer pour son
compagnon de cellule afin de bénéficier des faveurs de la
correspondante de prison de celui-ci. Il se retrouve embarqué dans
le braquage d'un casino, à son corps défendant.
Le premier film de Frankenheimer date de 1957. C'est dire qu'il n'est
pas neuf et que, s'il n'a pas de génie, il a du métier.
Du métier, il en fallait pour transformer cette banale histoire
de mauvais garçons, au scénario un peu tortueux, en film
correct. S'il y parvient, c'est grâce à sa façon de
se servir du cadre géographique (le Michigan sous la neige, réminiscence
de Fargo et de Un Plan simple), à la conviction de
ses interprètes (surtout Sinise, un méchant vraiment inquiétant)
et à l'humour dont il émaille les péripéties
du récit : l'histoire se déroule au moment de Noël
et les actions les plus violentes sont perpétrées au son
de Jingle Bells et de Let It Snow, les braqueurs sont déguisés
en Pères Noël pour le casse du casino, Duncan se sert d'un
pistolet à eau rempli de whisky pour se tirer d'une mauvaise passe.
Un vrai film du samedi soir, efficace et sans prétention.
Bon dimanche, ou ce qu'il en reste.
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