Notules
dominicales de culture domestique n°79 - 6 octobre 2002
DIMANCHE.
TV. Le Mors aux dents (Laurent
Heynemann, France, 1979 avec Michel Piccoli, Jacques Dutronc, Michel Galabru,
Nicole Garcia, Charles Gérard, Jacques Sereys).
Un industriel véreux en manque de fonds se lance dans l'organisation
d'un tiercé truqué.
Laurent Heynemann dénonce les liens entre les hommes politiques,
la police, le milieu des courses hippiques et le milieu tout court dans
un film engagé, typique des années Giscard, assez proche
du travail que faisait Yves Boisset à l'époque. La charge
ne porte pas vraiment (Galabru un corrompu, allons donc !) mais l'histoire
est bien racontée sur un rythme soutenu avec une multiplicité
d'actions, de points de vue et de personnages.
Sommeil. Troisième nuit hachée,
mais pour la bonne cause : France Culture rediffuse Crime et châtiment
en feuilleton.
LUNDI.
Mail. Les M. me lancent un appel au
calme.
Y. m'annonce un deuxième référencement pour le site
des notules.
Lecture. La ronde de nuit (Patrick
Modiano, Gallimard 1969, coll. Folio n° 835).
Paris occupé. Un jeune homme se partage entre la fréquentation
d'un groupe de collaborateurs et celle d'un cercle de résistants.
Raphaël Schlemilovitch, le narrateur de La place de l'étoile,
était un Juif antisémite. Dans son deuxième roman,
Modiano retrouve ce thème de la dualité et de la duplicité.
La double identité du narrateur le conduit à nier sa propre
existence, il n'existe que par rapport aux uns et aux autres sous deux
aspects différents. Les collabos décrits ici sont les représentants
d'une humanité décadente, les résistants ceux d'un
idéalisme déplacé. On n'est pas encore dans les grandes
œuvres de Modiano mais on s'en approche, la thématique se met en
place, le trait s'affine et l'intérêt augmente. A suivre.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète des billets
de train, un pull, un Larousse insolite à offrir, le deuxième
volume des romans de Stendhal en Pléiade, un Série Noire
et un Wodehouse.
Presse. Le Monde publie un billet
nécrologique consacré à "Sir Brooks Richards,
célèbre agent secret britannique", ce qui constitue,
si je ne m'abuse, un bel oxymore.
Cinéma. L'Homme du train
(Patrice Leconte, France, 2002 avec Jean Rochefort, Johnny Hallyday,
Jean-François Stévenin, Charlie Nelson, Pascal Parmentier,
Isabelle Petit-Jacques, Edith Scob).
Milan descend d'un train dans une petite ville de province. Manesquier,
professeur de français à la retraite, un homme tranquille
et casanier, l'invite à séjourner quelques jours chez lui.
Leconte confirme tout le bien qu'on peut penser de lui dans la veine qu'il
s'est choisie depuis M. Hire (1989), celle d'un cinéma psychologique
classique, populaire et de qualité. Classique est ici le face à
face de deux univers opposés, celui de l'aventurier et celui du
pantouflard, qui, plutôt que s'affronter vont s'interpénétrer
à la suite de petits échanges : c'est Manesquier qui
enfile le blouson de cuir de Milan, puis Milan qui essaie une paire de
charentaises, c'est une leçon de tir au pistolet contre la récitation
de quelques vers d'Aragon ("Sur le Pont-Neuf j'ai rencontré/Celui
que je fus à l'orée/Celui que je fus à l'aurore...
in Le roman inachevé), c'est une leçon de franc-parler
que Manesquier offre à sa sœur avant d'en recevoir une de la part
de Milan, c'est une barbe qu'on coupe d'un côté et une coiffure
qu'on change de l'autre... Cette dualité se retrouve dans l'éclairage
du film, les couleurs chaudes tendance vieil or de l'intérieur
de Manesquier s'opposant au bleu électrique de l'extérieur,
de la nuit à laquelle appartient Milan. Saupoudrez quelques mots
d'auteur prononcés par des acteurs irréprochables (un mot
sur Hallyday, en parfaite adéquation avec son personnage :
un type qui passe, qui passe depuis quarante ans et dont on ne sait toujours
rien au point qu'on ne se rappelle jamais le nombre de y qu'il faut mettre
à son nom) et ça donne un film tout à fait estimable.
On peut regretter qu'il ne s'arrête pas au moment où se séparent
les deux hommes : ce qui suit est parfaitement ridicule.
JEUDI.
Courrier. J'envoie des coupures à
Y. (Le Monde, La Croix, Libération), un mot à Vassilis Alexakis,
des nouvelles d'un ancien condisciple aux M., aux N. et à N.
TV. La Pianiste de Michael
Haneke, voir septembre
2001.
VENDREDI.
Courrier. Je reçois un CD du
Gerry Mulligan Quartet en concert à Pleyel, recherché pour
sa version de The Lullaby of the Leaves entendue chez Averty.
Cinéma. Les Diables
(Christophe Ruggia, France, 2002 avec Vincent Rottiers, Adèle Haenel,
Jacques Bonnaffé, Rochdy Labidi, Galamelah Ladras, Dominique Reymond,
Frédéric Pierrot, Danielle Ambry).
Joseph, un garçon de 12 ans, et Chloé, sa jeune sœur autiste,
recherchent à Marseille les parents qui les ont abandonnés
dès leur enfance.
Christophe Ruggia a voulu faire beaucoup de choses de son film : un road
movie enfantin, un mélodrame, un témoignage sur l'autisme,
un autre sur la dépossession des parents, la genèse d'un
mauvais garçon, un récit d'éveil aux sens. Tout ça
en lorgnant du côté de Pialat me semble-t-il (je le connais
mal), de Zoncca (Le petit criminel) voire, plus ambitieux et donc
plus risqué, de Charles Laughton (La Nuit du chasseur).
Trop d'ambition nuit parfois et c'est le cas ici. On finit par se lasser
de la mine butée du garçon et des roulements d'yeux effarés
de la fille, de leurs fugues répétées. Les bonnes
intentions ne font pas toujours un bon film.
SAMEDI.
TV. Mes petites amoureuses
(Jean Eustache, France, 1974 avec Martin Loeb, Ingrid Caven, Jacqueline
Dufranne, Vincent Testanière, Roger Rizzi).
Adolescent élevé à la campagne par sa grand-mère,
Daniel part rejoindre sa mère, qui vit dans une ville du sud de
la France. Elle lui fait quitter l'école et le fait entrer en apprentissage.
Si Christophe Ruggia avait revu Les petites amoureuses avant de
réaliser ses Diables, il aurait certainement évité
une grande partie de la boursouflure qui gâche son film. Eustache
raconte lui aussi une adolescence, mais d'une façon sèche,
coupante, sans aucune recherche d'effets. Le jeune Daniel est un véritable
double du jeune Doinel de Truffaut (il y a peu de différences entre
les deux noms d'ailleurs) et si leurs itinéraires sont différents,
ils sont filmés avec la même acuité. Après
son apprentissage amoureux, on peut très bien imaginer Daniel sous
les traits de Jean-Pierre Léaud dans La Maman et la putain,
chef-d'œuvre absolu de Jean Eustache. La distribution réserve quelques
surprises, comme la présence de Maurice Pialat, de Caroline Loeb
qui fit plus tard une carrière météorique de chanteuse
("C'est la ouate") et de Dionys Mascolo qui fut le mari de Marguerite
Duras. Au générique, la présence de Mr Jack Daniel
au poste de conseiller technique semble elle appartenir au domaine du
canular.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°80 - 13 octobre 2002
DIMANCHE.
Lecture. Trop près du bord
(Pascal Garnier, Fleuve Noir n° 63, 1999)
Éliette est veuve et s'ennuie dans sa maison ardéchoise.
Les visites de ses enfants l'ennuient plutôt, la fréquentation
de ses voisins aussi. Jusqu'au jour où Etienne entre dans sa vie
et y sème un sacré désordre.
Un petit polar rural bien mené, sans enjolivures décoratives.
Pascal Garnier mène son œuvre sur le mode une idée - une
histoire - un livre. Cette économie de moyens est bienvenue, elle
fait gagner du temps à tout le monde. Le polar nerveux n'est plus
tellement à l'honneur, la perspective psychologique a souvent tendance
à rendre les livres un peu gras. Pascal Garnier, ou le polar sans
cholestérol.
Curiosité. La chanson de Berthe Sylva, Mon vieux Pataud,
est devenue Mon vieux Pateau sous la plume de Garnier (p. 15).
Mail. F. me parle d'Être
et avoir, de L'Homme du train. L. confirme que sa santé
est meilleure : il répond maintenant aux courriers qu'on lui
envoie.
Téléphone. Mise au point
de l'expédition en Lozère avec J.
LUNDI.
TV. Loin (André Téchiné,
France, 2001 avec Stéphane Rideau, Lubna Azabal, Mohamed Hamaïdi,
Yasmina Reza)
A Tanger, Serge, chauffeur routier, entretient une relation orageuse avec
Sarah et s'embarque dans un trafic louche. Le jeune Saïd rêve
de partir clandestinement dans son camion pour aller vivre en Europe.
Téchiné fait preuve d'une originalité courageuse
en quittant les intrigues franco-françaises pour aller filmer au
Maroc. Il tente de donner un aperçu de la réalité
d'une ville, Tanger, dont la proximité avec les côtes d'Espagne
influe sur les désirs et les mentalités de tous les habitants.
Si l'histoire de Serge et de Sarah n'est pas très captivante, on
peut trouver bien fait le portrait du jeune Saïd qui étouffe
dans son pays et essaie de gagner l'Espagne par tous les moyens. Avec
le patronage de Renoir, dont Le Fleuve est projeté à
Tanger, Téchiné place son film dans le domaine d'un humanisme
respectueux des êtres et de leur cadre de vie.
MERCREDI.
Cinéma. Embrassez qui vous
voudrez (Michel Blanc, France, 2002 avec Michel Blanc, Carole Bouquet,
Charlotte Rampling, Jacques Dutronc, Clotilde Courau, Vincent Elbaz, Sami
Bouajila, Lou Doillon, Karin Viard, Denis Podalydès)
Chassé-croisé de couples, de voisins, d'amants et d'amis
dans et autour d'un hôtel du Touquet.
Le précédent film de Michel Blanc, Mauvaise passe,
avait agréablement surpris par son originalité, sa noirceur
et les risques qu'avait pris son auteur pour sortir un peu de son image.
C'était l'histoire d'un homme (Daniel Auteuil) en rupture de vie
sociale et familiale, tournée à Londres avec des comédiens
anglais. Avec Embrassez... on est de retour sur notre vieille terre
de France avec un film sans surprise construit à partir d'une galerie
de personnages bien typés. Les acteurs ont l'air contents d'être
là et savent faire partager leur plaisir. Il faut dire qu'on ne
leur a pas demandé de faire beaucoup d'efforts : Dutronc joue le
dandy nonchalant et désabusé, Rampling et Bouquet fréquentent
un palace pendant que Viard occupe un mobil home, Podalydès a le
même rôle que dans Liberté-Oléron, Elbaz
est un dragueur, la fille Doillon une révoltée. La seule
audace semble avoir été de donner le prénom de Kevin
à Sami Bouajila. Michel Blanc, bonne pâte, s'est sacrifié
en prenant le rôle le plus boulevardier, celui d'un mari maladivement
jaloux. Donc, ça ronronne mais ce n'est pas pour autant qu'on s'embête.
Blanc a suffisamment de métier, de qualités d'écriture
(quelques répliques qui font mouche) pour faire tenir sa boutique
et même laisser entrevoir, au cours d'une scène où
Karin Viard avoue sa détresse financière à Charlotte
Rampling, ce qu'aurait pu être son film s'il avait laissé
libre cours à son tempérament noir et mordant.
Lecture. L'ennui est une femme
à barbe (François Barcelo, Série Noire n°
2626, Gallimard 2001).
Jocelyn Quévillon n'a pas du tout envie de se marier avec Éliane,
la femme que sa mère lui a choisie. De toute façon, la cérémonie
nuptiale, dans l'église de Saint-Gérard-de-Mainville (Québec),
tourne court lorsqu'un homme venu d'on ne sait où abat le curé
à la carabine.
Qu'ils s'appellent Raymond Marchildon (Cadavres), Normand Bazinet (Moi,les
parapluies) ou Jocelyn Quévillon, les héros des polars de
Barcelo sont tous le même homme, un rien fainéant, totalement
cynique et plutôt débrouillard dont j'ai déjà
souligné la ressemblance avec le héros de 1275 âmes
de Jim Thompson. On prend plaisir à découvrir ces personnages
atypiques, à goûter le langage que l'auteur met dans leur
bouche et puis, en général, on finit par s'ennuyer un peu
de leurs aventures qui contiennent longueurs et répétitions.
C'est ce qui arrive ici lorsque Quévillon et sa femme sont enfermés
dans une chambre de motel à Niagara Falls. Ils tournent en rond
dans leur chambre et le lecteur se dit qu'il n'en est qu'au tiers du livre
et que ça recommence comme avec les précédents. Sauf
que là, Barcelo a trouvé les ficelles, les rebondissements,
les ressorts qu'il fallait à son intrigue et que l'intérêt
repart jusqu'au bout du roman, un épilogue au cours duquel l'auteur
livre une interprétation métaphorique de son livre, ou plutôt
allégorique puisqu'un personnage était censé représenter
le Québec (le petit débrouillard, Quévillon) et un
autre le Canada (Éliane, monstre obèse qui ne cherche qu'à
étouffer et à séquestrer Quévillon). Est-il
toujours pertinent de donner les clés des romans à clés
?
JEUDI.
Courrier. Un message de remerciements
de D.B., un autre de C.D. sur la toile. J'envoie des coupures à
Y. (Le Monde, Le Figaro, Le Figaro Magazine, La Croix, Libération).
TV. Flesh and Bone (Steve Kloves,
USA, 1993 avec Dennis Quaid, Meg Ryan, James Caan, Gwyneth Paltrow)
Arlis sillonne le Texas comme voyageur de commerce. Il fait la rencontre
de Kay, qui vient de se disputer avec son mari.
Arlis et Kay ne le savent pas, mais ils se sont déjà rencontrés,
dans des circonstances dramatiques. Steve Kloves élude rapidement
le suspense qui naît de cette situation et le spectateur devine
vite ce qui relie les deux personnnages. Car ce qui intéresse davantage
le réalisateur, c'est la relation entre Arlis et son père,
Ray, une ordure finie qui se sert des autres pour faire ses mauvais coups.
Arlis se sent sali par ce père dont il a été le complice
dans ses jeunes années et qui le poursuit pour bien lui faire comprendre
que c'est le même sang qui coule dans leurs veines. Tout cela ne
pourra que finir tragiquement par l'élimination de l'un ou de l'autre.
Un beau film très pessimiste, où tout est désolé,
des paysages du Texas à la mine de Dennis Quaid et de Meg Ryan.
VENDREDI.
Courrier. Je reçois un CD intitulé
Evangeline Made, a Tribute to Cajun Music.
Philéas Fogg. Départ
pour Paris par le 19 heures 36. Contrairement au plan de route, le train
s'arrêt en gare de Château-Thierry. On nous annonce qu'un
train précédent a déraillé et que la voie
est bloquée. Un service d'autocars va être mis en place pour
nous permettre de gagner Paris. Une heure et demie plus tard nous embarquons
dans quatre bus réquisitionnés à Château-Thierry
et à Meaux (des cars de Brie, donc). Les chauffeurs ont l'air de
sortir du lit, c'est normal, ils sortent du lit. Curieusement, ça
ne râle pas, les voyageurs sont patients, soulagés sans doute
comme moi de n'avoir pas été dans le train accidenté.
Les gens sympathisent, les conversations s'engagent mais heureusement
personne n'a l'idée saugrenue de m'adresser la parole et je m'endors
derrière une belle jeune femme qui pue atrocement. Je me réveille
à deux heures du matin, alors que nous sillonnons Paris by night
en autocar comme de vulgaires touristes allemands. Arrêts Gare de
Lyon, Bastille, République et enfin Gare de l'Est.
SAMEDI.
Vie parisienne. Je me réveille
vaseux comme un touriste allemand qui a passé la nuit à
sillonner Paris by night en autocar. Rentrée du séminaire
Perec à Jussieu avec une communication de Christelle Reggiani,
une habituée, sur Un cabinet d'amateur. Je croûte
au Petit Cardinal où je suis les conseils du garçon qui
m'affirme que le confit de canard est "sympa". J'avais déjà
pu remarquer que, dans les magasins de vêtements, les jeunes et
pimpantes vendeuses ne disaient plus que telle chemise ou pantalon était
à rayures, à votre taille, seyant, joli, ajusté,
à pinces ou à revers mais tout simplement "sympa",
mais je n'avais pas encore pris conscience de la masse de sympathie qui
pouvait émaner du membre d'un anatidé défunt. Je
passe l'après-midi à la Bilipo, m'effondrant à plusieurs
reprises sur ma table à la recherche du sommeil perdu.
Retour. La voie est dégagée,
le train à l'heure. Je trouve à la maison une carte postale
d'A., de passage à Turin.
Notules
dominicales de culture domestique n°81 - 20 octobre 2002
DIMANCHE.
Jardin. Nous débarrassons nos
fenêtres de toutes les jardinières.
Santé. Nous prenons des nouvelles
de Ch. qui sort d'une opération pas drôle.
TV. Premier épisode de la deuxième
saison de Six Feet Under. Depuis le temps que l'on attendait ces
retrouvailles avec la famille Fisher et son entreprise de pompes funèbres...
La déception n'en est que plus amère : épisode plat,
mou, creux. La suite ne pourra qu'être meilleure.
LUNDI.
Lecture. Il faut désobéir
(Didier Daeninckx/Pef, Rue du monde, coll. Histoire d'Histoire, 2002)
La collection Histoire d'Histoire présente au jeune public un événement
historique évoqué sous la forme d'un texte illustré
par un dessinateur et des documents d'époque. Ici, pour parler
de la France sous Vichy, Daeninckx rend hommage à un juste, Pierre
Marie, et "ses sept collègues du Commissariat central de Nancy
qui, en juin 1942, ont sauvé la vie à quelques 300 juifs,
en désobéissant aux ordres du gouvernement de Vichy",
épisode dont j'entends parler pour la première fois. C'est
très court, l'essentiel est dans le message, pas besoin de fioritures.
L'initiative est bienvenue, l'oubli étant la chose qui se transmet
le mieux de génération en génération.
Vie scolaire. Rencontre avec les parents
d'élèves de sixième. Le pompon à une Mme C.
à qui il faut dix minutes pour s'apercevoir que je ne suis pas
le prof de maths. J'ai encore dans l'oreille son cri du cœur : "De
la poésie en maths !"
Lecture. L'histoire de Bone
(Bastard out of Carolina, Dorothy Allison, 1992, traduit de l'américain
par Michèle Valencia, 10/18 n° 3026 pour la traduction française).
Greenville, Caroline du Sud. Anney Boatwright, mère de deux enfants,
rencontre Glen et l'épouse. Au fil du temps, l'époux modèle
se transforme en monstre, principalement à l'égard de l'aînée
des filles, Bone.
C'est Bone qui mène le récit de son enfance, jusqu'aux environs
de sa douzième année, un récit qui est, paraît-il,
largement autobiographique. Bone fait partie d'une famille clanique, les
Boatwright, qui rassemble des hommes violents, buveurs, et des femmes
dures, mères de familles nombreuses. Le clan voit d'un mauvais
œil l'arrivée d'un intrus, Glen, qui va faire de la vie de Bone
un enfer. Violence, abus sexuel, Bone subit tout, raconte tout. Le récit
est d'une noirceur épouvantable, mais Dorothy Allison ne se fourvoie
pas dans le pathos : elle utilise une écriture sèche, coupante,
réservant le lyrisme aux descriptions de la nature. C'est un livre
saisissant, atypique, qui met au jour une part de l'Amérique rurale
peu reluisante.
MARDI.
TV. Liberty Heights (Barry
Levinson, USA, 1999 avec Adrien Brody, Joe Mantegna, Ben Foster, Bebe
Neuwirth, Rebekah Johnson).
Baltimore, 1954. La famille Kurtzmann habite dans le quartier juif. Le
père, Nate, s'occupe d'un cabaret minable et de paris clandestins.
Un des fils, Van, tombe amoureux d'une goy et l'autre, Ben, d'une Noire.
Liberty Heights est un très bon film, dans un genre pourtant couru,
celui de la chronique adolescente. La jeunesse mise en scène ici
se trouve à une époque charnière de l'histoire américaine,
entre la Deuxième Guerre Mondiale et celle du Vietnam. Les Noirs
font leur entrée à l'école et à l'université,
mais la piscine est toujours interdite aux Juifs, aux chiens et aux Noirs
(dans l'ordre). Elvis Presley, Cab Calloway et James Brown viennent bousculer
Sinatra (la bande-son est d'ailleurs somptueuse). Van et Nate, qui ont
vécu jusque là sans avoir conscience que le monde était
peuplé d'autres personnes que les Juifs, vont se frotter, non sans
douleur, aux autres communautés. Barry Levinson filme leur apprentissage
avec pudeur et humour dans ce Baltimore dont il est lui-même originaire.
Adrien Brody, futur Pianiste chez Polanski, montre déjà
une grande classe. La dernière phrase, en voix off, est un manifeste
qui rejoint ma préoccupation essentielle : "Si j'avais su
que les choses ne seraient plus, j'aurais essayé de mieux les retenir."
MERCREDI.
Déception. Je n'ai rien gagné
au concours Télérama sur Alexandre Dumas. Il y a pourtant
des locaux parmi les vainqueurs (des gens de Provenchères-sur-Fave,
Rambervillers, Cornimont). Comme toutes les listes, celle des gagnants
recèle quelques perles, ainsi ce M. Cornuau qui gagne au concours
Dumas alors qu'il habite à Balzac (Charente).
Courrier. Je reçois le n°11 d'Histoires littéraires,
une lettre de P.H.
Cinéma. Signes (Signs,
M. Night Shyamalan, USA, 2002 avec Mel Gibson, Joaquin Phoenix, Cherry
Jones, Rory Culkin, Abigail Breslin, Patricia Kalember).
Graham Hess vit dans une ferme avec ses deux enfants et son frère.
Un matin, dans un champ, il découvre, taillé dans la récolte,
un immense et mystérieux symbole. S'ensuit une série de
phénomènes inexplicables de plus en plus nombreux.
Ce qui me plaît chez Shyamalan, c'est son culot dans la manière
qu'il a de s'approprier des thèmes aussi éculés que
ceux des morts-vivants (Sixième sens), de l'homme immortel
(Incassable) et maintenant des extra-terrestres et de parvenir
à les traiter sans sombrer dans le ridicule. On reconnaît
maintenant sa patte au choix du cadre (Philadelphie et ses environs),
d'un interprète principal au registre limité (Bruce Willis,
Mel Gibson ici) et à la présence d'enfants qui donnent souvent
la leçon aux adultes dans l'appréhension des phénomènes
surnaturels. Signes comprend quelques longueurs, quelques discours pseudo-philosophiques
pesants, mais c'est un diable de bon film qui contient le dosage parfait
d'action, de suspense, d'inquiétude et de révélation.
La marque d'un réalisateur qui a tout compris au système
du cinéma spectacle et sait l'utiliser au mieux.
JEUDI.
Lecture. Le Fauvisme ou l'épreuve
du feu. Éruption de la modernité en Europe (Paris
musées, 1999)
Catalogue de l'exposition du Musée d'Art moderne de la ville de
Paris, 29 octobre 1999 - 27 février 2000, visitée le 16
janvier 2000).
Le Fauvisme est une période de la peinture moderne très
bien délimitée et très brève dans le temps.
Elle s'étend du Salon d'automne de 1905 à la Première
Guerre Mondiale où le cubisme va prendre le relais dans le domaine
de l'innovation. Une telle richesse concentrée sur si peu d'années
est proprement hallucinante. D'autant que parallèlement au mouvement
français, conduit par Matisse, Derain, Braque, Manguin, toutes
les villes européennes sont agitées par des artistes à
la recherche de nouveauté : Die Brücke (Van Dongen) se forme
à Dresde en 1906, le Cavalier Bleu (Kandinsky, Jawlensky) naît
à Munich en 1910, le Valet de Carreau (Malévitch) à
Moscou la même année, Munch quitte la Norvège et s'installe
à Paris, Mondrian débute en Hollande, Moscou, Budapest,
Prague accueillent Matisse et les siens et se mettent à suivre
leurs recherches. C'est le grand mérite de l'exposition d'avoir
su rendre ce foisonnement européen, l'étendue de la toile
d'araignée centrée sur Paris.
Le catalogue est parfait pour ce qui concerne le nombre et la qualité
des reproductions mais les textes, accompagnés d'une avalanche
de notes microscopiques et extrêmement pointues, sont très
ardus et écrits par des spécialistes pour des spécialistes.
Courrier. Envoi de coupures à
l'AGP (Télérama, Le Monde Diplomatique) et à Y. (Le
Monde, Le Monde Diplomatique, La Liberté de l'Est).
TV. Je t'aime, je t'aime (Alain
Resnais, France, 1968 avec Claude Rich, Olga Georges-Picot, Anouk Ferjac,
Georges Jamin).
Après une tentative de suicide, Claude se soumet à une expérience
inédite : un voyage dans le temps qui doit le précipiter
pendant une minute dans son passé proche. La machine s'emballe
et Claude vit et revit des morceaux de son histoire.
Alain Resnais a toujours été en quête de nouvelles
formes de récit cinématographique, axant une bonne part
de son travail sur le découpage de ses films. Quelquefois, ses
recherches ont donné de très bons résultats (Mon
oncle d'Amérique, Smoking...), d'autres fois elles ont abouti
à des choses peu convaincantes comme ce Je t'aime, je t'aime.
Claude replonge dans son passé, mais au lieu du flash-back linéaire
traditionnel, Resnais nous présente sa vie comme une sorte de puzzle
dont les pièces sont mélangées. Les séquences
sont donc dans le désordre, parfois reprises plusieurs fois, le
tout étant censé donner une vision du temps morcelée,
déconstruite. Après tout, on est en 1968, le Nouveau Roman
n'est pas loin, Robbe-Grillet apparaît même dans un petit
rôle. D'où vient le fait que l'on n'est pas vraiment convaincu ?
Peut-être à cause de l'interprétation atone de Claude
Rich, de l'ennui distillé par la vie de son personnage, même
fragmentée. Finalement, on comprend son désir de se supprimer...
VENDREDI.
Pieds froids et caleçon de flanelle.
Je suis de faction dans le petit bois pour surveiller le cross du collège.
Je prends prétexte du passage de C.D. venue présenter sa
jeune Clémence pour abandonner mon poste et finir la matinée
au chaud.
TV. Premier épisode de la nouvelle
saison de P.J. On rentre là-dedans comme dans de vieilles pantoufles.
SAMEDI.
Vie sociale. Nous sortons dans une
cantine courue avec des cousins-cousines de Caroline. Je mange des travers
de porc avec une sauce épicée, ce qui me permet de transformer
ma soirée en expérience littéraire : depuis
le temps que je lis des polars dans lesquels les personnages mangent des
travers de porc à longueur de journée, j'avais vraiment
envie de savoir ce que c'était. En plus, ce n'est pas mauvais.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°82 - 27 octobre 2002
DIMANCHE.
Peugeot. Nous passons la journée
chez ma sœur à Montbéliard. Je serais volontiers resté
at home à écouter les 11 heures d'émissions que France
Culture consacre à La légende des siècles
mais bon.
TV. Six Feet Under, deuxième
épisode. Celui de la semaine dernière était si décevant
que celui-ci semble être paré de toutes les qualités.
C'est vrai que ça repart enfin, les nouvelles pistes sont ouvertes
: la concurrence qui menace d'avaler la maison Fisher, les ennuis que
ne va pas tarder à avoir le petit ami de Claire après le
braquage d'une station-service.
LUNDI.
Lecture. L'homme qui aimait se
regarder (The Man who liked to look at himself, K.C. Constantine,
David R. Godine Publisher, Boston, 1973, Actes Sud, coll. Polar Sud, 1989
pour la traduction française de Pierre Girard).
Au cours d'une partie de chasse, Balzic, chef de la police de Rocksburg,
tombe sur un os. Un fémur humain, en l'occurrence, dont il va chercher
le propriétaire.
C'est la deuxième enquête de Balzic, dont je découvre
les aventures dans le désordre. On sait qu'il vit avec sa mère,
sa femme et ses deux filles mais les détails de sa vie privée
sont passés sous silence : ce n'est que plus tard, dans Meurtre
au soleil, quand il perdra sa mère que cette partie de son
existence sera mise en lumière. Pour l'instant, c'est son travail
de policier qui intéresse Constantine. Un travail constitué
de déplacements et de conversations (les dialogues sont moins secs
que chez Ed McBain à qui on le compare parfois) qui occupent Balzic
sans trêve. Son acharnement, sa connaissance de la ville et de ses
habitants le mèneront à la découverte du coupable.
Et là, au lieu de poursuivre comme c'est la tradition avec l'arrestation,
le procès du coupable, les réactions des témoins,
voire l'entame d'une nouvelle enquête, Constantine met fin à
son récit abruptement : Balzic a fait son boulot, le reste ne l'intéresse
plus.
Courrier. Les M. quittent Clichy pour
La Garenne-Colombes.
TV. Correspondances : Franz Kafka
(Documentaire de Pierre Dumayet et Robert Bober)
Cela fait plusieurs années que je n'ai pas regardé une émission
littéraire à la télévision, depuis l'arrêt
de Qu'est-ce qu'elle dit Zazie en fait. Mais là, impossible d'échapper
à l'attraction qu'exercent sur moi ces trois noms, Dumayet, Bober
et Kafka. C'est sur la pointe des pieds que je parcours l'œuvre de Kafka.
Je n'ai pas encore ouvert son Journal ni ses Lettres, je
lis Le Château depuis plus d'un an mais ce sera pour lui
que j'irai peut-être un jour à Prague. L'émission
est consacrée aux lettres envoyées aux deux femmes qui ont
marqué sa vie, Felice et Milena, qui occupent 1200 pages en Pléiade.
"Mademoiselle, Je me présente de nouveau, pour le cas fort
possible où vous n'auriez pas même gardé le plus petit
souvenir de moi : je m'appelle Franz Kafka, je suis celui qui vous
a saluée pour la première fois à la soirée
de M. le directeur Brod à Prague, qui ensuite vous a passé
une à une par-dessus la table les photographies d'un voyage au
pays de Thalie, et qui a finalement tenu dans cette main occupée
en ce moment à frapper les touches la main que vous lui avez tendue
pour confirmer votre promesse de l'accompagner en Palestine l'an prochain."
C'est le début de la première lettre de Kafka à Felice
Bauer, datée du 20 septembre 1912. Comment la jeune femme pouvait-elle
supposer, en lisant cette entame anodine, le tourment, la torture perpétuelle
dans laquelle vivait Kafka ? Il écrit sa dernière lettre
à Milena en 1923. De ces onze années, il n'y aura eu pour
Kafka que quatre jours de bonheur passés à Vienne avec celle-ci
en 1920. Et encore, il ne s'apercevra qu'a posteriori que c'étaient
des jours heureux (tournure d'esprit dans laquelle je me reconnais assez).
Le reste du temps, Kafka souffre, s'engage, recule, accepte de se fiancer,
renonce, hésite à laisser place à une aventure sentimentale
dans une vie qu'il veut entièrement vouée à l'écriture
et dont il sait la fin proche (Kafka n'atteindra jamais mon âge)
: "Mon emploi m'est intolérable parce qu'il contredit mon
unique désir et mon unique vocation, qui est la littérature.
Comme je ne suis rien d'autre que littérature, comme je ne peux
et ne veux pas être autre chose, mon emploi ne pourra jamais m'exalter,
mais il pourra fort bien me détraquer complètement. Je ne
suis pas loin de l'être." (lettre au père de Felice)
"Ce n'est pas seulement par suite de ma situation extérieure,
mais bien plus encore par la faute de ma nature véritable, que
je suis un être renfermé, taciturne, insociable, insatisfait,
sans toutefois pouvoir qualifier ce caractère de malheur pour moi,
car il n'est que le reflet de mon but. On peut du moins tirer des conclusions
de ma manière de vivre chez moi. Eh bien, je vis dans ma famille,
parmi les êtres les meilleurs et les plus aimants, plus étranger
qu'un étranger... La raison en est simple, c'est que je n'ai pas
la moindre chose à leur dire. Tout ce qui n'est pas littérature
m'ennuie et je le hais, car cela me dérange ou m'entrave, même
si ce n'est qu'une présomption." (Journal, 21 août 1913).
Tant de souffrance, de noirceur, de malheur, de mal-être, de torture
réunis sous un seul crâne est une sorte de prodige de la
nature qu'on ne trouve ailleurs que chez Van Gogh peut-être. Aussitôt
la TV éteinte, j'entame Seul, comme Franz Kafka de Marthe
Robert. La nuit, je fais des rêves kafkaïens.
MARDI.
Courrier. Je reçois un mot
de Vassilis Alexakis. Il découpe ses bristols dans de vieilles
feuilles de papier Canson.
Mail. Échange avec Y. sur les
Justes du commissariat de Nancy.
Vie scolaire. Dernier jour d'école.
Je ne suis pas mécontent d'être en vacances. Aller chaque
jour au boulot en me demandant quelle tuile va me tomber sur le coin de
la figure est assez usant.
Lecture. Rimbaud à Aden
(photographies de Jean-Hugues Berrou, textes de Jean-Jacques Lefrère
et Pierre Leroy, Librairie Arthème Fayard, coll. Pierre Leroy,
2001).
Le principe du livre est de mettre en vis-à-vis d'une part les
photos d'Aden prises aux alentours de 1880, à l'époque où
Rimbaud y vivait, et d'autre part des photos des mêmes endroits
aujourd'hui. La maison Bardey, où Rimbaud eut son principal logement,
n'existe plus. On a cru longtemps qu'il s'agissait du bâtiment qui
est devenu le Rambow (sic) Tourist Hotel mais les auteurs prouvent, photos
à l'appui, que celui-ci est trop récent. En revanche, la
maison de Sheik-Othman existe toujours. C'est devant cette maison qu'on
voit Rimbaud sur la seule photo qu'on connaisse de lui à Aden et
qui fait à elle seule la valeur du livre. Il s'appuie sur un fusil
comme sur une canne, son visage est sombre, son regard fuyant. A l'époque,
Rimbaud n'est plus poète depuis longtemps, il travaille pour un
marchand de café, il lui reste une dizaine d'années à
vivre. J'ai 1992 pages de biographies sur Rimbaud qui m'attendent dans
mes étagères. On verra ça après Kafka.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète le dernier
Ed McBain, un roman de Zola, le Pléiade des sœurs Brontë et
un dictionnaire des personnages de la littérature.
Santé. Caroline retourne à
Nancy voir son chirurgien qui est satisfait de son travail.
Visite. Passage de N., porteuse de
la version originale de La Montagne magique, un cadeau d'I. J'y
recherche le passage qui m'avait chiffonné et trouve confirmation
de la légitimité de mes doutes : das Kinn ("le menton")
a bien été traduit par "le manteau".
Web. Je commence à lire les
chroniques littéraires que G.N. a mises sur son site.
La [listeoulipo] annonce la naissance et dévoile les caractéristiques
de l'OUGRAPO (OUvroir de GRAmmaire POtentielle).
TV. Sabrina (Billy Wilder,
USA, 1954, avec Audrey Hepburn, Humphrey Bogart, William Holden, John
Williams).
Sabrina Fairchild est la fille du chauffeur des Larrabee, richissimes
industriels de Long Island. Elle est amoureuse du fils, David, qui ne
s'en aperçoit pas. Elle part deux ans à Paris, d'où
elle revient transformée.
Une jeune fille ordinaire qui se métamorphose en reine de beauté,
ce sera aussi deux ans plus tard le thème de Drôle de
frimousse (Funny Face) de Stanley Donen avec la même
Audrey Hepburn. Avec Sabrina, on tient un des sommets de la comédie
sentimentale américaine. Billy Wilder, récemment disparu,
réalise un dosage parfait de drôlerie, de romance et de satire
grâce à une mise en scène très fluide qui laisse
aux personnages le temps de s'installer et d'évoluer dans de longues
séquences. L'image qui est donnée de la femme n'est sans
doute pas très moderne, Sabrina ne décide pas, elle est
ballottée entre les désirs des deux frères Larrabeee
et de son père, et sa destinée lui échappe mais qu'importe.
Acteurs parfaits, dialogues savoureux, la réussite est entière.
Et pour les amateurs, encore une belle image de Paris vu par un réalisateur
américain : Sabrina, seule dans sa chambre, avec dans son dos le
Sacré-Cœur encadré dans une fenêtre et le son d'un
accordéoniste qui passe dans la rue en jouant La vie en rose...
JEUDI.
Bougies. Alice a deux ans aujourd'hui.
Courrier. J'envoie des coupures à
l'AGP (Le Monde), à Y. (Le Monde, La Liberté de l'Est),
des remerciements à I. et un ancien numéro des notules à
N.
TV. Matisse-Picasso (documentaire
de Philippe Kohly, 2002)
Prélude à l'exposition du Grand Palais, que je finirai bien
par aller voir. l'émission a le mérite de montrer que deux
artistes aux vues (pas toujours) différentes pouvaient très
bien cohabiter et s'estimer, alors qu'on a souvent tendance à les
opposer (le Sud contre le Nord, le génie contre le travail, les
muses contre les modèles) et à présenter l'histoire
de la peinture comme une succession de couches qui se succèdent
sans se mélanger : impressionnistes puis fauvisme puis cubisme
puis abstraction, etc.
VENDREDI.
TV. P.J.
Un bon épisode, qui se termine sur un coup de théâtre
: le commissaire Meurtaux est très fâché : Fournier
a outrepassé ses ordres et mené une opération de
sa propre initiative. Il le prie d'aller poursuivre sa carrière
ailleurs.
SAMEDI.
Mail. C.D. avoue son penchant pour
P.J. et s'alarme du devenir de Bruno Wolkowitch, l'acteur qui interprète
Fournier. La mise à pied du personnage signifie-t-elle le retrait
du comédien ? Le suspense est insoutenable. Vivement vendredi.
Radio. Je termine, les yeux un peu
rougis, l'écoute des 14 récits d'Auschwitz diffusés
la semaine dernière sur France Culture. A la suite des "Fortunoff
Video Archives for Holocaust Testimonies" (dix mille heures d'entretiens
réalisés par l'université de Yale au début
des années 80), l'association "Témoignages pour mémoire"
a été créée et placée sous la responsabilité
d'Annette Wievorka. En quatre ans, elle a recueilli cent trente témoignages
de rescapés de la Shoah, d'une durée moyenne de trois heures
chacun. France Culture en a tiré quatorze récits de vingt-six
minutes diffusés dans quatre Surpris par la nuit et commentés
dans un Radio libre samedi dernier. Lire, écouter, voir, se souvenir,
penser, classer, archiver, écrire, transmettre : la chaîne
qui guide une bonne partie de mon existence.
Lecture. L'Iliade (Homère,
VIII° siècle av. J.-C., traduction de Robert Flacelière,
Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1955).
Relecture.
Même déception que pour ma première lecture du texte,
en 1979 : absence des épisodes les plus fameux de la guerre de
Troie (qui n'apparaîtront que dans L'Odyssée), aspect répétitif
des événements contés... La relecture de L'Odyssée,
en jetant en parallèle un œil neuf sur l'Ulysse de Joyce sera certainement
plus enrichissante.
Vie sociale. Nous passons la soirée
à Thaon pour l'anniversaire de trois membres de la famille M. Plaisir
de revoir des têtes aimées, souci de sortir de là
avec une conjonctivite disgracieuse et douloureuse. Pour un peu, j'irais
réveiller le pharmacien de garde.
Bon dimanche.
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