Notules dominicales 2002
 
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Notules dominicales de culture domestique n°79 - 6 octobre 2002

DIMANCHE.
TV. Le Mors aux dents (Laurent Heynemann, France, 1979 avec Michel Piccoli, Jacques Dutronc, Michel Galabru, Nicole Garcia, Charles Gérard, Jacques Sereys).
Un industriel véreux en manque de fonds se lance dans l'organisation d'un tiercé truqué.
Laurent Heynemann dénonce les liens entre les hommes politiques, la police, le milieu des courses hippiques et le milieu tout court dans un film engagé, typique des années Giscard, assez proche du travail que faisait Yves Boisset à l'époque. La charge ne porte pas vraiment (Galabru un corrompu, allons donc !) mais l'histoire est bien racontée sur un rythme soutenu avec une multiplicité d'actions, de points de vue et de personnages.

Sommeil. Troisième nuit hachée, mais pour la bonne cause : France Culture rediffuse Crime et châtiment en feuilleton.

LUNDI.
Mail. Les M. me lancent un appel au calme.
Y. m'annonce un deuxième référencement pour le site des notules.

Lecture. La ronde de nuit (Patrick Modiano, Gallimard 1969, coll. Folio n° 835).
Paris occupé. Un jeune homme se partage entre la fréquentation d'un groupe de collaborateurs et celle d'un cercle de résistants.
Raphaël Schlemilovitch, le narrateur de La place de l'étoile, était un Juif antisémite. Dans son deuxième roman, Modiano retrouve ce thème de la dualité et de la duplicité. La double identité du narrateur le conduit à nier sa propre existence, il n'existe que par rapport aux uns et aux autres sous deux aspects différents. Les collabos décrits ici sont les représentants d'une humanité décadente, les résistants ceux d'un idéalisme déplacé. On n'est pas encore dans les grandes œuvres de Modiano mais on s'en approche, la thématique se met en place, le trait s'affine et l'intérêt augmente. A suivre.

MERCREDI.
Emplettes. J'achète des billets de train, un pull, un Larousse insolite à offrir, le deuxième volume des romans de Stendhal en Pléiade, un Série Noire et un Wodehouse.

Presse. Le Monde publie un billet nécrologique consacré à "Sir Brooks Richards, célèbre agent secret britannique", ce qui constitue, si je ne m'abuse, un bel oxymore.

Cinéma. L'Homme du train (Patrice Leconte, France, 2002 avec Jean Rochefort, Johnny Hallyday, Jean-François Stévenin, Charlie Nelson, Pascal Parmentier, Isabelle Petit-Jacques, Edith Scob).
Milan descend d'un train dans une petite ville de province. Manesquier, professeur de français à la retraite, un homme tranquille et casanier, l'invite à séjourner quelques jours chez lui.
Leconte confirme tout le bien qu'on peut penser de lui dans la veine qu'il s'est choisie depuis M. Hire (1989), celle d'un cinéma psychologique classique, populaire et de qualité. Classique est ici le face à face de deux univers opposés, celui de l'aventurier et celui du pantouflard, qui, plutôt que s'affronter vont s'interpénétrer à la suite de petits échanges : c'est Manesquier qui enfile le blouson de cuir de Milan, puis Milan qui essaie une paire de charentaises, c'est une leçon de tir au pistolet contre la récitation de quelques vers d'Aragon ("Sur le Pont-Neuf j'ai rencontré/Celui que je fus à l'orée/Celui que je fus à l'aurore... in Le roman inachevé), c'est une leçon de franc-parler que Manesquier offre à sa sœur avant d'en recevoir une de la part de Milan, c'est une barbe qu'on coupe d'un côté et une coiffure qu'on change de l'autre... Cette dualité se retrouve dans l'éclairage du film, les couleurs chaudes tendance vieil or de l'intérieur de Manesquier s'opposant au bleu électrique de l'extérieur, de la nuit à laquelle appartient Milan. Saupoudrez quelques mots d'auteur prononcés par des acteurs irréprochables (un mot sur Hallyday, en parfaite adéquation avec son personnage : un type qui passe, qui passe depuis quarante ans et dont on ne sait toujours rien au point qu'on ne se rappelle jamais le nombre de y qu'il faut mettre à son nom) et ça donne un film tout à fait estimable. On peut regretter qu'il ne s'arrête pas au moment où se séparent les deux hommes : ce qui suit est parfaitement ridicule.

JEUDI.
Courrier. J'envoie des coupures à Y. (Le Monde, La Croix, Libération), un mot à Vassilis Alexakis, des nouvelles d'un ancien condisciple aux M., aux N. et à N.

TV. La Pianiste de Michael Haneke, voir septembre 2001.

VENDREDI.
Courrier. Je reçois un CD du Gerry Mulligan Quartet en concert à Pleyel, recherché pour sa version de The Lullaby of the Leaves entendue chez Averty.

Cinéma. Les Diables (Christophe Ruggia, France, 2002 avec Vincent Rottiers, Adèle Haenel, Jacques Bonnaffé, Rochdy Labidi, Galamelah Ladras, Dominique Reymond, Frédéric Pierrot, Danielle Ambry).
Joseph, un garçon de 12 ans, et Chloé, sa jeune sœur autiste, recherchent à Marseille les parents qui les ont abandonnés dès leur enfance.
Christophe Ruggia a voulu faire beaucoup de choses de son film : un road movie enfantin, un mélodrame, un témoignage sur l'autisme, un autre sur la dépossession des parents, la genèse d'un mauvais garçon, un récit d'éveil aux sens. Tout ça en lorgnant du côté de Pialat me semble-t-il (je le connais mal), de Zoncca (Le petit criminel) voire, plus ambitieux et donc plus risqué, de Charles Laughton (La Nuit du chasseur). Trop d'ambition nuit parfois et c'est le cas ici. On finit par se lasser de la mine butée du garçon et des roulements d'yeux effarés de la fille, de leurs fugues répétées. Les bonnes intentions ne font pas toujours un bon film.

SAMEDI.
TV. Mes petites amoureuses (Jean Eustache, France, 1974 avec Martin Loeb, Ingrid Caven, Jacqueline Dufranne, Vincent Testanière, Roger Rizzi).
Adolescent élevé à la campagne par sa grand-mère, Daniel part rejoindre sa mère, qui vit dans une ville du sud de la France. Elle lui fait quitter l'école et le fait entrer en apprentissage.
Si Christophe Ruggia avait revu Les petites amoureuses avant de réaliser ses Diables, il aurait certainement évité une grande partie de la boursouflure qui gâche son film. Eustache raconte lui aussi une adolescence, mais d'une façon sèche, coupante, sans aucune recherche d'effets. Le jeune Daniel est un véritable double du jeune Doinel de Truffaut (il y a peu de différences entre les deux noms d'ailleurs) et si leurs itinéraires sont différents, ils sont filmés avec la même acuité. Après son apprentissage amoureux, on peut très bien imaginer Daniel sous les traits de Jean-Pierre Léaud dans La Maman et la putain, chef-d'œuvre absolu de Jean Eustache. La distribution réserve quelques surprises, comme la présence de Maurice Pialat, de Caroline Loeb qui fit plus tard une carrière météorique de chanteuse ("C'est la ouate") et de Dionys Mascolo qui fut le mari de Marguerite Duras. Au générique, la présence de Mr Jack Daniel au poste de conseiller technique semble elle appartenir au domaine du canular.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°80 - 13 octobre 2002

DIMANCHE.
Lecture. Trop près du bord (Pascal Garnier, Fleuve Noir n° 63, 1999)
Éliette est veuve et s'ennuie dans sa maison ardéchoise. Les visites de ses enfants l'ennuient plutôt, la fréquentation de ses voisins aussi. Jusqu'au jour où Etienne entre dans sa vie et y sème un sacré désordre.
Un petit polar rural bien mené, sans enjolivures décoratives. Pascal Garnier mène son œuvre sur le mode une idée - une histoire - un livre. Cette économie de moyens est bienvenue, elle fait gagner du temps à tout le monde. Le polar nerveux n'est plus tellement à l'honneur, la perspective psychologique a souvent tendance à rendre les livres un peu gras. Pascal Garnier, ou le polar sans cholestérol.
Curiosité. La chanson de Berthe Sylva, Mon vieux Pataud, est devenue Mon vieux Pateau sous la plume de Garnier (p. 15).

Mail. F. me parle d'Être et avoir, de L'Homme du train. L. confirme que sa santé est meilleure : il répond maintenant aux courriers qu'on lui envoie.

Téléphone. Mise au point de l'expédition en Lozère avec J.

LUNDI.
TV. Loin (André Téchiné, France, 2001 avec Stéphane Rideau, Lubna Azabal, Mohamed Hamaïdi, Yasmina Reza)
A Tanger, Serge, chauffeur routier, entretient une relation orageuse avec Sarah et s'embarque dans un trafic louche. Le jeune Saïd rêve de partir clandestinement dans son camion pour aller vivre en Europe.
Téchiné fait preuve d'une originalité courageuse en quittant les intrigues franco-françaises pour aller filmer au Maroc. Il tente de donner un aperçu de la réalité d'une ville, Tanger, dont la proximité avec les côtes d'Espagne influe sur les désirs et les mentalités de tous les habitants. Si l'histoire de Serge et de Sarah n'est pas très captivante, on peut trouver bien fait le portrait du jeune Saïd qui étouffe dans son pays et essaie de gagner l'Espagne par tous les moyens. Avec le patronage de Renoir, dont Le Fleuve est projeté à Tanger, Téchiné place son film dans le domaine d'un humanisme respectueux des êtres et de leur cadre de vie.

MERCREDI.
Cinéma. Embrassez qui vous voudrez (Michel Blanc, France, 2002 avec Michel Blanc, Carole Bouquet, Charlotte Rampling, Jacques Dutronc, Clotilde Courau, Vincent Elbaz, Sami Bouajila, Lou Doillon, Karin Viard, Denis Podalydès)
Chassé-croisé de couples, de voisins, d'amants et d'amis dans et autour d'un hôtel du Touquet.
Le précédent film de Michel Blanc, Mauvaise passe, avait agréablement surpris par son originalité, sa noirceur et les risques qu'avait pris son auteur pour sortir un peu de son image. C'était l'histoire d'un homme (Daniel Auteuil) en rupture de vie sociale et familiale, tournée à Londres avec des comédiens anglais. Avec Embrassez... on est de retour sur notre vieille terre de France avec un film sans surprise construit à partir d'une galerie de personnages bien typés. Les acteurs ont l'air contents d'être là et savent faire partager leur plaisir. Il faut dire qu'on ne leur a pas demandé de faire beaucoup d'efforts : Dutronc joue le dandy nonchalant et désabusé, Rampling et Bouquet fréquentent un palace pendant que Viard occupe un mobil home, Podalydès a le même rôle que dans Liberté-Oléron, Elbaz est un dragueur, la fille Doillon une révoltée. La seule audace semble avoir été de donner le prénom de Kevin à Sami Bouajila. Michel Blanc, bonne pâte, s'est sacrifié en prenant le rôle le plus boulevardier, celui d'un mari maladivement jaloux. Donc, ça ronronne mais ce n'est pas pour autant qu'on s'embête. Blanc a suffisamment de métier, de qualités d'écriture (quelques répliques qui font mouche) pour faire tenir sa boutique et même laisser entrevoir, au cours d'une scène où Karin Viard avoue sa détresse financière à Charlotte Rampling, ce qu'aurait pu être son film s'il avait laissé libre cours à son tempérament noir et mordant.

Lecture. L'ennui est une femme à barbe (François Barcelo, Série Noire n° 2626, Gallimard 2001).
Jocelyn Quévillon n'a pas du tout envie de se marier avec Éliane, la femme que sa mère lui a choisie. De toute façon, la cérémonie nuptiale, dans l'église de Saint-Gérard-de-Mainville (Québec), tourne court lorsqu'un homme venu d'on ne sait où abat le curé à la carabine.
Qu'ils s'appellent Raymond Marchildon (Cadavres), Normand Bazinet (Moi,les parapluies) ou Jocelyn Quévillon, les héros des polars de Barcelo sont tous le même homme, un rien fainéant, totalement cynique et plutôt débrouillard dont j'ai déjà souligné la ressemblance avec le héros de 1275 âmes de Jim Thompson. On prend plaisir à découvrir ces personnages atypiques, à goûter le langage que l'auteur met dans leur bouche et puis, en général, on finit par s'ennuyer un peu de leurs aventures qui contiennent longueurs et répétitions. C'est ce qui arrive ici lorsque Quévillon et sa femme sont enfermés dans une chambre de motel à Niagara Falls. Ils tournent en rond dans leur chambre et le lecteur se dit qu'il n'en est qu'au tiers du livre et que ça recommence comme avec les précédents. Sauf que là, Barcelo a trouvé les ficelles, les rebondissements, les ressorts qu'il fallait à son intrigue et que l'intérêt repart jusqu'au bout du roman, un épilogue au cours duquel l'auteur livre une interprétation métaphorique de son livre, ou plutôt allégorique puisqu'un personnage était censé représenter le Québec (le petit débrouillard, Quévillon) et un autre le Canada (Éliane, monstre obèse qui ne cherche qu'à étouffer et à séquestrer Quévillon). Est-il toujours pertinent de donner les clés des romans à clés ?

JEUDI.
Courrier. Un message de remerciements de D.B., un autre de C.D. sur la toile. J'envoie des coupures à Y. (Le Monde, Le Figaro, Le Figaro Magazine, La Croix, Libération).

TV. Flesh and Bone (Steve Kloves, USA, 1993 avec Dennis Quaid, Meg Ryan, James Caan, Gwyneth Paltrow)
Arlis sillonne le Texas comme voyageur de commerce. Il fait la rencontre de Kay, qui vient de se disputer avec son mari.
Arlis et Kay ne le savent pas, mais ils se sont déjà rencontrés, dans des circonstances dramatiques. Steve Kloves élude rapidement le suspense qui naît de cette situation et le spectateur devine vite ce qui relie les deux personnnages. Car ce qui intéresse davantage le réalisateur, c'est la relation entre Arlis et son père, Ray, une ordure finie qui se sert des autres pour faire ses mauvais coups. Arlis se sent sali par ce père dont il a été le complice dans ses jeunes années et qui le poursuit pour bien lui faire comprendre que c'est le même sang qui coule dans leurs veines. Tout cela ne pourra que finir tragiquement par l'élimination de l'un ou de l'autre.
Un beau film très pessimiste, où tout est désolé, des paysages du Texas à la mine de Dennis Quaid et de Meg Ryan.

VENDREDI.
Courrier. Je reçois un CD intitulé Evangeline Made, a Tribute to Cajun Music.

Philéas Fogg. Départ pour Paris par le 19 heures 36. Contrairement au plan de route, le train s'arrêt en gare de Château-Thierry. On nous annonce qu'un train précédent a déraillé et que la voie est bloquée. Un service d'autocars va être mis en place pour nous permettre de gagner Paris. Une heure et demie plus tard nous embarquons dans quatre bus réquisitionnés à Château-Thierry et à Meaux (des cars de Brie, donc). Les chauffeurs ont l'air de sortir du lit, c'est normal, ils sortent du lit. Curieusement, ça ne râle pas, les voyageurs sont patients, soulagés sans doute comme moi de n'avoir pas été dans le train accidenté. Les gens sympathisent, les conversations s'engagent mais heureusement personne n'a l'idée saugrenue de m'adresser la parole et je m'endors derrière une belle jeune femme qui pue atrocement. Je me réveille à deux heures du matin, alors que nous sillonnons Paris by night en autocar comme de vulgaires touristes allemands. Arrêts Gare de Lyon, Bastille, République et enfin Gare de l'Est.

SAMEDI.
Vie parisienne. Je me réveille vaseux comme un touriste allemand qui a passé la nuit à sillonner Paris by night en autocar. Rentrée du séminaire Perec à Jussieu avec une communication de Christelle Reggiani, une habituée, sur Un cabinet d'amateur. Je croûte au Petit Cardinal où je suis les conseils du garçon qui m'affirme que le confit de canard est "sympa". J'avais déjà pu remarquer que, dans les magasins de vêtements, les jeunes et pimpantes vendeuses ne disaient plus que telle chemise ou pantalon était à rayures, à votre taille, seyant, joli, ajusté, à pinces ou à revers mais tout simplement "sympa", mais je n'avais pas encore pris conscience de la masse de sympathie qui pouvait émaner du membre d'un anatidé défunt. Je passe l'après-midi à la Bilipo, m'effondrant à plusieurs reprises sur ma table à la recherche du sommeil perdu.

Retour. La voie est dégagée, le train à l'heure. Je trouve à la maison une carte postale d'A., de passage à Turin.

 

Notules dominicales de culture domestique n°81 - 20 octobre 2002

DIMANCHE.
Jardin. Nous débarrassons nos fenêtres de toutes les jardinières.

Santé. Nous prenons des nouvelles de Ch. qui sort d'une opération pas drôle.

TV. Premier épisode de la deuxième saison de Six Feet Under. Depuis le temps que l'on attendait ces retrouvailles avec la famille Fisher et son entreprise de pompes funèbres... La déception n'en est que plus amère : épisode plat, mou, creux. La suite ne pourra qu'être meilleure.

LUNDI.
Lecture. Il faut désobéir (Didier Daeninckx/Pef, Rue du monde, coll. Histoire d'Histoire, 2002)
La collection Histoire d'Histoire présente au jeune public un événement historique évoqué sous la forme d'un texte illustré par un dessinateur et des documents d'époque. Ici, pour parler de la France sous Vichy, Daeninckx rend hommage à un juste, Pierre Marie, et "ses sept collègues du Commissariat central de Nancy qui, en juin 1942, ont sauvé la vie à quelques 300 juifs, en désobéissant aux ordres du gouvernement de Vichy", épisode dont j'entends parler pour la première fois. C'est très court, l'essentiel est dans le message, pas besoin de fioritures. L'initiative est bienvenue, l'oubli étant la chose qui se transmet le mieux de génération en génération.

Vie scolaire. Rencontre avec les parents d'élèves de sixième. Le pompon à une Mme C. à qui il faut dix minutes pour s'apercevoir que je ne suis pas le prof de maths. J'ai encore dans l'oreille son cri du cœur : "De la poésie en maths !"

Lecture. L'histoire de Bone (Bastard out of Carolina, Dorothy Allison, 1992, traduit de l'américain par Michèle Valencia, 10/18 n° 3026 pour la traduction française).
Greenville, Caroline du Sud. Anney Boatwright, mère de deux enfants, rencontre Glen et l'épouse. Au fil du temps, l'époux modèle se transforme en monstre, principalement à l'égard de l'aînée des filles, Bone.
C'est Bone qui mène le récit de son enfance, jusqu'aux environs de sa douzième année, un récit qui est, paraît-il, largement autobiographique. Bone fait partie d'une famille clanique, les Boatwright, qui rassemble des hommes violents, buveurs, et des femmes dures, mères de familles nombreuses. Le clan voit d'un mauvais œil l'arrivée d'un intrus, Glen, qui va faire de la vie de Bone un enfer. Violence, abus sexuel, Bone subit tout, raconte tout. Le récit est d'une noirceur épouvantable, mais Dorothy Allison ne se fourvoie pas dans le pathos : elle utilise une écriture sèche, coupante, réservant le lyrisme aux descriptions de la nature. C'est un livre saisissant, atypique, qui met au jour une part de l'Amérique rurale peu reluisante.

MARDI.
TV. Liberty Heights (Barry Levinson, USA, 1999 avec Adrien Brody, Joe Mantegna, Ben Foster, Bebe Neuwirth, Rebekah Johnson).
Baltimore, 1954. La famille Kurtzmann habite dans le quartier juif. Le père, Nate, s'occupe d'un cabaret minable et de paris clandestins. Un des fils, Van, tombe amoureux d'une goy et l'autre, Ben, d'une Noire.
Liberty Heights est un très bon film, dans un genre pourtant couru, celui de la chronique adolescente. La jeunesse mise en scène ici se trouve à une époque charnière de l'histoire américaine, entre la Deuxième Guerre Mondiale et celle du Vietnam. Les Noirs font leur entrée à l'école et à l'université, mais la piscine est toujours interdite aux Juifs, aux chiens et aux Noirs (dans l'ordre). Elvis Presley, Cab Calloway et James Brown viennent bousculer Sinatra (la bande-son est d'ailleurs somptueuse). Van et Nate, qui ont vécu jusque là sans avoir conscience que le monde était peuplé d'autres personnes que les Juifs, vont se frotter, non sans douleur, aux autres communautés. Barry Levinson filme leur apprentissage avec pudeur et humour dans ce Baltimore dont il est lui-même originaire. Adrien Brody, futur Pianiste chez Polanski, montre déjà une grande classe. La dernière phrase, en voix off, est un manifeste qui rejoint ma préoccupation essentielle : "Si j'avais su que les choses ne seraient plus, j'aurais essayé de mieux les retenir."

MERCREDI.
Déception. Je n'ai rien gagné au concours Télérama sur Alexandre Dumas. Il y a pourtant des locaux parmi les vainqueurs (des gens de Provenchères-sur-Fave, Rambervillers, Cornimont). Comme toutes les listes, celle des gagnants recèle quelques perles, ainsi ce M. Cornuau qui gagne au concours Dumas alors qu'il habite à Balzac (Charente).

Courrier. Je reçois le n°11 d'Histoires littéraires, une lettre de P.H.

Cinéma. Signes (Signs, M. Night Shyamalan, USA, 2002 avec Mel Gibson, Joaquin Phoenix, Cherry Jones, Rory Culkin, Abigail Breslin, Patricia Kalember).
Graham Hess vit dans une ferme avec ses deux enfants et son frère. Un matin, dans un champ, il découvre, taillé dans la récolte, un immense et mystérieux symbole. S'ensuit une série de phénomènes inexplicables de plus en plus nombreux.
Ce qui me plaît chez Shyamalan, c'est son culot dans la manière qu'il a de s'approprier des thèmes aussi éculés que ceux des morts-vivants (Sixième sens), de l'homme immortel (Incassable) et maintenant des extra-terrestres et de parvenir à les traiter sans sombrer dans le ridicule. On reconnaît maintenant sa patte au choix du cadre (Philadelphie et ses environs), d'un interprète principal au registre limité (Bruce Willis, Mel Gibson ici) et à la présence d'enfants qui donnent souvent la leçon aux adultes dans l'appréhension des phénomènes surnaturels. Signes comprend quelques longueurs, quelques discours pseudo-philosophiques pesants, mais c'est un diable de bon film qui contient le dosage parfait d'action, de suspense, d'inquiétude et de révélation. La marque d'un réalisateur qui a tout compris au système du cinéma spectacle et sait l'utiliser au mieux.

JEUDI.
Lecture. Le Fauvisme ou l'épreuve du feu. Éruption de la modernité en Europe (Paris musées, 1999)
Catalogue de l'exposition du Musée d'Art moderne de la ville de Paris, 29 octobre 1999 - 27 février 2000, visitée le 16 janvier 2000).
Le Fauvisme est une période de la peinture moderne très bien délimitée et très brève dans le temps. Elle s'étend du Salon d'automne de 1905 à la Première Guerre Mondiale où le cubisme va prendre le relais dans le domaine de l'innovation. Une telle richesse concentrée sur si peu d'années est proprement hallucinante. D'autant que parallèlement au mouvement français, conduit par Matisse, Derain, Braque, Manguin, toutes les villes européennes sont agitées par des artistes à la recherche de nouveauté : Die Brücke (Van Dongen) se forme à Dresde en 1906, le Cavalier Bleu (Kandinsky, Jawlensky) naît à Munich en 1910, le Valet de Carreau (Malévitch) à Moscou la même année, Munch quitte la Norvège et s'installe à Paris, Mondrian débute en Hollande, Moscou, Budapest, Prague accueillent Matisse et les siens et se mettent à suivre leurs recherches. C'est le grand mérite de l'exposition d'avoir su rendre ce foisonnement européen, l'étendue de la toile d'araignée centrée sur Paris.
Le catalogue est parfait pour ce qui concerne le nombre et la qualité des reproductions mais les textes, accompagnés d'une avalanche de notes microscopiques et extrêmement pointues, sont très ardus et écrits par des spécialistes pour des spécialistes.

Courrier. Envoi de coupures à l'AGP (Télérama, Le Monde Diplomatique) et à Y. (Le Monde, Le Monde Diplomatique, La Liberté de l'Est).

TV. Je t'aime, je t'aime (Alain Resnais, France, 1968 avec Claude Rich, Olga Georges-Picot, Anouk Ferjac, Georges Jamin).
Après une tentative de suicide, Claude se soumet à une expérience inédite : un voyage dans le temps qui doit le précipiter pendant une minute dans son passé proche. La machine s'emballe et Claude vit et revit des morceaux de son histoire.
Alain Resnais a toujours été en quête de nouvelles formes de récit cinématographique, axant une bonne part de son travail sur le découpage de ses films. Quelquefois, ses recherches ont donné de très bons résultats (Mon oncle d'Amérique, Smoking...), d'autres fois elles ont abouti à des choses peu convaincantes comme ce Je t'aime, je t'aime. Claude replonge dans son passé, mais au lieu du flash-back linéaire traditionnel, Resnais nous présente sa vie comme une sorte de puzzle dont les pièces sont mélangées. Les séquences sont donc dans le désordre, parfois reprises plusieurs fois, le tout étant censé donner une vision du temps morcelée, déconstruite. Après tout, on est en 1968, le Nouveau Roman n'est pas loin, Robbe-Grillet apparaît même dans un petit rôle. D'où vient le fait que l'on n'est pas vraiment convaincu ? Peut-être à cause de l'interprétation atone de Claude Rich, de l'ennui distillé par la vie de son personnage, même fragmentée. Finalement, on comprend son désir de se supprimer...

VENDREDI.
Pieds froids et caleçon de flanelle. Je suis de faction dans le petit bois pour surveiller le cross du collège. Je prends prétexte du passage de C.D. venue présenter sa jeune Clémence pour abandonner mon poste et finir la matinée au chaud.

TV. Premier épisode de la nouvelle saison de P.J. On rentre là-dedans comme dans de vieilles pantoufles.

SAMEDI.
Vie sociale. Nous sortons dans une cantine courue avec des cousins-cousines de Caroline. Je mange des travers de porc avec une sauce épicée, ce qui me permet de transformer ma soirée en expérience littéraire : depuis le temps que je lis des polars dans lesquels les personnages mangent des travers de porc à longueur de journée, j'avais vraiment envie de savoir ce que c'était. En plus, ce n'est pas mauvais.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°82 - 27 octobre 2002

DIMANCHE.
Peugeot. Nous passons la journée chez ma sœur à Montbéliard. Je serais volontiers resté at home à écouter les 11 heures d'émissions que France Culture consacre à La légende des siècles mais bon.

TV. Six Feet Under, deuxième épisode. Celui de la semaine dernière était si décevant que celui-ci semble être paré de toutes les qualités. C'est vrai que ça repart enfin, les nouvelles pistes sont ouvertes : la concurrence qui menace d'avaler la maison Fisher, les ennuis que ne va pas tarder à avoir le petit ami de Claire après le braquage d'une station-service.

LUNDI.
Lecture. L'homme qui aimait se regarder (The Man who liked to look at himself, K.C. Constantine, David R. Godine Publisher, Boston, 1973, Actes Sud, coll. Polar Sud, 1989 pour la traduction française de Pierre Girard).
Au cours d'une partie de chasse, Balzic, chef de la police de Rocksburg, tombe sur un os. Un fémur humain, en l'occurrence, dont il va chercher le propriétaire.
C'est la deuxième enquête de Balzic, dont je découvre les aventures dans le désordre. On sait qu'il vit avec sa mère, sa femme et ses deux filles mais les détails de sa vie privée sont passés sous silence : ce n'est que plus tard, dans Meurtre au soleil, quand il perdra sa mère que cette partie de son existence sera mise en lumière. Pour l'instant, c'est son travail de policier qui intéresse Constantine. Un travail constitué de déplacements et de conversations (les dialogues sont moins secs que chez Ed McBain à qui on le compare parfois) qui occupent Balzic sans trêve. Son acharnement, sa connaissance de la ville et de ses habitants le mèneront à la découverte du coupable. Et là, au lieu de poursuivre comme c'est la tradition avec l'arrestation, le procès du coupable, les réactions des témoins, voire l'entame d'une nouvelle enquête, Constantine met fin à son récit abruptement : Balzic a fait son boulot, le reste ne l'intéresse plus.

Courrier. Les M. quittent Clichy pour La Garenne-Colombes.

TV. Correspondances : Franz Kafka (Documentaire de Pierre Dumayet et Robert Bober)
Cela fait plusieurs années que je n'ai pas regardé une émission littéraire à la télévision, depuis l'arrêt de Qu'est-ce qu'elle dit Zazie en fait. Mais là, impossible d'échapper à l'attraction qu'exercent sur moi ces trois noms, Dumayet, Bober et Kafka. C'est sur la pointe des pieds que je parcours l'œuvre de Kafka. Je n'ai pas encore ouvert son Journal ni ses Lettres, je lis Le Château depuis plus d'un an mais ce sera pour lui que j'irai peut-être un jour à Prague. L'émission est consacrée aux lettres envoyées aux deux femmes qui ont marqué sa vie, Felice et Milena, qui occupent 1200 pages en Pléiade. "Mademoiselle, Je me présente de nouveau, pour le cas fort possible où vous n'auriez pas même gardé le plus petit souvenir de moi : je m'appelle Franz Kafka, je suis celui qui vous a saluée pour la première fois à la soirée de M. le directeur Brod à Prague, qui ensuite vous a passé une à une par-dessus la table les photographies d'un voyage au pays de Thalie, et qui a finalement tenu dans cette main occupée en ce moment à frapper les touches la main que vous lui avez tendue pour confirmer votre promesse de l'accompagner en Palestine l'an prochain." C'est le début de la première lettre de Kafka à Felice Bauer, datée du 20 septembre 1912. Comment la jeune femme pouvait-elle supposer, en lisant cette entame anodine, le tourment, la torture perpétuelle dans laquelle vivait Kafka ? Il écrit sa dernière lettre à Milena en 1923. De ces onze années, il n'y aura eu pour Kafka que quatre jours de bonheur passés à Vienne avec celle-ci en 1920. Et encore, il ne s'apercevra qu'a posteriori que c'étaient des jours heureux (tournure d'esprit dans laquelle je me reconnais assez). Le reste du temps, Kafka souffre, s'engage, recule, accepte de se fiancer, renonce, hésite à laisser place à une aventure sentimentale dans une vie qu'il veut entièrement vouée à l'écriture et dont il sait la fin proche (Kafka n'atteindra jamais mon âge) : "Mon emploi m'est intolérable parce qu'il contredit mon unique désir et mon unique vocation, qui est la littérature. Comme je ne suis rien d'autre que littérature, comme je ne peux et ne veux pas être autre chose, mon emploi ne pourra jamais m'exalter, mais il pourra fort bien me détraquer complètement. Je ne suis pas loin de l'être." (lettre au père de Felice) "Ce n'est pas seulement par suite de ma situation extérieure, mais bien plus encore par la faute de ma nature véritable, que je suis un être renfermé, taciturne, insociable, insatisfait, sans toutefois pouvoir qualifier ce caractère de malheur pour moi, car il n'est que le reflet de mon but. On peut du moins tirer des conclusions de ma manière de vivre chez moi. Eh bien, je vis dans ma famille, parmi les êtres les meilleurs et les plus aimants, plus étranger qu'un étranger... La raison en est simple, c'est que je n'ai pas la moindre chose à leur dire. Tout ce qui n'est pas littérature m'ennuie et je le hais, car cela me dérange ou m'entrave, même si ce n'est qu'une présomption." (Journal, 21 août 1913). Tant de souffrance, de noirceur, de malheur, de mal-être, de torture réunis sous un seul crâne est une sorte de prodige de la nature qu'on ne trouve ailleurs que chez Van Gogh peut-être. Aussitôt la TV éteinte, j'entame Seul, comme Franz Kafka de Marthe Robert. La nuit, je fais des rêves kafkaïens.

MARDI.
Courrier. Je reçois un mot de Vassilis Alexakis. Il découpe ses bristols dans de vieilles feuilles de papier Canson.

Mail. Échange avec Y. sur les Justes du commissariat de Nancy.

Vie scolaire. Dernier jour d'école. Je ne suis pas mécontent d'être en vacances. Aller chaque jour au boulot en me demandant quelle tuile va me tomber sur le coin de la figure est assez usant.

Lecture. Rimbaud à Aden (photographies de Jean-Hugues Berrou, textes de Jean-Jacques Lefrère et Pierre Leroy, Librairie Arthème Fayard, coll. Pierre Leroy, 2001).
Le principe du livre est de mettre en vis-à-vis d'une part les photos d'Aden prises aux alentours de 1880, à l'époque où Rimbaud y vivait, et d'autre part des photos des mêmes endroits aujourd'hui. La maison Bardey, où Rimbaud eut son principal logement, n'existe plus. On a cru longtemps qu'il s'agissait du bâtiment qui est devenu le Rambow (sic) Tourist Hotel mais les auteurs prouvent, photos à l'appui, que celui-ci est trop récent. En revanche, la maison de Sheik-Othman existe toujours. C'est devant cette maison qu'on voit Rimbaud sur la seule photo qu'on connaisse de lui à Aden et qui fait à elle seule la valeur du livre. Il s'appuie sur un fusil comme sur une canne, son visage est sombre, son regard fuyant. A l'époque, Rimbaud n'est plus poète depuis longtemps, il travaille pour un marchand de café, il lui reste une dizaine d'années à vivre. J'ai 1992 pages de biographies sur Rimbaud qui m'attendent dans mes étagères. On verra ça après Kafka.

MERCREDI.
Emplettes. J'achète le dernier Ed McBain, un roman de Zola, le Pléiade des sœurs Brontë et un dictionnaire des personnages de la littérature.

Santé. Caroline retourne à Nancy voir son chirurgien qui est satisfait de son travail.

Visite. Passage de N., porteuse de la version originale de La Montagne magique, un cadeau d'I. J'y recherche le passage qui m'avait chiffonné et trouve confirmation de la légitimité de mes doutes : das Kinn ("le menton") a bien été traduit par "le manteau".

Web. Je commence à lire les chroniques littéraires que G.N. a mises sur son site.
La [listeoulipo] annonce la naissance et dévoile les caractéristiques de l'OUGRAPO (OUvroir de GRAmmaire POtentielle).

TV. Sabrina (Billy Wilder, USA, 1954, avec Audrey Hepburn, Humphrey Bogart, William Holden, John Williams).
Sabrina Fairchild est la fille du chauffeur des Larrabee, richissimes industriels de Long Island. Elle est amoureuse du fils, David, qui ne s'en aperçoit pas. Elle part deux ans à Paris, d'où elle revient transformée.
Une jeune fille ordinaire qui se métamorphose en reine de beauté, ce sera aussi deux ans plus tard le thème de Drôle de frimousse (Funny Face) de Stanley Donen avec la même Audrey Hepburn. Avec Sabrina, on tient un des sommets de la comédie sentimentale américaine. Billy Wilder, récemment disparu, réalise un dosage parfait de drôlerie, de romance et de satire grâce à une mise en scène très fluide qui laisse aux personnages le temps de s'installer et d'évoluer dans de longues séquences. L'image qui est donnée de la femme n'est sans doute pas très moderne, Sabrina ne décide pas, elle est ballottée entre les désirs des deux frères Larrabeee et de son père, et sa destinée lui échappe mais qu'importe. Acteurs parfaits, dialogues savoureux, la réussite est entière. Et pour les amateurs, encore une belle image de Paris vu par un réalisateur américain : Sabrina, seule dans sa chambre, avec dans son dos le Sacré-Cœur encadré dans une fenêtre et le son d'un accordéoniste qui passe dans la rue en jouant La vie en rose...

JEUDI.
Bougies. Alice a deux ans aujourd'hui.

Courrier. J'envoie des coupures à l'AGP (Le Monde), à Y. (Le Monde, La Liberté de l'Est), des remerciements à I. et un ancien numéro des notules à N.

TV. Matisse-Picasso (documentaire de Philippe Kohly, 2002)
Prélude à l'exposition du Grand Palais, que je finirai bien par aller voir. l'émission a le mérite de montrer que deux artistes aux vues (pas toujours) différentes pouvaient très bien cohabiter et s'estimer, alors qu'on a souvent tendance à les opposer (le Sud contre le Nord, le génie contre le travail, les muses contre les modèles) et à présenter l'histoire de la peinture comme une succession de couches qui se succèdent sans se mélanger : impressionnistes puis fauvisme puis cubisme puis abstraction, etc.

VENDREDI.
TV. P.J.
Un bon épisode, qui se termine sur un coup de théâtre : le commissaire Meurtaux est très fâché : Fournier a outrepassé ses ordres et mené une opération de sa propre initiative. Il le prie d'aller poursuivre sa carrière ailleurs.

SAMEDI.
Mail. C.D. avoue son penchant pour P.J. et s'alarme du devenir de Bruno Wolkowitch, l'acteur qui interprète Fournier. La mise à pied du personnage signifie-t-elle le retrait du comédien ? Le suspense est insoutenable. Vivement vendredi.

Radio. Je termine, les yeux un peu rougis, l'écoute des 14 récits d'Auschwitz diffusés la semaine dernière sur France Culture. A la suite des "Fortunoff Video Archives for Holocaust Testimonies" (dix mille heures d'entretiens réalisés par l'université de Yale au début des années 80), l'association "Témoignages pour mémoire" a été créée et placée sous la responsabilité d'Annette Wievorka. En quatre ans, elle a recueilli cent trente témoignages de rescapés de la Shoah, d'une durée moyenne de trois heures chacun. France Culture en a tiré quatorze récits de vingt-six minutes diffusés dans quatre Surpris par la nuit et commentés dans un Radio libre samedi dernier. Lire, écouter, voir, se souvenir, penser, classer, archiver, écrire, transmettre : la chaîne qui guide une bonne partie de mon existence.

Lecture. L'Iliade (Homère, VIII° siècle av. J.-C., traduction de Robert Flacelière, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1955).
Relecture.
Même déception que pour ma première lecture du texte, en 1979 : absence des épisodes les plus fameux de la guerre de Troie (qui n'apparaîtront que dans L'Odyssée), aspect répétitif des événements contés... La relecture de L'Odyssée, en jetant en parallèle un œil neuf sur l'Ulysse de Joyce sera certainement plus enrichissante.

Vie sociale. Nous passons la soirée à Thaon pour l'anniversaire de trois membres de la famille M. Plaisir de revoir des têtes aimées, souci de sortir de là avec une conjonctivite disgracieuse et douloureuse. Pour un peu, j'irais réveiller le pharmacien de garde.

Bon dimanche.