Notules dominicales 2003
 
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Notules dominicales (par anticipation) de culture domestique n°120
2 août 2003

DIMANCHE.
Aménagement du territoire. Je termine le rangement par les policiers en collection de poche. Ca y est, tous les bouquins ont trouvé leur place, même les 1 114 cassettes audio répertoriées.

Infra-littérature. J'entame la rédaction des listes pour les vacances.

Jardin. Je repique une soixantaine de pieds de salade, profitant du retour de la pluie.

TV. La Revanche de Roger la Honte (André Cayatte, France, 1946 avec Lucien Coëdel, Paul Bernard, Maria Casarès, Louis Salou; diffusé sur TV5 en ?).
Un an avant la revanche, André Cayatte a tourné Roger la Honte, adaptation d'un roman-feuilleton populaire de Jules Mary, un film assez peu estimé que je n'ai pas vu et qui est résumé au début de ce second volet : l'industriel Roger Laroque, condamné pour un meurtre qu'il n'a pas commis, s'est échappé et a fait fortune au Canada. Il revient ici en France pour y prendre sa revanche et confondre le véritable assassin. Même si Lucien Coëdel, dans le rôle-titre, est un comédien un peu falot, on prend plaisir à suivre ces aventures. Les péripéties ne manquent pas dans une histoire qui ressemble à un mélange des destinées de Jean Valjean et d'Edmond Dantès. Gabriello et Rellys, dans des rôles secondaires, ajoutent une touche d'humour, les jeunes Jean Desailly et Simone Valère assurent la partie romance. La suite de l'oeuvre de Cayatte sera beaucoup moins légère.

LUNDI.
Radio. Découverte de la grille d'été de France Culture. Je commence à encassetter les deux séries qui me semblent les plus dignes d'intérêt et qui dureront jusqu'au 29 août : Histoires de peintures, une "traversée de l'histoire de la peinture, de l'invention de la perspective jusqu'à la disparition de la figure" par Daniel Arasse (dont j'ai déjà pu apprécier les écrits et les émissions) et Bandes d'amateurs, "diffusion d'enregistrements faits par des auditeurs amateurs : entretiens ou documents familiaux, discussions politiques, interviews dans les rues de Marseille, entretiens avec des célébrités de l'ORTF dans les années 50, entretien avec un veilleur de nuit..." Une déception : pas de grand feuilleton cet été. Je me consolerai en emportant les 60 épisodes des Thibault enregistrés l'été dernier.

Préparatifs. J'envoie une demande d'abonnement de vacances au quotidien local. J'ai décidément bien du mal à me couper de mes racines. D'un autre côté, si je veux être informé des premiers pas du SAS football en CFA 2, ce n'est pas dans La Nouvelle République du Centre Ouest que j'ai des chances de trouver mon bonheur et si ça peut, au retour, éviter à Caroline des scènes du genre "Bonjour, Madame ***, au fait votre mari ça va mieux ? - Bien mieux, on l'a enterré avant-hier", ce n'est pas plus mal.
Je téléphone au propriétaire de la maison du Loir-et-Cher pour des détails pratiques. Il y a de l'eau dans l'étang, les poissons peuvent commencer à faire leurs prières.

Lecture. Les Cahiers du LATOUREX n° 12 bis (laboratoire de tourisme expérimental, C/o Joël Henry, Strasbourg, s.d., s.p.m., n.p.).
Première surprise : le format. Un banal 21 x 14,5 cm, alors que les précédentes réalisations de Joël Henry mesuraient 7 x 4,5 ou 8 x 6 cm. Deuxième surprise : le LATOUREX lance une invitation à un colloque en plein air à Cerisy-Belle-Étoile (60100) prévu le mercredi 21 juin 2004. Or le 21 juin 2004, sauf événement exceptionnel d'ici là, devrait être un lundi...
Au fil du numéro, on s'intéresse au Diplotourisme ("Action touristique humanitaire qui consiste à visiter toutes les villes où ont été ratifiés un traité, un pacte ou des accords (...) : Aix-la-Chapelle, Al-Arich, Amboise, Amsterdam..."), au Topo Food ("Nouvelle pratique gastronomique et touristique qui consiste à concevoir des plats ou des menus en faisant exclusivement usage d'aliments et de préparations culinaires dont le nom est associé à un lieu : Airelles d'Amérique, Filet d'Anvers, Jambon d'Aoste, Saucisson d'Arles,...") et aux mots-valises de voyage. Quelques exemples :
"Patatour n.m. Circuit touristique expérimental à travers tous les lieux du monde qui ont donné leur nom à une pomme de terre¹ : Alaska, Anvers (galets d'), Athèna, Atlas, Calagary, Europa, Lutetia, Le Touquet (ratte du), Fontenay (belle de), Mistral, Marathon, Noirmoutier (bonnotte de), Porto, Sahel...
¹ liste complète des variétés de pommes de terre sur Internet : http://www.plantdepommedeterre.org
Toutour n.m. Découverte des ailleurs qui portent un nom de chien. V. Labrador, Terre-Neuve, Yorkshire, Pittbull, Rottweiller, Mirza (Rép. du Salvador), etc.
Tour à tours n.m. Voyage organisé qui consiste à faire le tour des tours (Pise, Babel, Montparnasse...)"
Plus convenu, un voyage lexical baptisé "Lexicodyssey" reprend, à partir du verbe "Voyager" un exercice déjà réalisé par Perec dans Espèces d'espaces à partir de "déménager" et "emménager" (une liste de synonymes du mot-source, puis de synonymes de synonymes, puis de synonymes de synonymes de synonymes...).
Et aussi : une citation, un graffiti, un appel à contributions en vue de la réalisation d'un "Codex Bistrotibus Orbis", un jeu et d'autres fruits de l'esprit fertile de Joël Henry.

Horizon 2020 (?). Je profite de ma séance semestrielle de rangement de papiers administratifs pour ouvrir, non sans gourmandise, un dossier "Retraite".

Obituaire. "Je me souviens des Trois Stooges, et de Bud Abbott et Lou Costello; et de Bob Hope, Dorothy Lamour et Bing Crosby; et de Red Skelton." Georges Perec, Je me souviens, Jms n° 300.

TV. La Maison des bois (feuilleton de Maurice Pialat, 1971, épisode 7, diffusé sur TV5 le 26 juillet 2003).
C'est dans ce dernier épisode que l'on devine vraiment le Pialat à venir, qu'il ébauche deux de ses thèmes de prédilection, la difficulté à vivre son enfance et une vie de couple (Nous ne vieillirons pas ensemble). L'oeuvre est belle, sensible, même si la lenteur agace parfois. Elle dément en tout cas l'étiquette de misanthrope qu'on a souvent collée à Pialat.

MARDI.
Radio. Daniel Arasse explique pourquoi La Joconde est un tableau exceptionnel. Brillant.

Jardin. Attaque de doryphores. Alerte rouge sur les patates. Pas de risque de disette : les topinambours sont sains et gaillards.

TV. 3 zéros (Fabien Onteniente, France, 2001 avec Gérard Lanvin, Samuel Le Bihan, Lorant Deutsch; diffusé sur Canal + en juin 2003).
Manu a repéré Tibor Kovacs, un prodige du foot, alors qu'ils étaient tous deux en prison. A peine libéré, il s'improvise son agent...
Les agents véreux, le président du club qui vient d'Air France et qui part ensuite dans la sidérurgie allemande, la corruption, la créatine, les joueurs à la tête vide et enflée (joli démarquage d'Anelka dans le personnage de Stomy Bugsy) qu'on échange comme du bétail au moyen de contrats aussi vite signés que chiffonnés, tout cela est présent dans le film. Mais pas pour une dénonciation, pas pour une charge au vitriol : pour une comédie gentiment moqueuse. Comme si on voulait dire au spectateur : regardez comme c'est drôle, ces gens qui jonglent avec les millions comme avec les ballons. D'ailleurs, c'est tellement inoffensif que tout le monde du foot a accepté de jouer dans le film : joueurs (ceux du PSG où joue Kovacs), entraîneurs (Fernandez, Courbis), commentateurs (Roland), jusqu'au maire de Paris qui s'appelait alors Jean Tiberi et qui accepte de célébrer un mariage blanc pour la naturalisation d'un joueur. Bêtise ? complaisance ? narcissisme ? inconscience ? Plus sûrement du cynisme.
Curiosité. On note la présence au générique d'une intéressante Frigide Barjot.

MERCREDI.
Préparatifs. Je vérifie et renouvelle le matériel de pêche, achète le Guide du Routard consacré aux Châteaux de la Loire, découvre ce qui est dit de Mur-de-Sologne, la localité où nous allons gîter : "A 12 km de Romorantin, sur la route de Blois et des châteaux de la Loire. Rien à voir dans le village" (p. 206). Ça m'arrange plutôt.

Courrier. Les M., en provenance de Dallas, redécouvrent "la franchouillardise" dans le Roussillon.

Lecture. Histoires littéraires n° 10 (Avril-mai-juin 2002, Du Lérot éditeur).
Revue trimestrielle consacrée à la littérature française des XIX° et XX° siècles.
2002, c'est encore l'année Hugo. François Caradec exhume une chanson à la gloire de "L'Universel poète" (c'est le titre) due à Paul Pouyaud père pour les paroles et à Émile Pouyaud fils pour la musique? datant de 1884. Couplet 6 :

"Victor Hugo, c'est le moderne Homère,
C'est Démosthène autant que Cicéron¹,
A Guernesey la vie était amère,
Il a passé par la barque à Caron,
Puis il revint sur les bords de la Seine,
Pour éclairer tous les gouvernements,
Il fit jouer à Paris, ce Mécène,
Un drame ayant ce nom Le Châtiments.

¹ En même temps qu'Eschyle, Sophocle et Euripide [note des auteurs]."

Comme je lis les revues très lentement, j'ai déjà oublié ce que Mathieu Bénézet écrit du poète René Ghil (1862-1925) mais ai trouvé intérêt à lire un article sur les rapports de Gide avec la revue Le Centaure.
Suivent quelques pages sur une Mme Howland, à qui Proust dédia un texte, un trop rapide survol de la nouvelle française au XIX° siècle, un entretien avec Claude Durand, président des éditions Fayard, un article sur "La géographie littéraire et ses atlas" (une discipline qui attend son maître), un échange de lettres entre Lucien Guitry et Émile Zola (dont plusieurs romans furent adaptés au théâtre), l'étude d'une esquisse de Prévert pour Une partie de campagne de Renoir.
L'intérêt revient avec l'article de Hans Hartje "Perec sur Internet", un monde où on a parfois du mal à différencier Georges de Marie-José. Dans les livres chroniqués, j'ai retenu Les Drames de la vie ouvrière, un "grand roman d'actualités politiques et sociales" de 1887 que j'essaierai de me procurer.
Enfin, dans le "Courrier des lecteurs contents et mécontents", on note la lettre de Jacques Neefs à propos du Portrait(s) de Georges Perec qui avait été rudement chroniqué dans un numéro précédent.

Cinéma. Le Coût de la vie (Philippe Le Guay, France, 2003 avec Vincent Lindon, Fabrice Luchini, Géraldine Pailhas, Lorant Deutsch, Isild Le Besco, Claude Rich, Camille Japy, Catherine Hosmalin, Michel Vuillermoz, Bernard Bloch).
Les différentes sortes de relations qu'on peut entretenir avec l'argent sont représentées ici par le truchement d'un radin, d'un généreux, d'un jeune désargenté, d'un PDG, d'une riche héritière, d'une call-girl de luxe, d'une chômeuse, etc. Les portraits ne sont pas d'égale valeur. Le radin (Luchini) est caricatural alors que le PDG (Rich) est un personnage beaucoup plus complexe et intéressant. Au prix de torsions scénaristiques laborieuses, tous ces personnages se croisent, se rencontrent, se fréquentent, s'opposent ou se rassemblent. Dans les années 60, on faisait des films à sketches (La Française et l'amour, Les sept péchés capitaux...). Aujourd'hui, la mode est au "film choral". Le Coût de la vie aurait pu être un bon film à sketches.

JEUDI.
Courrier. Carte postale des G., qui grignotent le Canigou. J'envoie une revue de presse à Y. et à l'AGP, des réponses au concours du Monde.

Fermeture définitive. C'est l'inscription qui barre la vitrine du marchand-réparateur TV en face de la pharmacie. Je doute qu'il ait eu connaissance de l'existence de la télé couleur mais je regretterai le capharnaüm de sa boutique qui me servait de boîte à outils et où il n'était pas rare de voir une brouette pleine de sable ou une tronçonneuse luisante d'huile trôner au milieu des appareils éventrés.

Fermeture définitive

TV. Sept hommes en or (Sette uomini d'oro, Marco Vicario, Italie-France-Espagne, 1965 avec Philippe Leroy, Rossana Podesta, Gabriele Tinti, Gastone Moschin; diffusé sur Canal + en ?).
Le Professeur a mis au point un casse ingénieux pour vider de son or une banque de Genève. Tout se passe bien jusqu'au partage du butin.
L'habillage (la musique, les costumes, l'ambiance) fait penser, le côté parodique en moins, aux films de la même époque tournés par Georges Lautner, avec Rossana Podesta à la place de Mireille Darc. La première moitié du film, consacrée au casse, est bien menée, avec très peu de dialogues, du rythme et des expérimentations sur le son et un suspense honnête. Le reste est plus convenu (trahison des complices, coups de théâtre attendus) mais l'impression finale est celle d'un film frais et techniquement très abouti.
Curiosité : le Professeur, alias Albert, en émule de Pierre Benoit peut-être, ne recrute que des hommes dont le prénom commence par un A. Son gang est composé d'Adolf, Aldo, August, Anthony, Alfonso et Alfred (un Allemand, un Italien, un Portugais, un Irlandais, un Espagnol et un Français).

VENDREDI.
Bars clos. J'apprends dans la presse locale la fermeture du Bar de l'Avenue, face à la gare, et vais le photographier.

SAMEDI.
Vacances. En raison desquelles le numéro 121 des notules sera servi le 17 août.

Bonne fin de semaine.

 

Notules dominicales de villégiature exotique n°121 - 17 août 2003

SAMEDI 1.
Obituaire. Sur la [listeperec], D. Cosnard m'apprend que c'est Georges Perec qui, sur photo, avait suggéré à Alain Corneau de confier à Marie Trintignant le rôle de Mona dans Série Noire (adapté et dialogué par G. P. d'après un roman de Jim Thompson).

Vacances. Départ à 9 h 50. Troyes, Sens, Montargis, Châteauneuf-sur-Loire, Orléans, Blois où l'on passe au sud de la Loire, Cour-Cheverny et Mur-de-Sologne (code postal 41230, suite intéressante), notre lieu de résidence estival. Il fait une chaleur de four, la climatisation de la nouvelle auto est bienvenue. Dire qu'avant d'avoir ce véhicule, nous étions obligés de rouler tout l'été vitres fermées, rouges et suants, pour faire croire à nos voisins de bitume que notre véhicule était climatisé... La maison fait partie d'une ancienne ferme, totalement isolée à la sortie du bourg. Les propriétaires sont absents. Nous sommes reçus par un type, un voisin qui se donne le nom de gardien comme si, sur ces terres de longue tradition ancillaire, son larbinat était un titre de gloire. La maison est vaste, fraîche, ce qui risque d'avoir son importance, et plutôt confortable. On voit qu'on est dans la région des châteaux et que les propriétaires ont un goût sûr pour l'aménagement intérieur. Les étagères des armoires et placards sont recouvertes de papier aluminium ou de feuilles d'essuie-tout, ce qui change de la toile de Jouy, des aubussonneries et gobelinades qui habillent les demeures environnantes. Les ampoules des lampes de chevet sont grillées pour nous rappeler le bon temps des chandelles. En essayant d'ouvrir le tiroir de la table de nuit, j'emmène le meuble jusqu'au milieu de la pièce, le remets précautionneusement en place de peur d'en faire du petit bois (la caution est élyséenne). Le matelas est estampillé Rizla Croix mais les filles sont heureuses des lits superposés. L'étang est juste derrière la maison. Se fiant à ma bonne tête de Hulot, le voisin-gardien me fait miroiter des silures d'1,20 m avant de m'annoncer qu'en raison de la chaleur, les poissons crèvent et qu'il n'est pas question de pêcher. Une heure plus tard, Lucie et moi commençons à rôtir, la canne en main, au bout du ponton. Lucie attrape le premier poisson, un silure d'1,20 m raccourci de 115 cm, un poisson-chat, en réalité. Je ne regagnerai le domicile que le soir venu, après avoir enfin égalisé. En peu de temps, avec des journaux et des poupées éparpillés un peu partout et France Cul qui grésille dans un coin, on se sent chez nous. Alice s'endort sur son assiette, nous écoutons le premier épisode des Thibault et les résultats de la première soirée de foot (Metz commence par une défaite à domicile).

DIMANCHE 1.
Exploration. Nous découvrons les commerces de Mur-de-Sologne (supérette Euco où on ne soucie guère des dates de péremption des produits), sillonnons la campagne environnante, des étangs, des bois clôturés, des pins maritimes, la brique rose omniprésente, des champs d'asperges, de fraises, de poireaux, de glaïeuls, de cucurbitacées non identifiées. J'aime bien ces régions neutres, maintenant. J'ai trop aimé la Provence dans ma jeunesse pour y retourner un jour, par crainte de voir ce qu'elle est devenue. Dans un domaine proche de la maison, un Festival du Yoga. Ils sont plus de mille, paraît-il, à être venus passer la semaine là-dedans, ce qui nous vaudra, les jours suivants, de croiser quelques beaux spécimens de Sikhs, bonzes, brahmanes et autres enturbannés, quelques-uns courant pieds nus sur un bitume aussi fondu qu'eux. Inutile de chercher à acheter des germes du soja, de l'Ebly ou du boulgour dans le canton. Pas besoin d'affronter la canicule : France Culture diffuse 2 h 30 d'émission sur Kafka.

LUNDI 1.
Exploration. Nous partons à Romorantin pour le ravitaillement. Ville moyenne, 20 000 habitants, mais très étendue car dépourvue d'immeubles et totalement sinistrée depuis la fermeture des usines Matra. Pendant notre absence, les asticots se sont carapatés dans le frigo, ce qui ne me vaut pas que des compliments. L'après-midi, visite de l'aquarium Aliotis. Sûr qu'après avoir vu le bassin aux carpes Koï, mon entourage va regarder mes prises d'un autre oeil.

Fait divers. "Donald Jirick avait survécu le 1° août 1944 au crash de son bombardier. Cinquante-neuf ans plus tard, l'ancien combattant américain revient en Touraine et décède après une journée commémorative en son honneur." (La Nouvelle République du Centre-Ouest du jour).

MARDI 1.
Canicule. A part la maison, où on ne peut tout de même pas garder les filles cloîtrées toute la journée, le seul endroit supportable se révèle être la piscine de Romorantin. Affectionnant peu ce genre de lieux, je me contenterais bien du rôle de spectateur mais l'endroit est curieusement "interdit aux personnes vêtues".

Pêche. Une piqûre de poisson-chat au bout du doigt me vaut un bras anesthésié pendant douze heures malgré l'intervention de ma pharmacienne préférée. Une épuisette et une paire de ciseaux font naufrage.

MERCREDI 1.
Occupation. Piscine.

JEUDI 1.
Courrier. J'envoie une revue de presse et une cassette à Y., entame les cartes postales.

Visite. Nous partons à la recherche de la fraîcheur au château de Cheverny, modèle du Moulinsart de Hergé. L'habituelle enfilade de pièces sans intérêt pour moi mais Lucie aime bien la chambre du roi et s'attend à voir une princesse débouler à tout moment. Pas de fraîcheur, mais une odeur de renfermé semblable à celle de la ferme de Saint-Jean-du-Marché à sa réouverture. Ne disons pas que Cheverny sent la ferme mais que la ferme sent le château.

VENDREDI 1.
Excursion. Nous passons la journée à Tours avec toujours cette sensation de se trouver à moins d'un mètre d'un barbecue rougeoyant. Devant la cathédrale, pas un centimètre carré n'a été concédé aux marchands du temple : pas un parasol, pas une carte postale. A l'intérieur, la température est propre à susciter des vocations. Je visite le Musée des Beaux-Arts avec Lucie, moins riche que celui de Rouen mais contenant deux pépites : Le Christ au Jardin des Oliviers et La Résurrection de Mantegna, les deux volets du retable de San Zeno de Vérone qui entouraient la Crucifixion visible au Louvre (et dont, fait curieux, on voit ici une copie réalisée par Degas). Je me rappelle avoir vu une autre version du Christ au Jardin des Oliviers de même Mantegna à la National Gallery de Londres avec le même traitement mais une autre disposition des personnages. A part ça, un Rubens, un Rembrandt (à moins que ce ne soit Dou) et beaucoup de choses moins intéressantes mais une belle salle consacrée à Olivier Debré qui mériterait peut-être un peu de la gloire accordée à Nicolas de Staël. Nous rejoignons Caroline et Alice, en quête de magasins climatisés après avoir arpenté quelques rues du vieux quartier. Je n'aurai vu pour ma part que la partie reconstruite de la ville qu'il nous faut fuir avant l'étouffement fatal.

Presse. La Nouvelle République montre la photo d'un écriteau apposé en bordure de l'étang du camping d'Autrèche : "PÊCHE FERMÉE. Pêche fermée momentanément car avec la chaleur les poissons manquent d'oxygène. Merci de votre compréhension. Le propriétaire, Mr Goujon."

SAMEDI 2.
Pêche. En passant de l'asticot au ver de terreau, je prends plus de gardons que de poissons-chats. Depuis ma piqûre, je n'ai plus d'affection pour ces derniers qui, outre leurs nageoires empoisonnées, présentent l'inconvénient d'être si goulus qu'il faut quasiment les éviscérer pour pouvoir récupérer son hameçon.

Tripot. J'apprends à Lucie à jouer à la bataille.

Occupation. Piscine. Un semblant d'orage apporte un peu de fraîcheur. Les filles jouent dehors jusqu'à la nuit, j'écoute la soirée de foot dans un état de béatitude totale accentué par la certitude qu'il ne se reproduira pas. Demain débutera la deuxième semaine, la dégringolade vers le retour, on commencera à penser aux denrées qu'il n'est plus nécessaire d'acheter, à l'itinéraire, aux choses à faire en rentrant...

DIMANCHE 2.
Gâchis. Qu'est-ce que je disais. Aujourd'hui, première journée foirée. Les filles sont pénibles, les parents énervés. Nous tentons de nous rafraîchir l'esprit en allant prendre un bain de pieds dans le Cher, à Selles-sur-Cher exactement. Je ne pouvais tout de même pas rater ce palindrome géographique. Lucie se fait piquer par une guêpe, ce qui couronne le tout.

LUNDI 2.
Courrier. J'envoie les réponses au concours du Monde de la semaine dernière et une nouvelle fournée de cartes postales.

Occupation. Piscine.

Feuilleton. Nous abandonnons l'écoute des Thibault, pas vraiment passionnante.

MARDI 2.
Presse. Les avis de décès occupent de plus en plus de place dans La Nouvelle République.

Occupation. Piscine.

MERCREDI 2.
Excursion. Nous partons à la découverte de Blois. En chemin, un coup de téléphone nous apprend que mon beau-père s'est fait emboutir au volant de l'auto que nous avions laissée à la pharmacie. Leçon n° 1 : planquer les clés des véhicules qu'on laisse sur place. Leçon n° 2 : ne pas emporter de téléphone en vacances. Nous faisons le tour de la vieille ville en calèche. Les filles bichent d'être assises à portée de crottin, de chaque côté de la jeune calèchière. Quant à nous, nous nous disons qu'il vaut mieux être dévisagés par les passants goguenards sur ce genre de véhicule que dans les petits trains électriques qui sillonnent les rues de Cannes ou de Strasbourg. La température est presque redevenue supportable, ce qui autorise une visite de Blois sans soif. Nous croûtons en terrasse sur l'esplanade du château. Des fenêtres du Musée de la Magie, des dragons passent de temps en temps une tête ou une patte articulées. Au retour, nous passons chez un viticulteur dont j'avais noté l'adresse. La Jaguar garée dans la cour me dissuade de contribuer à l'accroissement de son capital imposable.

Pêche. Sept gardons au coup du soir, record de la quinzaine.

JEUDI 2.
Courrier. J'envoie une revue de presse à Y., accompagnée de mes félicitations pour sa première apparition dans Le Monde, son travail sur les violences conjugales ayant été mis en valeur par l'affaire Marie Trintignant.

Occupation. Dernière séance à la piscine.

VENDREDI 2.
Occupation. Je passe la journée sur le ponton, fais mes adieux aux poules d'eau, aux martins-pêcheurs et aux gardons manqués. Les filles attrapent des grenouilles. Nous partons manger des trucs mous à Romorantin, que nous connaissons désormais comme notre poche. Je m'étais d'ailleurs dit au début du séjour que si je me perdais à Romorantin, je n'irais jamais à New York.

Pêche
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SAMEDI 3.
Bilan littéraire. Je m'étais promis de finir Les Thibault pendant ce séjour, sans y parvenir. La pêche m'a trop accaparé (pas un seul bredouille). En revanche, je suis satisfait du travail fait sur mon Atlas puisque j'ai exploité la douzaine de Série Noire que j'avais emportée.

Retour. Nous décollons à 10 h 25, trouvons l'ombre propice au pique-nique dans la forêt de Montargis. Arrêt désormais traditionnel dans les hangars à nippes de Troyes, histoire de bien se persuader que les vacances sont terminées. Prise d'ennui, Alice entreprend de graver la vitre latérale de l'auto avec un silex déniché dans sa chaussure, ce qui donne un petit air de voiture RATP à notre véhicule. Ou comment passer de Romorantin à la Chaussée d'Antin. Je dépouille le courrier et le courriel. G.N. est à Hastings, les D. en Bretagne, les M. à Gaillac. J.-C.F. m'a déniché une cargaison de vieux Série Noire. F.P. s'est mis à la chasse aux aptonymes. Une demande d'abonnement aux notules. Patrick Boman, un auteur chroniqué dans un ancien numéro, m'envoie un mot fort civil malgré le ton mitigé de ma critique, ce qui me change des râleurs vindicatifs. Après Le Monde, Y. fait son apparition dans Le Parisien, sur les ondes de France Info et de la BBC. J'ai raté le numéro spécial des Inrockuptibles sur Perec.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°122 - 24 août 2003

DIMANCHE.
Reprise. Je fais ma rentrée au PMU (3,50   de gains) et à Saint-Jean-du-Marché.

TV. Total Khéops (Alain Bévérini, France, 2002 avec Richard Bohringer, Marie Trintignant, Robin Renucci; diffusé sur Canal + en juillet 2003).
Marseille. A peine sorti de prison, Manu commet un cambriolage à l'issue duquel il est abattu. Son ami de jeunesse, Fabio, enquête.
A l'origine, il y a un trio de jeunes amis autour de Lole, leur amour à tous les trois. Deux deviennent voleurs, l'autre passe du côté des gendarmes. Les voleurs meurent, le gendarme voudrait savoir pourquoi. Bévérini suit fidèlement la trame du roman de Jean-Claude Izzo, à part pour le dénouement qui anticipe sur ce qui se passera dans les épisodes suivants de la trilogie. Le charme du roman ne venait pas de l'intrigue, très convenue, mais du personnage central (Bohringer le campe bien) et surtout du cadre, de la façon de présenter Marseille sur le mode fascination-répulsion. L'adaptation de Bévérini ne donne pas un grand film mais un film honnête plombé parfois par ses maladresses (les retours en arrière sur les jeux de plage du trio avec Lole).

LUNDI.
Plaies et bosses. Je mène l'auto cabossée chez le carrossier. Caroline s'occupe de l'imprimante et du distributeur de préservatifs tombés en panne pendant notre absence. Conséquence : une préparatrice est enceinte.

Jardin. Les légumes n'ont pas trop souffert de la sécheresse. Les tomates sont belles et bonnes, les topinambours atteignent le double mètre, la récolte de charlottes sera moyenne mais celle de rattes s'annonce meilleure. J'active la première ratatouille.

Cinéma. Narc (John Carnahan, USA, 2002 avec Ray Liotta, Jason Patric, Busta Rhymes, Chi McBride, Anne Openshaw, Richard Chevolleau, John Ortiz, Booth Savage).
Nick Tellis, officier du service de stupéfiants de Detroit et ancien drogué, est réintégré par ses supérieurs pour enquêter sur la mort d'un de ses collègues.
Aux côtés de Narc, Total Kheops, vu la veille, ressemble à un conte pour enfants. Narc est un vrai film noir, urbain, qui rappelle le Tarantino des débuts (Reservoir Dogs, avec la séquence finale dans le garage). De Detroit, on ne verra que des faubourgs désolés, des taudis, jamais le ciel ou presque. Ce qui domine, c'est la peur, également partagée entre les flics et les délinquants, entre lesquels la frontière est d'ailleurs très floue. Chaque porte qui s'ouvre peut être l'occasion de se trouver face à une arme en activité. La vérité que recherche Nick Tellis, associé pour son enquête à un flic hyper violent, est fuyante. On ne connaîtra la façon dont le flic assassiné est mort qu'après un long cheminement sur des fausses pistes épuisantes. John Carnahan, un inconnu, multiplie les changements de rythme, de traitement de l'image avec maestria, sans tomber dans l'épate ou la sophistication genre Seven. Les dialogues sont hachés et scandés comme des morceaux de rap. Le polar de l'été assurément.

MARDI.
Courriel. J'envoie ma contribution pour les Cahiers du LIS (Laboratoire d'Inventions Scientifiques, voir http://www.fatrazie.com/Calis.htm) n° 33.

Interrogatoire. "Après un effondrement de plancher qui a fait six blessés dimanche, une expertise de tous les sols et plafonds aura lieu à Chambord." (La Liberté de l'Est du jour). Je vous jure, Monsieur le Commissaire, que si je suis bien allé à Chambord avec ma famille la semaine dernière, nous nous sommes contentés d'admirer l'édifice de l'extérieur. Je suis bien trop radin pour avoir eu ne serait-ce que l'intention d'acquitter les droits d'entrée dans ce château et ce ne sont pas les cavalcades et les trépignements de mes filles sur les parquets cirés qui peuvent être à l'origine de la fragilisation des structures ayant occasionné cet accident.

DVD. Kafka (Steven Soderbergh, USA, 1991 avec Jeremy Irons, Theresa Russell, Joel Grey, Ian Holm, Jeroen Krabbé, Armin Mueller-Stahl, Alec Guinness).
Contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire - et à ce que je m'attendais à voir - il ne s'agit pas d'une biographie filmée de Franz Kafka mais d'une plongée, d'une totale immersion dans l'oeuvre de l'écrivain, d'une ambitieuse tentative d'illustration de son univers. Sur le plan formel, Soderbergh fait clairement référence aux films expressionnistes allemands (ceux que Kafka a pu voir à Prague ou à Vienne, il me semble même qu'il a fait de la figuration dans certains films) : un personnage s'appelle Doctor Murnau (réalisateur de Nosferatu, 1922), il est question d'un dossier Orlac (cf. Les Mains d'Orlac de Robert Wiene, 1924). L'autre référence est la version du Procès par Orson Welles, premier grand film kafkaïen avant le Playtime de Tati, qui avait utilisé la gare d'Orsay comme décor, d'où ici la présence de verrières et de salles immenses.
Le personnage interprété par Jeremy Irons s'appelle Kafka. Comme l'écrivain, il travaille le jour pour une compagnie d'assurances et écrit la nuit. Une de ses connaissances lui parle de son admiration pour La colonie pénitentiaire, il lui apprend qu'il est en train d'écrire La métamorphose et le film se termine par la lecture en voix off de La lettre au père qu'un Kafka toussotant (tuberculose) entreprend de rédiger face à sa fenêtre après avoir recommandé à un ami, incarnation de Max Brod, de détruire tous ses manuscrits. Ces indices biographiques, et c'est là que le film est très fort, sont insérés dans un tissu qui mêle les fils de plusieurs oeuvres de Kafka. La ville où travaille Kafka est dominée par un château qui abrite une administration aussi puissante que mystérieuse. Kafka, comme le K. du Château, cherche à s'introduire dans l'édifice et à en percer les secrets (le héros de cinéma y parvient, à la différence de celui du roman, ce qui donne lieu aux seuls scènes en couleur et à des scènes de torture présentes, elles, dans Le Procès). Au début de l'histoire, Kafka est à la recherche d'un de ses collègues de travail, Edouard Raban, qui a disparu sans laisser de trace. Edouard Raban, c'est le nom du héros d'une nouvelle de Kafka, Préparatifs de noce à la campagne. Kafka, le Kafka du film, fait part de son inquiétude à une autre de ses collègues, Gabriela Rossmann. Rossmann, c'est le nom de famille du héros de L'Amérique. Il y a aussi un nommé Grubach : la concierge de Joseph K. dans Le Procès s'appelle Mme Grubach. Mieux que ça, on affecte à Kafka deux aides dans son travail, ce qui arrive effectivement à K. dans Le Château. Or, au cours d'une scène, les deux aides deviennent les deux messieurs qui accompagnent Joseph K. à la mort dans les dernières pages du Procès (et qui apparaissent à la fin du chapitre I de La Vie mode d'emploi de Perec). Voilà ce que j'ai repéré mais je ne connais Kafka que de façon lacunaire (je ne suis pas un kafkalogue que l'on redoute, je ne suis qu'un kafkalogue des soirs tristes) et quelqu'un de plus averti que moi trouvera certainement d'autres correspondances, de même qu'un connaisseur de Shakespeare pourra s'intéresser au personnage du fossoyeur.
On touche là au revers de la médaille, à savoir que Kafka est un film pour initiés. Plus on connaît l'écrivain et plus on se régale. En tout cas, c'est un travail magnifique accompli par Lem Dobbs (scénariste) et Soderbergh qui ne fera pas toujours preuve d'autant d'ambition dans la suite de son oeuvre. A voir et à revoir au fil des lectures et relectures de Kafka.
Curiosité. J'aime bien lire les critiques autorisés après avoir vu un film et en avoir rédigé ma chronique. Ca me flatte quand je vois que j'ai repéré les bonnes références, ça me navre quand je vois que j'ai raté tel ou tel aspect du film. Voici ce que je lis dans Le Guide des films (Jean Teulard, Bouquins, Robert Laffont, 1997) : "On attendait une vie de Kafka, on a un mauvais pastiche des films expressionnistes. Tout est gratuit et vain dans cette oeuvre prétentieuse." Tant pis, je persiste et signe.

MERCREDI.
Lecture. Viridis Candela (Carnets Trimestriels du Collège de 'Pataphysique n° 10, 15 décembre 2002).
Le Collège de 'Pataphysique cultive l'aptonymie : François Carré, Martine Courtois, Henri Bouché, Pierre Dieulefait, Luc Cornet, pour ne citer que quelques-uns de ses dignitaires, occupent en son sein des fonctions en rapport avec la signification de leur patronyme. Il est donc naturel de trouver dans ce numéro une solide contribution d'Alain Zalmanski, notulien, qui fait le point sur les dernières avancées de la science aptonymique. Rappelons à sa suite qu'un aptonyme est un "nom de personne qui se trouve étroitement associé au métier et aux occupations de l'individu qui le porte et, par extension, à toute référence objective le concernant, en particulier géographique". La France se révèle un terrain particulièrement propice à la culture de l'aptonyme puisqu'elle détient le record mondial des patronymes "avec près d'un million de noms portés en 2000, malgré la disparition de 200 000 noms au cours du siècle précédent." La liste des aptonymes recensés (voir
http://www.fatrazie.com/aptonymes.htm) couvre 8 pages des Carnets, de Xavier ALHERITIERE, notaire à Dijon (21) à Rose WEHR, café-bar à Knutange (57). Le département des Vosges est à l'honneur avec William FAGOT, menuiserie à Denipaire (qui, d'après l'annuaire 2003, a cessé de menuiser sous son propre nom et exerce désormais sous la plate raison sociale "Denibois") et Robert GUERY, médecin à Celles-sur-Plaine.
En vrac, dans le reste de ce numéro : la fin de la publication de la pièce Vive la France !, de Franc-Nohain ("On sait que Dieu est là, ça impressionne et ça fait plaisir") et un article sur une discipline intéressante, la rétrophysiognomonie, ou étude visuelle, voire tactile, des fessiers qui se fonde sur des maximes telles que "Il est plus réconfortant de dévisager un cul que de déculer un visage." Terminons avec cette fable-expresse de Greg Lacroix :
"J'ai donné mon corps à la science
Et c'est vraiment un beau cadeau
Un superbe champ d'expérience
Qu'ils ont mis, les sots, au frigo.
Moralité
Ce sont toujours les corps donnés
Qui sont les plus mal chauffés."

TV. Football. Suisse-France (0-2). Je retrouve un intérêt certain pour le foot après une période d'éloignement due aux abus qui ont suivi la Coupe du Monde 1998. J'ai cessé le lire L'Equipe après 20 ans de pratique quotidienne et je suis sûr que je n'ai pas suivi plus de cinq matches la saison dernière. Les budgets se dégonflent, le F.C. Metz et le S.A. Spinalien sont promus à un échelon supérieur, mon goût revient. J'ai même envie de retourner au stade.


JEUDI.

Bons Mayennais

Ceci est une boîte de camembert. Je ne suis pas tyrosémiophile mais j'aime beaucoup cette image. J'ai reçu un véritable choc esthétique quand je l'ai vue à l'étal de mon crémier. J'y ai vu une sorte de version naïve et rustique du Changeur et sa femme de Quentin Metsys (voir http://www.macrosociologie.com/macrosociologie/tome_2a.html). J'aime tellement cette image que j'ai imposé à mon foyer la consommation exclusive du camembert Bons Mayennais. C'est qu'en plus d'être ornée d'une image magnifique, la boîte de Bons Mayennais contient un point. En cumulant ces points, on peut obtenir des cadeaux. J'ai déjà dans ma garde-robe un tee-shirt Bons Mayennais avec la reproduction de ce couple sur le coeur. Aujourd'hui, j'envoie 150 bons et 3,40 € en timbres pour recevoir une montre. Comme le carrelage de la maison de Mur-de-Sologne a été fatal à ma montre Marcel Proust, il me semble que seule une montre Bons Mayennais pouvait la remplacer avantageusement. Il me restera ensuite à acquérir un ballon, une peluche (150 bons), un drap de bain, un stylo plume de marque (60 bons), un pin's et un jeu de cartes (20 bons) pour être à la tête de la collection complète.
J'envoi une revue de presse à Y. et à l'AGP et une moisson d'aptonymes à A.Z. : Béatrice BABY, sage-femme à Beauvais (merci G.N.), François MORTIER, professeur en faculté de pharmacie à Nancy (merci Caroline), une MALAISE et une BOUTON infirmières à Romorantin.

VENDREDI.
Aménagement du territoire. Installation de lits superposés dans la chambre des filles. Une seule ampoule pour 179 vis, score honorable.

Courrier. Une carte postale de S., à Bruxelles.

Courriel. G.N. m'envoie trois incipit géographiques.

Sortie. Nous partons en quatuor écouter Mister Oz's Big Band place des Vosges. Musique pénible, station debout pénible, filles pénibles, ma tentative de réconciliation avec la foule, entamée en juillet, tourne court.

SAMEDI.
Emplettes. J'achète les numéros 3 et 4 de notre collection de DVD, A bout de souffle de Godard et Parade de Tati pour 4,09 € chacun.

Football. SAS - Amnéville (2-1). Cela faisait cinq ans que je n'avais pas mis les pieds au stade de la Colombière. Ici, la foule ne me gêne pas, je suis sûr de n'être reconnu de personne. Je retrouve d'anciennes vedettes des lieux, côté pelouse ou côté buvette, et des joies primaires. Avec une victoire des locaux et une petite bagarre à la fin, le plaisir est total. Je reviendrai.

TV. Les petites couleurs (Patricia Plattner, France-Suisse, 2002 avec Anouk Grinberg, Bernadette Lafont, Philippe Bas, Gilles Tschudi; diffusé sur Canal + en juillet 2003).
Christelle, coiffeuse, est maltraitée par son mari. Elle s'enfuit du domicile et trouve refuge au motel Galaxy dont la patronne, Mona, devient son amie.
Patricia Plattner commence par présenter une situation de femme victime de violences conjugales. Certaines traces sont visibles, celles laissées par les coups du mari, d'autres non mais sont tout aussi handicapantes : Christelle n'a pas un sou, c'est l'homme qui tient les cordons de la bourse. On s'oriente ensuite vers une sorte de conte de fées, la rencontre avec Mona, qui recueille Christelle, la loge, la nourrit, l'emploie, puis avec un prince charmant qui lui fait découvrir le véritable amour. Pourtant, on ne peut s'agacer de ce côté un peu trop facile car il est totalement assumé, notamment par la présentation, qui court tout au long du film, d'un feuilleton sentimental caricatural que les deux femmes suivent à la télévision et qui montre des aspects de leur vraie vie sans qu'elles s'en rendent compte. En basculant ainsi volontairement du drame à la fantaisie, la réalisatrice ne manque pas sa cible. Elle évite le film charge démonstratif mais le temps que met Christelle à guérir permet de ne jamais oublier ce dont elle a été victime.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°123 - 31 août 2003

DIMANCHE.
Chirac. Mes parents viennent à la croûte. La tête de veau ravigote tout le monde.

Courriel. Échange avec A.Z., de passage en Touraine lui aussi cet été, qui me fait regretter de n'avoir pas visité un musée consacré aux détournements de la Joconde à Saint-Cyr-en-Val, près d'Orléans.
Ch. découvre le L.I.S.
J.-C.F. poursuit sa moisson de Série Noire et de Série Blême.

T.V. Terminator (The Terminator, James Cameron, USA, 1984, avec Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton, Paul Winfield, Lance Henriksen, Bessa Motta; diffusé sur TF1 en février 2000).
Terminator est un robot venu du futur pour tuer Sarah Connor avant qu'elle ne donne naissance à son enfant : celui-ci doit prendre la tête de la rébellion contre les robots. Un autre passager en provenance du futur essaie de protéger Sarah Connor.
La première partie de l'histoire, celle qui est consacrée à la traque de Sarah par Terminator, est efficace. Suspense, rebondissements, virtuosité de la mise en scène sont au service d'un thème classique. Ca se gâte quand le protecteur de Sarah évoque pour elle la vie qui attend les humains dans l'avenir (images proches de Mad Max), et tombe amoureux d'elle. Pendant ces roucoulades, Terminator (Schwarzenegger, aux mouvements très lents, est vraiment impressionnant) fourbit ses armes et se prépare pour le combat final. Que je ne peux raconter, m'étant endormi malgré la pétarade.

LUNDI.
Courrier. Les D. cabotent en Charente-Maritime, J. est en Ardèche. B. m'envoie le numéro des Inrockuptibles consacré à Perec et un article du Midi Libre faisant le bilan chiffré du rassemblement altermondialiste du Larzac, bel exemple de poésie énumérative : "1340 véhicules et 582 personnes ont été contrôlées. Les gendarmes ont établi 71 procédures dont 36 pour des affaires de stupéfiants. Pêle-mêle, on retrouve 3 g de speed, des buvards de LSD, 33 cachets d'ecstasy, 1 g de cocaïne, 978 g de cannabis, 20 bières au cannabis provenant d'Espagne, plusieurs bangs en bambou (pipes à eau) et du MDA (mélange de plusieurs drogues dures)."

Cinéma. Loin du paradis (Far From Heaven, Todd Haynes, USA, 2002 avec Julianne Moore, Dennis Quaid, Dennis Haysbert, Patricia Clarkson, Viola Davis).
Hartford, Connecticut, 1957. Cathy Whitaker mène une vie de femme au foyer exemplaire, d'épouse et de mère comblée, impliquée dans la vie associative de la commune et attentive à la vie professionnelle de son mari. Une série d'événements et de révélations met ce bel édifice par terre.
Dès le générique, un survol de la petite ville aux couleurs de l'été indien qui s'achève dans la belle maison des Whitaker, c'est gagné : les grosses voitures alignées devant la gare, le cinéma local qui passe Miracle in the Rain de Rudolph Maté, les enseignes, la musique avec ce qu'il faut de violons, la beauté de Julianne Moore, tout y est : le souvenir des films de Douglas Sirk (l'histoire se réfère clairement à Tout ce que le ciel permet), les couleurs de La Fureur d'aimer d'Irving Rappner reviennent en mémoire. Haynes dépeint une société où tout est merveilleusement à sa place : l'homme à son bureau, la femme à son plumeau, le Noir à son râteau. Cathy est une femme sans ombre, qui ignore le mal, la méchanceté et qui va y être confrontée en se cognant violemment à deux tabous de l'époque, l'homosexualité et le racisme. Elle se retrouve seule, son couple brisé, ses amies envolées, et fait face. Le mélodrame parfait, parce que simple et respectueux des personnages, en même temps qu'un appel à la tolérance et à la différence qui résonne comme un cri dans le désert de cette Amérique des années 50.

Couriel. Reprise des billets d'Hervé Le Tellier.

MARDI.
Emplettes. J'achète Jarry en Pléiade et le dernier A.D.G.

Courrier. Carte postale des L., en Crète.

T.V. Championnats du monde d'athlétisme à Paris. Le commentateur cocardier qui officie ferait passer Thierry Roland pour un être pondéré.

Courriel. Une inconnue, appâtée par mes commentaires sur P.J., me demande l'adresse du fan club de Bruno Wolkowitch.

MERCREDI.
Vie parisienne. Je pars pour Paris par le 7 heures 40. En chemin, je pense à un nouveau texte qui serait le fruit de mes visites au Louvre. J'arrive à midi, prends le 47 jusqu'à la place Monge, croûte au Monge, ma cantine cardinalice étant fermée pour l'été. J'achète deux gravures du XIX° représentant Épinal, une sur bois et une taille-douce, à un nouveau libraire d'ancien de la rue Monge. Je passe l'après-midi à la Bibliothèque des Littératures Policières et rejoins le Louvre par la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, la rue de Bièvre, les quais et le Pont Royal. J'achète un ouvrage didactique sur la peinture et des cadeaux pour les filles à la boutique des Musées de France et reprends mon exploration du deuxième étage de l'aile Richelieu, salles 3 et 4 avec une interruption thé-cake en terrasse au café Richelieu où je suis le seul à parler français. Ce qui ne saute pas vraiment aux oreilles puisque je suis aussi le seul à ne pas parler du tout. Deux pièces majeures au programme de ces deux salles, La Vierge du chancelier Rolin, de Van Eyck http://www.artyst.net/V/VanEyck15/VanEyckViergechancelierRolin15.htm, et L'Annonciation (mon thème de prédilection en peinture, à cause de sa richesse symbolique et de la fréquentation de Daniel Arasse qui a su m'en dévoiler les mystères) de Rogier Van der Weyden http://www.c2rmf.fr/pages/page_id18218_u1l2.htm, peut-être déjà vue à l'occasion d'une rétrospective à la National Gallery de Londres.
De retour dans ma chambre, je feuillette fébrilement Le Monde qui publie les résultats du concours de l'été. Parmi les vainqueurs, je ne trouve qu'un R. Bordier, d'Épinal. J'avais pourtant l'impression d'avoir écrit mon nom de façon lisible. Je croûte des rougets à la Brasserie de l'Est, à côté de supporters britanniques venus du Stade de France.

JEUDI.
Vie parisienne (suite). Je rédige l'avant-propos de mon nouveau texte, intitulé Mémoire louvrière, que je mets ici en pièce jointe. Le 47 me conduit place d'Italie d'où j'entame un long vagabondage, d'abord dans le quartier de la Butte-aux-Cailles : rue du Père-Guérin, rue du Moulin-des-Prés, rue des Cinq-Diamants (une pharmacie minuscule, le siège des Amis de la Commune de Paris avec drapeau rouge et oeuvres de Louise Michel en vitrine), passage Barrault ("voie privée interdite aux voitures pesant plus de 3000 kgs"), rue Barrault où je n'ai pu voir ce pour quoi j'étais venu, la Petite Russie où étaient logés les chauffeurs d'une société de taxis et une autre cité insolite, la petite Alsace. La faute aux digicodes. N'importe, je n'ai pas de regrets tant le quartier est calme et agréable à sillonner avec sa profusion de petites maisons et de jardins. Rue de la Butte-aux-Cailles, je m'attarde devant Le Temps des Cerises, "Société Coopérative Ouvrière de Production", un restaurant en réalité ("Coupez vos portables, bordel" dit gentiment l'affichette sur la porte). Je lis Le Figaro sur un banc du boulevard Auguste-Blanqui, face au métro aérien, longe les murs de la Santé et de l'hôpital Cochin. Il y a un marché boulevard du Port-Royal mais les crémiers ne vendent pas de Bons Mayennais. Je remonte le boulevard Raspail jusqu'à une boutique chic où j'achète mon grimpant annuel. Boulevard Saint-Germain, j'entre à L'Écume des pages et à La Hune regarder les livres de la rentrée. Je croûte dans une pizzeria marocaine de la rue des Boulangers et vais reposer mes arpions surchauffés à la Bilipo. Je rentre at home par le 18 heures 49.

Lecture. Les Thibault (Roger Martin du Gard, 8 parties, "Le cahier gris", " Le pénitencier", "La belle saison", "La consultation", "La Sorellina", "La mort du père", "L'été 1914", "Épilogue" publiées entre 1922 et 1940 et rassemblées en deux volumes de la Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1955, 803 + 1011 pages; 53,36 + 45,73  ).
Paris, années 1900. Oscar Thibault, grand industriel, grand bourgeois, grand catholique, a deux fils, Antoine, qui se destine à la carrière de médecin, et Jacques, son cadet. Lorsque Jacques fugue jusqu'à Marseille avec son ami Daniel, le père le punit durement en l'enfermant dans un pénitencier catholique dont il est le fondateur-directeur. A sa sortie, Jacques, profondément marqué, renonce à retrouver sa place dans le milieu familial et s'installe en Suisse où il fréquente les milieux de l'Internationale Socialiste. Devenu un pacifiste convaincu, il meurt en avion au début de la guerre de 14 alors qu'il s'apprête à larguer sur le front des tracts appelant à l'insoumission. Parallèlement, Antoine est devenu un médecin réputé, un modèle de réussite. Mais la guerre casse son ascension : gazé, il meurt dans une clinique du sud de la France après avoir observé et consigné la progression de sa maladie et les réflexions qu'elle lui inspire.
Il faut du souffle, plus de deux mois de lecture pour venir à bout de ce roman-fleuve, de ses rapides et de ses méandres : comme souvent dans les grands textes, l'intérêt subit des variations importantes au fil de la lecture. Toute la première moitié des Thibault est plutôt digeste. Martin du Gard présente une famille bourgeoise dominée par la figure effrayante du père. "Nous ne sommes pas seulement deux individus, Antoine et Jacques : nous sommes deux Thibault, nous sommes les Thibault. (...) Nous autres, les Thibault, nous ne sommes pas comme tout le monde. Je crois même que nous avons quelque chose de plus que les autres, à cause de ceci : que nous sommes des Thibault." Un fils se soumet, l'autre non. On se croirait chez les Flaubert, et chacun des fils vit en quelque sorte son éducation sentimentale. Antoine vole de succès en succès, Jacques s'enferme dans la solitude, découvre Gide et Nietzsche. L'épisode du pénitencier est à mon goût le plus réussi, l'aveuglement du père, l'horreur du sort qu'il réserve à son fils (et basé sur des motifs religieux) sont saisissants. Son agonie sera d'ailleurs à la mesure du personnage, oscillant du grandiose au grotesque.
Une fois que Martin du Gard a débarrassé ses personnages de cette ombre étouffante, il va les confronter à un autre monstre : l'Histoire. Pris dans le tourbillon des événements qui annoncent la guerre, Jacques se lance dans l'activisme politique, Antoine ne pense qu'à sa carrière. C'est là ("L'été 1914") que le roman se fait pesant. Les discussions théoriques entre Jacques et ses camarades (sur le socialisme, le pacifisme, le terrorisme) n'en finissent pas, les heures et les chapitres s'allongent démesurément, les artifices utilisés par l'auteur pour rattraper l'intérêt du lecteur (Jacques, par exemple, assiste à l'assassinat de Jaurès dans une scène dont Léautaud, dans son Journal littéraire, a souligné les inexactitudes historiques) ne fonctionnent pas. Jacques, de toute façon, Albert Camus a raison de le souligner dans sa préface, est un personnage figé. De sa première fugue à sa mort, il n'évolue pas, son idéalisme le mène droit dans le mur. C'est un personnage noble et droit qui a dû servir de modèle à nombre d'adolescents, mais c'est un personnage fixe.
Le personnage d'Antoine est plus riche. L'épilogue est consacré à son cheminement vers la mort, au fil des pages de son carnet intime. Et c'est lui, parti avec un handicap important, qui devient le personnage le plus intéressant du livre car c'est le seul qui change, qui s'ouvre au monde après avoir vu toutes ses certitudes balayées par la guerre.
L'ambition de Martin du Gard est immense. Le roman familial se termine en roman universel. Martin du Gard écrit en 1940 sur l'année 1918 (avec des passages prémonitoires : "Au fond, combien sommes-nous, à l'arrière, qui savons ce que c'est ? Ceux qui en sont revenus, combien sont-ils ?... Et ceux-là, pourquoi en parleraient-ils ? Ils ne peuvent, ils ne veulent rien dire. Ils savent qu'on ne pourrait pas les comprendre."), ce qui n'incite pas à l'optimisme. Mais son écriture n'est pas à la hauteur de son ambition. Il est curieux de voir qu'au moment où le roman européen éclate de toutes parts (Proust, Mann, Céline, Joyce, Kafka...), renouvelle ses codes, explore de nouveaux territoires, Roger Martin du Gard fait preuve d'un classicisme qui semble aujourd'hui terriblement poussiéreux : scènes de bravoure à la Zola, omniscience du narrateur, qualité "scolaire" du style.
Curiosité : Martin du Gard n'utilise pas le terme "gymnaste" mais "gymnasiarque".
Extrait (non représentatif, ce sont les seules lignes empreintes d'un peu de fantaisie). "Il y a treize ans que je rumine ça, Monsieur Antoine. Depuis l'Exposition. J'ai même, rien qu'à moi seul, inventé un tas de petites célébrités. Oui. Un talon enregistreur, pour compter les pas. Un mouilleur de timbres, automatique et perpétuel. (...) Mais le plus conséquent, c'est l'œuf. L'œuf carré. Reste à trouver mon liquide. Pour ça, je suis en correspondance avec des chercheurs. Les curés de campagne, ce sont tous des candidats adeptes : en hiver, après l'Angelus, on a le temps de bricoler, n'est-ce pas ? Je les ai tous lancés sur mon liquide. Dès que j'aurai mon liquide... Mais le liquide, ça n'est plus rien. Le difficile, c'était l'idée.
Antoine écarquillait les yeux :
- Dès que vous aurez trouvé le liquide ?...
- Eh bien, j'y trempe mes oeufs... juste assez pour ramollir la coquille sans gâter l'œuf !... Vous y êtes ?
- Non.
- Je les fais sécher dans des moules...
- Carrés ?
- Naturellement !
M. Chasles se tortillait comme un ver coupé. Antoine ne l'avait jamais vu dans cet état.
- Par centaines ! Par milliers ! Une usine ! L'œuf carré ! Plus de coquetiers ! L'œuf carré se tient debout ! Sa coquille reste dans le ménage ! On en fait un porte-allumettes, on en fait un pot à moutarde ! L'œuf carré se range en boîtes, comme des pains de savon ! Alors, pour les expéditions, vous vous rendez compte ?
Il voulut regrimper sur son strapontin; mais aussitôt, comme s'il s'était piqué, il sauta à terre. Il était devenu pourpre.
- Excusez-moi, je reviens, murmura-t-il en gagnant la porte. La vessie... C'est nerveux... Dès que je parle de l'œuf..."

Courrier. B. raconte le Larzac, I. est à Bitche, un coin que je connais pour des raisons autres que touristiques, Hervé Moritz envoi les "épreuves" de ma contribution au CALIS pour accord.

VENDREDI.
Courrier. Un CD de Daniel Lanois, une carte postale des S., en Corse. J'envoie ma phynance au Collège de 'Pataphysique et une revue de presse à Y.

Obituaire. Mort de l'acteur Pieral. "Je me souviens du géant Atlas (et du nain Pierhal ?)" (Georges Perec, Je me souviens, Jms 390).

SAMEDI.
Courrier. Ma montre Bons Mayennais est arrivée. Sa ligne audacieuse est tout à fait conforme à ce qu'on peut attendre d'une montre camembert.

Football. SAS - Mâcon (1-0). Quatrième victoire consécutive. La Ligue des Champions se profile à l'horizon.

T.V. Terminator 2 : Le Jugement dernier (Terminator 2 : Judgment Day, James Cameron, USA, 1991 avec Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton, Edward Furlong, Robert Patrick; diffusé sur Canal + en juillet 2003).
Deux robots débarquent du futur, l'un pour protéger le jeune John Connor, promis à un fabuleux destin, l'autre pour l'éliminer : le schéma de départ reprend celui du premier épisode. Mais plutôt que de livrer une copie conforme de son premier film, Cameron change de registre. Changement bénéfique à mes yeux, ce Terminator 2 étant plus séduisant que son prédécesseur qui paraîtrait presque austère (minator) et dépouillé à côté.
Les changements : Schwarzenegger passe du côté des gentils, ce qui pourra lui être utile pour la carrière politique qu'il envisage; les humains, qui, dans Terminator, se contentaient de subir sans intervenir prennent ici leur destin en main; l'humour fait son apparition dans les relations entre Schwarzy et le jeune Edward Furlong qui entamait là une belle carrière; en sept ans, les effets spéciaux ont évolué et on passe du gore un peu basique du premier épisode à quelque chose de plus sophistiqué (les transformations du Terminator méchant sont très réussies); enfin, l'histoire débouche sur une interrogation sur le progrès, les machines, simple mais bienvenue.

Rugby. J'ai juste le temps d'attraper la dernière demi-heure de France-Angleterre (17-16) qui m'envoie dans les toiles de bonne humeur.

Bon dimanche, et, pour ceux que ça concerne, bonne rentrée.

Pièce-jointe aux notules 123

AVANT-PROPOS

Mon projet d'une visite systématique du Louvre date du 27 juillet 2003. Ce jour-là, j'ai entrepris d'étudier scrupuleusement les tableaux de la salle 1 de l'aile Richelieu, puis de la salle 2, me promettant de poursuivre ainsi jusqu'à épuisement des lieux ou de l'homme. Cette démarche satisfait mon goût pour l'ordre, pour l'épuisement justement, et a l'avantage d'éliminer la question que se pose tout visiteur en débarquant sous la pyramide : "Bon, par quoi on commence ?"

L'idée d'en faire un texte s'est imposée le 27 août 2003. Processus logique qui veut que chez moi chaque nouvelle expérience débouche sur un nouvel exercice d'écriture. Je vais donc regarder les tableaux, dans l'ordre, bloc et stylo en main, et prendre des notes. Le texte qui naîtra de ces notes ne sera pas un texte savant, mes connaissances en matière de peinture étant trop fraîches et trop limitées pour que j'ajoute l'exégèse à l'exégèse, l'ekphrasis à l'ekphrasis. Il ne s'agira donc pas de répéter tel ou tel commentaire entendu ou lu quelque part, mais d'écrire quelques mots concernant tantôt l'aspect général du tableau, tantôt un détail, un geste, une expression, une émotion, je ne peux vraiment le dire à l'avance, qui devraient me permettre, en les relisant, de revoir le tableau en entier ou un de ses aspects.

Le but poursuivi est double. D'abord, trouver une activité, une de plus, qui puisse me tenir en éveil jusqu'à la fin de mes jours. Ce texte prend donc naturellement sa place au sein de mes "œuvres inachevables". Ensuite, avoir un outil qui me permette de visiter le Louvre les yeux fermés ou presque (je pense à La Peinture à Dora de François Le Lionnais), outil qui pourra m'être utile en cas de modification importante de ma situation personnelle (dégradation de mon état physique, exil, emprisonnement, aliénation) ou de la situation extérieure (guerre, incendie du Louvre…).

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