Notules
dominicales de culture domestique, puis de villégiature exotique
n°100 - 9 mars 2003
DIMANCHE
1.
Presse. A la une de La Liberté
de l'Est : "Près de 300 pêcheurs ont manifesté
à Épinal pour demander des mesures radicales contre les
cormorans". Une photo montre la banderole de tête : CORMORAN,
FOUS LE CAMP ! C'est peut-être faire grand cas des capacités
de lecture de la bête.
LUNDI 1.
Reprise. Je fais ma rentrée
dans le jardin avec les filles. Les perce-neige sont là, je scie
un peu de bois abattu. Mon dos s'en remettra au bout d'une dizaine de
jours.
Courriel. G.N. me parle de Samson
François, pianiste disparu en 1970 et qui, lui aussi, avait coutume
de noyer son trac dans l'intempérance, possible modèle du
personnage d'Echenoz dans Au piano.
TV. Aniki, mon frère
(Brother, Takeshi Kitano, Japon-USA, 2000 avec Takeshi Kitano,
Omar Epps, Claude Maki, Masaya Kato; diffusé sur Canal + en février
2003).
A la suite de l'assassinat de son chef et de la dissolution de son clan,
un yakusa quitte le Japon pour Los Angeles où il retrouve son jeune
frère Ken. Celui-ci appartient à une bande de petits dealers.
Yamamoto, le yakusa, va donner une autre dimension à cette petite
entreprise.
En s'exportant aux Etats-Unis, Yamamoto a aussi exporté ses méthodes,
qui sont expéditives et efficaces puisque le clan qu'il dirige
avec son frère prend vite possession du marché de drogue
de la ville. Après la parenthèse Kikujiro, Kitano renoue
donc avec la violence de ses débuts. Il n'hésite d'ailleurs
pas à faire dans l'auto-citation puisqu'on retrouve ici les jeux
de plage de Sonatine. Sa façon de filmer est toujours aussi déroutante
et fascinante dans ce qu'elle a de peu explicatif : les séquences
s'enchaînent, c'est au spectateur de faire le lien entre elles,
Kitano refuse les transitions. La fascination vient aussi en grande partie
de Kitano acteur, de sa démarche d'ours, de son visage fermé,
de la rareté de ses paroles, de la rapidité et de la violence
des gestes dont il est capable.
Le personnage qu'il incarne, Yamamoto, représente, en compagnie
de son frère et d'un de ses lieutenants, un monde de bandits d'honneur,
où on n'hésite pas à se mutiler ou à s'éviscérer
pour une parole déplacée. Ce ne sont pas des bandits au
grand cœur d'opérette mais des personnages réellement tragiques
qui font de Kitano un cinéaste tout simplement cornélien.
Obituaire. Mort de Bernard Loiseau.
On parle d'un suicide. C'est peut-être oublier un peu vite les banderoles
et les intentions avicides des pêcheurs vosgiens...
MARDI 1.
Cinéma 1. L'Enfant qui voulait
être un ours (Drengen der ville vaere bjorn, Jannik Hastrup,
France-Danemark, 2002).
Un jeune garçon, élevé par une maman ours blanc,
n'a qu'un rêve, une fois revenu chez ses vrais parents : devenir
lui-même un ours.
Une heure vingt sur la banquise, où les distractions sont tout
de même limitées, c'est bien long. Les auteurs ont beau multiplier
les métamorphoses ours-garçon garçon-ours, faire
intervenir un génie de la montagne particulièrement raté
du point de vue graphique, meubler le silence par la partition de Bruno
Coulais (inspiré par les Chansons des mers froides d'Hector
Zazou), on s'embête et on attrape froid aux pieds.
Cinéma 2. Après la
vie (Lucas Belvaux, France, 2002 avec Dominique Blanc, Gilbert Melki,
Ornella Muti, François Morel, Bernard Mazzinghi, Catherine Frot,
Lucas Belvaux, Patrick Descamps).
Un parrain grenoblois, qui fournit de la drogue à l'épouse
toxico d'un flic local, demande à ce dernier d'abattre un prisonnier
en cavale.
Fin du triptyque de Lucas Belvaux. Après la vie est le contrechamp
des deux films précédents, éclaire aussi bien sur
l'un que sur l'autre. Dans le couple mis ici en avant, Pascal Manise,
le flic (Melki) traque le fugitif de Cavale, sa femme Agnès
(Blanc) est l'amie des principaux protagonistes d'Un couple épatant.
On prend ici conscience de l'audace et de l'ambition du réalisateur
qui a construit un véritable château de cartes. On pourra
regretter que son édifice soit bâti sur une histoire un peu
faible, avec quelques longueurs mais on salue son courage (ainsi que celui
de ses producteurs et distributeurs) à secouer, à la manière
d'un Resnais, les schémas narratifs. Il serait maintenant intéressant
de disséquer les trois films plan par plan, chronomètre
en main, pour étudier les différences de point de vue, de
cadrage et se rendre compte de la minutie du travail fourni.
MERCREDI 1.
Lecture 1. Léger (Hélène
Lassalle, Flammarion, coll. Tout l'art, 1997).
Monographie.
Fernand Léger a commencé à travailler à Biot
(Alpes-Maritimes) en 1946 et c'est là que s'est installé
le Musée National Fernand Léger. C'est à l'occasion
d'une visite des lieux en avril 2000 que j'ai acheté ce livre.
Visite enchanteresse, pas seulement à cause des peintures, mais
parce que c'est là que j'ai appris que le "t" final de
Biot devait être prononcé. Pouvoir me dire contrapétiquement
depuis que Fernand Léger peignait au chalet de Biot est une source
de joie intime continuelle.
La monographie d'Hélène Lassalle est heureusement plus sérieuse
que mon propos. Elle choisit un découpage thématique qui
aborde, chapitre après chapitre, le Léger théoricien
(trop ardu pour moi), Léger en Amérique, Léger et
les arts du spectacle (il a touché à tout, au théâtre,
au ballet, au cirque, au cinéma), Léger architecte, Léger
et son atelier... Chapitres dans lesquels on voit se dessiner un homme
pour qui la vie et l'art étaient étroitement mêlés.
La vie quotidienne ("Le Beau est partout, dans l'ordre de vos casseroles,
sur le mur blanc de votre cuisine, plus peut-être que dans votre
salon XVIII° siècle ou dans les musées officiels"),
mais aussi la vie des idées puisqu'il a toujours voulu faire passer
ses convictions politiques et sociales, proches du Front Populaire puis
du Parti Communiste, dans ses œuvres.
De celles-ci, on retient en général le tracé sinueux,
la permanence de certains thèmes (les échafaudages, les
perroquets, les disques, les agrès) et le célèbre
procédé dit des "couleurs en dehors", larges aplats
qui débordent les contours. Un chapitre est consacré aux
"variantes, variations et combinaisons" et montre que tel bras
ou tel visage peut être suivi d'un bout à l'autre de l'œuvre
de Léger, quand il ne vient pas d'un tableau plus ancien comme
ce surprenant hommage au Marat de David dans Les loisirs.
Enfin, j'ai appris qu'on pouvait voir des Léger au Musée
Pierre Noël de Saint-Dié. C'est beaucoup plus près
que Biot, bien sûr, mais question contrepet, ça ne vaut rien.
Lecture 2. Temps noir n°
6 (Éditions Joseph K., 2002)
La Revue des Littératures Policières.
Le gros morceau du numéro est occupé par une étude
de Romain Brian sur la rencontre du fantastique et du policier sur le
terrain très particulier des chambres closes et crimes impossibles,
dont on trouve des exemples antérieurs au Double assassinat
de la rue Morgue de Poe (1841).
Claude Mesplède présente ensuite douze auteurs contemporains,
avec bibliographie complète : Maud Tabachnik, Frédéric
Fajardie, Gérard Delteil, Fred Vargas, Patrick Raynal, Dominique
Zay, Alain Demouzon, Stéphanie Benson, Gilles Del Pappas, Béatrice
Nicomède, Jean-Hugues Oppel, Jean-Jacques Reboux.
Dans l'étude de Dominique Meyer-Bolzinger consacrée à
Sherlock Holmes et la médecine, on retiendra le parallèle
entre l'enquêteur et le psychanalyste du point de vue méthodologique
(alors que Conan Doyle, tout engagé qu'il était dans la
promotion du spiritisme ignorait les théories de Freud). A retenir
aussi, dans un entretien sur "Bobbies, justice, science, urbanisme
et naissance du détective victorien et édouardien en Grande-Bretagne",
la remarque de Delphine Cingral-Kresge qui dissocie les méthodes
de recherche de la vérité selon la tradition française,
fondée sur la religion de l'aveu, et selon la tradition britannique,
fondée sur la quête d'indices et de preuves.
Il reste à citer la relation des rapports entre Ed Bunker et le
cinéma, les entretiens avec Jean Vautrin, Jean-Hugues Oppel et
Serge Brussolo, un compte rendu de colloque sur Conan Doyle et Stevenson
et la toujours précise actualité du semestre où il
est question de Pelecanos.
Lecture 3. Histoires littéraires
n° 9 (Janvier-février-mars 2002, Du Lérot éditeur).
Revue trimestrielle consacrée à la littérature française
des XIX° et XX° siècles.
On ouvre, 2002 oblige, avec un petit mot sur les années palindromes
et les événements auxquels elles ont servi de cadre avant
de donner un fort dossier intitulé "A quoi sert l'histoire
littéraire ?", ce qui est la moindre des choses pour cette
revue. Dans ce cadre, Patrick Besnier retrace le destin critique de Raymond
Roussel où il fait la part de la légende et de la réalité.
Suit un entretien avec Michel Decaudin, spécialiste d'Apollinaire,
un échange de lettres entre Eluard et Jean Paulhan, une étude
sur les images (photographies, caricatures) de Victor Hugo due à
Alain Chevrier, la chronique des ventes et des catalogues et celle des
livres reçus dans laquelle j'ai noté qu'il me faudrait acheter
les Souvenirs d'outre-monde de Georges Belmont.
JEUDI 1.
Courrier. J'envoie des coupures à
Y. et à l'Association Georges Perec, et un mot à Patrice
Bollon, auteur d'Esprit d'époque.
Radio. En général, j'attends
d'être installé dans un lieu de villégiature où
la réception de mes ondes favorites est plus aléatoire pour
abandonner les journaux d'information de France Culture, leur juste hiérarchisation
des sujets et leurs délicieux bulletins météo ("Soleil
au sud, pluie au nord", point final), et écouter les nouvelles
sur Europe 1. Là, j'anticipe un peu sur la semaine prochaine. C'est,
comme d'habitude, un enchantement. Guillaume Durand, qui présente
le journal de 18 heures, n'hésite pas à ouvrir sur l'incroyable
suspense du jour : un gagnant du loto originaire d'une commune proche
de Dijon viendra-t-il chercher ses gains avant ce soir minuit ? Hier,
ou ce matin je ne sais plus, le sujet principal du bulletin était
l'apparition d'un nouvel anti-rides révolutionnaire. J'aime, de
temps en temps, être pris pour ce que je suis : un être
futile, superficiel et léger.
Devoirs de vacances. J'étudie
les paradoxes, à partir d'un site internet de l'Université
Libre de Bruxelles.
TV. Le Criminel (The Stranger,
Orson Welles, USA, 1945 avec Edward G. Robinson, Loretta Young, Orson
Welles; diffusé sur CinéClassics en décembre 2000).
Un ancien nazi s'est réfugié dans une petite ville du Connecticut
où il épouse la fille du juge local. Un membre de la commission
de contrôle des crimes de guerre est sur le point de le démasquer.
A noter d'emblée la vitesse de réaction du cinéma
américain qui dès 1945 s'intéresse à la traque
des anciens nazis. Le Criminel est un film très wellesien,
dans la mesure où il a été renié par son auteur.
Son histoire est une sorte de condensé des rapports entre Welles
et l'industrie : il est appelé sur le film écrit et conçu
pour John Huston, se fâche avec à peu près tout le
monde, ne participe pas au montage et voit le "final cut" lui
échapper. La routine, quoi. Mais Welles a bel et bien laissé
son empreinte sur ce film qui renferme tous les indices d'un grand créateur
: fluidité des mouvements de caméra, cadrages impossibles,
goût pour les miroirs, les ombres, les plongées et contre-plongées,
les objets symboliques - ici les horloges. Ce style parvient in fine
à faire oublier un scénario peu convaincant.
VENDREDI 1.
Lecture. La norme et le caprice
(Rediscoveries in Art. Some Aspects of Taste, Fashion and Collecting
in England and France, Francis Haskell, 1976, traduit de l'anglais
par Robert Fohr, Flammarion, 1986, coll. Champs n° 604).
Redécouvertes en art. Aspects du goût, de la mode et de
la collection en France et en Angleterre, 1789-1914.
Cet essai rassemble une série de conférences données
à l'Institute of Fine Arts de New York et consacrées au
phénomène de la "redécouverte" en art.
Qu'est-ce qui fait que, même pas d'une génération
à l'autre mais parfois simplement d'une décennie à
l'autre, tel peintre, telle époque ou telle école de peinture
passe de l'ombre à la lumière ou inversement ? Haskell évoque
successivement les collectionneurs, les marchands, les institutions (il
parle d'une époque où le Louvre et la National Gallery sont
en cours de constitution), les expositions temporaires qui naissent en
1815, les revues, les écrivains (Goncourt, Huysmans, Barrès...)
qui influent sur le goût du public.
Le livre fourmille de portraits, d'anecdotes (on apprend ainsi pourquoi
il y a tant d'hôtels du nom de Bristol), à un tel point qu'il
est difficile de discerner une orientation dans les propos de l'auteur.
Il donne en tout cas un aperçu de la relativité des jugements
esthétiques (il faut savoir, par exemple, que Vermeer était,
avant 1840, un parfait inconnu). La première moitié du XIX°
siècle a vu, en France et en Angleterre, la redécouverte
des Primitifs italiens. Aujourd'hui, on a tendance à remettre à
l'honneur les néo-classiques - voir la récente exposition
Chassériau. Qui sait si un jour nos sacrosaints impressionnistes
ne seront pas relégués dans les réserves de nos musées
?
SAMEDI 1.
Transhumance. Départ pour notre
séjour aux Alpes à 10 h 15. Les lacets du col de Bussang
ont sur Alice un effet émétique qui chasse définitivement
les dernières traces d'odeur de neuf qu'on se plaisait encore à
déceler dans notre nouvelle auto d'occasion. Mulhouse, un bout
d'Allemagne et le traditionnel bouchon à la frontière suisse.
Une fois celle-ci franchie, arrêt pique-nique au cours duquel je
me surprends à ne pas tendre l'autre joue à un automobiliste
allemand arrogant et irascible et fais en sorte qu'il se souvienne de
moi longtemps. Bouchons, travaux, ralentissements, la traversée
de la Suisse semble aussi longue que celle de l'Australie. Berne, Fribourg,
belle vue sur Montreux au bord du lac, longue et sinueuse montée
vers Morgins. On retrouve la France, traverse Châtel, surchargée
d'autos et de piétons pataugeant dans la neige fondue. Je me dis
qu'il faut vraiment qu'il y ait un fort plaisir à retirer des sports
d'hiver pour qu'on consente à s'agglutiner dans des endroits pareils.
Un plaisir que je comprends mais qui m'est inconnu, ayant toujours considéré
que si des gens avaient pris la peine de bâtir des maisons, on avait
le droit de préférer leur intérieur chauffé
à l'exposition volontaire et tarifée au froid; je ne suis
ici que pour la fréquentation d'une compagnie amie et le bien-être
des miens qui ne partagent pas ma frilosité : en ce qui me concerne,
ça pourrait aussi bien se passer à Esch-sur-Alzette ou en
Haute-Saône. Pour les paysages alpestres, Caspar David Friedrich
me suffit et pour moi le Mont Blanc est un stylo. Nous arrivons à
la nuit tombée à La Chapelle d'Abondance, où nous
occupons le troisième étage du chalet "La Roseraie".
Nous sommes les derniers, les D., T., N. et J. sont déjà
là avec leur adolescente progéniture. Examen des lieux.
Chambres cellules, mobilier de vide-grenier, chaises branlantes, réparations
de fortune dignes d'un bricoleur de mon acabit, vaisselle vraisemblablement
rachetée à la cantine d'un établissement scolaire
après qu'on se fut rendu compte qu'elle rendait les enfants dépressifs,
belle illustration des pratiques des marchands de sommeil locaux. Mais
je m'en voudrais de noircir le trait : le chauffage marche, l'eau est
chaude, le matelas est bon - merci pour mon dos - et la vue sur un pan
de montagne à travers les Velux est encore gratuite.
DIMANCHE 2.
Miracle. Je dors jusqu'à 7
heures et passe la journée détendu.
Occupations. Découverte du bourg, où l'on peut
acheter l'essentiel, à savoir des journaux et du tabac. Les amateurs
vont louer du matériel pour glisser. Lucie fait ses premiers pas
à skis en compagnie de Caroline mais semble rétive à
l'idée de se voir confiée à un moniteur, cette sorte
de maître-nageur des pistes, l'anorak en plus et l'odeur de chlore
en moins. Je m'inquiète pour son avenir : un enfant de cinq ans
qui n'a pas derrière lui trois ans de solfège et de pratique
sportive de haut niveau est mûr pour l'inadaptation sociale. On
s'emploie avec succès à faire renoncer N., à la santé
encore vacillante, à son projet de retour immédiat.
LUNDI 2.
Spectacle. J'emmène Alice au
pied des pistes où nous passons un moment à observer ce
qui se passe. Où l'on s'aperçoit qu'il y a encore largement
de quoi meubler une douzaine d'épisodes des Bronzés font
du ski.
Normalisation. Retour de la tension
et de l'énervement. La sensation de n'avoir pas assez profité
de la journée d'hier, où je me suis rendu compte trop tard
que je n'étais pas stressé, me stresse. Mon étude
des paradoxes porte ses fruits.
MARDI 2.
Initiation. Au tour d'Alice de chausser
des skis. Durée de l'expérience : 30 secondes.
MERCREDI 2.
Visite. Arrivée de L., en voisin,
fâché de ne pas avoir reçu sa ration de notules, en
compagnie duquel nous passons une soirée vraiment poilante.
Expérience. Lucie passe finalement une heure avec une
monitrice et en ressort en pleurs. Ça me détend prodigieusement.
JEUDI 2.
Mauvais temps. La troupe reste at
home. On rédige les cartes postales. On explore en famille
les environs, Abondance, Châtel et son Intermarché. Je m'aperçois
juste à temps que je suis en train de vivre ma deuxième
journée sans tension intérieure. C'est déjà
largement plus que les années précédentes.
VENDREDI 2.
Lecture. Les Buddenbrook (Buddenbrook,
Thomas Mann, 1901, traduit de l'allemand par Geneviève Bianquis,
Fayard, coll. Littérature étrangère).
Histoire d'une famille de riches négociants allemands.
Lui-même issu d'une famille de négociants protestants de
Lübeck, Thomas Mann, dans ce qui est son premier roman, se livre
à une peinture détaillée de son milieu, qui est aussi
celui du Hans Castorp de La Montagne magique. De Johann Buddenbrook,
fondateur de la dynastie, patriarche magnifique, au jeune et souffreteux
Hanno, qui se révélera incapable de poursuivre la race et
l'entreprise, ce sont quatre générations qui sont présentées,
sur une période qui s'étend de la fin des guerres napoléoniennes
à l'après-guerre de 1870. Le récit est rythmé
par les événements familiaux, naissances, baptêmes,
mariages, mésalliances, divorces, maladies, agonies, fêtes
de Noël, déménagements, qui se mêlent aux évolutions
économiques et politiques de la cité. Les riches marchands
de la Hanse vivent dans un monde figé qui réagit avec lenteur
aux changements de la société. Petit à petit, les
richesses diminuent, le prestige s'effrite, le sang s'appauvrit (on pense
à Zola) et on assiste à un déclin inéluctable.
Malgré l'ironie et la clairvoyance dont il fait preuve, Thomas
Mann ne peut s'empêcher d'être fasciné par ce milieu.
On sait qu'il lui tourna le dos pour mener sa vie d'artiste mais lorsqu'il
revint à Lübeck, en pleine gloire, ce fut pour prononcer un
discours en l'honneur du patrimoine bourgeois qui l'avait formé.
Dans Les Buddenbrook, son ironie est toujours teintée de
respect vis-à-vis de ses personnages. Il montre le vieux Johann
"ému de ce respect religieux pour les sentiments humains qui
caractérisait les hommes de sa génération et avait
toujours été en conflit avec son sens commercial, réel
et pratique". On le sent à chaque page désireux, mais
incapable de mépriser ce monde.
Les Buddenbrook est un roman qui exerce le même pouvoir de
fascination que La Montagne magique. Thomas Mann, alors âgé
de 25 ans, s'y montre un maître en matière de construction.
Bien sûr, la mécanique est classique, il met tour à
tour chaque personnage en avant, mais il y a dans l'ombre, à l'arrière-plan,
tout un réseau de personnages, d'objets, de phrases qui se répondent
d'un bout à l'autre du roman. C'est une œuvre qui, en dépit
de sa longueur et de sa densité, n'est jamais pesante. Les personnages,
notamment celui de Tony qui traverse le livre de la première à
la dernière page, sont d'une richesse exceptionnelle. Enfin, on
notera le chapitre consacré la description d'une improvisation
musicale du jeune Hanno, véritable anticipation de l'analyse de
la sonate de Vinteuil que Proust écrira quelque quinze ans plus
tard.
Extraits. " James Mœllendorf, le doyen des sénateurs-négociants,
mourut d'une manière grotesque et terrifiante. Ce vieillard diabétique
avait à tel point perdu l'instinct de conservation que, pendant
les dernières années de sa vie, il se laissa aller à
une passion grandissante pour les gâteaux et les tartes. Le Dr Grabow,
qui était aussi le médecin des Mœllendorf, avait protesté
avec toute l'énergie dont il était capable, et la famille
inquiète, usant d'une douce autorité, avait supprimé
à son chef les pâtisseries sucrées. Qu'avait fait
alors le sénateur ? Sa déchéance mentale l'avait
conduit à louer, dans une rue indigne de sa situation, la Petite
Grœpelgrube, la rue du Rempart ou l'Engelwisch, une chambre, un réduit,
un véritable trou qu'il gagnait subrepticement pour s'y gaver de
gâteaux... Et c'est là qu'on retrouva le défunt, la
bouche pleine encore de gâteau à demi mâché,
dont les restes souillaient son habit et gisaient répandus sur
une misérable table. Une apoplexie foudroyante avait abrégé
les lenteurs de la décrépitude."
Et pour les amateurs de palindromes musicaux : "Il se laissait aller
aux entreprises techniques les plus étranges. Il avait imaginé
une "imitation à l'écrevisse", composé
une mélodie qu'on pouvait lire indifféremment en avançant
ou à rebours et l'avait prise comme thème d'une grande fugue,
à développement "rétrogradant". Lorsqu'il
avait terminé, il laissait tomber d'un air morne ses mains sur
ses genoux :
- Personne n'y prend garde, disait-il avec un hochement de tête
désespéré.
Puis il murmurait, tandis que le pasteur Pringsheim prêchait :
- C'était une "imitation à l'écrevisse",
Johann. Tu ne sais pas encore de quoi il s'agit... C'est la reprise d'un
thème à rebours... depuis la dernière note jusqu'à
la première... Quelque chose de passablement ardu... Plus tard,
tu apprendras ce que c'est que l'imitation au sens classique. Pour toi,
je ne te tourmenterai jamais avec cette marche régressive, je ne
te l'imposerai jamais... Il n'est pas nécessaire qu'on sache la
pratiquer. Mais n'en crois point ceux qui voudraient y voir un simple
jeu sans valeur musicale. Tu rencontreras la marche régressive
chez les grands compositeurs de toutes les époques. Seuls les tièdes,
les médiocres réprouvent cet exercice, par suffisance. Il
convient d'être humble, sache-le bien, Johann."
SAMEDI 2.
Adieux. Nous quittons la Haute-Savoie,
après une dernière soirée avec L. (qui me promet
un nouvel abonnement aux notules), en début de matinée.
Tout le monde semble satisfait de son séjour, moi le premier. Les
skieurs ont skié, les plancheurs ont planché, les enfants
ont ri. J'ai fait ce que je voulais, à savoir réussi à
travailler sur mon Atlas, à ne pas gâcher totalement le séjour
des autres et suis venu à bout de Thomas Mann et d'une bonne pile
de grilles de Laclos. Avec deux journées de détente en prime,
j'aurais mauvaise grâce à me plaindre. Nous tentons un itinéraire
différent, passons la frontière à Vallorbe pour tomber
dans un bouchon assez conséquent à Pontarlier mais c'est
tout de même mieux qu'à l'aller. Après un arrêt
buffet à Besançon,nous arrivons juste à temps pour
suivre la dernière demi-heure crispante d'Irlande - France. Au
courrier, des cartes postales de Camargue et des Alpes, la nouvelle adresse
de mon frère qui quitte la Lorraine pour la Provence, et un CD
de "Musiques de Bavière et du Tyrol" dont j'aurais aimé
bénéficier au cours de notre séjour. Au courriel,
je trouve le n° 32 des Cahiers du L.I.S., avec ma modeste contribution,
une confirmation d'abonnement aux notules, l'annonce de l'ouverture d'une
page biographique réalisée par Y. sur le site des mêmes
notules http://pdidion.free.fr/infos/infos_auteur.htm.
Un petit tour d'horizon téléphonique pour s'assurer que
tout le monde est bien rentré et retour à l'ordinaire.
TV. Ce que veulent les femmes
(What Women Want, Nancy Meyers, USA, 2000 avec Mel Gibson, Helen
Hunt, Marisa Tomei, Alan Alda; diffusé sur Canal + en février
2003).
Macho, tombeur et fier de l'être, Nick Marshall croit être
le meilleur des publicitaires jusqu'à ce qu'une certaine Darcy
débarque et menace sa position.
On trouvera certainement mieux et plus militant ailleurs pour illustrer
la Journée de la Femme mais cette petite comédie me semblait
bien adaptée à une reprise en douceur des activités
cinématographiques. Mel Gibson y cabotine gentiment face à
Helen Hunt qui exerce sur moi un tel pouvoir que je suis prêt à
faire preuve d'une indulgence peut-être imméritée
pour tous les films auxquels elle participe.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°101 - 16 mars 2003
DIMANCHE.
Vie familiale. Lucie perd sa première
dent.
Radio. Je note cette phrase, attrapée
au vol dans les Papous de France Culture et due à un certain Lord
Brickett (orthographe incertaine) : "Je n'ai rien contre les gens
qui regardent leur montre quand je parle mais je ne suis pas d'accord
quand ils commencent à la secouer pour être sûrs qu'elle
marche encore."
LUNDI.
Courriel. Dans un long message, mon
frère lexovien établit un parallèle intéressant
entre les livres des Éditions de Minuit et les disques Blue Note,
fait part d'une interprétation de Mulholland Drive et vante
le dernier disque de Joni Mitchell.
Une nouvelle abonnée aux notules.
TV. La Colline des potences
(The Hanging Tree, Delmer Daves, USA, 1959 avec Gary Cooper, Maria
Schell, Karl Malden, George C. Scott; diffusé sur TCM en ?).
Un médecin s'installe dans une petite ville de chercheurs d'or.
Il recueille un fugitif, puis une jeune femme rescapée de l'attaque
d'une diligence et frappée de cécité.
Delmer Daves réalise une belle reconstitution d'une communauté
de chercheurs d'or et utilise à merveille les paysages du Montana.
La figure énigmatique du médecin convient bien à
Gary Cooper mais c'est Karl Malden ("qui trimbale un pif dans lequel
on dirait qu'il a fourré un rouleau entier de pièces de
monnaie" selon George Pelecanos dans King Suckerman) qui étonne
dans un de ses meilleurs rôles, celui d'un pauvre type frustré
de tout, de sexe, d'or, d'amitié, de reconnaissance. La scène
finale, où la foule déchaînée veut lyncher
le médecin, n'est pas sans évoquer celle de Panique
de Julien Duvivier.
MARDI. 
Bougies. Deux ans de notules : le
premier numéro fut envoyé le 11 mars 2001 à un seul
abonné, qui ne savait pas encore qu'il l'était (abonné).
La portée de l'événement fait un peu d'ombre aux
festivités organisées pour le 25° anniversaire de la
mort de Claude François.
Cinéma. Monsieur Schmidt
(About Schmidt, Alexander Payne, USA, 2002 avec Jack Nicholson,
Hope Davis, Dermott Mulroney, Kathy Bates).
Omaha, Nebraska. Warren Schmidt prend sa retraite à l'âge
de 66 ans et se demande comment meubler sa nouvelle vie. Son épouse
l'agace prodigieusement et sa fille est en passe d'épouser un imbécile
complet.
Quand Jack Nicholson est bien dirigé, il est capable de tenir un
film à lui tout seul, à mener le spectateur là où
il veut. C'est le cas ici où il campe un type tout à fait
ordinaire, mélange de veulerie et de courage, totalement paumé
dans une existence à laquelle il n'est pas préparé
(le retraite, puis des changements familiaux). Qu'il se contente d'observer
ou qu'il essaie d'agir, le résultat est le même : il s'aperçoit
qu'il ne pèse rien, qu'il est incapable de faire bouger les choses
ou les êtres, de faire renoncer sa fille à son mariage par
exemple. Sauf sur un point : en parrainant, pour une association humanitaire,
un petit Tanzanien de 6 ans, Schmidt réalise enfin quelque chose
qui soit porteur d'espoir. Les lettres qu'il écrit à Ndugu,
très belles, rythment le film, apportent une émotion contenue
(sauf dans une dernière scène inutile) qui est contrebalancée
par des passages plus légers, voire drôles, dans lesquels
Payne montre un réel talent pour observer les ridicules de ses
contemporains (les liens entre propriétaires de mobil-homes par
exemple). La vieillesse, les enfants qui échappent à tout
contrôle, les amis qui n'en sont pas, les rencontres forment les
thèmes humains du film mais celui-ci a aussi une progression historico-géographique
: en sillonnant une partie de son pays (un peu plus vite qu'Alvin Straight
dans Une histoire vraie tout de même) Warren Schmidt prend
conscience de ses racines, de son histoire, de son existence à
lui en tant que membre d'une communauté. Un film américain
qui présente les Américains comme des hommes, c'est plutôt
intéressant.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète un polar,
le pamphlet contre Le Monde destiné à l'anniversaire de
mon père, un Fred Vargas également à offrir, le n°
7 des Cahiers Georges Perec, deux livres sélectionnés pour
le Prix René Fallet.
Courrier. Une carte postale des Alpes,
le dernier CD de Ry Cooder.
Jardin. Repiquage de pensées
et primevères.
Cinéma. Petites coupures
(Pascal Bonitzer, France, 2002 avec Daniel Auteuil, Kristin Scott Thomas,
Emmanuelle Devos, Pascale Bussières, Ludivine Sagnier, Catherine
Mouchet, Hanns Zischler, Jean Yanne).
Pendant l'absence de sa femme, un journaliste de L'Humanité s'éprend
de plusieurs autres.
Malgré toute ma bonne volonté, le bon souvenir que m'avait
laissé le précédent film de Bonitzer (Rien sur
Robert) et le talent de Daniel Auteuil, il n'y a pas grand-chose à
sauver de ce film. On y voit un homme papillonner de femme en femme, se
lancer avec elles dans des discussions creuses et interminables. Aucune
distance, aucun humour, rien que du compassé, du pesant. Si Bonitzer
lorgnait du côté de Truffaut, ce que semble attester le scène
finale au cimetière, rappel de celle de L'Homme qui aimait les
femmes, c'est raté.
JEUDI.
Courrier. J'envoie des coupures à
Y.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
VENDREDI.
Courrier. Une autre carte postales
des Alpes.
Presse. J'apprends par la [listeoulipo]
puis par Le Monde l'existence d'un nouveau membre de l'Oulipo en la personne
de Valérie Beaudoin qui confirme la féminisation du cénacle.
Reprise de la saison de Formule 1. J'utilise désormais
la nouvelle auto pour me rendre au travail. C'est une source de plaisirs
que je ne soupçonnais pas. D'abord, il y a sur le tableau de bord
un bouton qui, lorsqu'on l'actionne, fait apparaître un tas de données
chiffrées et changeantes concernant le kilométrage parcouru
ou à parcourir, la consommation de carburant, la vitesse moyenne,
la température extérieure et probablement l'âge du
conducteur, ce qui entretient mon goût pour la statistique. Je passe
mon temps, manuel d'utilisation sur les genoux, à scruter les chiffres,
à traquer les nombres premiers et les suites de Fibonacci, accordant
peu d'importance à la route et me révélant un conducteur
encore plus dangereux qu'à l'ordinaire. Ensuite, contrairement
à ce qui se passait dans le précédent véhicule
(qui m'apparaît maintenant à peine plus sophistiqué
qu'un char romain), l'appareil à CD fonctionne et je me délecte
à l'écoute de Signé Furax ("Le mystère
s'épaissit. Va falloir touiller, sinon y'aura des grumeaux").
Je regrette de travailler si près de mon domicile : je suis passé
à côté d'une belle carrière de VRP.
SAMEDI.
Vie sociale. Nous passons la soirée
à Vandœuvre, chez les L., en compagnie des D. présents lors
de notre séjour aux Alpes et, surprise, des M., nouveaux Garennois.
La croûte est de haute tenue. On s'entretient de l'aménagement
des salons funéraires, de prêt-à-porter médiéval,
de Max Pecas et d'Arielle Dombasle, d'une tournée de Reggiani sponsorisée
par Stéradent et de l'âge de Pierre Messmer.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°102 - 23 mars 2003
DIMANCHE.
TV. The Score (Frank Oz, USA,
2001 avec Robert De Niro, Edward Norton, Angela Bassett, Marlon Brando;
diffusé sur Canal + en février 2003).
Nick, un perceur de coffre-fort, accepte un dernier coup avant de se retirer
: aller chercher un sceptre en or dans un coffre enfoui dans les sous-sols
du bâtiment des douanes de Montréal.
On connaît la musique depuis Topkapi au moins : préparation
du casse, action, problèmes au moment du partage du butin. Ici,
la première partie pèche par sa longueur mais à partir
du moment où De Niro endosse sa panoplie de cambrioleur (avec un
arsenal technologique impressionnant), l'attention ne faiblit plus et
le rebondissement final vaut le coup. The Score est aussi un film
sur les générations. Nick respecte le patriarche pour qui
il travaille mais le troisième membre de la bande, un jeune blanc-bec,
ne cherche qu'à doubler tout le monde : les bonnes manières
se perdent...
Brando a un rôle à peine plus étoffé que lors
de ses précédentes apparitions. Il a quelques scènes
en face de De Niro. On s'amuse à regarder ce dernier observer la
baleine, l'air de se dire "Bon sang, dire que je vais devenir comme
ça..." Mais non Robert : tu es déjà comme ça.
MARDI.
TV. Impitoyable (Unforgiven,
Clint Eastwood, USA, 1992 avec Clint Eastwood, Gene Hackman; diffusé
sur CinéCinémas en ?).
Big Whiskey, Kansas, 1880. Le redoutable tueur William Munny s'est retiré
dans sa ferme. Il reprend du service pour abattre deux cow-boys qui ont
défiguré une prostituée.
Eastwood réalise ici une œuvre crépusculaire : crépuscule
d'un homme, crépuscule d'un mode de vie, crépuscule d'un
genre cinématographique (combien de westerns majeurs tournés
depuis Impitoyable ?). William Munny, ancienne terreur est devenu
un éleveur de porcs miteux, tire mal au pistolet, ne sait même
plus monter à cheval; la jeune garde ne vaut pas mieux : le jeune
tueur qui l'entraîne dans une ultime aventure est à moitié
aveugle. Les actes de bravoure deviennent des faits divers sordides :
on défigure une prostituée, on tue un homme non pas en duel
sur la rue principale mais dans des chiottes de jardin.Tout ce qui reste
à faire, c'est se souvenir, essayer de relater l'héroïsme
des temps anciens, d'où le rôle de Beauchamp, un écrivain
qui recueille les témoignages embellis des vieilles gloires (ce
qui rappelle la fameuse réplique de L'Homme qui tua Liberty
Valence "Ici c'est l'Ouest. Quand la légende dépasse
la réalité, on imprime la légende"), d'où
le rôle d'Eastwood réalisateur, narrateur désenchanté
d'une époque révolue.
Lecture. King Suckerman (George
P. Pelecanos, 1997, traduit de l'américain par Frédérique
Pressmann, Éditions de l'Olivier, coll. Soul Fiction, 1999).
1976. Washington s'apprête à célébrer le bicentenaire
de l'Indépendance. Wilton Cooper, un tueur à gages, profite
du désordre pour semer la terreur.
Petite déception avec cette deuxième visite de l'œuvre de
Pelecanos. J'espérais retrouver le personnage de Derek Strange
découvert dans Blanc comme neige, mais il est absent de
ce King Suckerman. King Suckerman est le titre d'un film imaginaire, présenté
comme le chef-d'œuvre de la "Blaxploitation", ce courant né
des films d'action interprétés, écrits et parfois
réalisés par des Noirs (Shaft, Superfly...). Des personnages
emblématiques sillonnent Washington : le tueur, le dealer, le vétéran
du Vietnam, la junkie, au gré d'une intrigue un peu lâche
qui ne parvient à devenir vraiment intéressante que dans
les dernières pages pour l'affrontement final. Un coup pour rien.
MERCREDI.
Test lombaire. Je commence à
bêcher le jardin, sème pois et mange-tout.
Imbécile. Je me couvre de ridicule sur la [listeoulipo]
en voyant de l'ironie féroce dans un message de remerciements sincères
et pacifiques répondant à un de mes envois et m'en mords
les doigts toute la journée. C'est en grande partie pour ne pas
donner libre cours à ma paranoïa naturelle, à mon goût
pour le dénigrement et l'auto-dépréciation, sources
d'un perpétuel malaise, que je suis parvenu à limiter au
minimum mon commerce direct avec mes contemporains, mais je m'aperçois
que je me recrée les mêmes réjouissances par cristaux
liquides interposés. Bien joué.
Cinéma. Chouchou (Merzak
Allouache, France, 2002 avec Gad Elmaleh, Alain Chabat, Claude Brasseur,
Roschdy Zem, Catherine Frot, Julien Courbey, Arié Elmaleh, Micheline
Presle, Jacques Sereys).
Chouchou, jeune Maghrébin, débarque à Paris en se
faisant passer pour un exilé chilien. Accueilli dans un premier
temps par un prêtre de banlieue, le Père Léon, il
devient chanteuse dans un cabaret de travestis.
Chouchou est tiré d'un one-man-show de Gad Elmaleh, un comique
que je ne connaissais pas. Ce qui n'a rien d'étonnant car j'ai
cessé de m'intéresser aux comiques depuis que je me suis
aperçu qu'ils ne me faisaient pas rire, un des aspects de mon côté
vieux schnock, qui me fait dire que depuis Fernand Raynaud, n'est-ce pas...
En tout cas, cette transposition à l'écran donne un film
drôle et réussi. La première heure, Chouchou en rescapé
des tortures chiliennes aux prises avec le Père Léon et
frère Jean (Roschdy Zem, méconnaissable), est la meilleure.
Après, ça manque un peu de carburant, on se retrouve avec
un compromis entre Certains l'aiment chaud et La Cages aux folles
(les scènes de cabaret, la rencontre avec les parents du fiancé)
qui recèle tout de même assez de scènes plaisantes
et de calembours douteux pour qu'on passe de bons moments. Elmaleh, avec
sa gestuelle et sa diction, a du talent et a su le confier à un
réalisateur estimable, Alloauche, qui l'avait déjà
dirigé dans Salut cousin ! Comme de plus, le message
délivré est porteur de tolérance, avec le personnage
du Père Léon (Claude Brasseur, en forme), il n' y a pas
à se plaindre. Sauf que, autre aspect de mon côté
vieux schnock, c'est un film grand public, et que dans les films grand
public, ce n'est pas le film qui pose problème mais le public.
Curiosité. Le film était précédé de
la bande-annonce de Daredevil, film d'action du moment. Où l'on
s'aperçoit que le nom du héros dans la version française
est prononcé "Dard des villes", ce qui évoque
plutôt un film de fesses urbain.
JEUDI.
Courrier. Je reçois les Nashville
Sessions des Chieftains, envoie des coupures à Y. et à l'AGP,
une lettre à Pierre Jullien, responsable de la rubrique philatélique
du Monde à propos du devenir du timbre Perec et une cassette à
Jacques Theillaud, de la [listeoulipo].
TV. Intuitions (The Gift,
Sam Raimi, USA, 2000 avec Cate Blanchett, Keanu Reeves, Giovanni Ribisi;
diffusé sur Canal + en mars 2003).
Brixton, Géorgie. Annie Wilson élève seule ses trois
enfants et survit en faisant profiter certains de ses voisins de ses dons
de médium. Un jour, une jeune femme disparaît. La police
fait appel à Annie.
Dans ce genre de film aux confins du fantastique, la difficulté
est de ne pas trop en faire, de savoir se contenir. Sur le plan de l'interprétation,
Cate Blanchett y parvient, là où d'autres auraient versé
dans l'étalage. Pour ce qui est de la réalisation, Sam Raimi
arrive à rester sobre jusqu'au bout malgré les tentations
nombreuses : le cadre sudiste qu'il aurait été aisé
de caricaturer, les visions cauchemardesques d'Annie, les personnages
faciles à simplifier. Même Keanu Reeves fait preuve d'une
belle retenue dans son rôle de beauf sudiste. Au total, ça
donne un film pas désagréable mais qui sent fort l'œuvre
de commande. On attendait mieux de Sam Raimi après Un plan simple,
un film beaucoup plus personnel.
VENDREDI.
TV. Entrée des artistes
(Marc Allégret, France, 1938 avec Janine Darcey, Odette Joyeux,
Louis Jouvet, Claude Dauphin, Bernard Blier, Julien Carette; diffusé
sur CinéClassics en ?).
François, élève du Conservatoire d'art dramatique,
tombe amoureux d'Isabelle, une nouvelle pensionnaire, et abandonne Cécilia,
son ancienne maîtresse. Celle-ci essaie de séparer les deux
amants.
L'intrigue amoureuse est bien plate et a mal vieilli, Claude Dauphin avait
un peu dépassé l'âge de jouer les jeunes premiers.
L'insertion, vers la fin, d'un drame policier ne change pas grand-chose.
Ce qui reste de remarquable, ce sont les scènes avec Jouvet, dans
son rôle de professeur du Conservatoire. La leçon qu'il donne
à Blier, sa visite aux parents d'Isabelle et ses points de vue
sur le théâtre ("Sachez mettre de l'art dans votre vie
et de la vie dans votre art") font la valeur du film.
SAMEDI.
Courriel. Trois demandes d'abonnement
aux notules.
Vie sociale. Nous dînons dans
le quartier, en compagnie de membres de professions libérales.
J'aimerais mieux être à la BNF en train d'assister à
la séance publique des Papous.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°103 - 30 mars 2003
DIMANCHE.
It might as well be spring. On récupère
doucement des agapes de la veille. Promenade au jardin public, pas de
joggeurs, ce n'est pas le Luxembourg. Sur un banc, un couple est engagé
dans une galoche somptueuse. Deux copines de la fille attendent patiemment
que ça se passe en regardant ailleurs.
LUNDI.
Courrier. Une carte postale de N.,
en pèlerinage au Liban et, postée par les M, une vue du
Loir-et-Cher, affriolant berceau de nos prochaines vacances d'été.
Culture. Lucie en visite au Musée
d'Épinal.
TV. Chevauchée avec le diable
(Ride With the Devil, Ang Lee, USA, 1999 avec Tobey Maguire, Skeet
Ulrich, Jewel Kilcher; diffusé sur Canal + en mars 2003).
Pendant la guerre de Sécession, deux jeunes gens du Missouri rallient
la cause des Sudistes.
Il y a peut-être, à ma connaissance, aussi peu de films américains
sur la guerre de Sécession que de films français sur la
guerre d'Algérie. C'est dire si c'est une période historique
sur laquelle Hollywood n'aime pas trop se pencher. Le dossier de La Documentation
Française, Histoire et cinéma aux États-Unis,
ne cite qu'Autant en emporte le vent pour illustrer le sujet, c'est
dire. Il est d'ailleurs symptomatique que l'on ait fait appel à
Ang Lee, réalisateur venu de Taiwan, pour tourner cette adaptation
du livre de Daniel Woodrell (publié chez Rivages).
Chevauchée avec le diable présente la guerre du côté
sudiste. Ce n'est pas la grande guerre, celle de la bataille de Gettysburg,
mais une succession d'escarmouches, de guet-apens, une sorte de guérilla
familiale, voire individuelle. C'est un conflit complexe, où l'on
voit par exemple des Noirs combattre dans les rangs des Confédérés.
Les deux jeunes héros ne s'engagent pas pour une cause idéologique
mais pour venger un père, tué par les Yankees. L'un d'eux
mourra, l'autre abandonnera le combat pour fonder une famille. Comme quoi,
à l'époque, certains Américains, même les plus
obtus combattant pour des idées indéfendables, pouvaient
se rendre compte de l'inanité d'un conflit.
MARDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
TV. L'Amour en fuite (François
Truffaut, France, 1978 avec Jean-Pierre Léaud, Claude Jade, Marie-France
Pisier, Dani, Dorothée; diffusé sur la 5 en 1987).
Antoine Doinel divorce de sa femme Christine et retrouve par hasard plusieurs
personnages qui ont marqué sa vie.
Avec ce film, qui n'est pas le meilleur de la série, Truffaut dit
adieu au personnage d'Antoine Doinel. C'est donc une œuvre-bilan, mêlant
la rétrospection - on revoit plusieurs extraits des volets précédents
- et la projection dans l'avenir. Doinel est à une période
charnière de sa vie, peut-être la fin de son éternelle
adolescence spontanée et insoumise. Ses retrouvailles avec Colette
(Pisier), son premier amour, lui font prendre conscience que les autres
existent. C'est un Doinel assagi, adulte, qui s'apprête à
vivre une aventure sentimentale sans doute plus convenue avec Sabine (Dorothée)
à la fin du film. Truffaut n'a plus besoin de lui tenir la main,
il est assez grand pour poursuivre seul son chemin. Doinel, peut-être,
mais pas Léaud qui ne se remettra jamais complètement de
cette séparation.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète des billets
de train, le dernier Mordillat, un premier roman et un Série Noire
vanté dans le Magazine littéraire, fais encadrer des vues
du vieil Épinal et prends, au passage, cinq photos pour mes Bar
clos.
Jardin. Je laisse à Alice,
plus proche du sol, le soin de planter mes épices.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
N. donne des nouvelles rassurantes de sa santé.
JEUDI.
Courrier. Je reçois un CD de
Chet Baker, "With Fifty Italian Strings", rien que ça.
J'envoie des coupures à Y. et à l'AGP.
Vie scolaire. Premiers conseils de
classe. Le chef a ressorti ses diagrammes informatiques illisibles qu'il
commente avec la gourmandise d'un galonné mis face à une
carte de l'Irak. Je fais consciencieusement mes listes pour Paris.
Courriel. Y. raconte le show de Sir
Paul McCartney à Bercy.
TV. Et là-bas, quelle heure
est-il ? (Ni neibian jidian, Tsai Ming-liang, France-Taïwan,
2001 avec Lee Kang-shen; Chen Shiang-chuy; Lu Yi-ching; diffusé
sur Canal + en mars 2003).
A Taipei, un vendeur de montres rencontre une jeune femme. Lorsqu'elle
s'envole pour Paris, il règle toutes ses montres sur l'heure française.
Le premier plan, fixe, d'au moins trois minutes, sur un homme qui fume
une cigarette nous montre qu'on n'est pas là pour rigoler. Si on
regarde ça au bout d'une journée bien remplie, il suffit
de trois ou quatre autres plans, soit un bon quart d'heure, pour qu'on
ne soit plus là du tout. A mon réveil, j'ai retrouvé
l'héroïne à Paris, où elle loge à l'hôtel
Bonne-Nouvelle, peut-être celui où Antoine Doinel est veilleur
de nuit dans Baisers volés. Elle assiste à la conversation
d'un homme qui vocifère dans une cabine téléphonique
comme Antoine Doinel dans L'Amour en fuite. Elle rencontre Jean-Pierre
Léaud sur un banc dans un cimetière (là où
se termine L'Homme qui aimait les femmes). Parallèlement,
à Taipei, le vendeur de montres regarde Les 400 coups à
la télévision. On se souvient alors que dans L'Amour
en fuite, revu récemment, le hobby de Dorothée était
de réparer des montres. Donc, il faudrait revoir ce film comme
une sorte de jeu de piste dans l'œuvre de Truffaut mais je ne pense pas
que j'en aurai un jour le courage.
Lecture. Les quatre fins dernières
(The Four Last Things, Andrew Taylor, 1997, traduit de l'anglais
par Thierry Piélat, Presses de la Cité, coll. Sang d'encre,
2003).
Londres. Lucy, quatre ans, disparaît. Son père, inspecteur
de police et sa mère, membre du clergé anglican, n'ont aucune
nouvelle. Jusqu'à ce que des morceaux de corps d'enfant soient
retrouvés dans un cimetière, puis une église...
Sur le thème délicat de l'enlèvement d'enfant, John
Harvey avait déjà écrit l'excellent Off Minor.
Andrew Taylor, dans un registre différent, fait tout aussi bien.
Le suspense, construit sur l'alternance classique des chapitres consacrés
aux ravisseurs et aux parents, est parfait. La profession de la mère
donne à l'intrigue des répercussions théologiques,
voire eschatologiques, assez rares dans le monde du polar (voir Meurtres
en soutane de P.D. James), accentuées par l'utilisation, en
tête des chapitres, de citations du Religio Medici de Thomas Browne.
C'est paraît-il le premier volume d'une trilogie dont il faudra
surveiller les prochains épisodes.
Curiosité. "Elle posa soudain la main sur ses épaules.
- Sortons d'ici. J'ai un cadeau pour toi, dit-elle.
Ils se tutoyaient, désormais."
Je donnerais cher pour lire ce passage en version originale.
VENDREDI.
Lecture. Le collège fantôme
(Jean-Philippe Arrou-Vignod, Gallimard Jeunesse 2000, coll. Folio Junior
n°1108).
Journal intime de Sébastien Britt, enfermé dans un drôle
de collège où se produisent d'étranges phénomènes.
Rien à retirer de cette lecture professionnelle, sinon la belle
bourde de la page 42 "je ne suis pas prêt de sortir d'ici"
qui m'en a rappelé une encore plus belle, mais moins surprenante,
en une de La Liberté de l'Est la semaine dernière : "Séisme.
Les victimes ne sont pas prêtes d'être indemnisées."
Courrier. Mauvaises nouvelles de l'Aveyron
où C.G. est hospitalisé.
J.S. m'apprend que les chroniques de Pierre Foglia, que j'aimais lire
sur le site de La Presse de Montréal, sont désormais payantes.
Abandon de famille. Je pars pour Paris
par le 19 h 36.
SAMEDI.
Lecture. Comment calmer M. Bracke
(Gérard Mordillat, Calmann-Lévy, 2003).
M. Bracke, humble employé aux archives de la Compagnie, est licencié
sans raison un beau matin.Quand il rentre chez lui, c'est pour s'apercevoir
que sa femme est partie.
Et ce n'est que le début d'un gentil délire de deux cents
et quelques pages autour des aventures de M. Bracke, qui va accumuler
les ennuis jusqu'à sa miraculeuse réintégration dans
la Compagnie. Avec une plume légère et facétieuse,
Mordillat égratigne à peu près tout ce qui bouge
dans le monde contemporain, la culture d'entreprise (à la manière
de Westlake dans Le Couperet), la police, la politique, les hôpitaux...
C'est un peu répétitif mais c'est mené à cent
à l'heure et la bonne humeur iconoclaste de Mordillat est communicative.
Curiosité. Mordillat a encore un peu de mal à saisir toutes
les mutations administratives de la société française.
Ainsi, si M. Bracke compte bien en euros, les policiers qui l'arrêtent
lui réclament encore sa vignette automobile.
Vie parisienne. Pas de séminaire
Perec aujourd'hui, j'assure mes sept heures de boulot sur mon Atlas à
la Bilipo, ne m'interrompant que pour grignoter un panini bacon sur un
banc devant la pharmacie des Écoles et dénicher quelques
Série Noire antiques rue Cardinal-Lemoine. Je prends le 47 jusqu'à
Beaubourg où la programmation est plutôt riche en ce moment.
J'achète des bricoles pour les filles dans une boutique de pacotilles,
bois un thé au Mont Lozère et entre chez Pompidou. Je commence
par l'exposition consacré aux 50 ans du Livre de poche, retrouvant
avec plaisir les vieilles couvertures des volumes qui garnissaient la
bibliothèque parentale. Je fuis l'installation Philippe Starck,
qui s'avère être une gigantesque fumisterie. Pas un seul
objet présenté mais une dizaine de bornes vidéo disposées
sur le périmètre d'une salle circulaire qui diffusent des
propos de Starck. Il y a des chaises devant chaque écran, elles
sont toutes occupées et il ne reste au visiteur qu'à se
tenir au milieu de la salle, où il reçoit le son de toutes
les vidéos en même temps, et à tourner les talons
en maudissant Starck. Comme celui-ci a oublié d'être bête,
il s'est entouré de précautions : à l'entrée,
on peut le voir, en vidéo toujours, haranguer la foule : "Venez,
venez, il n'y a rien à voir, il y a tout à recevoir ! Venez
écouter le gros prétentieux qui dit qu'il a tout fait !"
Dieu merci, je ne suis pas venu pour ça mais pour l'exposition
Nicolas de Staël, un peintre que je ne connaissais que de nom avant
l'explosion médiatique qui a accompagné la présentation
de ses toiles ici. Avant de venir, j'ai juste effleuré le Hors-Série
que Télérama lui a consacré, pour apprendre que de
Staël, suicidé à 41 ans, était un de ces Icare
de l'art, comme Vincent, Franz, Chet et les autres. 41 ans de vie, 20
ans de peinture d'une variété surprenante : chaque
année ou presque, de Staël découvre quelque chose et
s'y consacre entièrement. Chaque salle de l'exposition est différente
de la précédente. Il y a des constantes, bien sûr,
des motifs réutilisés comme ces monolithes qui sont successivement
des bouteilles, des danseuses ou des cyprès, les carrés
de mosaïque figurant les tuiles des Toits avant de devenir
des pommes, et partout, cet attrait du vide, matérialisé
par les taches rouges dans les premières compositions cubistes
ou l'étendue du ciel dans Les Toits encore, jusqu'à
l'ultime vertige de l'immense fond rouge du Concert inachevé
pour cause de défenestration. La peinture de Nicolas de Staël
suit les méandres de sa vie intérieure, alternant périodes
sereines et tourmentées. Au cours de ces dernières, la peinture
devient un combat au couteau contre la matière, l'huile peu à
peu s'épaissit, prend du grain, devient sable, ciment, plâtre,
goudron, mastic. Dans ses Notes de travail, je relève une
phrase de 1949 : "Respirer, respirer, ne jamais penser au définitif
sans l'éphémère", pas très éloignée
du monovocalisme perecquien "Je cherche en même temps l'éternel
et l'éphémère."
L'exposition est riche, le parcours est long et me laisse sans forces
pour les dessins d'Otto Dix ou les collections permanentes. Je rentre
au logis à pied, croisant quelques Gallois modérément
ivres, prends deux photos de Bars clos, m'arrête au Monoprix
à l'angle de la rue Réaumur pour acheter des chaussettes.
Comme quoi mes listes n'étaient pas aussi consciencieusement faites
que ça.
Bonne semaine.
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