Notules
dominicales de culture domestique n°132 - 2 novembre 2003
DIMANCHE.
Vide. Pour la première fois
depuis longtemps, je me trouve at home un dimanche matin sans notules
à confectionner. Curieuse sensation. J'en profite pour nettoyer
le jardin, planter des oignons de tulipes et de crocus.
Lecture. Le seau à charbon
(Henri Thomas, Gallimard, 1940, rééd. coll. L'Imaginaire
n° 484, 198 p., 6,50 €).
Quelques jours de la vie du collège de Saint-Romont.
Le seau à charbon est le premier roman d'Henri Thomas, longtemps
introuvable et enfin accessible. Il a certainement une valeur autobiographique
: il n'est pas difficile de deviner Saint-Dié, où Thomas
fit ses études secondaires, dans la lugubre ville de Saint-Romont.
Mais ce qui distingue ce texte des autres récits de collège,
genre prolifique, c'est qu'il ne présente pas de personnage principal
sous lequel l'auteur se déguiserait. C'est une narration éclatée
qui, au gré des chapitres, s'attache à tel ou tel individu,
le factotum, le proviseur, le surveillant général, le professeur
de français, le professeur de gymnastique, un commis de cuisine
et quelques élèves, parmi lesquels le jeune Paul Souvrault
pourrait bien être le jeune Henri Thomas. Malgré cet éclairage
successif, aucun personnage n'est mis en valeur, aucun ne trouve grâce
aux yeux de l'auteur. Chacun est porteur d'une part des mesquineries,
des frustrations, des médiocrités qui sont les constantes
de cette vie de province éloignée. Ce qui en fait un texte
d'une noirceur totale, dont la source est peut-être à chercher
du côté du Sang noir de Louis Guilloux.
Itinéraire patriotique départemental.
Découverte du monument aux morts de Basse-sur-le-Rupt. Les filles
pédalent sur le terrain de basket. La première neige est
tombée.
TV. Six Feet Under (saison
3, épisodes 6 & 7, diffusés le soir-même sur Canal
Jimmy).
On se demande combien de temps encore Nate va supporter son horripilante
épouse.
LUNDI.
Cinéma. Janis et John
(Samuel Benchetrit, France, 2003 avec Sergi Lopez, Marie Trintignant,
François Cluzet, Jean-Louis Trintignant, Christophe Lambert, Amparo
Soler Leal, Basile Leroux).
Pour rembourser un de ses clients, un assureur essaie de soutirer de l'argent
à un cousin en lui envoyant les sosies de ses idoles, Janis Joplin
et John Lennon.
L'idée de départ est suffisamment loufoque pour susciter
l'intérêt. Malheureusement, elle ne se suffit pas à
elle-même et le film connaît rapidement une baisse de régime
qui lui sera fatale. Tant pis, c'est toujours l'occasion de faire un dernier
coucou à Marie Trintignant et de gonfler les recettes pour que
ses héritiers n'éprouvent pas le besoin d'écrire
des livres à son sujet. La bande son est décevante : si
Janis Joplin est bien traitée, il faut se contenter de quelques
mesures d'Isolation de John Lennon, question de droits probablement.
Il reste pour se consoler l'aspect comédie de travestissement (les
chapeaux de Janis et les lunettes de John sont bien portés), les
clins d'œil (reconstitution de pochettes de disques), l'énergie
déployée par Sergi Lopez pour se dépêtrer d'une
situation inextricable, Christophe Lambert en clone de Rod Stewart et
les apparitions de Jean-Louis Trintignant une fois de plus magistral et
inquiétant.
MARDI.
Musique. J'écoute de vieilles
choses de Janis Joplin.
TV. Lignes, formes, couleurs. Le
dessin : la ligne d'où tout surgit (documentaire de Marie-José
et Alain Jaubert, 2003, diffusé sur France 5 le 26 octobre 2003).
Le dessin, dit le commentaire, c'est là où tout commence.
C'est surtout pour les gens comme moi, là où tout se termine.
Les Jaubert donnent une bonne illustration des différentes techniques
(calame, pointe d'argent, fusain, sanguine...).
MERCREDI.
Informatique. Retour de l'ordinateur.
Je ne comprends pas grand-chose au langage de l'homme de l'art qui de
toute façon dit ne pas connaître avec certitude l'origine
de la panne. Il est question de "composant soft", de "conducteur
de périphérique"... C'est vrai que les rares fois où
je me suis approché de Paris en auto, j'ai pu me rendre compte
du danger que constituent les conducteurs de périphérique.
Malgré la sauvegarde effectuée, beaucoup de choses ont été
perdues, tout ce qui concerne Outlook principalement. C'est navrant mais
dans le fond, un nettoyage par le vide implique une forme de renaissance
qui n'est pas malvenue. Je commence par reconstituer mon carnet d'adresses
et le précieux fichier d'abonnés, que j'avais pris la précaution
de recopier (initiative qui m'avait toujours paru un peu ridicule) sur
un bon vieux répertoire Super Conquérant à spirales
et couverture cartonnée. J'installe la version 2004 de l'antivirus
Norton avant d'ouvrir la boîte à lettres qui n'est pas loin
de déborder avec ses 390 messages. Il faut dire qu'en mon absence,
la [listeoulipo] et la [listeperec] ont été particulièrement
actives. La première au sujet d'un de ses membres qui en a été
exclu à cause de propos injurieux, la seconde à cause du
fameux E de La Disparition. Un E qui a fait des petits puisqu'on
en a trouvé trois autres. En fait, la dernière version de
Gallimard est tout simplement pleine de coquilles et l'exemplaire que
j'étais si fier d'avoir déniché ne vaut pas tripette.
Je trouve aussi trois demandes d'abonnement, un roman-photo désopilant
sur la vie au collège, 26 messages infectés (preuve que
Norton fonctionne), et, douceur, quelques messages inquiets s'alarmant
de l'absence des notules. J'envoie un mot pour expliquer et excuser celle-ci.
Je m'arrête après minuit, à 150 messages du but.
JEUDI.
Informatique (suite). En creusant
un peu, je retrouve la comptabilité de la pharmacie et les fichiers
de toutes mes oeuvres en cours.
Courrier. J'envoie une revue de presse
à Y. et à l'AGP.
Mise à jour. Je m'ennuite pour
rédiger et envoyer les notules 130 et 131.
VENDREDI.
Tourisme. Pour terminer agréablement
les vacances et nous éloigner un peu de la pharmacie, nous avons
mitonné un court séjour à Strasbourg. La nuit n'a
pas été confortable : Caroline était de garde,
je me suis couché à point d'heure, Alice a été
malade dans son lit, bref on ne se bat pas pour prendre le volant. De
toute façon, le départ est différé : la remplaçante
prévue a téléphoné pour dire qu'elle ne pouvait
venir le matin. On parvient tout de même à s'échapper
avant midi. A Saint-Dié, Alice, pas franchement remise, commence
à donner des signes de nausée. L'arrêt en catastrophe
n'y fera rien : elle retapisse la voiture sans attendre l'arrêt
complet du véhicule. Il y avait bien une bassine prévue
en cas de coup dur mais au moment crucial, Alice l'avait sur la tête
en guise de casque. Après un nettoyage sommaire de l'intérieur
et la mise à nu de la malade sur un parc de stationnement offert
à un vent glacial, nous reconstituons nos estomacs chavirés
dans une cafétéria jouxtant un supermarché édouardien.
C'est là que nous nous rendons ensuite en procession (ce qui ne
correspond pas exactement au planning touristique envisagé) pour
faire emplette de lingettes parfumées, sacs poubelle, déodorant
et habits propres. Un nouveau nettoyage plus conséquent et vingt
kilomètres coincés derrière un tracteur tirant une
tonne à purin contribuent à renouveler l'air ambiant.
A Strasbourg, nous prenons possession de notre chambre à l'hôtel
"Couvent des Franciscains", une appellation propre à
rasséréner les esprits les plus troublés. Nous entreprenons
notre virée en ville à la nuit tombante, cathédrale,
horloge astronomique, un tour de chevaux de bois place Gutenberg, Petite
France, Grande Rue. Caroline, ravie de se replonger dans son quotidien,
reçoit un appel de la pharmacie où la remplaçante
est incapable de résoudre un problème de posologie digne
d'un étudiant de première année. Pour finir, on se
fait arnaquer dans une gargote italienne où le chef est aussi doué
pour la cuisine que moi pour les activités de plein air.
SAMEDI.
Tourisme (suite).
Après une nuit longue et calme, les affaires reprennent au petit
déjeuner. Une altercation me met aux prises avec une serveuse qui
veut me donner une leçon de savoir-vivre. Pour une fois, je ne
me laisse pas faire et cloue le bec à la pintade. Ce n'est pas
la première fois qu'au voisinage du Rhin je me trouve empli d'une
pugnacité sans doute atavique alors que mon caractère ordinaire
est placide et équanime. L'épisode clos, on profite du retour
du soleil pour reprendre l'arpentage de la ville, place de Broglie, place
de l'Homme de Fer, place Kléber, croisière en bateau excellente
pour les cervicales : "à gauche, on your left, links / à
droite, on your right, rechts..." Le temps d'admirer les portes closes
du Musée des Beaux-Arts et du Musée d'Art Moderne, de prendre
quelques photos de publicité peinte (dont une, en allemand, pour
du savon !), et on regagne le domicile avec un certain soulagement.
Courriel. Une demande d'abonnement.
TV. 24 heures chrono (saison
2, épisodes 13 & 14, diffusés sur Canal + le soir même).
C'est Jean Esch, un des traducteurs de Donald Westlake, qui signe l'adaptation
française de quelques épisodes. Pour le reste, motus.
Radio. J'écoute les résultats
de la journée de championnat de football. Rennes - Strasbourg 1
- 1. J'aurais préféré qu'ils prennent cinq buts mais
au moins ils n'ont pas gagné.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°133 - 9 novembre 2003
DIMANCHE.
TV. Six Feet Under (saison
3, épisodes 8 & 9, diffusés le soir-même sur Canal
Jimmy).
Les hommes s'adonnent aux joies du paintball, les femmes vont au spa.
Je ne suis pas près de devenir californien. Surtout si c'est pour
retrouver ma maison en cendres au retour.
LUNDI.
Courrier. Une carte postale de Y.,
à Aix-en-Provence.
TV. Lignes, formes, couleurs. L'atelier
: le laboratoire de l'art (documentaire de Marie-José et Alain
Jaubert, 2003, diffusé sur France 5 le 2 novembre 2003).
Une fois qu'on a vu l'atelier de Francis Bacon, on hésite à
demander aux filles de ranger leur chambre.
Julien en Clerc (portrait de Didier Varrod et Éric Guéret,
2003, diffusé sur France 3 le soir-même).
Je n'existe plus. Je suis à chaque fois sidéré par
la taille de l'ombre portée sur ma félicité conjugale
par ce quasi sexagénaire de, soyons généreux, un
mètre soixante-douze.
MARDI.
Chute des corps. Caroline tombe en
digue-digue à la sortie de l'école. Elle est rapatriée
at home, ainsi que les filles, par une voisine prévenante.
Syncope vagale. A moins que ce ne soit la charge émotionnelle due
au portrait de Julien Clerc.
TV. Football. F. C. Porto -Olympique
de Marseille (1 - 0).
Vivement qu'on revoie le Real Madrid, ça changera de ces combats
de chiffonniers.
MERCREDI.
Lecture. Les convives du banquet
des Misérables posent pour la postérité le 16 septembre
1862 (Francis Sartorius, supplément à Histoires littéraires
n° 12, octobre-novembre-décembre 2002, Histoires Littéraires
& Du Lérot 2002, 58 p., h.c.).
A cette date, l'éditeur Lacroix organise à Bruxelles un
grand banquet à l'occasion de la sortie du roman de Victor Hugo.
Quatre-vingts personnes y participèrent, journalistes pour la plupart
(il s'agissait avant tout d'une opération promotionnelle) et hommes
de lettres. Beaucoup sont aujourd'hui oubliés mais Sartorius a
réussi à récolter des renseignements biographiques
sur chacun d'entre eux et a même retrouvé les photographies
prises à cette occasion. Théodore de Banville et Hector
Malot, ainsi que le photographe Nadar, sont les noms qui émergent
de cet océan d'anonymes. Les notices et portraits intéresseront
les spécialistes. En revanche, le menu servi pour l'occasion est
pour tout le monde : "ox-tail soup, petites bouchées
crevettes, saumon sauce genevoise, filet de bœuf béarnaise, jambon
de Bayonne aux petits pois, chapons de Breda à la Toulouse, canard
aux olives, chaupoix de bécassines aux truffes, mayonnaise de homards,
sorbet à l'ananas, champignons à la provençale, fonds
d'artichauts à l'italienne, perdreaux truffés, ortolans
bardés, foie gras, écrevisses de Meuse, pêches à
la Condé, macédoines de fruits au marasquin, glaces, fruits,
desserts."
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
Cinéma. Elephant (Gus
Van Sant, USA, 2003 avec Alex Frost, Eric Deulen, John Robinson, Elias
McConnell, Jordan Taylor, Carrie Finklea, Nicole George, Brittany Mountain,
Alicia Miles, Kristen Hicks, Bennie Dixon).
On ne va pas faire semblant d'ignorer comment ça se termine : deux
adolescents surarmés pénètrent dans l'enceinte de
leur lycée et tirent sur tout ce qui bouge, perpétrant un
véritable massacre. Ce qu'on cherche en allant voir ce film, c'est
la raison, le pourquoi de ce carnage. Et c'est là que Gus Van Sant
nous cueille : de raison, il n' y en a pas. Pendant une heure, il va nous
plonger dans le quotidien du lycée, nous faire vivre les instants
précédant la fusillade. On guette, on scrute : rien. On
suit un échantillon de lycéens ordinaires dans un cadre
qui n'incite en rien à la révolte. Jamais on n'a vu un établissement
scolaire aussi propre, tout y est libre et accessible (entrée principale,
bibliothèque, salle de repos, labo photo...), les toilettes sont
rutilantes, il n'y a pas de queue à la cantine, à peine
y donne-t-on quelques cours de temps en temps pour justifier l'inscription
"High School" du fronton. Il ne se passe rien, mais c'est passionnant.
D'abord parce qu'on sait que quelque chose doit se produire (Van Sant
est un disciple de Hitchcock), mais aussi par la magie de la mise en scène
: soin du cadre (favorisé par un format inhabituel, presque carré),
profondeur de champ, longs travellings dans le dos des personnages, non
par artifice mais pour s'accorder à leurs pas, à leur rythme,
magie de l'infra-ordinaire, choix de présenter les faits dans leur
durée réelle (quand un adolescent attaque un morceau au
piano, on le laisse aller jusqu'au bout), plus un vrai moment de suspense
consistant à faire revivre la même scène, celle qui
précède immédiatement l'irruption des tueurs, selon
plusieurs points de vue différents. Le jury de Cannes, après
l'intermède Polanski, a choisi de renouer avec les récompenses
risquées à la suite de celles données aux Dardenne
et à Bruno Dumont. On ne peut que s'en féliciter.
JEUDI.
Promotion. Le Conseil d'Administration
accepte ma candidature au poste de responsable du Bulletin de l'Association
Georges Perec.
Courrier. Je reçois le dernier
disque de René Aubry, le citoyen le plus célèbre
de Saint-Jean-du-Marché.
TV. Apartment #5C (Raphaël
Nadjari, Israël-France-USA, 2002 avec Richard Edson, Tinkerbell,
Ori Pfeffer, Jeff Ware, Olga Meredis; diffusé sur Canal + en octobre
2003).
Une jeune israélienne s'installe à New York avec son fiancé.
Le couple vit de larcins. Un jour, elle se blesse avec un revolver, il
s'enfuit, elle trouve refuge chez un jeune gardien d'immeuble.
C'est la version sombre de New York que présente Nadjari, avec
des personnages proches de ceux d'Amos Kollek. Qu'on vive clandestinement
ou qu'on survive grâce à des boulots de misère, c'est
la précarité, la menace, le danger qui dominent. L'issue
tragique de cette histoire est inévitable, inscrite dans le parcours
des personnages : la romance qui s'installe ne peut être que passagère.
Après Le New Yorker de Benoît Graffin, Raphaël
Nadjari confirme la vision intéressante des réalisateurs
français sur New York.
VENDREDI.
Retour en Alsace. Caroline va visiter
les locaux de son répartiteur - grossiste à Colmar. A moins
que Julien Clerc ne soit en tournée dans le coin.
Lecture. Les Drames de la vie ouvrière
(Henri Mainguené, Marpon & Flammarion 1887, rééd.
Apogée 2001, 322 p, 15 €).
Belle initiative que celle d'Apogée, maison d'édition rennaise,
qui sort de l'oubli ce "grand roman d'actualités politiques
et sociales" publié pour la première fois en feuilleton
dans Le Petit Rennais en 1886 -1887. Henri Mainguené désire,
dans cet ouvrage, donner au roman-feuilleton une dimension sociale. Du
roman-feuilleton à la Eugène Sue (qui est cité comme
référence), on trouve les titres de chapitres ("Les
suites d'une faute", "Pauvre enfant ! Pauvre mère !",
"Où d'anciennes connaissances se retrouvent dans une rencontre
fatale"), les personnages emblématiques (l'ouvrier, le bon
à rien, le patron surnommé "buveur de sang"),
le vocabulaire stéréotypé (voir l'ouverture du roman
en extrait 3), les facilités (coïncidences, sosies) mais aussi
les rebondissements incessants, une intrigue toujours en mouvement qui
ne laissent pas place à l'ennui.
Ouvrier menuisier, Mainguené fut élu conseiller municipal
de Rennes en 1884. La tribune politique et le roman lui donnent l'occasion
de faire connaître ses idées sur la situation sociale de
l'époque. Défenseur de l'ouvrier, il ne prône pas
pour autant la lutte des classes. Plus républicain que socialiste,
il rêve d'une entente harmonieuse entre patrons et employés :
"Grâce à vous, j'ai enfin compris que l'avenir de la
société se trouve dans la bonne intelligence qui doit exister
entre le patron et l'ouvrier, dans la suppression de ces luttes de classes
si nuisibles à la prospérité du pays." Par ailleurs,
il critique sans nuances les tentatives de restauration monarchique et
tout ce qui porte soutane. Son républicanisme, comme le dit André
Hélard dans sa préface, "se double donc d'un virulent
anticléricalisme". Et l'on apprend ainsi que, à la
manière des "Magdalene Sisters" irlandaises, des religieuses
ont monté des blanchisseries qui font concurrence aux ateliers
: "En même temps que les grands ateliers a paru la grande concurrence
faite à l'ouvrière isolée par les couvents et les
prisons centrales."
Dans tout ça, il y a bien sûr beaucoup de naïveté
qui prête à sourire. Mais il y a aussi l'expression sincère
d'un noble sentiment et quelques vérités qui méritent
d'être dites. Un livre à offrir à Ernest-Antoine Seillière.
Extrait 1. "As-tu perdu de vue le brocanteur de la place du Pilori,
à Nantes, le vieux Samuel Becket ?"
Extrait 2. "Je suis parfaitement guéri, il y a déjà
un peu de temps que j'ai repris mon travail; mais votre père a
eu un très grand malheur, d'après ce que j'ai entendu dire
?
- C'est hélas ! la vérité, Monsieur, mais il est
un peu mieux; les médecins espèrent maintenant que l'amputation
de la jambe ne sera pas nécessaire.
- Tant mieux, mademoiselle, j'en suis heureux pour lui et pour vous, car
quelle pénible situation quand on n'a pas ses membres libres."
Extrait 3. "La journée du dimanche avait été
chaude et magnifique; le mois de mai 1873 s'était montré
dans toute sa splendeur.
Dès le matin, les oiseaux avaient rempli la feuillée de
joyeux gazouillements, s'unissant à la nature entière pour
fêter le renouveau des beaux jours. Ainsi, commerçants et
ouvriers, heureux d'échapper aux labeurs de la semaine et de pouvoir
oublier les sombres et froides journées d'hiver, avaient-ils quitté
Rennes pour respirer l'air de la campagne.
Après une journée gaiement passée dans les belles
prairies des environs, chacun regagnait sa demeure chargé de fleurs
printanières; le commerçant parlait des affaires futures
et combinait ses moyens de faire fortune le plus rapidement possible;
l'ouvrier, heureux de cette journée de liberté, songeait
courageusement au labeur du lendemain et calculait son budget pour donner
l'aisance à sa famille et lui éviter, le cas échéant,
les privations et les souffrances."
SAMEDI.
Football. SAS Epinal - US Forbach
2 - 0.
Le froid vif a au moins le mérite d'atténuer les fragrances
du sandwich au pâté que mon voisin dévore à
belles dents.
TV. 24 heures chrono (saison
2, épisodes 15 & 16, diffusés sur Canal + le soir même).
Où l'on s'achemine vers une guerre mondiale, rien de moins. Si
une troisième saison est prévue, les scénaristes
auront du mal à faire plus fort.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°134 - 16 novembre 2003
DIMANCHE.
Santé. Réveil de Lucie
dans la nuit, le visage bouffi à la Elephant Man et le corps
couvert de boutons. Après enquête, il s'avère qu'elle
a mangé une, pas deux, noix de cajou hier soir. Une allergie qu'on
ne lui connaissait pas.
TV matin. Après l'envoi des
notules, je navigue entre France - Irlande (différé) et
Angleterre - Pays de Galles (direct), les deux quarts de finale de la
Coupe du Monde de rugby. J'obtiens 50 % de satisfaction.
TV soir. Six Feet Under (saison
3, épisodes 10 & 11, diffusés le soir-même sur
Canal Jimmy).
Les deux meilleurs épisodes depuis l'ouverture de cette troisième
saison. Aucun des personnages n'échappe à une forme de crise.
LUNDI.
Réaction aux notules. C.G.
parle de Julien Clerc et des Thibault, G.N. voit dans Elephant
un dispositif de jeu vidéo. André Hélard, auteur
de la préface des Drames de la vie ouvrière, envoie
un mot aimable.
TV. Satyricon (Federico Fellini,
Italie, 1968 avec Martin Potter, Hiram Keller, Max Born, Mario Romagnoli,
Magali Noël, Fanfulla, Pasquale Baldassare, Gordon Mitchell, Capucine;
diffusé sur France 2 en ?).
Il est toujours délicat d'avouer qu'on n'a rien compris à
un film partout considéré comme un chef-d'œuvre. La faute
au petit écran, peut-être, la faute à une culture
incertaine qui m'a toujours fait confondre le Satyricon et le Decameron
et qui explique que je n'ai pas retrouvé les histoires que j'attendais.
A part l'épisode de la matrone d'Éphèse, j'ignorais
tout des aventures d'Encolpe, Ascylte et Giton. Ce qui n'aurait rien de
gênant si Fellini avait trouvé le moyen de m'y intéresser.
La boursouflure de l'ensemble m'a vraiment semblé indigeste. Tant
pis, il me reste la vision inoubliable d'Alain Cuny en jupette...
MARDI.
Jour férié (pour l'instant).
Pas d'itinéraire patriotique départemental aujourd'hui,
jour d'affluence autour des monuments aux morts. Je prends quelques photos
de publicités peintes sur des maisons autour de Xertigny.
Presse. Je découvre dans Libération
l'existence de Marceline Loridan-Ivens, déportée à
Birkenau à l'âge de 15 ans et qui réalise à
75 ans son premier film, La petite prairie aux bouleaux, inspiré
de cette expérience. Elle a connu Perec, "il était
amoureux de moi, mais moi pas de lui." Elle est née à
Épinal. Demander à mon père s'il a connu sa famille
(Rosenberg).
TV. Ma femme... s'appelle Maurice
(Jean-Marie Poiré, France, 2002 avec Régis Laspalès,
Philippe Chevallier, Alice Evans, Virginie Lemoine; diffusé sur
Canal + en octobre 2003).
Emmanuelle découvre que son amant est marié. Celui-ci, pour
faire passer son épouse pour un dragon, déguise en femme
un démarcheur qui a frappé à sa porte.
C'est une pièce de boulevard, grand succès du duo Laspalès
- Chevallier, qui est à l'origine de ce film. Du boulevard médiocre,
pas aidé par une mise en scène médiocre. C'est dommage,
surtout pour Laspalès à qui il ne manque pas grand-chose
pour rappeler Francis Blanche. Ce qui devait fonctionner à peu
près au théâtre tombe ici à plat et parvient
seulement à arracher un ou deux sourires si l'on est indulgent.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète une biographie
d'Adrienne Monnier, un recueil de "Jeux pour écrire"
et des billets de train.
Cinéma. France Boutique
(Tonie Marshall, France, 2003 avec Karin Viard, François Cluzet,
Judith Godrèche, Bernard Menez, Micheline Presle, Mickaël
Chirinian, Julien Lucas, Hélène Fillières, Nathalie
Baye, Jean-Yves Chatelais, Valérie Bonneton).
Olivier et France ont fondé une chaîne de télé-achat
dont ils sont les présentateurs vedettes. Ils doivent faire face
à un piège tendu par la concurrence qui tente de les couler.
Tonie Marshall réutilise le dispositif qui avait fait le succès
public et critique de Vénus Beauté, Institut :
un décor clinquant, un milieu futile dans lequel se nouent les
petits drames de l'existence réelle. Le monde du télé-achat
remplace ici celui du salon d'esthétique pour un résultat
similaire : un film dans lequel ni l'artificiel ni le réel ne sont
convaincants. Pourtant, il y avait à faire avec la fêlure
dans le couple Olivier - France, il y avait matière à s'amuser
avec les scènes de télé-achat ici enfilées
l'une après l'autre avec aussi peu de conviction que sur une chaîne
réelle. Le meilleur vient des seconds rôles, Bernard Menez
en réalisateur convaincu de la valeur artistique de son travail,
Noémie Lvovsky en amoureuse déçue et Hélène
Fillières, toujours étonnante, en adepte de l'amour vache.
Lecture. Cul-de-sac (The
Dead Heart, Douglas Kennedy, 1994, traduit de l'anglais par Catherine
Cheval, Gallimard, coll. Série Noire n° 2483, 1998, 274 p).
Nick Hawthorne débarque à Darwin après avoir tourné
le dos à sa carrière de journaliste dans des petites villes
américaines. Il a l'intention de traverser l'Australie du nord
au sud par la route. Cette traversée de l'outback va s'interrompre
au moment où il rencontre la plantureuse Angie qui l'entraîne
dans une ville fantôme pour l'épouser et le séquestrer.
Les personnages de Douglas Kennedy changent de vie, volontairement ou
non. Ben Bradford en prenant l'identité de l'amant de sa femme
dans L'Homme qui voulait vivre sa vie, Ned Allen en perdant son
emploi dans Les désarrois de Ned Allen. Cul-de-sac,
son premier roman traduit en français, présente un petit
journaliste qui se rêve aventurier et se retrouve prisonnier d'un
enfer. La quête de la liberté se double d'une quête
d'identité, formant une sorte de roman d'apprentissage pour adulte.
L'habileté narrative de Kennedy est déjà à
l'œuvre, produisant une histoire incroyable, mais captivante. La description
d'une communauté patriarcale au milieu du grand nulle part australien
est proprement terrifiante. Inutile de dire que le livre ne doit pas figurer
au catalogue du Ministère du Tourisme australien.
JEUDI.
Cinéma matin. J'emmène
une classe voir Les quatre cents coups de François Truffaut
dans le cadre de l'opération "Collège au cinéma".
Chute des corps. En hommage un peu
tardif à nos Poilus, Lucie dévisse dans l'ascension de l'échelle
menant à son lit et se déguise en gueule cassée.
Feuilleton. Rappel, pour les nouveaux
abonnés, des épisodes précédents. En mai dernier,
je me suis fait voler mon portefeuille à la Bibliothèque
des Littératures Policières, sous la pipe de Maigret. Deux
mois plus tard, l'objet était retrouvé dans les rayons "policier"
de la bibliothèque municipale de Montrouge, sans les papiers d'identité
qu'ils contenaient. Aujourd'hui, je reçois un coup de téléphone
d'un officier (Fournier ?) de la 3° Division de Police Judiciaire
(Saint-Martin ?). On vient de passer les bracelets à un rat de
bibliothèque en possession d'une carte d'identité et d'un
permis de conduire à mon nom sur lesquels il avait remplacé
ma photo par la sienne. On m'avertit que les documents sont désormais
sous scellés et qu'il est inutile de compter les réutiliser
et on me demande de venir faire une déposition demain à
Paris. Impossible, bien sûr. Je me demande ce que ce type a bien
pu faire sous mon nom pendant ces six mois où j'ai vécu,
à mon insu, une double existence...
Cinéma soir. Zatoichi
(Takeshi Kitano, Japon, 2003 avec Takeshi Kitano, Tadonobu Asano,
Yûko Daike, Michiyo Ogusu, Yui Natsukawa, Guadalcanal Taka, Daigoro
Tachibana, Ittoku Kishibe, Saburi Ishikura, Akira Emoto).
Japon, 19° siècle. Un voyageur aveugle gagne sa vie comme joueur
professionnel et masseur. Derrière cette humble apparence se cache
un redoutable combattant.
On remarque depuis quelques années la volonté de Kitano
d'élargir sa palette. Des films de yakusa des débuts, il
a fait une variante américaine (Aniki mon frère),
il s'est essayé au théâtre bunraku pour Dolls,
en collaboration avec un couturier (pas vu, mais on en devine la trace
ici dans la richesse des costumes) et s'est essayé au film de genre,
le mélodrame avec L'Été de Kikujiro et ici
le film de sabre. De ce dernier, il a su préserver les règles,
des combats fulgurants filmés avec maestria et le piment apporté
par une forme de contrainte, le handicap du héros, ici aveugle
comme celui de La Secte du Lotus blanc de Tsui Hark était
manchot.
Dans chacune de ces déclinaisons, Kitano reste lui-même,
soumet le genre à son écriture cinématographique
unique et à sa vision des choses. On sait donc qu'il est vain de
chercher une intrigue linéaire, de relier entre elles les pièces
du jeu qu'il nous offre. On connaît son peu de goût pour les
explications et les transitions. Comme dans Hana-bi ou dans Jugatsu,
la violence explose de façon inattendue et ultra-rapide. Mais on
trouve aussi le temps de s'attarder sur la danse de la pluie à
la surface d'un tonneau, sur un homme qui pêche paisiblement en
programmant la mort de ses ennemis, sur des petits gags muets et froids.
Même si elle n'est pas signée par Joe Hisaishi, l'habituel
complice de Kitano, la musique est omniprésente, soulignée
parfois par les gestes d'un quatuor de paysans ou par ceux d'une équipe
de charpentiers occupés à construire une maison dans une
scène digne de Walt Disney. La séquence finale, véritable
clou de comédie musicale, est époustouflante et irrésistible.
VENDREDI.
Courrier. J'envoie une revue de presse
à Y.
Presse. Je trouve dans Le Monde
un Philippe Masseboeuf, président du Syndicat National des Entreprises
de Fitness, qui n'est pas loin d'être un aptonyme.
TV. Moderato Cantabile (Peter
Brook, France - Italie, 1960 avec Jeanne Moreau, Jean-Paul Belmondo; diffusé
sur CinéClassics en ?).
Naissance d'une passion entre une épouse bourgeoise et un ouvrier.
Le livre de Marguerite Duras (on voyait d'ailleurs Jeanne Moreau en couverture
de la vieille édition 10-18) m'avait déjà fait souffrir
dans mes années d'apprentissage. Le film m'a tué.
SAMEDI.
Courrier. Je reçois une revue
roumaine consacrée à "Perec aujourd'hui".
TV. Football : Allemagne - France
(0-3).
A la veille d'un France - Angleterre en demi-finale de Coupe du Monde
de rugby, le ballon rond, même manié avec habileté,
paraît bien fade.
Bon dimanche.
N.B. Le numéro
135 des notules sera servi avec retard.
Notules
dominicales de culture domestique n°135 - 23 novembre 2003
DIMANCHE.
TV matin. Rugby : France -Angleterre
(7 - 24).
Rien à faire, tous les accès étaient bloqués.
Il faut bien que les Anglais gagnent de temps en temps si on veut continuer
à les trouver gentiment détestables. Au moins je n'aurai
pas à regretter de ne pouvoir suivre la finale samedi prochain.
Lecture. Le Pays où l'on
n'arrive jamais (André Dhôtel, Éditions Pierre
Horay 1955; rééd. Gallimard, coll. Folio Junior n° 464
"Édition Spéciale" avec des illustrations de Pierre
Boussot et un supplément réalisé par Christian Biet,
Jean-Paul Brighelli, Daniel Costeroste, Jean-Luc Rispail et Frédéric
Siuda; 274 p.).
Dans un petit village des Ardennes, Gaspard rencontre un enfant fugueur
qui n'a qu'une idée en tête : retrouver sa mère et
son pays. Gaspard est décidé à tout quitter pour
aider son nouvel ami.
Prix Fémina 1955, Le Pays où l'on n'arrive jamais
est le roman le plus connu d'André Dhôtel, un récit
d'enfance plutôt original dans le genre. Il met en valeur un cadre
peu couru, les Ardennes belges et françaises, pays de forêts,
de canaux, de rivières. Les adultes sont délicieusement
décalés, collectionnent les moustaches de chat ou chantent
des chansons de ville en ville. Dhôtel présente un mélange
intéressant d'archaïsme et de modernité : les roulottes
croisent les automobiles sur les routes, les chanteurs des rues s'égarent
sur des plateaux de cinéma. Le dénouement, ode au regroupement
familial, est beaucoup plus convenu.
TV soir. TV. 24 heures chrono
(saison 2, épisodes 17 & 18, diffusés sur Canal + le
15 novembre 2003).
Où Jack Bauer fait un peu de chirurgie post mortem. Cet homme sait
décidément tout faire. Il rappelle le Belmondo de la meilleure
époque.
LUNDI.
Courrier. Des nouvelles de B. et de
l'hôpital de Saint-Affrique.
Réaction aux notules. Y. parle
du Satyricon.
TV. Cul-de-sac (Roman Polanski,
G.-B., 1966 avec Donald Pleasance, Françoise Dorléac, Lionel
Stander, Jack McGowran, William Franklyn, Jacqueline Bisset; diffusé
sur TCM en ?).
Deux malfrats trouvent refuge sur une île du nord de l'Angleterre.
L'un meurt, l'autre s'installe au château, chez un couple où
il attend l'arrivée d'un certain Kattelbach.
Je découvre ici un goût de Polanski pour l'absurde qui surprend
un peu (Pirates n'était pas non plus un film "sérieux"
mais versait plus dans le burlesque). Lionel Stander campe un gangster
gaffeur réussi, qui va mettre à mal la romance rêvée
par le couple de châtelains. Le film est aussi cruel pour la famille,
le couple. Absurdité, cruauté, on oscille en quelque sorte
entre Fantasia chez les ploucs et En attendant Godot. Dommage que ces
qualités soient largement noyées dans un film trop long
et trop bavard.
MARDI.
Vie professionnelle. On arrose la
titularisation d'une collègue victime comme moi de Mme P. Il a
fallu pour sa réhabilitation l'intervention d'un Inspecteur général.
On peut souhaiter que la multiplication des injustices alerte celui-ci
sur les agissements de cette Mme P. qui doit se dire, comme Francis Blanche
dans Signé Furax : "A quoi ça sert d'avoir le pouvoir
si on ne peut pas en abuser ?" Je reçois au même moment
de la part de Mme M., qui a cassé en ma faveur le jugement de Mme
P., un livre écrit par sa fille. Les inspecteurs sont des gens
charmants.
MERCREDI.
Bibliothèque municipale. Message
personnel pour DDL : le Dictionnaire des symboles (Bouquins Laffont)
que je voulais consulter a disparu de la salle de lecture.
Cinéma. Les Sentiments (Noémie Lvovsky,
France, 2003 avec Nathalie Baye, Jean-Pierre Bacri, Isabelle Carré,
Melvil Poupaud, Agathe Bonitzer, Virgile Grünberg).
Jacques et sa femme Carole sympathisent avec leurs nouveaux voisins, François,
médecin qui reprend la clientèle de Jacques, et Edith. Très
vite, Jacques tombe amoureux d'Edith.
Ce qu'on remarque en premier lieu, c'est l'emballage. Le décor,
la maison de Jacques et Carole, un univers étouffant avec des tentures
lourdes, des tissus riches, imprimés, qui évoquent les intérieurs
des tableaux de Vuillard qu'on voit un peu partout ces temps-ci. Les costumes
aussi, car chaque personnage a une garde-robe bien garnie et la collection
de chemises de Bacri est tout à fait remarquable. Ensuite, on se
laisse happer par Jean-Pierre Bacri qui, une fois de plus, réalise
une belle performance. Si la salle est bien garnie, ce n'est pas à
cause du nom de Noémie Lvovsky ni même celui de Nathalie
Baye, c'est pour lui. Voilà un acteur qui, en gros depuis Le
Goût des autres, interprète le même personnage
: un homme qui n'est plus tout à fait jeune, au physique éloigné
de celui de Julien Clerc, maladroit, cassant, peu à l'aise avec
ses semblables et qui tombe tout ce qui passe à sa portée,
femme de ménage comme femme de médecin, ce qui n'est pas
donné à tout homme cassant, maladroit, peu à l'aise
avec ses semblables, au physique éloigné de celui de Julien
Clerc et plus tout à fait jeune. Chose appréciable, il n'écrase
pas ses partenaires et Noémie Lvovsky parvient à faire exister
à ses côtés sa femme, sa jeune conquête et le
mari de celle-ci qui sont plus que des faire-valoir. On peut trouver plus
discutable son choix, pas neuf, de faire commenter l'action par une sorte
de chœur antique. L'histoire est on ne peut plus simple, une tranche de
vie au cours de laquelle réapparaissent, sans jugement moral, des
sentiments qu'on croyait perdus et qui touchent juste.
JEUDI.
Courrier. J'envoie une revue de presse
à Y. et un mot de remerciement à mon inspectrice.
VENDREDI.
Transhumance. Je pars pour Paris par
le 17 heures 22.
SAMEDI.
Vie parisienne. Séminaire Perec
à Jussieu ("Non à l'université - MEDEF",
disent les banderoles). Cécile De Bary fait une communication sur
"les champs du réalisme" chez l'auteur. Le propos me
dépasse un peu, mais la discussion qui suit, où il est beaucoup
question du projet Lieux, est intéressante. A l'issue de
la séance, conséquence de mon changement de statut, je suis
pour la première fois convié à un "after",
l'apéritif chez Paulette Perec. Je suis dans mes petits souliers
en franchissant le seuil du 13, rue Linné, cela fait des années
que je rêve de passer cette porte. Perec occupait un appartement
à l'entresol, Paulette habite au cinquième. Habituellement,
elle m'effraie plutôt avec son air sévère et son ton
un peu brusque mais son accueil chaleureux met fin à mes craintes,
même si mon statut d'abstinent m'oblige à refuser toute substance
alcoolisée. Ce qui ne m'empêche pas de sortir avec les jambes
flageolantes. Même l'annonce de la victoire de l'Angleterre en Coupe
du Monde de rugby n'attaque pas mon euphorie. Je me remets avec un panini
grec à la feta fétide et reprends le fil de ma vie ordinaire
en travaillant l'après-midi à la Bibliothèque des
Littératures Policières.
Je métrotte jusqu'aux Champs-Elysées et visite l'exposition
Édouard Vuillard au Grand Palais. On est loin ici des expositions
de poche du Musée du Luxembourg. Il y a de la matière, de
la toile, de quoi s'engorger la rétine, des débuts chez
les nabis (je ne sais toujours pas ce qui peut différencier les
nabis des fauves, à part les dates) aux portraits mondains de sa
fin de carrière. La période la plus intéressante
est celle des intérieurs domestiques, avec les figures de la mère
et de la sœur omniprésentes. C'est pour elle que je suis venu,
et pas seulement pour les toiles : je souhaite vérifier quelque
chose concernant les titres des tableaux, quelque chose qui m'avait frappé
en lisant les articles consacrés à cette exposition, notamment
dans le numéro hors-série des Dossiers de l'Art. Ces tableaux
sont connus pour leur côté étouffant, à cause
des murs qui semblent absorber les personnages par le mélange des
motifs des papiers peints et des vêtements. Cette sensation est
accentuée quand on s'éloigne un peu des tableaux : grâce
à une perspective complètement détraquée,
une sorte de perspective inclinée en contre-plongée souvent,
le spectateur est lui-même avalé, entraîné à
l'intérieur du cadre. Et, c'est là que je voulais en venir,
les titres des tableaux contribuent à cet effacement des figures.
Si on voit Mme Vuillard endormie, le tableau s'appelle Le sommeil,
Mme Vuillard sur le palier, c'est Le palier, Mme Vuillard tirant
un rideau, c'est Le rideau jaune (presque une parodie de l'Olympia
de Manet), Mme Vuillard qui se coiffe, c'est La coiffure. les tableaux
représentant Marie, la sœur, s'intitulent Les oreillons, Le placard
à linge, ceux qui réunissent les deux femmes s'appellent
Sous la lampe, A table, le déjeuner, L'aiguillée,
La conversation, Intérieur à la table à
ouvrage, La causette, La chambre blanche, Soirée familiale...
Exceptions : Marie penchée sur son ouvrage (tellement penchée
qu'on ne voit pas son visage), Marie accoudée au balcon
(avec une main qui masque sa figure) et Intérieur, mère
et sœur de l'artiste (la seule fois où les mots "mère"
et "sœur" sont "prononcés"). Cet anonymat ne
s'applique pas aux autres personnages. Ker-Xavier Roussel est peint lisant
un journal. La toile est titrée Ker-Xavier Roussel lisant le
journal. Je suis sûr que si Vuillard avait peint sa sœur lisant
le journal, le tableau se serait appelé La lecture ou Le
journal. De même, on a Félix Valloton dans son atelier,
Misa et Valotton à Villeneuve, etc. Je sais que les titres
des tableaux (qui sont l'objet principal des mes Propos sur l'art peint)
sont des choses instables, qui changent parfois au fil du temps, que souvent,
ils ne sont même pas le fait de l'artiste. N'empêche : un
homme qui, sur les trois passions sentimentales de sa vie, tomba successivement
amoureux d'une Lucy (Hessel) et d'une Lucie (Belin) ne pouvait être
indifférent à la façon de nommer les êtres
et les choses. La sœur et la mère sont niées dans l'image
(leurs visages sont souvent réduits à une tache) mais aussi
dans le titre, privées de contours et de noms par un artiste qui
peint continuellement sa famille pour mieux l'anéantir... Par ailleurs,
j'apprends que Vuillard a servi comme peintre officiel des armées
dans la région de Gérardmer, où il a séjourné
du 3 au 22 février 1917. On ne voit aucun des pastels qu'il a réalisés
sur place mais une toile presque expressionniste, L'interrogatoire
du prisonnier, prend sa source dans cette expérience vosgienne.
Je partage un moelleux de bœuf aux pâtes fraîches à
la Brasserie de l'Est avec Sylvia Beach et Adrienne Monnier.
Lecture. Passage de l'Odéon.
Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris
dans l'entre-deux-guerres (Laure Murat, Fayard, coll. histoire de
la pensée, 2003, 386 p., 24 €).
De 1915 à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, deux librairies,
situées presque face à face rue de l'Odéon à
Paris, ont rassemblé tout ce qui comptait dans la vie littéraire
française et anglo-saxonne : La Maison des Amis des Livres,
tenue par Adrienne Monnier, et Shakespeare and Company, dirigée
par Sylvia Beach.
En choisissant de retracer la vie de ces deux femmes, Laure Murat marchait
sur des sentiers déjà battus (ce qui n'était pas
le cas pour son précédent livre, consacré à
la clinique du Docteur Blanche qui eut Nerval, Gounod, Théo Van
Gogh, Maupassant et autres comme patients). Les libraires elles-mêmes
ont raconté leurs souvenirs, Beach dans Shakespeare and Company,
Monnier dans Rue de l'Odéon. Leurs clients et amis les ont
célébrées, Gide, Breton, Valéry, Larbaud,
Michaux, Fitzgerald, Hemingway, Joyce et des dizaines d'autres. Des témoins
de l'époque encore vivants, François Caradec, Maurice Nadeau,
s'expriment régulièrement sur le sujet. On connaît
quasiment par cœur l'histoire de la publication de Ulysses de Joyce
par Sylvia Beach et de sa traduction en français par Adrienne Monnier,
cependant cette aventure remplit les deux chapitres les plus passionnants
du livre. Car Laure Murat n'a pas ménagé sa peine. Elle
a fouillé dans les correspondances des libraires, des auteurs,
des clients, correspondances éparpillées aux quatre coins
du monde universitaire américain et des bibliothèques françaises.
Elle en a ramené des perles, comme ce jugement d'Adrienne Monnier
sur Simone de Beauvoir (voir extrait 1) ou cette lettre de Claudel à
propos d'Ulysse (voir extrait 2). Elle a aussi cherché de
nouveaux angles d'approche, comme les rapports des deux femmes au féminisme
et à l'homosexualité.
C'est peut-être enfoncer le clou que de dire, ou plutôt redire
l'importance du rôle qu'ont joué ces deux femmes dans le
monde des livres (découverte d'auteurs, soutien financier et affectif,
publication de revues, organisation de lectures publiques, interventions
auprès des autorités allemandes d'Occupation pour libérer
tel ou tel, notamment Walter Benjamin) mais ça permet au moins
de rafraîchir ses propres souvenirs. J'avais totalement oublié
(pourtant Richard Ellmann en parle dans son James Joyce) que S.M. Eisenstein
était venu à la librairie d'Adrienne Monnier discuter d'une
éventuelle adaptation d'Ulysse au cinéma (Charles Laughton
devait jouer Bloom). A ma connaissance, la seule tentative qui en ait
été faite est la scène d'ouverture qu'on peut voir
dans Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira. Ça permet
aussi de voir que les deux seuls auteurs français "ratés"
par Adrienne Monnier sont de taille : Céline et Proust...
Neuf ou pas, le propos de Laure Murat est toujours intéressant,
et écrit avec soin (seul un accent circonflexe sur Jean Genet est
à déplorer). Il restitue de façon passionnante cette
rue de l'Odéon, "Stratford-upon-Odeon" disait Joyce,
où je ne suis jamais passé sans scruter les façades
à la recherche des devantures perdues.
Extrait 1. "Cette Simone, tu parles d'une fausse gousse et d'une
fausse tout; elle pose à la grande âme et à la grande
conscience et ce n'est qu'une bourgeoise comme tant d'autres. Ses prétentions
philosophiques sont rikiki comme un petit chapeau mal seyant." (lettre
d'Adrienne Monnier à Maurice Saillet, 21 octobre 1943).
Extrait 2. "Ma chère Adrienne, c'est à vous certainement
que je dois l'envoi d'Ulysse et je vous sais gré de l'attention.
Vous me pardonnerez si je vous renvoie le bouquin qui a, je crois, une
certaine valeur marchande et qui pour moi n'offre pas le plus petit intérêt.
J'ai autrefois perdu quelques heures à lire le "Portrait d'un
jeune homme" du même auteur et cela m'a suffi. Bien affectueusement.
P. Claudel." (lettre de Paul Claudel à Adrienne Monnier, Washington,
4 mai 1929).
Extrait 3. "Sylvia Beach (...) américaine et donc ennemie
de l'occupant (...) sera arrêtée en 1942 par la Gestapo et
passera plus de six mois dans un camp de prisonnières à
Vittel."
Bonne semaine.
Notules
dominicales de culture domestique n°136 - 30 novembre 2003
DIMANCHE.
Vie parisienne (suite). Poursuite
de ma Mémoire louvrière. Un des plaisirs de ce travail
est qu'il m'oblige à suivre toujours le même parcours, à
repasser par les salles déjà visitées. Les tableaux
déja décrits semblent de vieux complices. Je remarque que
certains profitent de mon absence pour se livrer à des facéties
: La Vierge du Chancelier Rolin et La Résurrection de
Lazare ont ainsi échangé leurs places depuis le mois
dernier. Je demande à la préposée si ces changements
sont fréquents. Elle me dit que les tableaux ne changent jamais
de place, et que d'ailleurs La Vierge et La Résurrection
n'ont pas plus bougé que les autres, que je confonds "parce
que je vois trop de tableaux". Pourtant, je suis formel, j'ai mes
notes et mes croquis. De plus, un des tableaux a vu son carton de présentation
changer : La Résurrection de Lazare est devenue La Résurrection
de Lazare avec un couple d'orants et on a ajouté le nom flamand
du peintre (Geertgen tot Sint Jants) au nom français qui était
seul à figurer précédemment (Gérard de Saint-Jean).
Je trouve ça passionnant.
Je dois me consacrer aujourd'hui à la salle 6, aile Richelieu,
deuxième étage, où figurent les quatorze portraits
qui ornaient le studiolo d'Urbino. J'expédie la chose assez vite,
ce n'est pas captivant, je n'ai pas trop la tête au travail. Je
décide d'aller voir La Joconde, ou plus exactement, je l'avoue,
d'aller voir les gens qui vont voir La Joconde. Riche idée.
Déjà, au pied de la Victoire de Samothrace, ça
remue pas mal. Mais dans la Grande Galerie, c'est de la folie, c'est Reichshoffen
(et il n'est que 10 heures 15). Inutile d'essayer de s'attarder devant
tel ou tel tableau, on est emporté comme par un flux. Il y a là
au bas mot la moitié de la population du Japon qui défile.
La fin de la galerie est d'ailleurs à sens unique, Mona Lisa est
située face à une sorte de rond-point européen congestionné
où, sur six rangées, chacun essaie de se faire tirer le
portrait à côté de celui de la belle. Un jour, j'essaierai
d'être le premier, même s'il me faut courir. J'étudierai
le parcours le plus court et je serai, voilà enfin un but trouvé
à mon existence, seul face à La Joconde. Mais qui
me prendra en photo ? De toute façon, ce n'est pas pour aujourd'hui.
Je prends la Grande Galerie dans l'autre sens, ce qui me permet de constater
que les autres toiles de Léonard, La Vierge aux rochers,
La Vierge et sainte Anne, les deux Saint Jean-Baptiste,
n'attirent personne. Je fais coucou au Condottiere d'Antonello
et passe un long moment à la librairie.
J'achète le volume repéré le mois dernier, Reconnaître
les saints. Au fil de mes lectures et de mes visites, j'ai depuis
un moment entrepris de noter quelques bribes d'iconologie sur des feuillets
épars mais je désespérais de trouver un ouvrage qui
recense de façon claire et complète, ce qui semble être
le cas ici, les attributs avec lesquels les saints sont représentés
dans la peinture religieuse (la roue de sainte Catherine, la lance de
saint Michel, la coquille de saint Jacques bien sûr, mais aussi
le fouet de saint Ambroise, la charrue de saint Richard ou les chaînes
de saint Léonard).
Je lis le JDD au café de la Comédie et remonte à
pied, il fait beau, vers la gare de l'Est : rue Saint-Honoré (représenté
avec une pelle de boulanger), rue du Louvre, rue Montmartre (café
du Croissant, plaque Jean Jaurès), boulevard Poissonnière,
rue de Paradis où l'immeuble Baccarat est devenu une Pinacothèque,
rue du Faubourg Saint-Denis (représenté avec sa tête
dans ses mains). Je croûte à L'Écu de France et repars
par le 13 heures 46.
LUNDI.
Réactions aux notules. Y. parle
de Shakespeare and Company, la librairie près de Notre-Dame, M.C.
et D.C. de Paulette Perec.
TV. 24 heures chrono (saison
2, épisodes 19 & 20, diffusés sur Canal + le 22 novembre
2003).
Il y a des jours où il ne fait vraiment pas bon être président
des États-Unis.
MARDI.
TV. The Shield (série
américaine de Shawn Ryan, Scott Brazil et James Manos, 2002, saison
1, épisodes 1 & 2 diffusés sur Canal Jimmy le 23 novembre
2003).
C'est la dernière trouvaille de Jimmy. Une série produite
par une filiale de Fox TV qui nous plonge dans un commissariat de Los
Angeles pour suivre plusieurs enquêtes menées en parallèle.
Jusqu'ici rien de neuf mais il y a dans ce commissariat un certain Vick
Mackey à la tête de la "strike team", une équipe
de choc pour qui la fin justifie les moyens. Mackey est un beauf, violent,
corrompu mais efficace. La série joue sur le couple fascination
- répulsion comme The Sopranos, avec ce personnage presque
abject qui apparaît paradoxalement moins fréquentable que
le truand Tony Soprano. La vision de Los Angeles et le langage utilisé
sont effrayants. A suivre.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète le dernier
Connely et un recueil de grilles de Laclos.
Aptonyme. Le Monde consacre une page
à la chorégraphe Sasha Waltz.
Cinéma. Ken Park (Larry
Clark & Ed Lachman, USA, 2002 avec James Ransone, Tiffany Limos, Stephen
Jasso, James Bullard, Mike Apaletegui, Adam Chubbuck, Wade Andrew Williams,
Amanda Plummer, Maeve Quinlan).
Visalia, Californie. Quatre adolescents s'ennuient, ne trouvent aucun
attrait dans la vie menée par leurs parents et s'évadent
dans le sexe et la drogue.
C'est le troisième film majeur de la rentrée, du côté
américain, avec Mystic River et Elephant. Il est
aussi bon que les deux autres mais, comme il reprend les mêmes thèmes,
il peut susciter une certaine lassitude. Les adolescents ici présentés
sont tout à fait susceptibles d'aller faire un carton sanglant
dans leur lycée et de devenir les adultes meurtris du film d'Eastwood.
Horizon bouché, ennui, vie morne et plate, j'avoue commencer à
en avoir ma dose (je ne suis peut-être pas le seul, il n'y avait
que moi dans la salle) de cet étalage sans cesse recommencé.
Dire que c'est l'effet 11 septembre est un peu court, la tendance existait
avant avec Virgin Suicides, les films de Todd Solondz ou Harmony
Korine (ici au scénario) ou les précédentes réalisations
de Larry Clark que je n'ai pas vues. Ce n'est que par le sexe, vu ici
comme le moyen principal d'évasion et filmé avec un brin
de complaisance, que ce film se distingue des autres. En attendant, je
regrette d'avoir raté le Woody Allen qui m'aurait peut-être
apporté un peu d'air frais.
Courrier. J'envoie des coupures à
Y. et J., une lettre à la mairie de Vittel pour en savoir plus
sur le camp de prisonnières où Sylvia Beach fut détenue
en 1942.
Courriel. ARB s'interroge sur les
relations entre La Maison d'un artiste d'Edmond de Goncourt et
La Vie, mode d'emploi de Perec. La réponse est peut-être
dans le catalogue de la bibliothèque personnelle de Perec que Bernard
Magné, le même jour, met en ligne dans un fichier que je
n'arrive pas à ouvrir.
Cinéma. Intolérable
cruauté (Intolerable Cruelty, Joel Coen, USA, 2003 avec
Catherine Zeta-Jones, George Clooney, Geoffrey Rush, Cedric the Entertainer,
Edward Herrmann, Richard Jenkins, Billy Bob Thornton).
Un avocat talentueux, spécialiste des affaires de divorce, est
pris à son propre piège lorsqu'il tombe amoureux d'une croqueuse
de maris.
Les frères Coen font scrupuleusement le tour du cinéma de
genre américain : film de cavale (O' Brother), film noir
(The Barber), ici comédie de remariage. On a du mal cependant
à reconnaître leur patte, mélange de finesse et de
cruauté, qui faisait le charme des films précédents.
C'est long, très long, lourd, rarement drôle. De toute façon,
le film est à fuir en version française, le comique de mots
que l'on devine est laminé par la traduction. A la limite, Clooney
peut ressusciter le fantôme de Clark Gable comme c'est apparemment
voulu mais pour trouver un équivalent à Zeta-Jones, il faut
chercher du côté de Sophie Marceau plutôt que de celui
de Katherine Hepburn. La tentative de reprendre une des spécialités
de Frank Capra, le plaidoyer humaniste en forme de discours fleuve qui
emporte l'adhésion de l'assistance, échoue lamentablement.
Un film raté, ça arrive même aux meilleurs.
VENDREDI.
TV. Six Feet Under (saison
3, épisodes 12 & 13, diffusés le 16 novembre sur Canal
Jimmy).
Fin de cette troisième saison, au total plutôt décevante
en comparaison aux deux premières. On voit ici apparaître
Justin Theroux, qui incarnait le réalisateur dans Mulholland
Drive, et qui pourrait jouer un rôle important par la suite,
si suite il y a (la porte est suffisamment entrouverte pour cela).
SAMEDI.
Football. SAS Épinal - Chalon-sur-Saône
1 - 2.
Pas vraiment de quoi se réchauffer.
TV. 24 heures chrono (saison
2, épisodes 21 & 22, diffusés sur Canal + le soir même).
Dire qu'il aura fallu attendre 46 heures et 45 minutes pour voir enfin
Kim, la fille de Jack Bauer, faire quelque chose d'intelligent.
Bon dimanche.
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