Notules dominicales 2003
 
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Notules dominicales de culture domestique n°116 - 6 juillet 2003

DIMANCHE.
Fait divers (épisode 1). "C'est lorsqu'elle a voulu déposer une pièce sous la statue de la Vierge Marie que M. H., 82 ans, a chuté hier en fin d'après-midi en l'église abbatiale de Remiremont. Au cours de la messe du soir, elle s'est dirigée vers le tronc à droite de la nef, et une grille a basculé sous son poids. M. H. est alors tombée dans la fosse de chauffage, de 2,50 mètres de profondeur. La police et les pompiers de Remiremont se sont rendus sur place, pour lui porter secours. Se plaignant de douleurs au dos, elle a été transportée au centre hospitalier de Remiremont... Le curé, lui, n'a pas jugé utile d'interrompre la messe !"(La Liberté de l'Est du jour).


Courriel. Réaction de GN aux notules du jour : "C'est vrai que je ne peux m'empêcher de penser à toi en regardant Tati..." Si je regarde la photo en pièce jointe [ci-contre], j'ai du mal à nier ce côté Hulot.

Football. France - Cameroun (1-0). Je n'en vois pas grand-chose, tout occupé que je suis à essayer d'insérer ma photo dans le texte des notules. Je ne parviendrai qu'à en faire une pièce jointe.
Philippe Didion
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LUNDI.

Lecture hâtive. Lucie débute son stage de gymnastique. En parcourant les dossiers d'inscription, nous avions cru qu'il se déroulait dans le gymnase qui se trouve à 300 mètres de la maison. En fait, ce n'est pas à la Halle des Sports mais au Palais des Sports, soit à l'autre bout de la ville. Les séances durent une heure. Le temps de la déposer, de revenir at home, il est l'heure de repartir. Moi qui pensais bien ne plus avoir à traverser la Moselle en auto depuis qu'Alice a quitté la crèche...

Déblocage. Feu vert pour le Loir-et-Cher : Caroline trouve une remplaçante in extremis (le chèque de réservation est à envoyer pour le 3 juillet).

TV. The Sopranos (saison 3, épisode 11; diffusé la veille sur Canal Jimmy).
La boucle est bouclée : on retombe ici sur les épisodes qui ont été diffusés au milieu de la nuit par France 2 au mois de mai. Ce qui fait que la mention "Inédit" de Jimmy est mensongère, ou du moins lacunaire.

MARDI.
Courrier. J'envoie le chèque de la location de vacances.

Cinéma. Le Mystère de la chambre jaune (Bruno Podalydès, France, 2003 avec Denis Podalydès, Sabine Azéma, Pierre Arditi, Olivier Gourmet, Claude Rich, Michael Lonsdale, Jean-Noël Brouté, Julos Beaucarne, Isabelle Candelier).
Mathilde, la fille du professeur Stangerson, a été agressée par un inconnu qui s'est échappé de la chambre jaune où la jeune femme dormait. Le journaliste Rouletabille mène l'enquête en parallèle avec l'inspecteur Larsan.
Dans la dernière livraison de la revue Temps Noir, Romain Brian s'interroge sur les raisons qui font que l'on est parfois amené à relire les histoires de chambres closes, alors que la résolution de l'énigme devrait logiquement couper court à toute curiosité. Il distingue les raisons endogéniques, le plaisir de se livrer à une seconde enquête ("la solution sert de point de départ au processus de relecture") ou une relecture "motivée par la lecture d'un autre texte de la même veine" et une raison exogénique, "c'est à dire une nouvelle lecture qui nous fait traverser les frontières du genre. On relit un récit de chambres closes ou de crimes impossibles parce que l'intrigue est brillante; mais aussi en raison du style particulier d'un auteur, parce que l'histoire porte en elle-même un message et ne se limite pas à distraire le lecteur, parce que l'on veut explorer les recoins du texte, mettre à jour les astuces rhétoriques et les procédés utilisés par l'auteur. Autrement dit, la relecture n'est pas nécessairement due à ce qui est caché dans le texte (sa dimension cryptique) mais peut-être à ce qui est exprimé dans le texte et à la manière dont cela est exprimé."
Le Mystère de la chambre jaune fait partie, avec Le meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie (raison endogénique) et Mortelle randonnée de Marc Behm (raison exogénique), des rares romans policiers que j'ai pris la peine de relire. Combien de fois, je ne sais plus, mais pour moi le presbytère n'a jamais rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat (une phrase que Gaston Leroux emprunta à George Sand). Voir ce texte entre les mains des frères Podalydès était plutôt rassurant. Ils savent respecter leurs références, comme dans la reconstitution de la scène du restaurant du Sceptre d'Ottokar qui apparaissait dans Dieu seul me voit, et Rouletabille n'est pas très éloigné de Tintin. Rouletabille est ici vieilli pour correspondre aux traits de l'acteur et l'intrigue est située à une époque moins éloignée dans le passé. A part ça, le film est fidèle au roman, reprenant même en intertitres les magnifiques têtes de chapitres de Gaston Leroux ("Où l'on commence à ne pas comprendre"). La longue exposition des faits et le tout aussi long discours final de Rouletabille constituent donc un travail respectueux et appliqué mais c'est dans sa partie centrale que le film est le plus intéressant. C'est là que Podalydès prend des libertés avec Leroux et ajoute des notes fantaisistes (les machines du professeur Stangerson), des épisodes burlesques (Sainclair caché dans la pendule), des anachronismes (la technique de camouflage militaire enseignée par Rouletabille) qui éloignent heureusement le film de la reconstitution figée.
Bien sûr il y a Arditi, Rich, Azéma, mais la mention qui annonce que le film est dédié à Alain Resnais surprend un peu dans la mesure où, dans toute son oeuvre, Resnais a cherché à s'affranchir des modes narratifs traditionnels alors que cette chambre jaune ne s'en écarte jamais.

MERCREDI.
Fait divers (épisode 2). "Dans notre édition dominicale, nous avons fait état de la mésaventure survenue à M. H., âgée de 82 ans, qui est tombée dans la fosse de chauffage, profonde de 2,50 mètres, en l'église abbatiale de Remiremont. L'abbé T. tient à apporter quelques précisions sur les circonstances de ce fait divers peu banal. "L'accident s'est produit cinq minutes avant le début de la messe du samedi soir, explique-t-il. La dame est tombée dans la bouche de chauffage parce que la grille qui recouvre normalement cette ouverture avait été déplacée. Il s'agit, à l'évidence, d'un geste de malveillance. J'ai personnellement appelé les secours et, comme un médecin était présent, je suis allé chercher une échelle pour descendre avec lui dans la fosse afin de prendre des nouvelles de la malheureuse en attendant l'arrivée des secours." Nous avons donc eu tort d'écrire que le curé n'a pas jugé utile d'interrompre la messe. En revanche, il est vrai de dire que l'office a tout de même débuté en présence des secours, occupés à extraire la personne blessée de sa fâcheuse posture. Une nuance qui s'impose..." (La Liberté de l'Est du jour).

Curiosité. Je découvre dans Les Thibault une belle fenêtre pangrammatique. On appelle fenêtre pangrammatique un passage d'une oeuvre qui contient toutes les lettres de l'alphabet. Sa qualité dépend de l'exiguïté de sa surface vitrée. En matière de fenêtre pangrammatique, l'oeil-de-boeuf est préférable à la baie panoramique ou, si l'on préfère, plus le passage est court, plus la fenêtre est intéressante. Je recopie le passage avec la fenêtre entre crochets : "L'orchestre venait d'entamer un fra[gment de la Walkyrie, le lied du printemps.
Elle avait abandonné sa tête sur l'épaule d'Antoine, assis tout près d'elle; et il entendait, à travers les lèvres de Rachel et ses dents jointes, comme un écho qui doublait le chant des violons.
-"Tu as entendu Zucco ? Zucco, le ténor ?" fit-elle nonchalamment.
-"Oui, pourquoi ?"
Elle continuait à rêvasser et ne répondit pas tout de suite; enfin, à mi-voix
], comme si elle avait un scrupule tardif à lui cacher sa pensée :
-"Il a été mon amant", dit-elle."
Finalement, cette fenêtre me paraît trop étendue pour être envoyée à la [listeoulipo].

JEUDI.
Courrier. J'envoie une revue de presse à Y. et une lettre à Jérôme Garcin, du Masque et la Plume (au cours de la dernière émission, un critique a demandé "Qui aujourd'hui lit encore Les Thibault ?" Je réponds donc simplement "Moi").

Courriel. Échange avec Y. sur Martin Winckler.
Un primo-romancier n'a pas apprécié la critique que j'ai faite de son ouvrage dans les notules. Il m'adresse une mercuriale dans laquelle il me qualifie de critique frustré incapable d'écrire un roman, jaloux de son succès et du prix qu'il a obtenu (succès et prix que j'ignorais totalement et que j'aurais donc eu du mal à jalouser). Bien sûr, il accepte très bien la critique (sauf la mienne apparemment). D'ailleurs, il ne répond jamais aux critiques (je suis donc un privilégié). D'après lui, son roman ne peut être qu'excellent puisque :
- il a donc obtenu un prix (à titre indicatif, 1 500 prix littéraires ont été attribués en 1994, je n'ai pas de chiffres plus récents mais ça n'a pas dû diminuer beaucoup)
- il n'a reçu que deux critiques négatives (le nombre de critiques positives n'est pas indiqué)
- il a passé la rentrée 2002 à relire son livre "pour savoir ce qu'on [lui] trouvait" (Miroir, gentil miroir...)
- les éditeurs se sont battus pour le publier (j'avais l'impression qu'il avait dû errer de maison en maison avant de trouver preneur, là, j'avais tort)
- il s'est vendu à x milliers d'exemplaires, sortira dans une collection de poche et a été, attention, un "foreign best seller" à la Foire de Francfort (si le chiffre de vente était signe de qualité, Loana trônerait au Panthéon des lettres entre Rika Zaraï et Pierre Bellemare).
Il me donne rendez-vous pour le second roman où j'aurai "tout loisir de [me] joindre à la meute pour [le] descendre." C'est vrai qu'une meute de deux critiques a de quoi faire trembler un auteur d'un caractère aussi trempé. Il y a encore peu de temps, un tel message m'aurait fait vaciller et douter (voir mes démêlés avec ma poétesse). Là, cet ego surgonflé me fait plutôt rigoler. Je lui adresse une réponse émolliente, je retiens les chevaux, je sais que je ne suis pas fait pour la polémique (leçon de la poétesse, encore).

TV. Les Inconnus dans la maison (Henri Decoin, France, 1942 avec Raimu, Juliette Faber, André Raybaz, Marc Doelnitz, Marcel Mouloudji; diffusé sur FR3 le 2 juin 1991).
Hector Loursat de Saint-Marc, avocat d'une petite ville de province, vit retiré depuis que sa femme l'a quitté et se console dans l'alcool. Sa fille, Nicole, appartient à un groupe de jeunes gens qui, souhaitant vivre dangereusement, se sont mis à voler. Un homme est retrouvé mort dans la maison de Loursat, qui servait de lieu de rendez-vous à la bande. Le plus pauvre des jeunes, Émile Manu, est accusé du meurtre. Loursat accepte de sortir de sa retraite pour assurer sa défense.
Un an avant de réaliser Le Corbeau, Henri-Georges Clouzot se fait les griffes en adaptant ce roman de Simenon parfaitement en phase avec l'univers qu'il va dépeindre : une ville de province peuplée de notables confits, une dénonciation par lettre anonyme, un coupable tout désigné qu'il faut innocenter. Les Inconnus dans la maison est un des fleurons du cinéma de l'Occupation, produit par la Continental, firme dirigée par un Allemand, Alfred Greven. Le fait que le vrai coupable porte un nom juif, Ephraïm Luska, a pu paraître le fruit d'une volonté délibérée mais tout était déjà dans le roman de Simenon (je tire mes renseignements de La France de Pétain et son cinéma de Jacques Siclier). Le sauvetage in extremis d'un coupable désigné est un thème qui apparaît dès les premiers romans de Simenon, La Tête d'un homme, Le Chien jaune. On retrouvera, en 1959, dans Autopsie d'un meurtre d'Otto Preminger un avocat qui accepte de reprendre du service pour innocenter un accusé. La moitié du film montre le procès. On connaît l'efficacité de ces films de prétoire, un genre ici rehaussé par la présence de Raimu, énorme. Sa plaidoirie est un grand moment, mais la vision qu'il y donne de la jeunesse est franchement vichyste.

VENDREDI.
Lecture. Le Comte de Monte-Cristo (Alexandre Dumas, 1845; Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 1981, édition présentée et annotée par Gilbert Sigaux, 1476 p.).
Cette lecture tardive est une sorte de revanche sur mon enfance. A la suite certainement d'une version diffusée à la télévision, je m'étais lancé dans Le Comte de Monte-Cristo. Je revois clairement les deux gros volumes de poche dénichés dans la bibliothèque familiale, en collection Marabout peut-être, l'un montrant Edmond Dantès agrippé au mât d'un bateau et l'autre le même en habit de soirée. Je ne pense pas être venu à bout du premier. Je me rattrape aujourd'hui mais pas sans souffrance. Les premiers chapitres, l'arrestation, l'emprisonnement, l'évasion d'Edmond Dantès coulent tout seuls, de même que la lecture est passionnante quand on en arrive à la vengeance proprement dite. Mais il y a entre les deux un long tunnel où l'action se déplace à Rome et met en place les personnages de Franz d'Épinay et d'Albert de Morcerf. Il ne s'agit pas, comme chez Hugo, de longues considérations sur tel ou tel aspect politique ou sociologique, mais d'installer des personnages et des situations qui auront leur justification plus avant dans le récit mais qui désorientent le lecteur.
L'intrigue est cependant d'une telle perfection que ces travers sont vite oubliés. Si, dans mon esprit, Dantès était un vengeur implacable, il est en réalité plus complexe. Car une fois mis en branle le processus de vengeance, il perd ses certitudes, se met à douter, se demande s'il ne va pas trop loin : "Arrivé au sommet de sa vengeance par la pente lente et tortueuse qu'il avait suivie, il avait vu de l'autre côté de la montagne l'abîme du doute." Et dans la lettre qui conclut le livre, Dantès demande à Morrel "de prier quelquefois pour un homme qui, pareil à Satan, s'est cru un instant l'égal de Dieu, et qui a reconnu, avec toute l'humilité d'un chrétien, qu'aux mains de Dieu seul sont la suprême puissance et la sagesse infinie. Ces prières adouciront peut-être le remords qu'il emporte au fond de son coeur." Ce qui demeure, ce n'est pas la satisfaction d'avoir assouvi sa vengeance, c'est le remords.
Curiosité. On peut s'amuser à repérer, ici ou là, les procédés utilisés par Dumas pour tirer à la ligne et meubler son feuilleton. J'ai bien aimé l'évocation de Paris qui devient, p. 1200, "cette ville éminemment cancanière qu'on appelle la capitale du monde" et, p. 1209, celle de Mme Danglars "essayant de tenter un dernier effort." Pour ma part, je suis content d'être satisfait d'avoir essayé de tenter de relire à nouveau ce roman et d'y avoir réussi avec succès.

Courriel. Un nouvel abonnement aux notules.

SAMEDI.
Emplettes. J'achète la revue Europe consacrée à Queneau et un livre de Michelle Grangaud, membre de l'Oulipo.

Vie familiale. Dégagée de ses obligations gymniques, Lucie pensait passer une journée paisible à Saint-Jean-du-Marché mais doit être rapatriée, visage gonflé et respiration difficile, après une nouvelle crise d'allergie.

Tableau d'honneur. Publication des résultats du bac. Je recherche les noms d'anciens élèves (il y en a, il y a même une mention Très Bien, peut-être la première pour un ancien du collège de Châtel).

Courriel. Je déniche une troisième critique négative du livre de mon ami. Je la lui adresse pour compléter sa collection :
"Si à deux, c'était déjà une meute, à trois, c'est une horde, une cohorte, une nuée. Mais je vous sens assez fort pour résister à un régiment de quatre, voire à une armée de cinq critiques malveillants et frustrés."

TV. Wasabi (Gérard Krawczyk, France, 2000 avec Jean Reno, Ryoko Hirosue, Michel Muller; diffusé sur Canal + en mai 2003).
Policier impulsif, Hubert Fiorentini part au Japon découvrir la fille qu'il a eue d'un ancien amour. Il doit veiller sur elle jusqu'à sa majorité.
Cela faisait longtemps que j'avais envie de voir ce qu'était un film produit par Luc Besson (je n'ai encore vu aucun Taxi). Ce n'est pas aussi calamiteux qu'on pourrait le craindre à la lecture des critiques autorisés. Bien sûr le scénario est cousu de fil blanc, la mise en scène est en sabots, la musique est du genre qu'on n'ose que dans peu d'ascenseurs mais ça se regarde. Jean Reno tient la boutique, Michel Muller amuse dans le rôle du bouffon et Krawczyk est à l'aise dans le recyclage : deux doigts de Jackie Chan, un zeste de Tontons flingueurs (l'hyperactivité de la jeune fille, le tord-boyaux remplacé par le wasabi, moutarde verte nippone), un dosage scientifique humour-action-émotion et ça meuble un samedi soir.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°117 - 13 juillet 2003

DIMANCHE.
Aménagement du territoire. Nous commençons à préparer le terrain pour l'arrivée d'une nouvelle bibliothèque, vidons les rayonnages surchargés existants. L'étagère Série Noire est délocalisée en bout de couloir, les 33-Tours sont relégués dans une chambre au grenier. Même les vieux Brassens ? Même. Même les Charlie Parker "Bird on Verve" aux sublimes pochettes ? Même. Il faut savoir faire preuve d'un peu de fermeté envers soi-même de temps à autre.

TV. La Maison des bois (feuilleton de Maurice Pialat, 1971, épisodes 1 & 2; diffusé la veille sur TV5).
J'ai lu ici ou là que ce feuilleton était peut-être l'oeuvre la plus aboutie de Pialat. Il raconte l'histoire d'Hervé, petit Parisien, recueilli par Albert, le garde-chasse, et sa femme dans un village de l'arrière (nous sommes en 1917). Ces deux premiers épisodes exposent l'amitié naissante entre Hervé, au caractère farouche, et le châtelain local.
L'impression est pour l'instant mitigée. Il y a le plaisir de retrouver l'ambiance ORTF, les sons, les couleurs, les souvenirs de Jacquou le Croquant... Il y a aussi la surprise de voir comment, à l'époque, on laissait le temps aller à sa guise. Pialat installe ses personnages, ses décors sans hâte aucune, il ne se passe quasiment rien. Il peut étirer les séquences tant qu'il le veut, il est maître du temps, ce qui doit faire rêver les réalisateurs de télévision d'aujourd'hui, prisonniers de "bibles" ou de cahiers des charges draconiens. Il faut donc se mettre au diapason, ralentir le pas pour suivre la chose au même rythme, ce qui n'est pas toujours captivant. A suivre.

LUNDI.
Courriel. Ch. m'éclaire sur la filiation Resnais - Podalydès.
P. annonce son déménagement.

Cinéma. Un homme, un vrai (Jean-Marie et Arnaud Larrieu, France, 2003 avec Hélène Fillières, Mathieu Amalric, Pierre Pellet, Philippe Suner, Daniel Cohen, Sylvie Laguna, Jocelyne Desverchere, Eva Ionesco, Aitana Sanchez-Gijon).
Boris, cinéaste raté, rencontre Marylin, executive woman : coup de foudre. Les mêmes cinq ans plus tard : ils ont deux enfants, Marylin s'en va. Encore cinq ans : retrouvailles.
Les frères Larrieu avaient réalisé il y a deux ans un moyen-métrage, La Brèche de Roland (avec Amalric déjà) très bien accueilli par la critique. Je ne l'avais vu que de façon incomplète mais avais pu apprécié ce règlement de comptes familial sur fond de randonnée pyrénéenne. Un homme, un vrai est une confirmation du talent des deux frères au ton mi-léger mi-sérieux proche, pour ce que j'en connais, de celui de Jacques Rivette. L'histoire banalement tragique d'un couple qui se forme et se défait est pimentée par un humour fin et discret. Émotion et légèreté vont crescendo et culminent dans la troisième époque du film, celle où Marylin retrouve Boris et ses enfants au cours d'une expédition nature pour observer les coqs de bruyère (organisée par l'agence "Ouest lointain" (!) pour des Américaines échappées du Playtime de Tati). On y retrouve le goût des cinéastes pour leur pays, les Pyrénées, la mise à nu des sentiments dans un cadre non conventionnel. Ils font preuve de retenue aussi bien dans l'émotion (les retrouvailles pudiques entre la mère et les enfants) que dans la moquerie (jamais on ne s'approche du comique des Randonneurs). Les frères Larrieu sont des équilibristes doués.

MARDI.
Courriel. Ch., ma correspondante la plus fidèle (avec Y.) de ce début d'été, annonce son départ en vacances.

Vie sociale. Croûte avec les H.


MERCREDI.
Expédition. C'est aujourd'hui que nous avons prévu d'aller chercher les éléments de la nouvelle bibliothèque dans un gigantesque hangar sous franchise scandinave. Un coup de téléphone préventif bienvenu nous épargne un aller et retour inutile jusqu'à Metz : rupture de stock. Ce sera donc Strasbourg. Nous y trouvons les colis désirés et, mieux, parvenons à les entreposer dans l'auto. Il reste même un peu de temps pour s'arrêter en ville mais pas assez pour aller voir le Musée d'art contemporain et son exposition sur l'hyperréalisme. Je laisse Caroline vagabonder et m'enterrasse entre deux présentoirs de cigognes en peluche au Pilier des Anges, rue Mercière, face à la cathédrale qui a gardé son habitude de vous tomber dessus au détour d'une ruelle au moment où on s'y attend le moins.

Courriel. Y. à son tour en vacances. Ma boîte à lettres sonne le creux.

JEUDI.
Monsieur Bricolage. Mon père vient m'aider à monter la nouvelle bibliothèque. En conjuguant nos incompétences, nous arrivons à un résultat satisfaisant. Il y a bien le trou à ménager pour le passage d'une prise de courant qui se situe à environ 18 kilomètres de l'endroit désiré mais qui aurait pu prévoir qu'un scie sauteuse sauterait autant ? Il reste à fixer les éléments au mur et trouver au fond de moi assez de culot pour solliciter une connaissance sur le mode "Est-ce que toi et ta perceuse êtes libres tel jour pour dîner ?"

Courrier. J'envoie une revue de presse à Y., des nouvelles radiophoniques et un enregistrement à l'AGP. Je trouve dans la facture téléphonique détaillée la trace d'une surprenante communication de 3 minutes et 19 secondes (pour la modique somme de 3 € 48) à destination de Sao Tomé et Principe effectuée le 9 mai dernier à 6 h 13 du matin.

VENDREDI.
Optique. Je reçois mes nouvelles lentilles. Je redécouvre le monde.

Jardin. J'arrache mes épices, cueille les fèves et les premiers haricots. Je ne sais trop quoi faire de mes topinambours : les tiges sont aussi grandes que moi.

Sortie. Au soir, je laisse Caroline à sa garde et emmène les filles assister à un concert en plein air place des Vosges. L'orchestre S.N.O.B. (Service de Nettoyage des Oreilles Bouchées), montre une belle énergie fantaisiste et un brin scatologique. Le chanteur-clown, Paul K., prend prétexte des intermèdes pour évoquer la situation des intermittents du spectacle. On n'est pas à Avignon, la tribune est bien plus étroite, le public est moins choisi, mais au moins il a la possibilité de faire passer son message. Je profite de la foule pour visiter incognito l'exposition de peintures d'une connaissance à la maison du Bailli.

SAMEDI.
Hyperactivité. Chaise longue et lecture des Thibault à Saint-Jean-du-Marché.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°118 - 20 juillet 2003

DIMANCHE.
Aménagement du territoire. Les étagères sont fixées au mur.

Sortie. Après le cirque l'autre semaine, le concert l'autre soir, je poursuis mon réapprentissage de la foule : concert de l'Harmonie municipale, retraite aux lampions et feux d'artifice en famille.

LUNDI.
TV. Faites entrer l'accusé : L'assassinat du petit Grégory (documentaire de Florent Chevolleau, Bernard Faroux et Christian Gérin, présenté par Christophe Hondelatte, 2003; diffusé sur France 2 le 10 juillet 2003).
Pourquoi regarder une émission dont on sait qu'elle ne nous apprendra rien, qu'elle va ressasser des choses et des témoignages mille fois entendus ? Parce que la fascination de l'affaire est toujours prégnante, parce qu'on va retrouver des gens et des lieux que l'on voit tous les jours, parce que ces journalistes qui font mine aujourd'hui de se repentir sont venus dans mes bistrots, parce que tous les dimanches, pour aller à Saint-Jean-du-Marché, on traverse la Vologne à Docelles, où fut découvert le corps du petit Grégory. Mais le ressassement se révèle passionnant. Le travail réalisé dans ce long documentaire est excellent : une reprise rigoureuse et précise des faits, une analyse sans concession des comportements, une bonne utilisation des témoins et de leurs déclarations dans une mise en scène parfois un peu trop théâtralisée. On comprend mieux comment cette affaire est devenue exceptionnelle à cause, et non pas en dépit de la médiocrité des protagonistes et de leur jeunesse (les Villemin, Laroche, Lambert, Sesmat n'ont pas 30 ans à l'époque) vite utilisées par les rapaces de toute plume et de toute robe, comment la cupidité, la concurrence (entre journalistes, entre policiers et gendarmes) ont entraîné le gâchis et le tourbillon médiatique que l'on a connus.

MARDI.
Vie familiale. J'accompagne Lucie au parc du Château où elle entame son stage "Jeux de piste".

Aménagement du territoire (suite). Je relis les "Notes brèves sur l'art et la manière de ranger ses livres" dans Penser/Classer de Georges Perec et commence à charger la nouvelle bibliothèque (Usuels/A.B.).

TV. La Maison des bois (feuilleton de Maurice Pialat, 1971, épisodes 3 & 4; diffusé sur TV5 le 12 juillet 2003).
La guerre se rapproche. Le fils du garde-chasse part pour le front. Un avion allemand est abattu et tombe près de la maison des bois. Il a dû tomber tout doucement car il ne m'a pas réveillé.

MERCREDI.
Aménagement du territoire (suite). Chargement de la nouvelle bibliothèque (C/D).

Cinéma. Ce jour-là (Raoul Ruiz, France-Suisse, 2003 avec Elsa Zylberstein, Bernard Giraudeau, Jean-Luc Bideau, Michel Piccoli, Rufus, Christian Vadim, Jean-François Balmer, Laurent Malet, Feodor Atkine, Edith Scob, Jacques Denis, Hélène Surgère, Jean-Michel Portal, Jean-Baptiste Puech).
Une jeune héritière, mentalement perturbée, doit être supprimée par un tueur échappé d'un asile qui exécute tout un chacun, excepté la cible désignée.
Une grande maison, une famille, des comportements bizarres, on retrouve des ingrédients de Comédie de l'innocence, un précédent film de Raoul Ruiz. Celui-ci semble s'être bien amusé à tourner ce jeu de massacre familial loufoque mais ce plaisir n'est guère communicatif. En fait, il aurait fallu quelque chose de plus abouti que le jeu un brin crispant d'Elsa Zylberstein et l'aspect répétitif des scènes d'élimination et de dialogue pour me tenir éveillé. Les horaires d'été du cinéma local - les séances auxquelles je peux assister commencent aux alentours de 22 heures - ne sont pas vraiment faites pour moi, plutôt usé par les filles et le convoyage des caisses de bouquins. J'ai passé mon temps à prier, au cours de mes rares moments de veille, pour ne pas ronfler pendant les 76 fois où j'ai piqué du nez. Il ne me reste que quelques bribes à noter, la surprise devant certains plans (les cuillers pleines de nourriture au premier plan dans les scènes de restaurant), le plaisir de retrouver Jacques Denis que je n'avais pas vu au cinéma depuis I comme Icare en 1979.

JEUDI.
Presse. Jean-Pierre Raffarin accorde une interview exclusive à La Liberté de l'Est. Ce n'est plus de la politique de proximité, ce n'est plus la France d'en-bas, c'est de la spéléologie.

"Il est un lieu où la canicule du moment n'enchante personne : le métro londonien, le plus ancien du monde et l'un des plus malcommodes. Les reporters du quotidien Evening Standard on enquêté lundi, thermomètre en main, dans les bas-fonds du 'tube', enregistrant des pics de chaleur inhumains. La palme revient à un train bondé qui circulait sur la Northern Line : 36° C. C'est un degré de plus que le seuil autorisé pour le transport d'animaux." Le Monde.

"Les militaires prennent le pouvoir à Sao Tomé et Principe" Le Figaro.
"Le gouvernement de Sao Tomé et Principe renversé par des militaires" La Croix
"Putsch militaire à Sao Tomé" Libération
Cela fait une semaine que je sais qu'il se passe des choses bizarres à Sao Tomé et Principe. N'empêche : quand on voit ce que peut occasionner un petit coup de téléphone...

Courrier. Je reçois, en provenance du Collège de 'Pataphysique, les Écrits définitivement incomplets de Julien Torma, rassemblés en un fort volume. J'envoie une revue de presse à Y. et à l'AGP, des cartes postales portant les réponses aux premières questions du concours estival du Monde, une demande d'abonnement de vacances au même quotidien.

Chamboule-tout. Je vide les étagères de la bibliothèque, le nouveau classement ne rencontrant pas l'assentiment général. Je mets les collections de poche de côté et entame un classement par éditeurs. A minuit, les rayons sont remplis, d'Actes Sud à Zulma.

VENDREDI.
Gastronomie. Jean-Pierre Raffarin est en visite dans les Vosges. La Liberté de l'Est donne le menu du repas offert au premier Ministre à la Chaume du Rouge Gazon : coiffé de munster, pâté lorrain, andouille du Val-d'Ajol briochée, tourte au jambon fumé et au bagkass, sautret et pommes de terre au lard, fromage de la ferme, gâteau de myrtille, sorbet au cacao à la menthe sauvage. Il paraît que l'hélicoptère a tout de même réussi à décoller.

Vie parisienne. Nous partons pour Paris par le 9 h 48. Je passe l'après-midi à la Bibliothèque des Littératures Policières, puis métrotte jusqu'à Montrouge pour récupérer mon portefeuille, un peu raplapla, à la Bibliothèque municipale. Je rejoins Caroline au Luxembourg, via l'avenue de l'Observatoire, où habite un des protagonistes des Thibault. Un thé au Cercle et métro jusqu'à Stalingrad pour rejoindre le cinéma MK2.

Cinéma. Nos enfants chéris (Benoît Cohen, France, 2002 avec Romane Bohringer, Mathieu Demy, Laurence Cote, Mathias Mlekuz, Fabio Zenoni, Julien Boisselier, Eleonore Pourriat).
Martin s'apprête à passer des vacances en famille avec sa femme et son bébé. Il croise par hasard son amour de jeunesse qui s'invite dans sa maison de l'Aubrac.
Après 15 août, Embrassez qui vous voudrez, Le Coeur des hommes et d'autres que j'ai déjà oubliés, Nos enfants chéris confirme la popularité de la filière "comédie de groupe à visée sociologique" du cinéma français. Si on laisse de côté justement l'ambition sociologique (la vie du couple et de son nombril, pimentée ici par la présence des enfants), il reste des situations qui ne sont autres que celles du théâtre de boulevard. Et le boulevard, ça marche, même si ce n'est pas neuf. Les comédiens connaissent les stéréotypes et prennent plaisir à les jouer. Ici, Mathieu Demy joue comme d'habitude un rêveur à côté de ses pompes et Mathias Mlekuz est une découverte intéressante. Ce genre de films se reconnaît à ses scènes emblématiques (la scène de la machine à laver, le shopping, la soirée trop arrosée où les langues se délient) et à ses lieux emblématiques (la plage, la boîte de nuit, la maison de vacances). Ce n'est pas désagréable, c'est juste paresseux et ennuyeux au bout d'une heure. Un bon point tout de même pour ce film : son dénouement non conformiste dont l'immoralité serait impossible dans une comédie américaine.

SAMEDI.
Vie parisienne (suite). Journée de travail à la Bilipo, entrecoupée par la croûte au Bouillon Racine. En chemin, un pigeon assure la touche Hulot qui manquait à mon séjour en lâchant une fiente chaude et visqueuse sur mon oreille gauche. Le soir venu, on s'assure une bonne suée en mangeant des trucs épicés dans un chinois de la rue du Faubourg Saint-Denis.

Bonne semaine.

 

Notules dominicales de culture domestique n°119 - 27 juillet 2003

DIMANCHE.
Vie parisienne. Pas de queue au Louvre, direction l'aile Richelieu, deuxième étage, pour voir ou revoir Vermeer et de La Tour. J'entame ensuite une exploration scrupuleuse des salles 1 et 2 de l'étage (peintures françaises du XIV° siècle, Portrait de Jean le Bon, Parement de Narbonne) en me promettant de continuer comme ça, dans l'ordre, lors de ma prochaine visite et des suivantes. Plaisir du systématisme, goût de l'épuisement. J'achète un fascicule sur La peinture des écoles du Nord au Louvre en prévision. Sur les quais, nous surplombons la voie Pompidou où ça commence à s'agglutiner sérieusement pour l'opération Paris plage. Nous nous enterrassons rue Saint-Honoré pour une croûte légère et une séance d'observation des passants. Cette fois, c'est un moineau qui conchie mon oreille droite, prouvant que mes deux pavillons sont également fiento-attractifs. Départ par le 13 h 46.
At home, le soir venu, il fait 28° dedans, 31° dehors, les plantes sont à moitié crevées. Au courrier, une lettre de B., avec des nouvelles plutôt rassurantes. O. nous ramène les filles, je boucle les notules pas trop tard.

LUNDI.
Lecture. Bulletin Marcel Proust n° 51 : Sodome et Gomorrhe (Société des Amis de Marcel Proust et des Amis de Combray, 2001, 220 p., s.p.m.).
J'ai survolé plus que lu le dossier central de ce numéro, consacré à une partie de l'oeuvre de Proust que je ne connais pas. J'ai été d'avantage intéressé par un article de Lawrence Joseph qui présente des lettres inédites de Proust au docteur Pozzi (il cherche à se faire réformer) et par une étude précise des rapports entre l'écrivain et le peintre Burne-Jones.
Mais c'est dans la partie "comptes rendus" que j'ai vraiment atteint la félicité. En lisant ceci, par exemple, dans un article de Nathalie Mauriac Dyer à propos de l'ouvrage d'Anne Simon Proust et le réel retrouvé : "Anne Simon propose une vigoureuse critique de la lecture selon elle trop essentialiste de la Recherche proposée par Gilles Deleuze dans Proust et les signes et plaide pour un Proust de l'immanence. Elle voit (...) dans la rencontre d'Elstir ce moment charnière de l'itinéraire herméneutique du héros où sont enfin déposées les apories de l'objectalité comme du subjectivisme par la découverte de la validité ontologique de l'erreur des sens : la virtualité fait partie de l'objet." Lumineux.
Autre petit bonheur, la liste des "Travaux des membres et correspondants du centre de recherches proustiennes de Paris III-Sorbonne Nouvelle" : * Françoise LERICHE : "Les Proust aux 'lieux' : du Traité d'hygiène à Sodome et Gomorrhe" in Bulletin d'informations proustiennes n° 31, décembre 2000.
* Aude Le ROUX : "La Guêpe fouisseuse ou l'imaginaire entomologique de Proust", id.
* Anne SIMON : "Proust et l'acte psychologique original appelé Lecture" in Études de linguistique appliquée, Didier-Erudition, juillet-septembre 2000.
* Thanh-Vân TON-THAT : "Proust et le téléphone : Absence, distance et voix du désir" dans les actes du colloque "La Voix au téléphone", Lyon, 23-25 mai 2000.
Il reste bien des domaines à explorer : Proust et le yo-yo, la pêche à la ligne dans la Recherche, les règles douloureuses de Tante Léonie...

Vie professionnelle. C.D. m'apprend la mutation in extremis de Ch. pour un établissement spécialisé de Nancy. Ch. était, au collège, la personne qui m'était le plus proche, qui me connaissait le mieux. J'ai tout à coup moins hâte de retourner au boulot.

Cinéma.
Confessions d'un homme dangereux (Confessions of a Dangerous Mind, George Clooney, USA, 2002 avec Sam Rockwell, Drew Barrymore, George Clooney, Julia Roberts, Rutger Hauer, Jennifer Hall, Brad Pitt, Matt Damon, Maggie Gyllenhaal, Kristen Wilson, Chuck Barris, Bill Corday, Pascale Devigne).
Alors qu'il a du mal à faire accepter ses projets de jeux télévisés, Chuck Barris devient tueur pour la CIA. Au même moment, l'une de ses réalisations est enfin diffusée sur une grande chaîne américaine.
Le tandem Clooney-Soderbergh (ici à la production), entouré de l'équipe habituelle (Roberts, Pitt, Damon), s'attaque à l'adaptation des mémoires de Chuck Barris, un homme au destin peu commun, à la fois inventeur de jeux télévisés populaires (dont Tournez manège) et tueur pour la CIA (à ce qu'il prétend). C'est un film riche, brillant (clinquant ?), ambitieux. Clooney a repris au Soderbergh de Traffic l'idée d'une couleur d'image différente selon le lieu de l'action (les studios TV criards, Helsinki et Berlin blafards, le Mexique surexposé). Il y a des références littéraires (Shakespeare, Nabokov) et cinématographiques (Le troisième homme), un récit éclaté, une réflexion sur la télévision populaire qui évoque Man on the Moon de Milos Forman. Mais c'est surtout à Spielberg que l'on pense, celui d'Attrape-moi si tu peux, dans la présentation d'un homme qui cherche sa véritable identité. Et si Clooney n'est pas Spielberg, il montre quand même des qualités qui sont autant de promesses intéressantes s'il décide de poursuivre une carrière de réalisateur.

MARDI.
Courriel. Une demande de désabonnement aux notules.


MERCREDI.
Courrier. Une carte postale des VJ, en croisade chez les Albigeois.


TV. La Maison des bois (feuilleton de Maurice Pialat, 1971, épisodes 5 & 6; diffusé sur TV5 le 19 juillet 2003).
Le fils est tué à la guerre, le jeune Hervé quitte la maison des bois, retourne vivre à Paris avec son père. Toujours la lenteur. Il faut aimer le contemplatif.

JEUDI.
Courrier. J'envoie une revue de presse à Y. et à l'AGP.

Cinéma. The Magdalene Sisters (Peter Mullan, G.-B., 2002 avec Geraldine McEwan, Anne-Marie Duff, Dorothy Duffy, Nora-Jane Noone, Eileen Walsh).
En 1964, dans le comté de Dublin, trois jeunes filles (deux filles-mères et une orpheline trop hardie avec les garçons) sont incarcérées dans une blanchisserie contrôlée par l'église catholique où sont envoyées, pour y travailler gratuitement et jusqu'à l'épuisement, les femmes indésirables de la société.
On apprendra à la fin du film ce que sont devenues ces trois jeunes femmes après qu'elles eurent réussi à sortir de cette institution, que les blanchisseries des soeurs de Marie-Madeleine ont fonctionné en Irlande jusqu'en 1996 et que 30 000 femmes y ont été enfermées. Cette ouverture du générique final est emblématique de ce genre de film, film édifiant, film de dénonciation. The Magdalene Sisters en suit parfaitement les règles, à savoir qu'il ne laisse aucune place pour le doute ou la nuance. Quand, dans Les Thibault, le père fait incarcérer son jeune fils fugueur dans un pénitencier dépendant des bonnes oeuvres catholiques dont il est le responsable, il donne des explications, des arguments, contestables bien sûr, mais il est question de pénitence, de rédemption, de droit chemin. Ici, rien de ce genre. L'établissement ne fonctionne que sur la cupidité et l'autorité qui confine au sadisme. La scène de la douche évoque plus le camp de concentration que l'institution catholique. Le curé est forcément lubrique (comme chez Mocky !), la mère supérieure est forcément une tortionnaire (peut-être le plus beau spécimen depuis Midnight Express). Les valeurs chrétiennes n'apparaissent que chez les pensionnaires, c'est elles qu'on voit prier, pas les religieuses. Comme Peter Mullan (le Joe de My Name Is Joe de Ken Loach) met la chose en scène avec conviction, comme les comédiennes sont parfaites, comme la cause est juste, c'est au final un film captivant et diablement efficace, qui a obtenu le Lion d'Or au Festival de Venise 2002.

VENDREDI.
Mathématiques. T. M'envoie un article sur le "dilemme du prisonnier" qui aurait pu trouver sa place dans le numéro de la revue Tangente consacré à "La guerre déchiffrée".

Vie sociale. Visite des N. pour la croûte du soir. En notulien attentif et attentionné, A. a offert de venir avec sa perceuse.

SAMEDI.
Rosbif. Je déjeune avec Caroline dans un restaurant local tenu par un Anglais. Enseignement du jour : ne jamais demander une entrecôte saignante à un Anglais.

Courrier. J'adresse les réponses de la semaine au concours du Monde.

Figaro. Après s'être fait la main sur ses poupées et sur elle-même, ce qui lui avait pourtant valu de belles avoinées, Lucie entreprend de couper les cheveux de sa soeur. Il est plus que temps de partir en vacances vers des contrées où personne ne nous connaît.

TV. Au Louvre avec les maîtres (documentaire de R. Copans, 1987, diffusé le même soir sur TV5).
C'est un documentaire qui vient d'ARTE, ARTE tendance dure en l'occurrence : caméra bougeant avec la vigueur d'un gastéropode, commentaire chuchoté d'une voix blanche. On y présente le Louvre de la fin du XIX° siècle, qui n'était pas encore le musée du grand public mais celui des peintres (Degas, Courbet, Delacroix...) qui venaient y faire copie des tableaux des maîtres pour se faire la main. On trouvera des traces de ce travail dans leurs oeuvres, notamment un Autoportrait de Courbet qui ressemble à L'Homme au gant du Titien.

Bon dimanche.