Notules dominicales 2004
 
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Notules dominicales de culture domestique n°161 - 2 juin 2004

DIMANCHE.
Mémoire louvrière. Passage éclair au Louvre, le temps d'observer six tableaux tout de même, dont la ronde grotesque des Mendiants de Bruegel. Sur la route de l'Arlequin, je suis surpris comme tous les dimanches de voir un attroupement devant l'église ukrainienne du boulevard Saint-Germain : je me demande ce que tous ces slaves s'échangent dans les gros sacs qu'ils sortent de leurs camionnettes. Le Secours orthodoxe ?

Cinéma (L'Arlequin, rue de Rennes). A nous la liberté (René Clair, France, 1931 avec Raymond Cordy, André Michaud, Rolla France, Germaine Aussey, Marguerite de Morlaye; vu dans le cadre du ciné-club animé par Claude-Jean Philippe).
Un vagabond retrouve un ancien camarade de prison qui est devenu un riche industriel.
René Clair a eu du mal à tourner le dos au cinéma muet. C'est visible dans ce film qui contient très peu de dialogues et qui est fortement ancré dans la tradition du muet : partition musicale (due à Georges Auric) omniprésente et composée comme une symphonie, succession de tableaux plutôt que de séquences, expressivité (souvent maladroite) du jeu des acteurs, scènes burlesques à base de courses poursuites. Cela contribue à vieillir le film qu'on peut trouver un brin longuet. Cependant, il offre un intérêt certain dans sa présentation du monde du travail. Les scènes qui montrent le travail à l'usine sont les répliques de celles qui se déroulent en prison à l'ouverture du film. La devise "Le travail c'est la liberté", outre son ironie, annonce le futur "Arbeit macht frei". On peut voir dans cette dénonciation du travail à la chaîne les prémices des Temps modernes de Chaplin et le personnage du vagabond, dans ses difficultés à trouver sa place dans la société, dans ses relations avec la femme qu'il aime, dans les catastrophes qu'il déclenche, évoque franchement le personnage de Charlot. La séquence de l'inauguration de l'usine, avec discours inaudible, envol de billets de banque et débandade générale, a elle un côté iconoclaste qui doit beaucoup à Jean Vigo.

LUNDI.
Courrier. Afflux de cartes postales, J. à Cannes, les M&M en Bretagne et mes parents dans le Médoc.

Calamité naturelle. Une gelée inattendue a eu raison de mes plantations de la semaine dernière.

MARDI.
Courriel. Échange avec mon frère T. à propos de Claude Sautet. Il me raconte ses performances saxophoniques à Coutances.
Une demande d'abonnement aux notules.

Toile. Comme tout le monde, j'aime bien de temps en temps taper mon nom sur Google et voir ce qui en sort. Aujourd'hui, j'ai la surprise de voir la critique du Vélo de Ghislain Lambert parue dans les notules n° 88 côtoyer, sur un site consacré à Benoît Poelvoorde, celles de Studio, du Monde et autres voisins flatteurs. http://www.juskalos.net/velo.php

TV. Minority Report (Steven Spielberg, E.-U., 2002 avec Tom Cruise, Max von Sydow, Colin Farrell, Samantha Morton; diffusé sur Canal + en mai 2004).
Washington, 2054. La police est désormais en mesure d'arrêter les criminels avant qu'ils commettent leur forfait. Le chef de ce programme "précognitif" découvre un jour que le prochain meurtrier en puissance n'est autre que lui-même.
Le déroulement du récit, tiré d'une nouvelle de Philip K. Dick, est imparable. Premier temps, présentation de cette nouvelle unité policière, de l'efficacité des méthodes de prévention du crime illustrées par un exemple. Deuxième temps : catastrophe, le chef va commettre un meurtre, il faut l'arrêter immédiatement, il s'enfuit, poursuite, bagarre, action, on retrouve exactement les scènes de la série Indiana Jones, la même façon de filmer, dans un environnement bien sûr totalement différent. Troisième temps, questions : le chef va-t-il commettre le crime qu'on lui prédit, et pour quelle raison serait-il amené à devenir un criminel ? On peut trouver ce schéma aménagé dans le film noir, avec le suspense comme ingrédient principal (Soupçons, d'Hitchcock, ressemble un peu à cela). Mais on est ici dans le domaine futuriste, dans un monde imaginaire qui se caractérise par l'omniprésence de l'image et par le principe de précaution érigé en loi suprême. Spielberg multiplie les trouvailles visuelles, les gadgets, de quoi épater j'imagine les amateurs du genre. J'imagine seulement parce que je ne suis malheureusement pas très versé dans la science-fiction et ses avatars et qu'il me faut avouer que ces deux heures quarante baignées dans une lumière bleu électrique ne m'ont pas toujours paru palpitantes. Tant pis pour moi.

MERCREDI.
Matinée studieuse.

Famille studieuse

Marché. Je refais le plein de plants pour le jardin, en espérant éviter cette fois les gelées inopportunes.

Cinéma. Monster (Patty Jenkins, E.-U., 2003 avec Charlize Theron, Christina Ricci, Bruce Dern, Scott Wilson, Pruitt Taylor Vince, Lee Tergesen, Annie Corley).
L'histoire vraie d'Aileen, prostituée au bord du suicide qui tombe amoureuse d'une jeune fille en conflit avec sa famille et qui, pour financer leur cavale, commence à supprimer ses clients.
L'assistance est essentiellement féminine ce soir au cinéma. Les hommes regardent le football. Si je n'ai pas fait de même, c'est parce que je ne suis pas vraiment un parnassien du foot : l'art pour l'art, le jeu pour le jeu ne m'intéressent guère, j'ai besoin, pour suivre un match, de me sentir impliqué, de prendre parti. C'est pourquoi je peux subir sans râler les parcours parfois insipides du S.A. Spinalien et du F.C. Metz et que je regarde les matches de l'équipe de France quand ils font partie d'une compétition. En 1976, j'étais stéphanois de la tête aux pieds. En 1993, j'étais un pur Marseillais (mémorable soirée chez P.R.). Mais là, pas moyen. Cela fait plusieurs jours que j'essaie mais en vain : je n'arrive pas, même pour une seconde, à m'imaginer dans la peau d'un citoyen monégasque.
Monster est le film de Charlize Theron. C'est elle qui l'a voulu, c'est elle qui l'a produit, c'est elle qui en occupe chaque plan. On sait qu'elle a fait des efforts insensés pour s'enlaidir et composer une Aileen plus vraie que nature (Michel Simon faisait la même chose pour chacun de ses rôles sans que ça suscite le même intérêt). Le tout est de savoir si on accepte de voir un film qui n'existe que par et pour elle. Bonne surprise, Charlize Theron va au-delà du simple rôle à Oscar. Son engagement total paraît sincère. Son identification avec Aileen n'est pas sans danger pour elle car le film n'est pas une entreprise de réhabilitation. Aileen est une pauvre fille avec des tas d'excuses pour expliquer sa déchéance mais aussi une criminelle qui n'hésite pas à tuer sans nécessité. La réalisatrice joue habilement sur l'opposition physique entre Christina Ricci et Charlize Theron (quelque carcasse !) et parvient à rendre crédible une histoire d'amour, de mort et de trahison plutôt improbable. Bien joué.

JEUDI.
Rigueur (voire vigueur) professionnelle. Caroline en formation sur les troubles de l'érection. Je pose des tuteurs à mes pieds de tomates.

VENDREDI.
Lecture scolaire. L'inconnu du donjon (Évelyne Brisou-Pellen, Éditions Gallimard Jeunesse 1997, coll. Folio Junior n° 809; 198 p.).
Roman d'aventures médiévales qui serait sans intérêt si l'auteur, pédagogue dans l'âme, ne distillait de temps à autres quelques détails historiques ou étymologiques intéressants qui prouvent qu'elle s'est documentée sérieusement pour cette série des aventures du jeune Garin, série qui compte au moins une demi-douzaine de volumes.

Far West. Nous cueillons les filles à la sortie de l'école. Nous devons passer la fin de semaine en Bretagne pour un rassemblement familial. La route est longue mais paisible, Alice a oublié d'être malade. Seul léger désagrément, le soleil de face qui nous cuit le poitrail puis les yeux. Il ne faut jamais faire route vers l'ouest en fin d'après-midi, tous les envahisseurs, des premiers Huns aux survivants de la Wehrmacht vous le diront, et John Wayne était un lève-tôt. Langres, Troyes, Sens, Montargis, Orléans, nous arrivons au Mans après minuit, où nous avons prévu de faire étape dans un hôtel cubique et périphérique.

SAMEDI.
Far West (suite). Beau temps. Nous quittons Le Mans l'ariette aux lèvres, longeons le circuit des 24 Heures avant de trouver l'autoroute pour Rennes. C'est à Vitré que la pluie commence à cogner aux vitres, venant ainsi confirmer notre tropisme pour les seuls lieux de l'hexagone épargnés par le soleil. Rennes, Erbrée, Etrelles, Brécé, Gévézé, Bédé, Melesse, Tressé, Herblé, Bécherelle, Pléven, Créhen, j'en passe, c'est la première fois que je remarque cette tendance bretonne au monovocalisme. Nous faisons un détour par Tinténiac, son feu rouge, son Super U et son collège public qui porte le nom de Théophile Briand, ce qui ne manque pas de sel marin. Saint-Malo pavoise pour le Festival Étonnants Voyageurs, nous arpentons les ruelles pentues entre deux averses. Nous retrouvons ma belle-famille à deux pas du Cap Fréhel où nous créchons pour les deux jours à venir dans une Auberge de jeunesse (à mon âge...). J'expérimente le deuxième de mes cauchemars récurrents, après celui du voyage en train en compagnie d'une vague connaissance : coucher dans un lieu collectif (refuge de montagne, maison familiale, auberge de jeunesse) avec des inconnus qui portent de grosses chaussures et des pulls qui piquent, parlent de "rando" d'une voix très forte, font sécher leurs grosses chaussettes n'importe où et me lancent de joyeux bonjours en croyant que j'appartiens à leur confrérie. Je me couche le premier. A huit par chambrée, mieux vaut prendre des réserves de sommeil avant que les premiers ronflements ne s'élèvent.

Bonne semaine.

 

Notules dominicales de culture domestique n°162 - 6 juin 2004

DIMANCHE.
Vie bretonne. Nous visitons, et sous le soleil s'il vous plaît, le Fort La Latte, dans un site splendide, qui servit de décor au tournage des Vikings de Richard Fleischer (je me souviens que DD, qui s'est noyé dans des eaux moins nobles que celles de l'Atlantique, racontait qu'il y avait été figurant) et de Chouans de Philippe de Broca. La bâtisse appartient à la famille Matignon, qui eut un hôtel assez renommé à Paris. La pluie revient quand la troupe part à l'assaut du Cap Fréhel. Je reste à la sieste, rêve de Rimbaud cuisant dans le cratère d'Aden et sur les pistes du Harar. Je commence à m'effrayer du lendemain, à l'idée d'approcher de Paris un jour de retour de long week-end.

LUNDI.
Retour. Dix heures de route, et encore, nous sommes épargnés par les bouchons, avec une variante par rapport à l'itinéraire de l'aller, à partir du Mans : Illiers-Combray (j'avais, sans savoir que l'autoroute passait si près, acheté des madeleines), Chartres, Étampes (sans y voir le collège Geoffroy-Saint-Hilaire où "Lemarquis professait les lettres classiques et le plus grand mépris pour le professorat", Georges Perec, 53 jours), Milly-la-Forêt, Fontainebleau avant de retrouver Sens et la route habituelle. J'ai hâte de retrouver la maison, envie de brûler les habits que je porte dans le fond du jardin et de rester deux heures sous la douche. A l'arrivée, nous mangeons des sardines à l'huile afin de ne pas être dépaysés trop brutalement.

Courriel. Une demande d'abonnement de GR, habitué de la [listeoulipo].

MARDI.
Réactions aux notules. GN évoque une autre chambrée que nous avons partagée à une époque où nous avions les cheveux plus courts et plus drus.
JMP parle des Cahiers Simenon auxquels il a contribué.

Courriel. Bernard Magné a remis le Bulletin de l'Association Georges Perec chez l'imprimeur, il sera prêt le 9 juin.

TV. Mina Tannenbaum (Martine Dugowson, France, 1993 avec Romane Bohringer, Elsa Zylberstein, Florence Thomassin; diffusé sur Canal + en septembre 1999).
L'itinéraire de deux amies, Ethel et Mina, nées le même jour de l'année 1958, deux gamines juives étouffées par leurs familles.
C'est le début du film, quand les années défilent à grande vitesse, qui est la partie la plus intéressante. Mina et Ethel en 1968, en 1974, leurs tenues, leurs complexes d'adolescentes, leurs drolatiques expériences de drague dans un Paris sans cesse en mouvement rappellent le meilleur Diane Kurys et annoncent La Vie ne me fait pas peur de Noémie Lvovsky. La folie et la fantaisie s'éteignent logiquement avec l'âge adulte et la peinture convenue des milieux professionnels de chacune des deux amies (la presse et l'art) et on termine par une note tragique où l'émotion ne fonctionne pas.

MERCREDI.
Emplettes. J'achète la nouvelle édition d'Impressions d'Afrique de Raymond Roussel et le dernier recueil de Michel Laclos.

Bang bang. Coincé par le mauvais temps entre une fille mordue de saut à la corde et une autre qui s'est découverte adepte des sabots suédois, je finis l'après-midi nanti d'une légère céphalée.

Cinéma. Le Fils d'Elias (El abrazo partido, Daniel Burman, Argentine, 2003 avec Daniel Hendler, Adriana Aizemberg,Jorge D'Elisa, Sergio Boris, Silvina Bosco).
Ariel, trente ans, vit à Buenos Aires avec sa mère. Il tente d'obtenir un passeport pour la Pologne d'où sa famille est originaire.
Elias, c'est le père, l'étranger, l'autre, Alias, celui qui a quitté sa famille quand Ariel était encore enfant pour aller s'installer en Israël et qui hante la mémoire de son fils. Celui-ci cherche à savoir qui il était, cherche à recoller des pièces de souvenirs qu'il recueille auprès de sa mère ou de ses voisins, dans la galerie commerciale où il tient la boutique de lingerie, seul héritage qui porte encore le nom du père. Le film raconte la quête d'identité de ce jeune homme inquiet, incomplet, instable comme la caméra qui le filme. Daniel Burman a un style, c'est indéniable, qui transparaît dans son mode de narration, un collage serré de séquences coupées abruptement par des cartons annonçant le titre du chapitre parfois au beau milieu d'une scène qui continue juste après comme si de rien n'était. La crise personnelle se mêle à la crise collective, celle de l'économie d'un pays vue à travers l'existence des petits commerçants de la galerie et le désir d'exil de la jeunesse. Le Fils d'Elias n'est pas toujours très confortable à suivre mais prouve la vitalité du cinéma argentin qui fait mieux que survivre dans un contexte national très difficile.

JEUDI.
Lecture. Rimbaud en Abyssinie (Alain Borer, Éditions du Seuil, 1984; rééd. coll. Points Seuil P 1182; 346 p.; 8,50 €).
"Rien de banal ne sortira de cette tête-là", disait le proviseur de Rimbaud au lycée de Charleville. De même pourrait-on dire que rien de totalement inintéressant ne peut sortir d'un livre consacré à Rimbaud. A fortiori quand il est signé Alain Borer, qui a énormément travaillé sur les dernières années du poète, à la télévision (ce livre est, à l'origine, un journal de tournage du film Le Voleur de feu), à la radio (j'ai ressorti de mes archives sonores et réécouté, admirable complément à la lecture, "Rimbaud, l'heure de fuite", 2000, et "Aden, la ville ou Rimbaud passa", 1990, deux émissions auxquelles il a participé), et bien sûr dans ses livres. Ce sont les dernières années du poète qui l'intéressent, à partir de 1880 ici, au moment où il arrive à Harar, dans l'est éthiopien, alors Abyssinie. Comme beaucoup avant lui, Borer cherche à percer le mystère du Rimbaud négociant, du Rimbaud non poète. Il prend le contre-pied des thèses les plus communes pour affirmer que selon lui, il n'y a pas eu deux Rimbaud, que le forgeur de vers et l'arpenteur de déserts ne font qu'un, que Rimbaud a, de Charleville à Harar, poursuivi la même quête d'absolu : "Rimbaud n'est pas un écrivain, mais quelqu'un qui est passé par l'écriture, comme par tant d'autres expériences, recherchant dans toutes les directions l'unique chose, soit, en pesant ses mots : 'pressé de trouver le lieu et la formule' de l'unique chose, l'informulable où il accéderait à 'la liberté dans le salut'." L'autre souci de Borer est de laver Rimbaud de l'accusation de trafic d'esclaves qui pèse sur lui depuis le livre d'Enid Starkie (1938) intitulé lui aussi Rimbaud en Abyssinie.
Pour étayer ses dires, l'auteur s'appuie sur la correspondance du poète, l'immense bibliographie qui lui est consacrée (Bonnefoy, Breton, Étiemble qu'il n'épargne pas, Starkie, Petitfils et des centaines d'autres) et sur les témoignages de ses contemporains au Harar, marchands, explorateurs, géographes, Ilg, Bardey son employeur et ces frères Bienenfeld qui sont peut-être apparentés à Perec. La multiplication de citations, de guillemets qui en résulte rend parfois son texte indigeste, ce qui est un peu regrettable. Mais cela n'est rien face à l'admiration sans borne, la fascination, le désir de comprendre et d'expliquer qui gouverne le livre. Désir de comprendre un homme mais aussi un pays dans lequel les traces laissées par le poète sont à peine décelables. Fascination que je partage, avec des millions d'autres personnes, depuis mon premier choc poétique, ces deux trous rouges sur fond vert du Dormeur du val découverts en classe de CM2 et qui n'ont jamais tout à fait cessé de me hanter, de réapparaître de façon parfois inattendue comme sur ces fleurs de nymphéas des tableaux de Monet. Admiration qu'un cul de plomb de mon acabit ne peut que ressentir face à l'homme aux semelles de vent.
Curiosité. "Des équipes de singes, des gorezzas particuliers à l'Éthiopie, au pelage rayé noir et blanc comme le maillot des All Blacks..." qui ne s'appelleraient certainement pas ainsi si c'était le cas.
Vocabulaire. obsécration, n.f. : Prière par laquelle on implore Dieu, on conjure quelqu'un au nom de Dieu.
Hommage. "Et la nuit glisse sur les globes électriques
Des sirènes, au loin, souffrent dans le brouillard.
Un camelot crie le journal.
Retour d'Afrique, Rimbaud est mort ce soir." Louis Brauquier, poète marseillais.

VENDREDI.
Courrier. J'envoie une revue de presse à Y. et mon vote par procuration pour le Prix René-Fallet. Nous recevons un faire-part de mariage hétérosexuel.

TV. Il est plus facile pour un chameau... (Valeria Bruni Tedeschi, France, 2003 avec Valeria Bruni Tedeschi, Chiara Mastroianni, Jean-Hugues Anglade, Denys Podalydès, Marysa Borini, Lambert Wilson; diffusé sur Canal + en mai 2004).
Federica, la fille d'un richissime industriel italien, vit à Paris. Mais sa fortune ne lui apporte aucune satisfaction.
Pour son premier film derrière la caméra, Valeria Bruni Tedeschi s'empare d'un thème intéressant, le sentiment de culpabilité qu'engendre la possession, la richesse. Federica vit dans le XVI°, roule en Jaguar, s'ennuie consciencieusement au théâtre et à son cours de danse. Pour échapper à cette culpabilité, elle explore plusieurs pistes : l'écriture, l'amour avec un prolétaire, le désir d'enfant, la religion, le refuge dans les souvenirs (son enfance évoquée en flash-backs), la tentation humanitaire, le rapprochement familial autour du père mourant, il ne manque que la drogue et la psychanalyse. Tout échoue, le malaise reste entier et bien visible sur le visage de Valeria actrice, dont on sait que l'hilarité n'est pas un trait caractéristique. C'est un film qui vient de loin, de l'intérieur, sincère, certainement en partie autobiographique mais qui est loin d'être captivant. Si la réalisatrice voulait nous convaincre de la fadeur de la vie des nantis, elle y est tout à fait parvenue.

SAMEDI.
Vie sociale. Nous croûtons à Ludres, chez les G. Le carpaccio de saumon sur compotée d'oignons est une merveille. Surprise et plaisir de passer une soirée détendu, à l'aise en compagnie.

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°163 - 13 juin 2004

DIMANCHE.
TV. La bonne tisane (Hervé Bromberger, France, 1957 avec Raymond Pellegrin, Madeleine Robinson, Bernard Blier, Estella Blain, Jacques Fabbri, Roland Lesaffre, Henri Vilbert; diffusé sur CinéCinéma Classics en ?).
A la suite d'un règlement de comptes, un truand se réfugie à l'hôpital. Ses rivaux et associés, qui le croient mort, commencent à se partager son empire.
C'est une bonne adaptation d'un roman de Jean (alors John, pour faire américain) Amila, Série Noire n° 285, lu en 1988. Hervé Bromberger reste fidèle à l'intrigue, à quelques détails près, et surtout à l'esprit d'Amila pour qui l'essentiel de l'histoire ne résidait pas dans les démêlés des truands mais dans l'ambiance de l'hôpital, où une jeune infirmière (Estella Blain) effectue sa première nuit de garde. Hyper-sensible, effrayée par les tâches qu'elle a à accomplir pour la première fois et par un médecin autoritaire, elle va se retrouver avec un truand sur les bras et gagner, au bout d'une nuit d'épreuves, son permis d'entrer dans la vie d'adulte.
Curiosité. Premier rôle au cinéma pour Stéphane Audran.

LUNDI.
TV. Ma vraie vie à Rouen (Olivier Ducastel et Jacques Martineau, France, 2002 avec Jimmy Tavares, Ariane Ascaride, Jonathan Zaccaï, Hélène Surgère; diffusé sur Canal + en mai 2004).
Etienne vit avec sa mère à Rouen. Sa grand-mère lui offre une caméra pour son seizième anniversaire.
Comme le héros de Ma caméra et moi sorti la même année (Christophe Loizillon) et celui de Real Movie sorti cette semaine (Stéphane Robelin), Etienne va se mettre à tout filmer : sa vie familiale, ses copains, ses entraînements de patineur, ses trajets en voiture, ses vacances... La différence, c'est que Ducastel et Martineau vont plus loin que Loizillon. Les images d'Etienne ne forment pas une partie de leur film, intégrées à un récit cadre plus général, elles en constituent la totalité. Ce qui fait qu'on ne voit jamais Etienne en train de filmer par exemple. S'il apparaît à l'image, c'est parce qu'il a prêté sa caméra ou qu'il l'a posée, en marche, quelque part. D'où, sans doute, la qualificatif de "vraie" vie du titre, cette vie qui n'accède à la réalité que par le truchement de l'outil caméra. Cette activité obsessionnelle suscite bien sûr des tensions autour de lui, ses proches acceptant mal d'être sans cesse filmés, jusqu'à ce qu'un drame (comme au "vrai" cinéma) vienne susciter une nouvelle donne. C'est donc une expérience intéressante, assez radicale, mais qui dure tout de même une heure quarante...

MARDI.
Courriel. FP m'envoie le récit des délibérations du prix du Livre Inter, dont il était juré, ainsi que ses notes de lecture des livres sélectionnés. Le vainqueur est L'homme-sœur, de Patrick Lapeyre.

Lecture. L'Appentis revisité (Marcel Bénabou, 2003 Berg International Éditeurs, coll. "Monde A Part"; 98 p., 9 €; dédicacé par l'auteur "pour Philippe Didion, très amicalement").
Huit nouvelles et un inventaire.
Dans le premier texte, qui donne son titre au recueil, Marcel Bénabou propose de découvrir le chapitre manquant de La vie mode d'emploi. On sait en effet que le roman de Perec ne compte que 99 chapitres sur les 100 programmés et attendus, la faute à un personnage qui mord dans un petit beurre et écorne ainsi le plan de l'immeuble où se déroule l'histoire. La pièce manquante est un appentis, le débarras de l'atelier du peintre Hutting que celui-ci est le seul à connaître. En quelques pages, Bénabou convoque la majeure partie des textes de Perec au moyen de noms de personnages, de lieux, de thèmes (le faux, l'illusion du réel, bien sûr), de contraintes (plus d'un an de travail, me disait-il, et plus d'un an de lecture si on veut découvrir toutes les clés) qui réjouiront les amateurs. Les amateurs éclairés, s'entend, car il s'agit tout de même d'un texte pour happy few.
La suite des nouvelles permet de retrouver le Bénabou connu, celui qui ne sait et ne veut écrire que sur l'écriture. Il s'en amuse d'ailleurs et confesse son incapacité à écrire une histoire traditionnelle : "Écrire sur la boisson n'étanche point la soif, écrire sur la nourriture ne remplace pas un repas; écrire sur les livres - c'est toute la différence - peut tenir lieu de livre."
Citation. "Car, toute mon expérience le prouve, je ne puis parler d'autre chose que de l'écrivain et de sa vaine poursuite de l'écriture, et je ne conçois d'autre méthode, pour parvenir un jour peut-être à une œuvre, que de faire mine, inlassablement, de ramasser les bribes d'une œuvre inaboutie."

TV. La Mère Christain (Myriam Boyer, France, 1998 avec Myriam Boyer, Bruno Boëglin, Maryline Even, Clovis Cornillac; diffusé sur Canal + en décembre 1999).
Dans les années 50, la patronne d'un bistrot de Lyon veut retrouver l'assassin de sa petite fille, qui a été découverte morte au fond d'une cave à charbon.
A vingt ans de distance, on a bien du mal à reconnaître en Myriam Boyer, qui a subi un épaississement à la Signoret, l'épouse de Patrick Dewaere dans Série noire. Elle ne se cache pas, se filme en gros plan ou en train d'enfiler ses bas, prête ses traits fatigués à cette mère Christain qui traîne une douleur immense. Sa quête de la vérité sur la mort de sa fille n'est pas traitée sur le mode policier mais sur celui d'une chronique lente et triste au son de l'accordéon de Roland Romanelli. Le café qu'elle tient est le point de rencontres de personnages tout aussi paumés qu'elle, acteurs, auteurs et victimes d'histoires aussi désespérées que la sienne. Probablement teintée d'autobiographie, cette histoire finit par distiller une émotion poignante qui peut rappeler certains romans de Simenon, Le charretier de la "Providence" par exemple.

MERCREDI.
Lecture professionnelle. Yvain,le Chevalier au Lion (Chrétien de Troyes, v. 1170, École des loisirs, 1993, coll. Classiques, adaptation nouvelle par Jean-Pierre Tusseau; 212 p., 5,80  €).
Bonne version pour jeunes lecteurs de ce classique dans une traduction qui évite le sabir moyenâgeux tout en sachant garder une coloration d'époque.

Météo. La chaleur est de retour... On s'en moque, la pharmacie est climatisée. Sauf que, pour que le système fonctionne, il manque une pièce actuellement bloquée on ne sait où entre Taïwan et les Vosges. Magie de la mondialisation : on fabrique des systèmes de climatisation à dix kilomètres d'ici mais les installateurs locaux préfèrent se fournir aux antipodes. En attendant, on redescend les bons vieux ventilateurs du grenier. La pharmacie, avec ses vastes baies vitrées, se transforme vite en sauna et Caroline commence à bouillir, dans tous les sens du therme.

Musique. J'écoute la bande originale du film Les Choristes. Sans les images sulpiciennes qui m'avaient énervé, je dois dire que c'est plutôt joli.

JEUDI.
Courrier. J'envoie des coupures à Y. et à FP.

Radio. J'écoute Marie Didion, notulienne par alliance, travailler à la renommée familiale en raflant le Super Banco du Jeu des mille euros sur France Inter, de passage à Trouville.

Téléphone. Je me laisse convaincre par un démarcheur Wanadoo en ADSL pour une période d'essai.

Courriel. Bernard Magné est contraint d'annuler le séminaire Perec prévu à Jussieu ce samedi. Dommage, le Bulletin est envoyé aujourd'hui et j'aurais peut-être pu connaître quelques réactions à chaud de premiers lecteurs.

Bizarre. Extrait d'une note de pharmacovigilance reçue par Caroline au sujet d'un hypocholestérolémiant :
"Contre-indications. La dose de 40 mg est contre-indiquée en présence des facteurs favorisants de myopathie/rhabdomyolyse suivants :
- insuffisance rénale modérée
- hypothyroïdie
- antécédents personnels ou familiaux de maladies musculaires génétiques
- antécédents personnels d'atteintes musculaires avec un autre inhibiteur de l'HMG-CoA réductase ou un fibrate
- consommation excessive d'alcool
- situation favorisant une élévation des taux plasmatiques de rosuvastatine
- patients japonais ou chinois."
Ces gens-là ne sont décidément pas comme nous.

VENDREDI.
Courrier. Je reçois le remboursement de mes frais de justice, un CD de Jolie Holland et le Bulletin 44 de l'Association Georges Perec. Satisfaction de voir enfin l'objet, sur lequel j'ai longuement travaillé. Je me souviens de la jubilation éprouvée lorsque mon nom était apparu pour la première fois dans cette publication, dans les remerciements du numéro 34, en décembre 1998. Je ne suis pas mécontent du chemin accompli depuis. Je lis la chose dans le train qui me mène à Paris avec Caroline et ne trouve qu'une coquille minime.

Lecture. Les boulevards de ceinture (Patrick Modiano, Gallimard, 1972; rééd. coll. Folio n° 1033; 184 p.).
Tout est désormais en place dans l'univers romanesque de Modiano alors que nous en sommes ici à son troisième livre dans l'ordre chronologique. Univers où on voit évoluer des personnages troubles dans une période historique qui ne l'est pas moins. Ici, le narrateur, à la recherche de son père, le retrouve dix ans plus tard dans un village en forêt de Fontainebleau, acoquiné avec une bande d'individus louches dont les occupations se partagent entre marché noir et chantage. Le livre s'ouvre, comme W ou le souvenir d'enfance sur une description de photo où l'on voit le père tenant une cigarette disposée entre l'annulaire et l'auriculaire (c'est-à-dire à la manière de Perec si je me souviens bien). On peut poursuivre le jeu de piste perecquien en constatant la présence, après le thème du manque, de celui du faux : le narrateur gagne sa vie en vendant des livres sur lesquels il a écrit de fausses dédicaces. La recréation du monde interlope qui gravite autour de l'Occupation est cependant du pur Modiano, avec ces journalistes-maîtres-chanteurs, ces artistes de variété de seconde zone, ces demi-mondaines, ce père insaisissable dont on ne sait s'il est un Juif traqué ou un trafiquant et que le narrateur poursuit et protège avec tendresse.
Extrait. "Les jours qui suivirent, mon père, considérant que je lui avais sauvé la vie, m'expliqua en détail quel genre d'affaires il traitait et me proposa de le seconder. Il avait pour clients une vingtaine d'hurluberlus, disséminés à travers la France et avec lesquels il était en rapport grâce aux revues spécialisées. Il s'agissait de collectionneurs fanatiques, obnubilés par les objets les plus divers : vieux bottins, corsets, narguilés, cartes postales, ceintures de chasteté, phonographes, lampes à acétylène, mocassins Iowa, escarpins de bal... Il écumait Paris à la recherche de ces ustensiles qu'il envoyait par colis aux intéressés. Il leur extorquait préalablement de gros mandats sans aucun rapport avec la valeur réelle de la marchandise. L'un de ses correspondants payait 100 000 francs pièce des indicateurs Chaix d'avant-guerre. Un autre lui avait versé 300 000 francs d'acompte, à condition de lui réserver EN PRIORITÉ tous les bustes et effigies de Waldeck-Rousseau qu'il trouverait..."

SAMEDI.
Vie parisienne. Je commence la journée par une déambulation du boulevard Haussmann à la place de la Madeleine. Chez Fauchon, les pieds de porc panés sont à 4,50 € pièce. L'annulation du séminaire Perec me permet d'entamer plus tôt ma journée de travail à la Bilipo. Je l'interromps pour rejoindre Caroline au Bouillon Racine. Une brandade de morue me sert de préparation à l'Euro portugais. En sortant, je me fais tamponner par une cycliste que je n'avais pas vue venir, et pour cause puisqu'elle roulait sur le trottoir. Retour à la bibliothèque, je lis dans le n° 17 des Cahiers Georges Simenon les articles "Georges Simenon et Georges Brassens" (André Tillieu), "Georges Simenon et Raymond Queneau" (Jean-Michel Pochet, notulien) et "Georges Simenon et Jacques Roubaud" (Michel Lemoine) et j'y glane quelques allusions à Perec. Je rejoins Caroline à la Samaritaine, achète une chemisette framboise sans avanie. Nous rejoignons notre logis via la rue du Faubourg-Saint-Denis, propice à toutes sortes de dépaysements, et j'attrape la seconde mi-temps de Portugal - Grèce (1-2).

Bonne semaine.

 

Notules dominicales de culture domestique n°164 - 20 juin 2004

DIMANCHE.
Vie parisienne. Nous métrottons jusqu'au Louvre en matinée. Pas question d'utiliser l'entrée privilégiée à laquelle je suis désormais habitué, Caroline ne bénéficie pas des privilèges (éphémères, on le verra plus tard) de ma corporation et nous piétinons donc aux abords de la pyramide avec le vulgum pecus. Les exhortations ("your bag !" "your bag !") et les gestes (elle dépouille carrément les visiteurs de leurs réticules et cartables d'une pattecroche avide) de la préposée au dépôt des objets sur le tapis roulant me procurent un sentiment de malaise, l'impression d'avoir déjà vu ça quelque part. Je termine l'étude du Cabinet I, salle 10, étage 2 de l'aile Richelieu pour ma Mémoire louvrière tandis que Caroline retourne voir les De La Tour. Nous achetons des albums pour les filles à la librairie, croûtons au Nemours, près de la Comédie-Française, et rentrons par le 13 heures 44 qui nous ramène à Épinal juste à temps pour voter.

Lecture. Nouveaux trucs et machins (Michel Laclos, Zulma 2004, coll. Grain d'orage; 144 p., 7,50 €).
Ce recueil fait suite aux Trucs, machins et autres choses dans la même collection, que je n'avais pas vus passer. Michel Laclos, fameux verbicruciste, y délaisse un moment ses cases noires et blanches pour montrer qu'il existe une vie en dehors des mots croisés et qu'il ne se prive pas d'en profiter. Les textes qui composent le volume sont d'époques diverses, on y trouve un texte sur le calembour datant de 1974, un hommage à André Frédérique datant de 1963, d'autres textes assez anciens consacrés à Chaval, Pierre Dac, Copi, Wolinski, Cami. Je n'ai rien contre les fonds de tiroir, surtout que ceux-ci ne sont pas sans intérêt, mais ce qui est gênant c'est que l'origine de ces textes n'est jamais indiquée. Certains semblent provenir de la revue Bizarre que Laclos créa et anima pendant un temps dirait-on. Entre ces textes anciens, l'auteur a parsemé des choses actuelles, des distiques ("On est plus près du cœur quand la poitrine est plate / On cherche le téton, c'est déjà l'omoplate !"), les trucs et machins du titre ("Le palindrome est-il de droite ?"), quelques exemples de pornographie clandestine ("Celui de qui la ... au ciel était voisine, / Et dont les ... touchaient à l'empire des morts."), un sonnet en morse, huit inventions, des aphorismes ("Prolonger une droite jusqu'à l'infini est très fatigant. Surtout le deuxième jour."), des mots-valises (moins bons que ceux d'Alain Créhange) et, pour finir, des "Je me souviens" dont voici le premier : "Je me souviens de Georges Perec. Et alors ? Je me souviens aussi de I Remember de Jo Brainard dont se souvenait Perec, d'Amarcord (Io mi ricordo) de Federico Fellini et du Je me souviens... de Georges Simenon."

Courriel. RC s'enthousiasme pour Les Glochos, un groupe musical "créateur, inventeur et interprète d'une musique jusque là inconnue : la musique Pechno. "

TV. Football. Angleterre - France (1-2). Exercice de diction : essayer de prononcer à plusieurs reprises et sans sourire la phrase "C'est tout de même très cruel pour les Anglais."

LUNDI.
Courrier. Je reçois le "pack" ADSL Wanadoo. Je lis le mode d'emploi et le range soigneusement sur une étagère lointaine.

TV. Toutes les filles sont folles (Pascale Pouzadoux, France, 2003 avec Barbara Schulz, Camille Japy, Antoine Duléry, Isabelle Nanty; diffusé sur Canal + en mai 2004).
A 30 ans, Céleste, jeune professeur toujours célibataire, est à la recherche du grand amour. Sa sœur, délurée et fonceuse, sort d'une désillusion amoureuse et va l'aider à trouver le prince charmant.
C'est une comédie qui va assez vite, la vitesse étant ici le meilleur moyen pour masquer le vide de l'entreprise. C'est lourd, parfois gras, et ça n'apportera rien aux deux comédiennes qu'on a voulu mettre en vedette. Heureusement, le couple formé par Isabelle Nanty et Jean Dujardin (inconnu) apparaît régulièrement et parvient à rendre drôles les situations les plus désespérées. On ne peut dire que c'est un film à oublier, c'est déjà fait.

MARDI.
Vie artistique. J'assiste avec Lucie au concert de la chorale du collège de Châtel-sur-Moselle, dirigée par FG, notulien. Depuis qu'elle a écouté le disque, Lucie est éprise de cette formation, au point de nous imposer l'écoute du CD en boucle l'autre lundi de Saint-Malo à Épinal. Et si, comme le veut la bonne blague, faire Dinan - Saint-Malo à la nage c'est pas de la tarte, faire Épinal - Saint-Malo au son de la chorale de Châtel, quelle que soit l'estime en laquelle on peut tenir ses membres et son chef, c'est pas du lait de poule non plus. Cela dit, le show est agréable à suivre, et donne l'occasion d'applaudir certains élèves peu habitués aux éloges dans les circonstances ordinaires où je les fréquente. L'énergie déployée lors de la performance en public efface les petits problèmes de justesse qui apparaissent à certains moments de l'enregistrement.

MERCREDI.
Bloomsday. "Miss Dunne hid the Capel street library copy of The Woman in White far back in her drawer and rolled a sheet of gaudy notepaper into her typewriter.
Too much mystery business in it. Is he in love with that one, Marion ? Change it and get another by Mary Cecil Haye.
The disk shot down the groove, whobbled a while, ceased and ogled them : six.
Miss Dunn clicked on the keyboard :
- 16 June 1904.
" (James Joyce, Ulysses, p. 228 de mon édition Penguin Modern Classics, 1982).
France Culture fête dignement le centenaire, notamment au cours d'une soirée spéciale en direct du 7 rue de l'Odéon, à l'emplacement de la librairie d'Adrienne Monnier où la première traduction de Ulysses vit le jour. Les cassettes tournent.

Emplettes. J'achète un recueil d'entretiens avec Henri Thomas, à offrir pour la fête des pères, un volume de Georges-Arthur Goldshmidt, un album de photos de Rimbaud au Harar et le premier numéro d'une nouvelle revue animée par Jean-Bernard Pouy.

Courrier. HB, décidément jamais guéri, fait du canyonning en Corse.

Abolition des privilèges. J'apprends par le journal parlé de 18 heures la suppression de l'accès gratuit au Louvre pour les enseignants. Dommage, j'avais découvert la chose assez tardivement et n'en aurai profité qu'une année.

Cinéma. Le rôle de sa vie (François Favrat, France, 2004 avec Agnès Jaoui, Karin Viard, Jonathan Zaccaï, Marcial di Fonzo Bo, Claude Crétient, Anne Mercier, Laurent Lafitte, Denis Sebbah).
Claire Rocher, pigiste dans un journal féminin, rencontre par hasard Élisabeth Becker, vedette de cinéma. Une amitié se noue, Claire est engagée comme assistante auprès d'Élisabeth.
Ce premier film n'est pas une réussite totale. Il comporte des longueurs, des fautes de goût, des personnages mal campés ou inutiles, un dénouement de conte de fée un peu trop convenu. Mais la somme de ses qualités et de ses promesses fait nettement pencher la balance du bon côté. Il commence comme une comédie bâtie sur le contraste entre deux femmes que tout oppose, un peu à la manière de Filles uniques de Pierre Jolivet. Élisabeth est une star de cinéma à l'ancienne, avec ses caprices, son assurance, ses succès; Claire est son contraire avec ses doutes, sa gaucherie, sa modestie sa manie de s'excuser d'exister à chaque instant. La fascination de celle-ci pour celle-là nous emmène du côté de La Répétition de Catherine Corsini où déjà une actrice et une admiratrice jouaient sur le registre dominant-dominé. Au contact de Claire, le personnage d'Élisabeth se fissure, laisse apparaître des fêlures, des névroses comme ce désir d'enfant qui la ronge. L'actrice se venge sur son assistante, l'assurance se mue en autoritarisme, en injustice. Les deux actrices jouent à merveille et on aimerait que Karin Viard ne se spécialise pas dans les rôles de godiche qu'on lui donne trop souvent car s'il y a une star dans le film, c'est bien elle.

Courriel. Un mot de félicitations de Christian Ramette, trésorier de l'Association de Georges Perec, à propos du dernier Bulletin, me réjouit particulièrement.

JEUDI.
TV. Football. France - Croatie 2 - 2. Parfait, les Croates, bien motivés après ce résultat, peuvent éliminer l'Angleterre.

VENDREDI.
Internet. J'adore communiquer avec Wanadoo. Ce sont des facétieux qui s'ignorent, capables, lorsque vous leur téléphonez pour dire que vous n'arrivez pas à vous connecter, de vous conseiller d'utiliser les services de leur assistance en ligne. Voici la fin d'un message concernant un problème technique envoyé ce jour :

"Inutile de me répondre en me disant de consulter votre assistance téléphonique, je ne passe pas d'appel à 0,34 €/min."

La réponse ne tarde pas :

"Nous vous rappelons que vous pouvez nous contacter directement par téléphone :

- au 0 892 699 114 pour vos questions commerciales (de 8h à 21h, du lundi au samedi, 0,34 euro TTC/min)

- au 0 892 699 113 pour vos questions techniques (24h/24, 7j/7, 0,34 euro TTC/min)"

La soirée est consacrée à l'installation du "pack" haut débit. L'opération se passe sans problème majeur, contrairement à mes prévisions, avec tout de même une belle montée d'adrénaline au moment où nous constatons la disparition de tous les dossiers courrier. Nous parviendrons à les récupérer enfouis assez profondément dans les entrailles de la bête. Le résultat n'est pas spectaculaire sur le plan du confort et de la rapidité que cette nouvelle configuration est censée apporter à l'utilisation de la Toile mais ce n'est pas une surprise étant donné que j'ai souscrit, toujours circonspect, à l'option minimale, une sorte d'ADSL à pédales, rien de plus.

SAMEDI.
Courrier. Je ventile une demi-douzaine d'exemplaires du Bulletin de l'AGP, envoie des coupures à Y et à AN, réponds à un questionnaire de la Boîte à Films, écris au Musée du Louvre à propos de la suppression de la gratuité pour les enseignants avec copie aux ministères de la Culture et de l'Éducation Nationale.

TV. Tire au flanc (Jean Renoir, France, 1928 avec Georges Pomiès, Michel Simon, Félix Oudard, Jean Storm; diffusé sur ARTE en décembre 1999).
Jean Dubois d'Ombelle, un jeune homme au tempérament de poète, fait son service militaire en même temps que son valet Joseph.
Personnages emblématiques (le colonel, la terreur de la chambrée, le souffre-douleur, le débrouillard), valeurs connues (les brimades, l'autorité, les amours contrariées), humour pas très finaud (l'arrivée des bleus, le spectacle aux armées), on est bien ici dans le vaudeville militaire. Le traitement burlesque que fait subir Jean Renoir au genre, notamment dans la meilleure scène, celle de l'exercice en rase campagne, va cependant plus loin que la pantalonnade attendue. Renoir n'a jamais été franchement antimilitariste et ce qui l'intéresse dans l'institution, c'est le mélange, ou plutôt le côtoiement des origines sociales, la mise en scène, je veux dire en un espace commun, du jeune bourgeois, de son valet et des autres rustauds qui partagent leur chambrée, un thème qu'il ne cessera d'approfondir par la suite dans Boudu sauvé des eaux où il retrouvera Michel Simon, La grande illusion, La Règle du jeu.
Cartons (le film est muet). "Au régiment, c'est une grande force que de passer pour un imbécile, mais il ne faut pas en abuser."
"Jusqu'à ce qu'on ait trouvé mieux, c'est chez les civils qu'on recrutera les militaires."

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°165 - 27 juin 2004

DIMANCHE.
Pater familias. Ma paternité est dûment célébrée at home par des objets d'art confectionnés par les filles. Je me demande si j'oserai faire cuire les farfalle qui ornent le cadre d'Alice sans encourir ses foudres. Caroline m'offre la nouvelle traduction d'Ulysse que j'entame à Saint-Jean-du-Marché.

Réactions aux notules. Selon AZ, Wanadoo n'est pas le seul fournisseur d'accès à jouer avec les nerfs de ses clients. Sa pratique de Noos donne lieu aux mêmes abus et à la même qualité de service. Plus tard dans la semaine, X dira les mêmes choses de Tiscali.

Lecture. Malavita (Tonino Benacquista; Gallimard 2004, coll. NRF; 322 p.).
Un mafioso repenti, placé sous la protection du FBI, s'installe dans un village de l'Eure avec sa famille. De l'autre côté de l'Atlantique, on est bien décidé à lui faire payer sa trahison.
Si Benacquista revient ici un peu sur son passé en retrouvant ses racines italiennes et le genre qui l'a révélé, le polar, c'est sur un mode léger et ironique. Il a beau se placer sous la tutelle de Scorsese et de ses Affranchis, c'est davantage du côté de Westlake qu'il faut chercher l'inspiration de ce roman. J'avoue avoir été un peu désorienté au début devant les invraisemblances de certaines situations, comme celle qui voit deux agents du FBI s'inviter à un barbecue de quartier sans qu'aucun des convives ne s'aperçoive de leur origine exotique. J'ai donc mis du temps à m'apercevoir qu'en fait, Benacquista s'amusait, n'était mené que par le plaisir de l'écriture d'une histoire savoureuse. Ce plaisir est particulièrement évident dans les morceaux de bravoure qu'il ménage, la séance de ciné-club où le mafioso caché disserte brillamment sur le film de Scorsese, l'odyssée d'un journal de lycée qui va permettre à ses ennemis de retrouver sa trace ou la scène de la fête foraine où les gangsters, débarqués en Normandie, font étalage de leurs divers talents sur les différentes attractions. Au total, Malavita apparaît comme moins abouti et moins captivant que Quelqu'un d'autre, le précédent roman de Benacquista, mais laisse un espace suffisant pour une lecture jubilatoire.

LUNDI.
Courrier. Je reçois des nouvelles de la vie politique aveyronnaise : CG est devenu premier adjoint au maire de la métropole de Saint-Beaulize.

TV. Football. France - Suisse (3 - 1). Encore un match crispant. c'est peut-être de bon augure dans la mesure où le parcours de l'équipe de France rappelle celui de la Coupe du Monde 1998 qui, Rolland Courbis fut peut-être le seul à le souligner et on l'oublia vite dans l'euphorie de la victoire, fut tout sauf brillant.

MARDI.
Courrier. Je reçois un CD de Natalie Merchant et une enveloppe de JS contenant une sélection des dernières chroniques de Pierre Foglia dans La Presse de Montréal.

Vie scolaire. En guise de remerciement pour l'année que je lui ai fait passer, une élève m'offre une bouteille de vin. J'ai beau être passé depuis des années de l'assuétude à l'abstinence, l'intempérance doit toujours se lire sur mon visage.

Lecture. Rimbaud au Harar (photographies et réalisation de Jean-Hugues Berrou, textes de Jean-Jacques Lefrère et Pierre Leroy, Librairie Arthème Fayard 2002; 324 p., 45 €).
Cet album complète parfaitement le Rimbaud en Abyssinie d'Alain Borer, permet de situer le cadre des dernières années de Rimbaud au moyen des photos et d'une carte sommaire mais précieuse. Le volume s'ouvre sur les trois autoportraits et les quatre autres clichés pris par Rimbaud au Harar qui écrivait à sa famille : " Ceci est seulement pour rappeler ma figure et vous donner une idée des paysages d'ici. " La suite du volume suit le même cheminement que le Rimbaud à Aden des mêmes auteurs paru un an plus tôt. Dans un premier temps, des photos anciennes de Rimbaud, trouvées dans les archives de la Société de géographie de Paris, de l'Institut Pasteur, du Musée ethnographique de Zurich, etc. présentent les lieux (la factorerie Bardey de Harar, notamment) tels que Rimbaud les vit puis des photos d'aujourd'hui, prises par Jean-Hugues Berrou, qui interrogent les mêmes lieux, cherchent la trace et parviennent parfois à la retrouver au hasard d'un paysage, d'une maison, ou d'un portrait de milicien armé. Le parallèle avec le volume précédent va encore plus loin puisqu'on s'aperçoit à la fin que, comme à Aden, Rimbaud n'a jamais connu la maison qui est présentée comme celle où il a vécu. Celle-ci, comme à Aden, est encore visible sur les photos mais a physiquement disparu...

Courriel. Échange avec PAV, notulien et étudiant en histoire de l'art, à propos de la gratuité du Louvre.

MERCREDI.
Football. Après l'Espagne et l'Italie, c'est l'Allemagne qui est éliminée. Pour paraphraser Audiard dans Les Tontons flingueurs, le premier tour de cet Euro, c'est un peu le terminus des prétentieux. La France, qui n'a fait aucun progrès depuis le Mondial 2002, aurait eu sa place dans cette charrette.

JEUDI.
Courrier. SB envoie des clichés pour mon Invent'hair : "Capil'Hair" à Mirecourt et "Créatif" à Rupt-sur-Moselle . J'envoie des coupures à Y et des images d'Épinal à AZ.

Radio. Fin de l'écoute des enregistrements réalisés à l'occasion du Bloomsday. La soirée autour de Jean Daive au 7, rue de l'Odéon (devenu un salon de coiffure) avec Laure Murat, auteur de Passage de l'Odéon, Stephen Joyce, petit-fils de l'auteur qui a hérité de son caractère de cochon, Tiphaine Samoyault et d'autres traducteurs, les émissions d'archives où l'on entend Richard Ellmann, Michel Butor, Sollers et bien d'autres, des heures d'échanges brillants, du bonheur à l'état pur. Conséquence inévitable, je me suis replongé dans Ulysse, version originale et traductions. Conséquence inévitable de la conséquence inévitable, j'ai encore réduit mon temps de sommeil. Dans l'édition de la Pléiade, la lecture d'une page et de la dizaine de notes qui l'accompagnent peut prendre la demi-heure.

Lecture. Histoire de l'art (E.H. Gombrich, première édition anglaise 1950, seizième édition française 1997, traduit de l'anglais par J. Combe, C. Lauriol et D. Collins, Phaidon Press Limited; 690 p., 30,34 €).
On a plus souvent l'occasion d'entendre citer la somme de Gombrich pour la critiquer que pour l'encenser. Un tel travail est forcément lacunaire, déceptif, voire frustrant puisqu'il est avant tout le résultat d'une série de choix. Donc allons-y pour les reproches : une domination trop importante de la peinture sur les autres formes d'art, l'architecture étant rapidement évacuée en tête de chaque chapitre et la photographie totalement négligée; des jugements sur les oeuvres qui manquent de profondeur, qui font appel à l'intuition plus qu'à l'érudition façon Daniel Arasse (Gombrich reconnaît d'ailleurs que ses analyses ont "quelque chose d'un peu vague et d'un peu sentimental"); une réticence marquée pour les artistes les plus récents en dépit des rééditions et mises à jour de l'ouvrage.
Du côté positif, il faut d'abord souligner le côté agréable du volume, sa maniabilité, la richesse et la qualité de ses illustrations qui le rendent pratique et agréable à feuilleter. Si l'on passe du feuilletage à la lecture de près, on s'aperçoit que les reproches mentionnés plus haut tiennent en partie au fait qu'on oublie que le mot "histoire" fait partie du titre. Et pour ce qui est de la partie historique, du découpage chronologique, de l'influence de telle époque sur telle autre ou de telle région du globe sur telle autre (le Japon sur les impressionnistes par exemple), de l'évolution de tel ou tel concept artistique (celui de la ressemblance par exemple), de la place de l'art et de l'artiste dans la société d'une époque ou d'un pays, Gombrich est extrêmement précieux. Un non spécialiste comme moi apprendra par exemple que l'originalité, qui est aujourd'hui ce qu'on réclame chez un artiste, est une idée assez récente : "Un artiste de l'Occident médiéval n'aurait pas compris pourquoi il aurait dû inventer un nouveau plan d'église, un nouveau dessin de calice ou une nouvelle manière de représenter un épisode de l'histoire sainte, du moment que les modèles anciens convenaient si parfaitement." Gombrich met aussi en garde contre l'erreur qui consiste à identifier l'artiste et son oeuvre : "Le genre de peinture propre à Bruegel, ce sont les scènes de la vie paysanne. Il a tellement peint les paysans festoyant ou travaillant qu'on l'a parfois considéré lui-même comme un paysan flamand. Erreur courante : on a souvent tendance à confondre la personne d'un artiste avec son oeuvre. On imagine facilement Dickens comme un ami de M. Pickwick ou Jules Verne comme un grand voyageur. Bruegel était un simple citadin..." C'est aussi chez Gombrich que le même non spécialiste comprendra enfin la différence entre la peinture hollandaise et la peinture flamande ("Les Pays-Bas eux mêmes étaient divisés : Hollande protestante en lutte avec la domination espagnole catholique; Flandres catholiques gouvernée d'Anvers par les Espagnols ") et prendra conscience du changement de statut de l'artiste au XIX° siècle, où "l'histoire de la peinture diffère beaucoup du déroulement de l'histoire de l'art dans les époques précédentes. Autrefois, les artistes les plus remarquables étaient aussi ceux qui recevaient les commandes les plus importantes et devenaient donc célèbres. Il suffit de penser à Giotto, Michel-Ange, Holbein, Rubens ou même Goya. Il y avait parfois des drames, certes, et il arrivait qu'un peintre ne reçût pas dans son pays les honneurs auxquels il avait droit, mais dans l'ensemble les artistes et le public partageaient certaines croyances et s'accordaient donc aussi sur certains critères de qualité. C'est seulement au XIX° siècle qu'un gouffre se creusa entre les artistes à succès - ceux qui alimentaient l'art officiel - et les non-conformistes, qui furent surtout appréciés après leur mort." Bref, on apprend des choses, et ça tombe bien puisqu'on est là pour ça.

TV. Football. Angleterre - Portugal (2 -2 après prolongations, Portugal qualifié aux tirs au but). C'est tout de même très cruel pour les Anglais (air connu).

VENDREDI.
Vie professionnelle. Je retourne pour la première fois dans le collège spinalien où j'ai vécu mes années de collégien, cette fois en tant que correcteur des épreuves du Brevet. Le sujet est indigent, à partir d'un texte sans intérêt littéraire et sans intérêt tout court d'ailleurs de Michel Tournier. J'interromps le pensum à la mi-journée pour une pause kebab - PMU dans le quartier. Heureusement, la journée échappe à l'insipidité totale grâce à la rencontre d'une notulienne inconnue de mes services jusqu'à ce jour. C'est un des charmes du courriel, qui fait que le correspondant que vous imaginez, d'après quelques vagues indices plus ou moins subjectifs, cordonnier à Saint-Jean-de-Luz ou biologiste à Wattignies, est en fait le type qui fait la queue devant vous à la boulangerie.

Courriel. Une demande d'abonnement aux notules, émanant de JR. Un rancher texan ?

Vie sociale. Croûte avec S et Y, futurs époux, et X. Nous recevons 700 pages sur la civilisation chinoise, caractères serrés mais avec quelques illustrations. Vivement que je me casse une jambe.

TV. Football. France -Grèce (0 - 1). Ça ne valait certainement pas la peine de se coucher à 2 heures 30 du matin pour ça. D'un autre côté, je vais pouvoir retourner au cinéma.

SAMEDI.
Vie scolaire. Nous assistons au petit spectacle offert par la classe de Lucie. Les mamans sont assises sur les petites chaises, les papas forment une haie de paparazzi à caméscope au dernier rang : dans les couples, c'est l'homme qui sait manier la haute technologie.

Bon dimanche.