Notules
dominicales de culture domestique n°174 - 5 septembre 2004
DIMANCHE.
Bougies. J'écoute J'ai eu
trente ans, une chanson de Maxime Le Forestier propre à vous
coller le bourdon jusqu'à votre quarantième anniversaire,
et nous partons fêter ceux de C. dans un verger des environs de
Châtel. Plaisir de retrouver des têtes amies, accueil chaleureux,
croûte plantureuse, météo clémente, filles
heureuses de s'ébattre à l'air libre, présence de
champignons dans le bois tout proche, un dimanche parfait.
LUNDI.
Courriel. Y. a déniché
un armurier nommé Jean-Pierre Fusil à Calais.
R. me signale l'existence d'un autre Poil dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Presse. "Arts : une oeuvre
d'un artiste allemand, Gustav Metzger (78 ans) a été jetée
à la poubelle par une femme de ménage de la Tate Britain,
à Londres, puis récupérée in extremis; il
s'agissait d'un sac-poubelle contenant des morceaux de carton et de vieux
journaux, intitulé Nouvelle création de la première
présentation publique d'un art autodestructif et datant de
1960." (Le Monde, 29-30 août 2004).
Cinéma. Le Village (The
Village, M. Night Shyamalan, E-U, 2004 avec Joaquin Phoenix, Adrien
Brody, William Hurt, Sigourney Weaver, Bryce Dallas Howard, Brendan Gleeson,
Cherry Jones, Jayne Atkinson, Judy Greer).
Une petite communauté vit hors du temps, repliée sur elle-même,
avec la certitude que des créatures hostiles résident dans
les bois qui l'entourent.
M. Night Shyamalan construit ses films sur un crescendo à partir
d'une bonne idée de départ, astuce de scénario faisant
appel au paranormal. Impossible bien sûr ici de dévoiler
cette idée, qui concerne l'origine de la création de cette
communauté, mais avant qu'elle ne soit révélée,
on trouve le temps long à suivre la vie quotidienne au village
et on s'ennuie comme si on était contraint d'y habiter. On pense
à Witness, de Peter Weir, sur la communauté Amish, sans
le canevas policier et avec un suspense beaucoup plus lâche. Le
soin porté aux images ne rachète pas tout et les démêlés
sentimentaux sont plutôt niais. Heureusement, le dernier tiers du
film est riche en scènes propres à susciter l'effroi et
la curiosité. Le Village possède également
un intérêt sur le plan de la forme : les créatures
que redoutent les habitants sont vêtues de rouge et, pour ne pas
les attirer, le rouge est banni de la communauté. Ce qui fait du
film une sorte de lipogramme chromatique, Shyamalan filme en se privant
volontairement d'une couleur comme un écrivain en se privant d'une
lettre.
MARDI.
Ordinateur. Je récupère
la quasi-totalité de ma force de frappe informatique. Seule l'imprimante
reste déprimante, malgré une lutte sans merci pour essayer
de la reconnecter.
TV. Une employée modèle
(Jacques Otmezguine, France, 2001 avec François Berléand,
Delphine Rollin, Nicole Calfan; diffusé sur Canal + en août
2004).
Le patron d'une PME d'informatique refuse de vendre un logiciel révolutionnaire
à des concurrents américains. Une jeune femme rencontrée
par hasard alors qu'elle fuit son mari va donner un nouveau tournant à
sa vie.
Il y a deux choses qui font mal dans ce film. D'abord, le fait de voir
des ordinateurs partout, et les voir tous fonctionner parfaitement. Ensuite,
voir le générique de fin s'ouvrir sur le carton "dédié
à Michel Lebrun". Feu Michel Lebrun, surnommé en son
temps le pape du polar, auteur de petits bijoux policiers comme Géant,
L'autoroute, Loubard et Pécuchet et, dans un genre différent
de l'inoubliable Rue de la Soif, que je regretterai toujours d'avoir
prêté à un indélicat, méritait mieux
que cette histoire d'espionnage caricaturale filmée sans aucune
distance ironique (sauf dans le personnage de François Morel, l'inspecteur
Bovary) et qui évoque davantage les romans d'espionnage du Fleuve
Noir des années 60. Et dans le genre femme fatale, on a déjà
vu beaucoup mieux que Delphine Rollin...
MERCREDI.
Vie professionnelle. C'est aujourd'hui
la pré-rentrée, exercice de dilatation du temps au cours
de laquelle l'institution essaie de retenir pendant une journée,
parfois plusieurs, la gent enseignante et de l'occuper au moyen d'activités
qui, partout ailleurs, ne prendraient pas plus qu'une heure ou deux. Exercice
délicat dans la mesure où l'enseignant n'est préoccupé
que par la connaissance de son emploi du temps et se fiche du tiers comme
du quart de tout le reste, les circulaires ministérielles et rectorales,
la réunion conviviale autour d'un brouet vaguement apéritif
et les réunions creuses. Ce qu'il veut savoir, c'est s'il sera
libre tel ou tel jour et s'il a échappé à la class
X ou à l'élève Y, terreurs de l'an passé.
Pour meubler l'après-midi, le taulier et la sous-maxé nous
ont concocté une visite de la forteresse médiévale
de Châtel, peut-être intéressante, je n'en sais rien
car ayant raté le cortège, je n'ai jamais trouvé
l'entrée de cette fichue forteresse (ce qui est normal pour une
forteresse, on n'y entre pas comme dans un moulin) et ai passé
l'après-midi dans le placard qui me sert de salle à préparer
mes premiers cours.
Courrier. A. a eu du mal à
reconnaître Dublin. C'est sans doute pourquoi il a posté
sa carte d'Hettange-Grande (Moselle).
TV. Le caporal épinglé
(Jean Renoir, France, 1962 avec Jean-Pierre Cassel, Claude Brasseur, Jean
Carmet, Jacques Jouanneau; diffusé sur CinéClassics en ?).
Enfermé en 1940 dans un camp de prisonniers, un caporal multiplie
les tentatives d'évasion.
La filmographie de Jean Renoir est traversée par trois films en
uniforme, Tire au flanc, La grande illusion et cette adaptation
du roman de Jacques Perret. Renoir s'intéressait au mélange
social qu'occasionnait la réunion, dans une caserne ou dans un
camp, d'hommes venus d'horizons différents, sur le mode comique
dans Tire au flanc, tragique dans La grande illusion, entre les deux ici.
Les tentatives d'évasion du caporal et ses multiples échecs
sont traités avec drôlerie, mais une drôlerie amère,
comme si tout ceci était vain. Renoir montre la vie quotidienne
au stalag, l'ennui mortel, les combines, les petites veuleries et les
petits courages, l'héroïsme en petit format qui finit par
triompher. L'œuvre d'un moraliste lucide au soir de sa carrière.
JEUDI.
Rentrée. Le cinéma local
qui abandonne ses horaires d'été, l'adaptation d'Au-dessous
du volcan de Malcolm Lowry en feuilleton radiophonique, le soulagement,
après les menaces qui ont pesé tout l'été,
de retrouver France Culture à peu près indemne (malgré
le départ des Décraqués, la mise à la retraite
de Bertrand Jérôme et le côté France Inter des
tranches 7-9 et 12-14), l'annonce des nouvelles saisons des séries
The Sopranos et 24 heures chrono, ce sont les bonnes nouvelles
de la rentrée.
Courrier. I. visite les villes de
la Hanse, peut-être en quête des traces de Thomas Mann et
des Buddenbrook. Ou, plus sûrement, simplement en vacances. Tout
le monde n'a pas mes lubies, Dieu merci. J'envoie une revue de presse
à Y., une lettre au maire de Saint-Gérand-le-Puy, un mot
contrit à MJR avec un bout de notules où je parle de son
mari.
VENDREDI.
Radio. Grande victoire : après
plusieurs échecs au cours de ces dernières années,
je parviens enfin à enregistrer sans dommages, de 3 à 6
heures du matin, l'émission Le bon plaisir consacrée
à Jean-Christophe Averty que je convoitais depuis 1991 et rediffusée
sur France Culture. Je passe la journée dans la brume à
la suite de cette nuit hachée en tranches de 45 minutes mais cela
en valait la peine.
Courriel. Un message aimable à
propos des notules en provenance de Marseille. On y souligne mon emploi
intensif du verbe "croûter" pour lequel j'ai, c'est vrai,
un goût certain. Je me suis mis à l'utiliser après
la lectures des Carnets de jeunesse de René Fallet dans
lesquels il apparaît, pour ainsi dire, à chaque repas.
Courrier. Bel aptonyme déniché
par Y., Ets. ROSIER Richard, entretien d'espaces verts à Châlons-en-Champagne.
Miracle. Retour de l'appareil photo,
réparé après "remise en état de la nappe".
Ce qu'on fait chaque dimanche à la cuisine en quelque sorte.
TV. Quelque chose d'organique
(Bertrand Bonello, France, 1998 avec Romane Bohringer, Laurent Lucas,
Charlotte Laurier; diffusé sur Canal + en novembre 1999).
Paul tue sa femme. Flash back : comment en est-on arrivé là
?
Pour le savoir, mieux vaut ne pas se lever à 3 heures du matin
pour enregistrer les zézaiements de Jean-Chistophe Averty, sous
peine d'endormissement immédiat. Au réveil, je n'ai pas
eu le sentiment d'avoir raté grand-chose.
SAMEDI.
Football. SAS Épinal - Louhans-Cuiseaux
1 - 1. Je fais découvrir à R., plus habitué aux chaudes
soirées rennaises du stade de la Route-de-Lorient, le confort rustique
et l'ambiance, qui ne l'est pas moins, de la Colombière.
TV. Football. France - Israël
0 - 0. Un match sans âme, une équipe transparente qui m'a
ramené trente-cinq ans en arrière, à l'époque
où je commençais à suivre le football et où
l'équipe de France manquait immanquablement toutes ses qualifications
en Coupe du monde et en Coupe d'Europe des Nations. Le sélectionneur
s'appelait Georges Boulogne, les joueurs Carnus, Djorkaeff, Bosquier,
Jacky Novi, Charly Loubet, Blanchet, le meilleur buteur était Philippe
Gondet parce qu'il marquait une fois tous les dix matches les bonnes saisons
et n'importe quelle bataille de chiffonniers contre Stiring Wendel ou
Merlebach au stade de la Colombière était, comme ce soir,
plus intéressante qu'un match de l'équipe de France.
Récupération. Je me
couche les jambes un peu alourdies par ces trois heures de sport.
Notules. Une demande d'abonnement
en provenance de Paris.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°175 - 12 septembre 2004
DIMANCHE.
Exposition. "Rubens contre Poussin.
La querelle du coloris dans la peinture française à la fin
du XVII° siècle" au Musée départemental
d'art ancien et contemporain d'Épinal. C'est le dimanche après-midi
qu'a lieu la visite guidée. Je sacrifie ma sieste pour essayer
d'en savoir plus sur cette fameuse querelle. Mon appétit est un
rien douché par la conférencière qui a l'air pressé
d'en finir. Il faut voir comme elle expédie les fleurons de l'exposition,
les tableaux de Rubens, Titien et Poussin. Elle mêle dans un discours
précipité les problèmes du coloris, les sujets des
tableaux, les détails iconographiques sans vraiment hiérarchiser
le tout. Heureusement, ma première approche au cours du vernissage,
la lecture, encore incomplète à ce jour, du catalogue et
les tableaux eux-mêmes me permettent d'y voir plus clair et de mieux
distinguer les oeuvres des épigones de Poussin (adeptes du dessin)
de celles de l'école d'en face vouée au coloris. En fait,
tout est plus clair si l'on parle de lumière plutôt que de
couleur, si l'on oppose l'éclairage frontal et régulier
des tenants du dessin aux sources multiples (et parfois contradictoires)
créatrices du clair-obscur des coloristes, les compositions en
frise, la touche lisse des premiers, les compositions en groupes et la
touche parfois apparente des seconds. Ce n'est pas pour autant que les
choses sont clairement définies et séparées, les
deux écoles se mélangent parfois sur le même tableau,
des théoriciens du dessin n'hésitent pas à peindre
comme des coloristes, le plus bel exemple étant cet autoportrait
de Largillière qui se représente dans un tableau coloriste
porteur des attributs du dessinateur (crayon, carton à dessin et
esquisse). Je finis la lecture du catalogue et je suis imbattable.
TV. The Sopranos (série
américaine de David Chase, 2004, saison 5, épisodes 1 et
2 avec James Gandolfini, Lorraine Bracco, Edie Falco, Robert Iler, Steve
Buscemi, diffusés sur Canal Jimmy le soir même).
"Il y a le générique qu'on adore. Voix basse, rythme
percussif faussement tranquille, la mélodie vous trotte déjà
dans la tête*, Tony Soprano, avec son gros cigare, file sur l'autoroute
sous la pluie. Tunnels, ponts suspendus, péages, vous avez quitté
New York. Petites maisons alignées, cochon rose et Pizzaland, voici
les paysages du New Jersey.
Et voilà, on a replongé. Avec le même sentiment jubilatoire,
étonné de voir à chaque épisode se décomposer
et recomposer avec la même ardeur le clan familial qui gravite autour
de Tony, le patron de la mafia italo-américaine du New Jersey,
le boss qui a des crises d'angoisse au point de consulter un psy."
* Woke up this Morning par Alabama 3.
C'est ce qu'écrivait Catherine Humblot dans Le Monde Télévision
samedi dernier. On ne peut lui donner tort : on retourne chez les Soprano
avec plaisir, envie, délectation, même si on ne comprend
pas tout dans leurs affaires familiales et leurs affaires tout court,
même si certains épisodes n'ont rien de spectaculaire. Voici
quelques belles soirées de dimanche en perspective, en compagnie
de la clique de Tony à laquelle est venu s'ajouter, pour cette
saison, Steve Buscemi dans le rôle d'un cousin (un de plus) sorti
de prison (un de plus). Pour ce qui est de Tony proprement dit, les choses
ne sont pas brillantes. Il vit désormais séparé de
sa femme Carmela et de ses enfants, se laisse aller, s'ennuie, le FBI
le piste, jusqu'à maintenant ses lieutenants lui demeurent fidèles
mais qui sait si cela va durer ?
Courriel. BV a déniché
un salon "Nouvel Hair" à Lille.
Échange avec AZ au sujet de l'argot des bordels.
Lecture. Lendemains de terreur
(Small Town, Lawrence Block, HarperCollins 2003; Éditions
du Seuil, coll. Policiers, 2004 pour la traduction française; traduit
de l'américain par Etienne Menanteau; 464 p., 22 €).
Le premier roman de Lawrence Block d'après le 11-septembre était
très attendu dans le monde du polar. Dans ce domaine, où
la ville fait partie des personnages mis en scène, Lawrence Block
est l'écrivain contemporain de New York, comme Michael Connelly
est celui de Los Angeles, Dennis Lehane celui de Boston, Elmore Leonard
celui de Miami, Ed McBain celui de la mythique Isola, Pelecanos celui
de Washington et James Lee Burke celui de La Nouvelle-Orléans.
Quelle figure du New York d'après les attentats Lawrence Block
allait-il nous présenter ? Qu'allaient devenir ses deux personnages
emblématiques, le cambrioleur-libraire Bernie Rhodenbarr et le
privé alcoolique Matt Scudder ? La réponse est décevante
: on n'en sait rien, ils n'apparaissent pas ici. Peut-être travaillaient-ils
aux alentours du World Trade Center au moment des événements...
Lawrence Block les a remplacés par un écrivain accusé
d'un meurtre dont il ne sait lui même s'il l'a commis, une galeriste
nymphomane, un ancien chef de la police qui brigue le siège de
maire de la ville et un tueur en série qui se cherchent et se croisent
au long des 42 chapitres du livre. Le comportement déréglé
des personnages est la conséquence des attentats qui ont fait perdre
à la ville et à ses habitants leurs repères et leur
logique. Soit. Mais 460 pages et 42 chapitres, c'est bien long quand on
n'a que ça à se mettre sous la dent. Block nous assomme
d'entrée par une mise en place interminable où le personnage
du romancier donne lieu à un récit (mal) inspiré
par Paul Auster, les frasques sexuelles de la galeristes sont bien lassantes
et la traque du serial killer se termine par un face à face sans
surprise. Et si c'était sur Lawrence Block lui-même que les
effets du 11-septembre se faisaient le plus sentir ?
LUNDI.
Courriel. AN a confié sa fille
à la science d'une professeure nommée Mme Cetout. Ce n'est
plus de l'aptonymie, c'est du pléonasme.
TV. Lost In La Mancha (Keith
Fulton & Louis Pepe, G.-B. - Espagne, 2002 avec Terry Gilliam, Jean
Rochefort, Johnny Depp; diffusé sur Canal + en août 2004).
Documentaire.
On devine de suite la visée première : faire le récit
du tournage de The Man Who Killed Don Quixote, de Terry Gilliam,
histoire d'alimenter la partie bonus du DVD avec ce qu'on appelle aujourd'hui
un making of. Gilliam est un spécialiste des tournages chaotiques,
des projets démesurés qui commencent par des intentions
grandioses et qu'il termine avec trois bouts de ficelle, voir son Münchausen.
L'histoire s'ouvre donc sur l'annonce de la réduction du budget
promis et sur les efforts entrepris pour faire avec. Les comédiens
seront libres très peu de temps, le plateau de tournage est un
hangar inutilisable, les costumes n'arrivent pas mais l'énergie
déployée par chacun, Gilliam en tête, permet d'avancer
dans le projet. Arrive le moment du tournage et, avec lui, une succession
de catastrophes proprement incroyables. Des avions de l'Otan survolent
le site prévu pour les extérieurs, un orage se transforme
en coulée de boue qui emporte le matériel, le ciel changeant
empêche tout raccord, Jean Rochefort, souffrant d'une double sciatique,
se révèle incapable de monter à cheval et doit retourner
à Paris. The Man Who Killed Don Quixote est un film catastrophe
au sens propre. Gilliam est contraint d'abandonner et passe aujourd'hui
son temps à combattre d'autres moulins (compagnies d'assurances,
pools de producteurs) dans le but de le reprendre un jour. La poisse à
l'état pur, la quintessence du guignon. Ce ne serait qu'anecdotique
si on n'avait pas le temps de prendre la mesure de ce qu'on rate. Une
version du Quichotte ambitieuse, menée par un réalisateur
qui a une vision personnelle de l'œuvre et du cinéma, un interprète
parfait pour le rôle principal, une adaptation astucieuse. Après
les déboires d'Orson Welles qui, lui aussi, dut renoncer à
son projet d'adaptation (quinze ans de travail pour un film inachevé),
Don Quichotte apparaît comme une oeuvre maudite.
Le documentaire permet également de voir la masse de travail nécessaire
à la fabrication d'un film et de mieux comprendre pourquoi Playtime,
projet pharaonique mené à bien mais non sans mal, a laissé
Jacques Tati exsangue.
MARDI.
TV. Maria's Lovers (Andrei
Konchalovski, E-U, 1984 avec Nastassja Kinski, John Savage, Robert Mitchum,
Keith Carradine; diffusé sur Téva en ?).
En 1946, Ivan Bibic rentre de la guerre et épouse son flirt de
jeunesse. Un problème se pose au moment de la concrétisation
de son amour.
La présence d'un Robert Mitchum bonhomme vient donner un peu de
sel à cette fade histoire d'impuissance. Konchalovski a transporté
aux États quelques clichés slaves (la musique, quelques
acteurs, l'onomastique) mais a oublié l'âme en route.
MERCREDI.
Rentrée littéraire.
J'achète un polar, le volume des philosophes stoïciens en
Pléiade (il est temps, à mon âge, de me forger une
armure stoïcienne), et les Récits de la Kolyma de Chalamov.
Rien qui concerne la rentrée littéraire, en fait. Les filles
profitent du soleil à Saint-Jean-du-Marché.
Notules. Une demande d'abonnement
en provenance de Saint-Dizier.
TV. Cold Case (série
américaine de Jerry Bruckheimer, Meredith Stiehm & Jonathan
Littman, 2003 avec Kathryn Morris, Jeremy Ratchford, John Finn, Danny
Pino; épisodes 1 & 2 diffusés sur Canal + le 5 septembre
2004).
"A cold case", c'est, en anglais, une affaire enterrée,
classée sans suite. Le propos de cette nouvelle série est
de nous faire assister à l'exhumation de ces dossiers oubliés,
repris en main par une enquêtrice de la police de Philadelphie.
Télérama trouve la chose sans grand intérêt,
Le Monde estime que c'est une des bonnes surprises de la rentrée.
Au vu de ces deux premiers épisodes, il n'y a pas lieu d'être
enthousiaste. Un meurtre commis en 1976, une explosion meurtrière
qui a eu lieu en 1983, deux événements restés sans
solution à l'époque sont ici résolus en deux fois
quarante-cinq minutes. C'est un peu facile, et les personnages sont un
peu trop lisses. Ne soyons pas impatient, cela peut encore s'améliorer...
Lecture. Rubens contre Poussin.
La querelle du coloris dans la peinture française à la fin
du XVII° siècle. (éditions Ludion, 2004; 196 p.,
35 €).
Catalogue.
Après lecture de cet ouvrage et la visite de l'exposition présentée
successivement à Arras et à Épinal, on ne peut plus
rien ignorer de cette fameuse querelle. On apprend d'abord qu'elle n'est
que la variante française d'une opposition qui prit naissance un
siècle plus tôt en Italie, où Florence abritait les
tenants du dessin, disciples d'Alberti, et Venise ceux du coloris, Giorgione
et le Titien par exemple. En France, tout débute avec la création
de l'Académie de peinture et de sculpture, voulue par Colbert dans
les années 1660 et qui légitime l'acte de création
du peintre, lui permet d'accéder au rang d'artiste "libéral"
qui pratique "un art noble parce qu'intellectuel, à l'image
des lettres et des sciences." Les conférences organisées
par l'Académie autour d'un tableau (le Grand Saint Michel de Raphaël
sera l'objet de la première) donnent lieu à de vives controverses
dans lesquelles s'illustre le théoricien Roger de Piles. Les articles
du catalogue montrent la valeur intellectuelle des intervenants et la
richesse du débat, l'âpreté de la lutte (les pamphlets
se multiplient) qui se terminera par la victoire des coloristes.
La présentation des tableaux est soignée (même si
la Chute des anges rebelles de Charles Le Brun est reproduite à
l'envers) et les commentaires précis. L'ouvrage et l'exposition
permettent de découvrir des artistes (Largillière, Colombel,
Houasse, Charles de la Fosse, Coypel père et fils, Mignard, Verdier,
Boullogne...) qui sont en général l'apanage des musées
de province (Épinal, Nancy, Rouen, Tours pour ceux que je connais)
et qui, lorsqu'ils sont présents au Louvre, ne bénéficient
que d'un coup d'œil pressé du visiteur en quête de signatures
plus prestigieuses.
JEUDI.
Vie scolaire. Lucie en est à
sa deuxième institutrice après une semaine de classe. Bon
rythme.
Courrier. J'envoie un magazine sur
la rentrée littéraire à Ch., des coupures à
Y., les derniers aptonymes à AZ, un cadeau de naissance à
une collègue et une demande de carte professionnelle au Louvre.
Cinéma. Mon père
est ingénieur (Robert Guédiguian, France, 2004 avec
Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Pascale
Roberts, Jacques Boudet, Pierre Banderet, Patrick Bonnel, Frédérique
Bonnal, Christine Brücher).
La vie a séparé Natacha et Jérémie, amoureux
depuis l'enfance. Après des années, Jérémie
revient à Marseille, retrouve une Natacha devenue aphasique.
Guédiguian aime à mêler à son catéchisme
marxiste un soupçon de christianisme. Le personnage central de
L'Argent fait le bonheur était un curé, Ariane Ascaride
était filmée comme une pietà dans La Ville est
tranquille, Marie-Jo et ses deux amours illustrait l'épisode
de la femme adultère. Ici, il va encore plus loin et recrée
la scène de la Nativité avec deux acteurs dans le rôle
du bœuf et de l'âne. Comme toujours, on n'est pas loin du ridicule
mais Guédiguian sait rétablir l'équilibre et emporter
l'adhésion, la mienne tout au moins. Sa thématique, la mise
en avant des valeurs de solidarité, de tolérance, pourrait
être aussi victime du ressassement mais comme elle est juste et
sincère, elle touche. Arriver à ne pas lasser, à
trouver de nouvelles choses à raconter en utilisant les mêmes
idées et les mêmes acteurs, c'est la performance que Guédiguian
réussit à chaque film.
VENDREDI.
Courriel. AB raconte son passage à
Moulins et son séjour dans l'Allier où il y avait plus à
voir que ce que nous en avons vu.
Football et littérature. On apprend, dans France Football
du jour, le transfert de Romain Sartre à Laval. Sartre jouait à
Lyon, dans l'équipe réserve engagée en CFA, en compagnie
d'un certain Genet. J'ignore si celui-ci est prénommé Jean,
s'il est footballeur et martyr. Merci à R qui m'avait fait remarquer
ce beau tandem littéraire.
TV. Ne pas avaler (Nil by
Mouth, Gary Oldman, G.-B., 1997 avec Ray Winstone, Charlie Creed-Miles,
Laila Morse, Kathy Burke, Edna Doré; diffusé sur Canal +
en ?).
Raymond court les bars en compagnie de Billy, son beau-frère. Alcool,
drogue, petits trafics constituent leur quotidien. A la maison, Valerie,
la femme de Ray, élève leur fille de cinq ans et attend
un bébé.
Décidément Ken Loach n'est pas seul. Quand il s'agit de
filmer le quart-monde sans complaisance, les Anglais n'ont pas de rivaux.
Gary Oldman, acteur de renom, passe ici derrière la caméra
pour un film largement autobiographique qui lui a sans doute beaucoup
coûté. L'histoire du couple Ray - Valerie est d'une noirceur
incroyable. Ray perd peu à peu le contrôle de lui-même,
puis de sa femme et ne trouve de réponse que dans la violence.
Billy passe son temps à imaginer des combines sordides pour payer
ses doses. Dans ce milieu, les femmes ne sont là que pour panser
les plaies et pour servir d'exutoire. On a cru un moment en France qu'un
cinéaste comme Zoncca saurait s'engager dans ce cinéma social
mais on attend toujours. On pense aussi aux frères Dardenne dans
la façon de filmer, mais Gary Oldman parvient à traiter
d'une façon unique des histoires terribles et banales. Une expérience
glaçante, malgré la lueur d'espoir qui apparaît à
la fin et le fait de savoir que l'existence de ce film est le signe d'une
guérison et d'une rédemption.
SAMEDI.
Courriel. Un mot aimable d'Alexandre
Najjar à propos de la critique de sa biographie de Zo d'Axa parue
dans les notules.
Je repêche une demande d'abonnement en provenance de la Réunion,
qui s'était égarée dans les messages indésirables
à cause d'un filtre un peu trop pointilleux.
Il y aurait, d'après L., une Thérèse Brisebras infirmière
à Frangy (Haute-Savoie).
Mots croisés. Dans la grille
du Monde 2 de samedi dernier, cette définition : "Il faudrait
un W pour reconnaître le fils du père". J'ai pensé
à Perec, mais c'est d'un autre Georges, sans s, dont il s'agit.
Lecture 1. Viridis Candela
(Carnets trimestriels du Collège de 'Pataphysique n° 14, 15
décembre 2003; 64 p., sur abonnement).
Le numéro est consacré aux taches, tavelures, bigarrures,
barbouillages et maculages, et riche en illustrations énigmatiques.
On y apprend qu'une "société protectrice des mots a
été créée par une maison d'édition
pour la jeunesse, les éditions Faton, invitant les chères
têtes bondes à utiliser régulièrement des mots
en voie de disparition. Exemple : écornifleur (à prononcer
ou à écrire au moins une fois par mois)." Cette annonce
m'a ramené au temps pas si lointain où je m'efforçais
de prononcer une fois par jour le mot "cheval d'arçon".
A défaut d'autre distinction, je me disais que je mourrais en étant
l'homme qui aurait dit le plus de fois "cheval d'arçon"
au monde. J'ai abandonné. Un autre écho réjouissant
: une critique d'Ubu roi due à un certain A. Eloesser dans
les colonnes d'un magazine allemand de 1897 : "Si le Roi Ubu était
écrit en vers et si les personnages se comportaient en vrais princes
comme leur rang l'exige, il s'agirait alors d'une tragédie de grand
style." Et pour conclure, une petite merveille d'anapoème
: " Fumer un fémur
c'est
poétiser un estropié. "
Lecture 2. Histoires littéraires
n° 11 (revue trimestrielle consacrée à la littérature
française des XIX° et XX° siècles, juillet-août-septembre
2002, Histoires littéraires et Du Lérot éditeurs;
254 p., 20 €).
Un des plaisirs de cette revue, c'est qu'elle permet de découvrir
des inconnus, des gens qui ont eu leur importance, voire leur heure de
gloire à un moment de l'époque étudiée, oubliés
depuis et exhumés ici dans des études et articles d'une
grande précision. Ainsi, si je connaissais La Madone des sleepings,
je ne connaissais pas le nom de son auteur, Maurice Dekobra, dont les
autres titres méritent d'être cités : L'homme qu'elles
aimaient trop, La Bacchanale inachevée, Don Juan frappe à
la porte, Les turquoises meurent aussi, Written with Lipstick, Le sabbat
des caresses ou La Volupté éclairant le monde, Les
Femmes que j'ai aimées... Dans un autre domaine, je n'avais
jamais entendu parler de ce Lorédan Larchey, conservateur de l'Arsenal,
approché par Baudelaire au moment où celui-ci s'était
mis en tête d'entrer à l'Académie française.
Mieux, j'ignorais tout de cet Hector France, écrivain vosgien dont
le nom apparaît, sans autres renseignements, sur le site http://ecrivosges.2st.fr/
du notulien BV. Son cas mérite qu'on s'y attarde un instant. Fils
d'un commandant de gendarmerie, Hector France naît à Mirecourt
en 1840. Il embrasse d'abord la carrière militaire et tire de son
expérience des récits sans complaisance sur les atrocités
commises par la troupe en Afrique du Nord (L'homme qui tue !, Sous
le burnous). Dans une autre veine, il écrit Le Roman du
curé qui conte "les simples et pastorales amours d'un
pauvre curé de village. Une idylle à l'ombre des tilleuls
du presbytère et sous l'œil immobile du coq", comme il l'annonce
dans son adresse au lecteur. Le livre est immédiatement saisi,
ce qui contraint France à poursuivre sa carrière éditoriale
en Belgique avec des titres aussi alléchants que Le Péché
de sœur Cunégonde et Marie Queue-de-Vache. Dans les
années 1880, Hector France voyage beaucoup, rapportant de ses destinations
des reportages (Les va-nu-pieds de Londres, Sac au dos à travers
l'Espagne, Un Parisien en Sibérie) et des romans (La vierge
russe, La mort du czar). Son parcours, ses convictions, son anticonformisme,
son mode de vie, sa participation aux revues de l'époque le font
beaucoup ressembler à Zo d'Axa. Mais il ne s'arrête pas là,
explore d'autres territoires littéraires, publie un Dictionnaire
de la langue verte, donne une suite aux Mystères du peuple
d'Eugène Sue et termine sa carrière par des romans lestes,
souvent sous pseudonyme, "romans de flagellation et d'autres punitions
corporelles, récits qui furent très prisés à
la Belle Époque" comme Le beau Nègre, une Étude
sur la flagellation à travers le monde, Le nouveau chatouilleur
des dames et les prometteurs Dessous de la pudibonderie anglaise
dont il se contente d'écrire la préface. L'article de René
Fayt, justement intitulé "Un témoin oublié :
Hector France", est un travail remarquable. Vite, une rue Hector-France
à Mirecourt.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°176 - 19 septembre 2004
DIMANCHE.
Cérémonie. Caroline
est de garde aujourd'hui, ce qui ne nous autorise qu'un aller et retour
express à Montbéliard pour assister au baptême d'une
jeune Julie, à laquelle je suis tenu par des liens avunculaires.
Enfin, au baptême, façon de parler car à l'heure où
nous arrivons les aspersoirs sont secs depuis belle burette. Nous nous
contentons de participer aux agapes, là aussi de façon incomplète.
C'est la braderie à Épinal et il est possible qu'il y ait
beaucoup d'orteils écrasés à soigner à la
pharmacie.
LUNDI.
Courrier. B. raconte son été
aveyronnais.
Courriel. T. parle de sa rentrée
littéraire et fait l'éloge du dernier livre de François
Bon.
JMP parle de Dekobra et de la magie des titres.
C&C rappellent l'existence de leur glossaire de l'argot des bordels
http://www.insenses.org/chimeres/glossaire.html
Cinéma. Memories of Murder
(Salinui chueok, Joon-ho Bong, Corée du Sud, 2003 avec Song
Kan-ho, Kim Sang-kyung, Byun Hee-bong, Song Jae-ho, Kim Rwe-ha, Koh Seo-hee,
Jeon Miseon, Park Noh-sik, Ryu Tae-ho, Park Hae-il).
En 1986, dans la province de Gyunggi, le corps d'une jeune femme violée
et assassinée est retrouvé dans la campagne. D'autres crimes
similaires ne tardent pas à suivre.
Rien de tel qu'un polar coréen un lundi soir pour avoir de la place
au cinéma : je représente ce soir cinquante pour cent du
public. Du polar occidental, le réalisateur a repris un certain
nombre de topoï : le serial killer, l'arrivée d'un enquêteur
venu de la capitale mal vue par les flics locaux, la progression de fausse
piste en fausse piste. La touche coréenne est visible dans les
allusions à l'actualité (impossible d'obtenir des renforts,
tous les gendarmes sont occupés à réprimer les manifestations
étudiantes, les entraînements aux alertes aériennes),
et aussi dans de brusques accélérations du rythme, accès
de colère, poursuites, bagarres soudaines, surprises totales. Mais
c'est dans les personnages qu'on trouve des choses vraiment inattendues
à commencer par leur statut d'anti-héros. Les enquêteurs
de cette petite ville de province, qui travaillent dans un foutoir indescriptible,
ne brillent pas par leur vivacité d'esprit. Facilement violents,
ils tournent en rond, s'acharnent sur un innocent, s'essaient au chamanisme
pour découvrir le coupable. Ils avancent, le nez collé à
l'enquête et les maigres résultats positifs qu'ils engrangent
sont dus à leur opiniâtreté, non à leur sagacité.
Au contact du détective de Séoul, cependant, ils évoluent,
s'humanisent lentement, à l'image de leur pays, et finissent par
devenir attachants. L'histoire se termine par un bond de quinze ans en
avant et une pirouette assez osée qui conclut le film sans le conclure.
Curiosité. Chaque soir de meurtre, la même chanson est diffusée
à la radio. Ce qui rappelle un vieux film de Christian Stengel,
Seul dans la nuit avec Bernard Blier (1945), dans lequel retentit
la voix d'un chanteur célèbre à chaque fois qu'un
de ses proches est assassiné.
MARDI.
Courriel. Deux demandes d'abonnement
aux notules.
TV. Cold Case (série
américaine de Jerry Bruckheimer, Meredith Stiehm & Jonathan
Littman, 2003 avec Kathryn Morris, Jeremy Ratchford, John Finn, Danny
Pino; épisodes 3 & 4 diffusés sur Canal + le 12 septembre
2004).
Un léger mieux par rapport aux deux premiers épisodes, les
enquêtes sont moins téléphonées, la poursuite
du vrai coupable est un peu plus exigeante. C'est du moins ce que me confie
Caroline, vu que j'ai rapidement sombré dans les bras de Morphée.
Ce qui me fait tout drôle depuis que j'ai appris la semaine dernière,
en visitant l'exposition sur le coloris, que Morphée était
un homme.
Lecture. Passe-temps pour les âmes
ignobles (Louis Sanders, Éditions Payot & Rivages 2002,
coll. Rivages/Noir n° 449; 208 p., 7,95 €).
La communauté anglaise d'un coin de Dordogne est secouée
par la parution d'un livre qui dénonce les crimes commis par certains
de ses membres. Ceux-ci se lancent à la poursuite de l'auteur.
C'est un polar assez bizarre, bref, nerveux, à l'histoire découpée
au rasoir. L'aspect "whodunit" n'est pas franchement
palpitant mais le récit intrigue par la peinture qui est faite
de la diaspora anglaise qui a colonisé le Périgord. Sous
la plume de Sanders, ces Anglais constituent un ramassis d'alcooliques,
médiocres, aigris, faux lords et vrais escrocs, tous venus s'installer
dans des manoirs lugubres et moisis pour fuir leur passé. On a
rarement vu un tel acharnement, il n'y a absolument aucun personnage positif
dans le livre. Et on s'interroge : qu'est-ce que les Anglais ont bien
pu faire à Louis Sanders ? A-t-il été obligé
de leur vendre sa maison de famille ?
MERCREDI.
Courrier. Je reçois une lettre
d'un lecteur niçois, vieil habitué secret, jusqu'à
ce jour, des notules.
GN m'envoie du matériel pour mon Invent'Hair et un marque-page
à l'effigie de Perec.
Club house. Lucie s'initie au golf.
Question de standing.
Grrrrrrr. Nouvelle passe d'armes contre
l'ordinateur qui refuse d'ouvrir tous mes fichiers Word.
Travaux. Installation d'une nouvelle
porte, dotée d'une vraie serrure à l'arrière de la
pharmacie. On peut dire maintenant que l'huis précédent
ne fermait qu'à l'aide d'une targette à pêne plat
(un objet bien connu de tous ceux qui ont subi les programmes de technologie
du collège des années 70), ce qui était tout de même
un peu léger pour ce genre d'établissement.
Cinéma. La Mort dans la
peau (The Bourne Supremacy, Paul Greengrass, E.-U., 2004 avec
Matt Damon, Franka Potente, Brian Cox, Joan Allen, Julia Stiles, Karl
Urban, Gabriel Mann).
Réfugié à Goa, en Inde, l'ex-agent de la CIA Jason
Bourne, devenu amnésique, est poursuivi par un agent russe qui
cherche à l'éliminer.
Le volet précédent des aventures de Jason Bourne, La
mémoire dans la peau, était tout à fait regardable.
C'est malheureusement son succès qui nous vaut cette suite indigeste
au budget surgonflé. L'histoire, déjà peu claire
à l'origine, nous promène de Goa à Moscou (on est
toujours dans une adaptation de Robert Ludlum, et chez Ludlum, l'ennemi
est toujours russe, c'est immuable) en passant par Langley, New York,
Berlin, Naples, Amsterdam mais pas Paris où se déroulaient,
dans le premier épisode, les scènes les plus réussies.
Les scènes spectaculaires se multiplient sans susciter autre chose
que l'ennui, Matt Damon erre là-dedans sans parvenir à donner
un souffle de vie à son personnage. Dans le genre c'est du même
niveau que Spy Game avec Brad Pitt qui distillait la même
masse d'ennui. C'est une grande déception quand on se rappelle
le beau Bloody Sunday du même réalisateur.
Curiosité. On annonce une manifestation d'enseignants à
Berlin. Les images montrent une petite foule porteuse des oriflammes de
l'association Attac et des banderoles avec le slogan "Die Welt
ist keine Wahre". Ce qui tend à démontrer que l'on
n'est pas dans une manif d'enseignants mais dans un mouvement anti-mondialisation.
C'est un détail, mais il faut bien s'occuper...
Toile. La Feuille de route hebdomadaire
de l'écrivain Thierry Beinstingel présente les notules sous
un jour très favorable.
http://perso.wanadoo.fr/tb/etonnements.htm
JEUDI.
Courrier. J'envoie une revue de presse
à Y et réponds à mon lecteur niçois.
TV. The Sopranos (série
américaine de David Chase, 2004, saison 5, épisode 3 avec
James Gandolfini, Lorraine Bracco, Edie Falco, Robert Iler, Steve Buscemi,
diffusés sur Canal Jimmy le 12 septembre 2004).
Deux semaines que j'ai repris le turbin et c'est immanquable : la télévision
s'allume, je m'éteins. Il y a bien la solution préconisée
par le père de F. qui me confiait regarder la télé
debout pour prévenir tout endormissement intempestif. J'ai essayé.
C'est très inconfortable.
VENDREDI.
Presse. On apprend dans Le Monde du
jour que Christian Poncelet, président du Sénat, depuis
qu'il s'est mis en tête de transformer les grilles du Luxembourg
en "haut lieu de l'art passant" (photos d'Arthus-Bertrand, séries
de unes célèbres, etc.) s'est fait décerner par un
de ses collègues le sobriquet de "Seigneur des panneaux".
TV. The Sopranos (série
américaine de David Chase, 2004, saison 5, épisode 4 avec
James Gandolfini, Lorraine Bracco, Edie Falco, Robert Iler, Steve Buscemi,
diffusés sur Canal Jimmy le 12 septembre 2004).
Episode vu en intégralité, sans coupure d'image et en position
assise. Il faut dire que les démêlés de Tony avec
son fils A.J. étaient plus intéressants que les événements
présentés dans l'épisode précédent.
SAMEDI.
Courrier. Je reçois Popp
Music, un disque d'André Popp, immortel compositeur des Lavandières
du Portugal, Piccolo & Saxo, Tintin et le Mystère de la Toison
d'Or... Rock'n'roll en perspective...
Assemblée 1. Revue des effectifs
de ma classe d'âge aux obsèques de P., sortie vainqueur d'un
cancer il y a trois ans, vaincue par un second, jeudi, à l'âge
de quarante ans. On nous enjoint de chanter "Je mets mon espoir dans
le Seigneur, je suis sûr de sa parole." Il faudrait pour ce
faire une foi ou un détachement dont je ne me sens pas encore capable.
Assemblée 2. SA Spinalien -
Olympique Noisy-le-Sec 1 -1. C'est aujourd'hui, nous apprend le speaker,
la journée internationale du fair-play. Ça ne se voit guère
sur le terrain : l'arbitre distribue sept cartons jaunes et un rouge,
invite même l'entraîneur de Noisy à quitter son banc
et à suivre le match depuis les tribunes où un chaleureux
accueil lui est réservé.
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°177 - 26 septembre 2004
DIMANCHE.
Vie sociale. Excellent cochon de lait
chez les N. Les filles mettent la main sur une armée de Playmobil
et font connaissance avec le lapin Robert. On s'achève en regardant
des extraits de La belle Hélène avec Felicity Lott,
une version délicieusement iconoclaste.
TV. The Sopranos (série
américaine de David Chase, 2004, saison 5, épisodes 5 &
6 avec James Gandolfini, Lorraine Bracco, Edie Falco, Robert Iler, Steve
Buscemi, diffusés sur Canal Jimmy le soir même).
Carmela Soprano tombe sous le charme d'un professeur, tout ça parce
qu'il lit Tristan et Iseult dans ses toilettes. Dans les miennes,
je lis les philosophes stoïciens mais je n'avais jamais encore pesé
la charge érotique de cette activité.
LUNDI.
Courriel. Bernard Magné envoie
le programme du séminaire Perec 2004-2005. L'intitulé de
la séance de décembre (Jacques Lederer : "Pourquoi
Joyce admirait-il Perec ?") est particulièrement alléchant.
Cinéma. Le Terminal
(The Terminal, Steven Spielberg, E-U, 2004, avec Catherine Zeta-Jones,
Tom Hanks, Stanley Tucci, Chi McBride, Diego Luna, Barry Shabaka Henley,
Kumar Pallana, Zoe Saldana, Eddie Jones).
Un touriste originaire d'un pays d'Europe centrale apprend en arrivant
aux Etats-Unis que son pays est en proie à une révolution.
Devenu apatride, il organise son existence à l'intérieur
de l'aéroport.
Après un diptyque consacré à la science-fiction moyennement
convaincant (A.I., Minority Report), Steven Spielberg est revenu,
avec Attrape-moi si tu peux à une forme de cinéma
plus classique, plus simple et plus jubilatoire. C'est cette dernière
veine qu'on retrouve dans ce Terminal, lieu de vie où Tom
Hanks fait l'expérience de l'absurdité administrative, de
la débrouille, de la solidarité. Deux doigts de romance
(Catherine Zeta-Jones) viennent agrémenter la chose. Avec ce cocktail,
Spielberg renoue avec la tradition cinématographique américaine
issue de Lubitsch (la Cracosie, pays d'origine du touriste, pourrait être
le cadre de The Shop Around the Corner) où le plaisir de
la narration n'empêche pas quelques réflexions, en passant,
sur la frilosité américaine vis-à-vis de ce qui vient
d'ailleurs. Et après avoir subi Matt Damon pendant les deux heures
de La Mort dans la peau, on a la confirmation que Tom Hanks est
un grand acteur.
Curiosité. La raison de la présence du touriste à
New York est joliment liée à la célèbre photographie
d'Art Kane rassemblant à Harlem, en 1958, les 57 plus grands jazzmen
de l'époque. Voir http://www.harlem.org/
MARDI.
Bougies ou trente-six chandelles.
Lucie a sept ans aujourd'hui. C'est au moment d'immortaliser l'événement
que l'on s'aperçoit qu'elle a profité de notre absence pour
raisons funéraires, samedi, pour se livrer sur l'appareil photo
(fraîchement remis en état) à des expériences
qui ont laissé l'objet en piteux état. En un mot, inutilisable.
C'est l'anniversaire de Lucie. Mais j'ai bien envie de lui faire sa fête.
Courrier. Je reçois ma carte
Louvre professionnels.
TV. Le Mirage de la vie (Imitation
of Life, Douglas Sirk, E-U., 1958 avec Lana Turner, Juanita Moore,
John Gavin, Robert Alda, Dan O'Herlihy, Sandra Dee, Troy Donahue, Susan
Kohner, Mahalia Jackson; diffusé sur CinéCinémas
en ?).
Lora est venue à New York pour tenter sa chance comme actrice.
Elle recueille Annie, une Noire qui partage désormais sa vie. Lora
et Annie ont deux petites filles du même âge. Dix ans plus
tard, alors que Lora a rencontré le succès, les deux adolescentes
se rebellent contre leurs mères.
Douglas Sirk traite ici des relations mère-fille sur le mode mélodramatique
qu'il affectionne. Sarah Jane, la fille d'Annie, n'accepte pas d'être
la fille d'une femme de couleur et Susie, la fille de Lora, flirte avec
le courtisan de sa mère. Bref, rien n'est simple et il faut accepter
les conventions du genre, le visage larmoyant de Juanita Moore, le pathos
démesuré de la scène d'enterrement finale (avec le
magnifique gospel de Mahalia Jackson) pour goûter l'aventure. Comme
dans Tout ce que le ciel permet, Douglas Sirk dresse le tableau
d'un pays où les êtres souffrent face au poids des conventions
sociales et où le don de soi n'est pas récompensé.
MERCREDI.
Emplettes. J'achète La Légende
des siècles pour mes élèves et le dernier John
Harvey pour ma pomme. Je me fais faire une ordonnance pour de nouvelles
lentilles. L'évolution de ma myopie est un signe de jeunesse, ça
rassure. J'apprends, sans être démesurément surpris,
que la remise en état de l'appareil photo coûterait plus
cher que l'acquisition d'un modèle plus performant.
TV. Cold Case (série
américaine de Jerry Bruckheimer, Meredith Stiehm & Jonathan
Littman, 2003 avec Kathryn Morris, Jeremy Ratchford, John Finn, Danny
Pino; épisode 5, diffusé sur Canal + le 19 septembre 2004).
Pour moi, c'est la fin, le dernier épisode. Je cesse d'essayer
d'accrocher cette série qui, malgré des enquêtes assez
bien menées, ne nous offre pas de personnages creusés. Kathryn
Morris, le personnage principal, a certes un joli minois et des qualités
professionnelles mais elle n'a pas d'histoire personnelle, pas de vie
intime et cet aspect fait cruellement défaut.
JEUDI.
Courrier. Envoi de la revue de presse
traditionnelle à Y.
Presse. Dans L'Officiel des spectacles
d'hier, on peut lire, dans la rubrique "Nouveaux films", à
propos d'Oseam, film coréen de Sung Baek-Yeop : "Adapté
d'une légende coréenne, Oseam, qui veut dire "un
bouddha de cinq ans est né ici", très beau voyage initiatique
etc." Fascinant : un mot de cinq lettres qui véhicule pas
moins de cinq concepts : le bouddha, son âge, l'action (la naissance),
le temps (passé), le lieu. Demandez la traduction de La Recherche
de Proust en coréen : 8 pages. Recto verso tout de même.
Cinéma. Comme une image
(Agnès Jaoui, France, 2004 avec Marilou Berry, Agnès
Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Laurent Grévill, Virginie Desarnauts,
Keine Bouhiza, Grégoire Oestermann, Serge Riaboukine, Michèle
Moretti).
Lolita, vingt ans et des rondeurs, désespère d'intéresser
son père, Etienne Cassard, romancier adulé et égocentrique.
On se réjouit d'abord de revoir Bacri dans son rôle de misanthrope
grognon. La façon dont il mate, en ouverture, un chauffeur de taxi
mal embouché procure une satisfaction par procuration digne des
Crimes exemplaires de Max Aub. Cependant, le personnage de Cassard
s'avère au fur et à mesure que le film progresse beaucoup
plus intéressant et beaucoup moins sympathique : c'est une sorte
de monstre égoïste entouré d'une cour obséquieuse
(comme Tony Soprano) et qui étouffe absolument tout son entourage,
à commencer par sa fille qui ne parvient pas à exister auprès
de lui. Dans le rôle, Marilou Berry est une révélation
de poids. Autour de ce duo, les figures sont plus pâles, les histoires
plus lâches. C'est que Jaoui se sent obligée de traiter des
mœurs du milieu littéraire, de la bassesse de la chose télévisuelle,
de la dictature de la mode et des régimes, de la bêtise du
bistrotier de province... Ce qui fait beaucoup, et on se prend à
regretter qu'elle n'ait pas plus centré son propos sur le couple
père-fille. Au total, une légère insatisfaction,
surtout si on se souvient du Goût des autres.
VENDREDI.
Lecture. Des Papous dans la tête,
Les Décraqués (Collectif, Gallimard/France Culture,
2004; 288 p., 25 €).
Anthologie.
Depuis vingt ans, Françoise Treussard et Bertrand Jérôme
réunissent autour d'eux une poignée de passionnés
de l'écriture pour des jeux littéraires basés sur
la contrainte : lipogrammes, bouts-rimés, exercices de style,
pastiches, tentatives d'inventaires, fables express, tourisme minimal,
homophonies, contrepets, etc. Deux émissions de France Culture
présentent les travaux de cette joyeuse troupe : Les Décraqués,
quotidienne, et Les Papous, aussi dominicale que les notules. Présentaient
plutôt, puisque Les Décraqués sont passés
à la trappe au début de ce mois, ce qui n'a pas valu que
des amis à Laure Adler. Je les écoute depuis 1989, j'ai
assisté à trois séances en public, je les enregistre
et conserve les meilleurs morceaux, une cinquantaine de cassettes à
ce jour. Certains Papous sont morts, Perec, qui a accompagné les
débuts de l'émission, Jacques Bens, Topor, Pierre Gripari,
d'autres ont quitté le navire comme Vassilis Alexakis que j'espère
voir rembarquer un jour, les piliers actuels se nomment Jean-Bernard Pouy,
Hervé Le Tellier, Patrice Caumon, Patrick Besnier, Jacques A. Bertrand,
Jacques Vallet, Jacques Jouet, Dominique Muller, Hélène
Delavault, Henri Cueco, Patrice Minet (mon préféré)
et j'en passe. Cette anthologie présente des morceaux récents
susceptibles de faire adhérer le profane mais surtout de réjouir
l'habitué qui peut mettre une voix sur les textes écrits
et replacer les rires et remarques qui accompagnent chacun des exercices
à la radio. Ce sont les formes longues qui, à mon goût,
passent le mieux le cap de l'écriture, notamment les deux romans
interactifs ("quatre auteurs pour un roman en quatre chapitres. Chaque
auteur de ce roman écrit à son tour un chapitre, chaque
chapitre se terminant par trois hypothèses pour une suite possible
de l'histoire") qui ouvrent et ferment le volume et qui sont des
merveilles de nonsense. Le livre est accompagné d'un CD qui reproduit
une séance des Papous en public avec un formidable morceau de Jacques
Jouet dans un pastiche de Tchekhov.
Obituaire. Mort de Françoise
Sagan. "Je n'ai pas la facilité de Minou Drouet et de Françoise
Sagan, le génie de Stendhal, le métier de Flaubert, le brillant
de Barbey, la profondité de Gide, l'envolée de Malraux,
la tendresse d'Hemingway... " (lettre de Georges Perec, avril 1956).
Souvenir de l'hôpital Léon-Bérard, à Hyères,
où j'écoutais Bonjour tristesse lu par Catherine
Deneuve, seul mode de "lecture" que m'autorisaient mes paupières
cousues.
TV. Copie conforme (Jean Dréville,
France, 1946 avec Louis Jouvet, Suzy Delair, Jean-Jacques Delbo, Annette
Poivre; diffusé sur France 3 en novembre 1999).
Gabriel Dupon, modeste employé de bureau, est le parfait sosie
d'Ismora, un voleur de grande envergure. Celui-ci le contacte et l'engage
pour lui servir d'alibi.
Double rôle pour Jouvet, comme Fernandel dans Raphaël le
Tatoué. Cela ne semble pas beaucoup l'amuser. En tout cas,
il est plus convaincant dans la morgue d'Ismora que dans la mièvrerie
de Dupon, même si ce dernier finit par prendre de l'assurance et
par s'opposer à son employeur. Les scènes de double, filmées
moitié par moitié au moyen de caches, sont très bien
faites. Et puis il y a Jean Carmet dans un de ses tout premiers rôles.
SAMEDI.
Fiesta. C'est aujourd'hui que Lucie
a invité ses copines pour son anniversaire. Je mentirais en disant
que c'est l'après-midi de l'année que je préfère,
d'autant qu'aujourd'hui le temps interdit de mettre le troupeau à
l'herbage et nous condamne à la stabulation. Au moins il n'y aura
pas de photos où on me verra faire la gueule.
TV. 24 heures chrono
(série américaine de Joel Surnow, Robert Cochran, Howard
Gordon et Kiefer Sutherland avec Kiefer Sutherland, Elisha Cuthbert, Dennis
Haysbert, Carlos Bernard, Reiko Aylesworth; saison 3, épisodes
1 & 2, diffusés sur Canal + le soir même).
C'est reparti pour un tour, un tour de cadran en l'occurrence (vingt-quatre
épisodes pour vingt-quatre heures) avec cette troisième
saison. On craint que ce ne soit d'ailleurs la saison de trop. La deuxième
avait montré un certain essoufflement, inévitable après
la totale réussite de la première, exploitation parfaite
d'une forme audacieuse pour le format télévisuel, celle
de l'enquête en temps réel. A propos d'essoufflement, les
premières images nous montrent un Jack Bauer en petite forme, empâté,
suant, aux gestes mal assurés. On ne tardera pas à savoir
pourquoi, une fois embarqué dans cette nouvelle histoire où
c'est cette fois un virus bactériologique qui menace la ville de
Los Angeles. Au bout de ces deux premiers épisodes, la chose est
lancée, le rythme est trouvé et on est prêt à
se laisser faire une fois de plus.
Bon dimanche.
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