Notules dominicales 2010
 
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Notules dominicales de culture domestique n°453 - 4 juillet 2010

DIMANCHE.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

MARDI.
Vie professionnelle. Ecrire au notulographe pour obtenir le texte de cette notule.

MERCREDI.
Lecture. Les Mots des tranchées (Odile Roynette, Armand Colin, coll. Le fait guerrier, 2010; 288 p., 22 €).
"L'invention d'une langue de guerre 1914-1919"
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

VENDREDI.
Vie professionnelle. Ecrire au notulographe pour obtenir le texte de cette notule.

SAMEDI.
Courrier. Arrivée du Bulletin de l'Association Georges Perec n° 56. Les notuliens qui m'ont envoyé des informations pour sa réalisation y sont bien sûr remerciés et en recevront un exemplaire dans la mesure des stocks dont je dispose.

IPAD. 16 octobre 2008. 0 km. (8549 km).


1735 habitants

Je suis venu à pied, puisque je suis sur mon lieu de travail. Le monument se trouve sur une place bordée d’un côté par la cour de l’école, d’un autre par la Mairie, d’un troisième par l’église, le dernier donnant sur un escalier par lequel je suis arrivé. C'est une stèle de granit surmontée d’une sorte de boule emmaillotée d’un drapé verdâtre qui retombe sur la colonne. Elle est posée au centre d’un carré dallé matérialisé par une série de plots reliés par une chaîne.

Face :

Châtel

A ses enfants

Morts pour la France

1914-1918

30 noms sur 3 colonnes

d’Emile ADELPHE à Emile LIPPUS

Dos :

1914-1918

31 noms sur 3 colonnes

de Roger MANSUY à Emile TROMPETTE

Gauche :

1939-1945

21 noms sur 3 colonnes

de Robert AMBACHER à Sigisbert MANGIN

Droite :

Hommage au Dr. P. SAYER

Maire de Châtel

1934-1944

Fusillé par l’ennemi

1939-1945

12 noms sur deux colonnes

de Robert MAÎTRE à Pierre GAILLOT

T.O.E.

Serge LAMBOLEY

André REMY

L'Invent'Hair perd ses poils.


Loudun (Vienne), photo de Danielle Renault, 26 février 2007

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°454 - 12 juillet 2010

DIMANCHE.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

Nous n'irons plus à Beaubourg.
L'AS Nancy-Lorraine joue en première division, le FC Metz en deuxième, c'est entendu. Mais ce n'est que du football. Car pour ce qui est de la chose muséale, Metz vient d'entrer dans la Ligue des Champions avec l'ouverture en mai dernier de son Centre Pompidou que nous visitons aujourd'hui. Nancy, perfide et goguenarde, a d'ailleurs prêté pour l'occasion son tableau le plus noir, cette Toussaint d'Emile Friant qui résume à elle seule tous les voeux de bonne chance et de longue vie que nourrit la ville à l'égard de sa rivale mosellane. C'est d'ailleurs une des rares oeuvres qui ne vient pas de Beaubourg, qui s'est montré fort généreux envers son rejeton avec plus de sept cents oeuvres transférées pour l'occasion. L'occasion, c'est l'exposition "Chefs-d'oeuvre ?" qui occupe la totalité du musée, rendant de fait caduque la séparation entre collection permanente et exposition temporaire. De plus, le point d'interrogation qui clôt l'intitulé permet de présenter tout et son contraire et le parcours s'apparente davantage à une promenade à travers l'art contemporain qu'à une réflexion sur la notion de chef-d'oeuvre. Qu'importe, la balade est belle, l'éventail somptueux : ce n'est pas le Beaubourg du pauvre, c'est largement aussi riche et fourni que le Centre Pompidou original. Inutile de citer des noms, tout le monde y est. Bien sûr, les fâcheux remarqueront qu'un seul Soulages ne correspond à rien, que trois petits Braque dans un petit coin font un peu mièvre, qu'un simple échantillon de photos des Becher n'a pas la force d'une "typologie" complète ou qu'on aurait pu se passer de Ben, mais ce ne sont que broutilles. Lorsque le musée aura trouvé sa vitesse de croisière, réglé ses problèmes de billetterie, d'intendance et rendu sa librairie accessible à plus de trois personnes en même temps, ce sera un vrai bonheur d'y retourner.

LUNDI.
Lecture. Histoires littéraires n° 37 (janvier-février-mars 2009, Histoires littéraires et Du Lérot éditeurs; 176 p., 25 €).
Le dossier surréalisme qui ouvre ce numéro fait la part belle à des figures du mouvement qui sont rarement au premier plan : Jean-Pierre Lassalle qui parle de sa correspondance avec André Breton, et surtout Jacques Baron qui, dans un entretien réalisé en 1981, livre ses souvenirs des débuts du surréalisme et de sa dernière rencontre avec Breton : "La dernière fois que j'ai vu Breton, c'était rue des Martyrs, il faisait son petit marché comme moi. Il était très content de me voir. Alors il m'a dit : "Excuse-moi, je ne reste pas longtemps" - parce que Breton était très asthmatique - "Je suis très mal". Puis il s'est tourné vers moi, avec un gentil sourire, comme il en avait quand il était gentil, et il m'a dit : "On n'avait pas prévu ça !" On évoque aussi dans ce dossier les muses du surréalisme, Musidora, Nadja et Gradiva, et Marc Dachy s'élève contre la confusion entretenue entre surréalisme et dadaïsme pour défendre ce dernier, dont il est le chantre régulier, en concluant : "le Surréalisme est donc cette forme amoindrie de Dada". Par ailleurs, Delfeil de Ton livre un extrait d'un poème de Noël Tulot, inconnu de nos services mais qui semble valoir le détour :

[...]
"Elle était nue sous sa robe
Nue
Avec ses seins
Beaux comme Victor Hugo
Nue
Avec ses fesses
Belles comme des Bibles

Dieu sortit son sexe gigantesque comme un orage de
Montagne
Dans un râle puissant
Dépassant toutes les données de la Théologie internationale

Dieu bondit
Et se coucha sur la putain
[...]

Le reste n'est pas dévoilé mais figure dans le numéro 6 des Cahiers André Dhôtel.

MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Hippolyte Simon, Vous qui cherchez Dieu, voici un GPS, Desclée De Brouwer, 160 p., 15 €.

VENDREDI.
Lecture. Origine (Origin, Diana Abu-Jaber, W.W. Norton & Co., 2007 pour l'édition originale, Sonatine, 2010 pour la traduction française, traduit de l'américain par Edith Ochs; 504 p., 22 €).
Les éditions Sonatine, trois ans d'existence, proposent ce qui doit être la plus belle collection de polars du moment sur le plan matériel : sobriété et élégance de la couverture, souplesse du volume, choix des caractères et du papier, c'est du boulot impeccable. Lorsqu'on découvrit Les Lieux sombres de Gillian Flynn en avril dernier, on se dit que le contenu était à la hauteur du contenant et peu s'en serait fallu qu'on achetât toute la collection. Las, le coup de sonde lancé en direction de ce deuxième volume n'a pas porté les fruits attendus. Origine est une longue, trop longue introspection menée par une policière scientifique qu'une enquête sur une série de morts subites du nourrisson dans la ville de Syracuse met sur la trace de ses racines familiales. Une bonne idée de départ qui perd toute sa saveur, étirée qu'elle est sur cinq cents pages d'écriture sans relief. Malgré la déception, on ajoutera un bon point au crédit de Sonatine concernant la traduction des titres. Très souvent malmenés dans leur passage en français, les titres originaux sont respectés par cet éditeur : Origin donne Origine, Dark Places devient Les Lieux sombres, Company of Liars devient La Compagnie des menteurs et ainsi de suite, ce qui est trop rare pour ne pas être souligné.

Bien pêcher pour les débutants, les vacanciers, les petites bourses (Marcel Bourgeois, éditions Bornemann, 1974; 96 p., s.p.m.).
J'ai rarement trouvé un livre dont le titre me cernait aussi bien que celui-ci. Pour le contenu, c'est un peu différent, comme le prouvera cet extrait : "Pour les utilisateurs de cannes roubaisiennes, la ligne doit être 50 centimètres plus courte que la canne et l'amortisseur est constitué par un solide caoutchouc provenant du caoutchouc de rechange du jeu "Jokari". La partie antérieure est simple et se termine par une boucle servant à la fixation boucle dans boucle. La partie terminale de la ligne se compose également d'une boucle, sur cette dernière il a été introduit un brin de caoutchouc avant serrage du noeud, ce qui augmente sa solidité. La partie postérieure de l'amortisseur est torsadée sur 10 centimètres environ et comporte une seule ligature. L'amortisseur mesure en tout 50 cm de longueur environ. Ce montage est convenable pour la grosse tanche."
Annonce. Cherche notulien possédant des connaissances en canne roubaisienne et un jeu "Jokari" avec caoutchouc de rechange. Ecrire au notulographe, photos de grosses tanches suivront.

SAMEDI.
IPAD. 1er novembre 2008. 117 km. (8666 km).


1844 habitants

C'est un Poilu en pierre blanche, un porte-drapeau touché au cœur comme sur le monument de Charmois-l’Orgueilleux. Il est au centre d’une vaste place, sur un carré de pelouse encadré par six arbres, peut-être des tilleuls, dont deux ont conservé leurs feuilles. La stèle de marbre rouge est surmontée d’une croix de Lorraine et porte ce que je suppose être les armes de la Ville de Châtenois, trois têtes de chien ou de loup qui doivent bien sûr porter un nom spécial en héraldique. La stèle repose sur deux marches qui complètent une pyramide tronquée.

Face :

A ses enfants morts pour le France

La ville de Châtenois reconnaissante

Sur une plaque posée au pied de la stèle :

1939-1945

MILITAIRES DEPORTES FUSILLES

12 noms 13 noms CAMUS A.

d’AUBERTIN M. d’AMET L. CAMUS C.

à BONNARD J. à VALLON M.

CIVILS

6 noms

de Mme DE SAINT-SULPICE B.

à Mme LEVY

Gauche :

Au-dessus d’une croix de guerre

1914

DUVAL Louis

De SAINT-SULPICE David

BILLET Albert

MOUTON Henri

MAILFERT Cyrille

ETIENNE Albert

SIMARD Georges

MERLIN Charles

MULOT Benjamin

REMIOT Julien

1915

LORANCE Léon

JAEGY Joseph

LECLERC Alphonse

FRANÇOIS Auguste

NEUTER Georges

Droite :

Au-dessus de la même croix

LAPREVOTTE Lucien

BARRET Georges

1916

ROUSSEL Valentin

LARMINAUX Paul

MARTIN bel

BAILLY André

CHAUMONT Jules

PUCELLE Elie

LAURENT Henri

1917

HENRY Albert

DIDIER Paul

DUHAUT Georges

MAILLOT Charles

MAGNIER Pierre

COLLOT Henri

Dos :

Au-dessus de la même croix

LAPREVOTTE Louis

NOUAILLES Léonard

1918

CLAUDE Aimé

CHARPENTIER Georges

VAUTRIN Maxime

MAILFERT Pierre

THOUILLOT René

BINOT Henri

GUINOT Albert

BOGARD Louis

MOUGEL Emile

1922

DUBOIS Georges

1915

FAIRISE René

Le monument est signé E. Perrin à Pouxeux, comme celui d'Autigny-la-Tour.

En avant, à gauche, une stèle récente (10 septembre 2000) :

Aux combattants d’Afrique du Nord

Du canton de Châtenois

3 noms

1952-1962


L'Invent'Hair perd ses poils.


Chambéry (Savoie), photo de Marc-Gabriel Malfant, 26 février 2007

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°455 - 18 juillet 2010

DIMANCHE.
TV. Football : Pays-Bas - Espagne 0 - 1 (a.p.). On a pris le match en cours de route, sans réelle intention de s'y attarder. Il y avait un Minnelli en boîte à regarder (Thé et Sympathie) et puis les choses semblaient bien établies. D'un côté des Hollandais que les deux échecs précédents en finale et les services rendus au jeu lors des dernières décennies avaient rendus plutôt sympathiques, de l'autre des Espagnols certainement plus forts, au point de donner l'impression par moments de jouer à quatorze, mais tellement sûrs de l'être qu'ils avaient fini par paraître un rien arrogants. La cause était entendue : les méchants allaient gagner 1 - 0, comme d'habitude, et semer la consternation, comme d'habitude, dans les champs de Bataves que deviennent en cette saison les campings de nos contrées. Mais quelques minutes du match suffiront à reléguer Minnelli à une autre date. Pas à cause de la qualité de jeu : la finale respectera loi du football qui veut que, contrairement aux autres sports où les protagonistes se sentent poussés à donner le meilleur d'eux-mêmes au meilleur moment, les équipes arrivées au sommet se défassent des qualités qui les y ont menées, comme si celles-ci étaient subitement devenues dangereuses, pour se cantonner à un jeu frileux et insipide. On va suivre cette finale jusqu'au bout parce que, surprise, le schéma attendu n'est pas respecté. Les Néerlandais au jeu léché se sont transformés en bouchers des polders, des roquets à poil ras adeptes du crampon volant et de la savate zélandaise et les Espagnols, du coup, deviennent les petits, les victimes, les David. Le contraste est aussi sur le banc : pour les Hollandais, Van Marwijk, un entraîneur en costume de banquier, sec et froid, pour les Espagnols, Del Bosque, rondouillard moustachu qu'on prendrait volontiers pour le tenancier échappé de la buvette et qui, ceint d'un tablier bleu, pourrait se présenter à la présidence des Auvergnats de Jo'burg. Au milieu de tout ça, un arbitre britannique, parfaite illustration du principe de Peter, tellement heureux d'être là qu'il en a oublié ses verres de contact au vestiaire. On a toujours les bons et les méchants, mais pas avec les bons maillots. Et en football, d'après l'évangile selon Schumacher, ce sont toujours les méchants qui gagnent. Les Pays-Bas vont gagner leur premier titre mondial, ça ne vaudra même pas une notule. Et puis non. Décidément, je ne comprends rien au football.

LUNDI.
Lecture. Rupture (Rupture, Simon Lelic, Picador, 2010 pour l'édition originale, éditions du Masque, 2010 pour la traduction française, traduit de l'anglais par Christophe Mercier; 312 p., 19 €).
Dans un lycée anglais, un professeur poussé à bout par les persécutions dont il est victime de la part de ses élèves fait irruption dans une salle de réunion, sort un pistolet, tue trois élèves et un de ses collègues avant de se donner la mort. L'affaire est vite classée par la police, au grand soulagement du directeur qui ne veut pas effrayer les investisseurs au moment où son école va pouvoir accueillir des fonds privés. Une jeune inspectrice décide cependant de poursuivre l'enquête et découvre, en parallèle, un cas de suicide commis par un élève devenu le souffre-douleur de ses camarades. Elle va d'autant plus s'impliquer dans cette histoire qu'elle y trouve des échos de ce qu'elle-même subit au commissariat où elle est harcelée par un groupe de collègues. En lisant ce polar - remarquable aussi bien dans sa construction que dans la restitution de la langue orale car il est en grande partie constitué des témoignages bruts recueillis par la policière - on se félicite que Simon Lelic, bien aidé par l'état du système éducatif britannique, ait enfin remis à l'ordre du jour le milieu scolaire dans la littérature policière. C'est un terreau bien trop peu utilisé par les auteurs du genre malgré ses potentialités : violence, persécution, jalousie, racisme, bêtise, tous les ingrédients existent - à des degrés divers bien sûr - chez les élèves et, parfois, chez ceux qui sont chargés de les encadrer. Or, on n'avait pas eu de bonne histoire scolaire à se mettre sous la dent depuis le célèbre Blackboard Jungle (Graine de violence) d'Evan Hunter, futur Ed McBain, porté à l'écran par Richard Brooks. En général, les auteurs américains, s'ils mettent en scène des élèves et des professeurs, préfèrent les histoires de campus universitaires et les Français n'ont rien produit de remarquable dans le genre depuis l'antique Pierre Véry. Simon Lelic, un nouveau venu, prouve la remarquable réactivité du Masque, toujours prêt à signer de nouveaux auteurs, ce qui l'amène parfois à se tromper mais aussi à dénicher des pépites. Rupture en est une, et de taille.

MARDI.
Lauriers. J'ai sué sang et eau ces derniers temps sur un concours pour lequel je reçois aujourd'hui, au stade de la Colombière, le dixième prix. J'aimais bien les concours, avant, quand il fallait remuer des kilos de papiers et quelques neurones pour en dénicher les réponses. Aujourd'hui, avec Internet, c'est nettement moins rigolo, tout finit par se trouver. Presque tout. Parce que pour ce concours, consacré à l'histoire du club local de football, vous pouviez consulter tous les Wikipedia du monde, aucun ne vous aurait dit (j'ai essayé) si le SAS avait déjà joué en Algérie ou quel était le plus farouche adversaire vosgien du club à la fin des années 40 (les réponses sont : oui, à Constantine pour le 5e tour de la coupe de France 1961; Le Thillot). Des questions comme celles-ci, il y en avait cent et j'ai dû avoir à peu près soixante-quinze bonnes réponses, ce que je considère comme honorable au vu de la difficulté de l'exercice. Récompense : un ballon, dans lequel je m'abstiendrai de shooter, j'ai passé l'âge.

VENDREDI.
Ipadoclastie. "GERARDMER. Dans le monument aux morts. Se retrouver devant un monument aux morts le 14 juillet est dans la logique des choses. Ce qui l'est moins, c'est lorsque la "cérémonie" commence à 5 h 15 avec une voiture sur le flanc. Telle est la mésaventure qu'ont connue deux jeunes qui avaient fui un contrôle de gendarmerie. Après avoir grillé un stop, ils ont refusé d'obtempérer à une patrouille de la brigade locale qui leur en intimait l'ordre. Au cours de sa fuite, le conducteur, un militaire de 21 ans stationné en Allemagne, a perdu le contrôle de la voiture qui a violemment percuté le monument aux morts de Gérardmer, finissant sur le flanc. [...] Endommagé par l'accident, le monument aux morts a pu être remis en état pour la cérémonie du 14 juillet qui s'est tenue dans la matinée." (Vosges Matin du jour)
Les chauffards de tout poil, civils ou militaires, peuvent bousiller les monuments aux morts des communes vosgiennes situées, dans l'ordre alphabétique, entre Les Ableuvenettes et Domjulien. Ceux-ci ont été enregistrés dans l'Itinéraire Patriotique Départemental (IPAD), photographiés, étudiés, recensés. Mais qu'ils attendent un peu pour les suivants. Une consultation régulière des notules leur permettra de suivre l'évolution du chantier et de choisir leurs cibles avec un peu plus de discernement.

SAMEDI.
Vie familiale. Aux aurores, Lucie part pour la Bretagne avec son ami N. et la mère de celui-ci. C'est la première fois qu'elle s'en va si longtemps, une pleine semaine, pour des raisons autres que médicales. Une semaine, ça va être bien long, pour elle j'entends, privée qu'elle va être de ma conversation de trappiste, de mes blagues à deux francs cinquante et de mes facéties de garçon de bain. Je la plains. Tout en fanfaronnant, je mesure, à ma minuscule échelle, ce que certains et certaines (et j'en connais une paire) doivent ressentir en voyant partir leur mômes le dimanche soir ou à la mi-temps des vacances.

IPAD. 2 novembre 2008. 131 km. (8797 km).


171 habitants

Il faut presque sortir du village pour trouver le monument, près du château d’eau et du terrain de foot. Il est enfermé dans un enclos grillé. Deux pots de plantes vertes, du gravier et une stèle blanche qui supporte un coq, le premier que je trouve en tant qu’élément principal, posé sur une sphère. En bas-relief, un casque, un glaive, un étendard, une médaille, une gerbe. Sur la grille sont accrochées deux plaques métalliques. Sur celle de gauche, on lit "Marie-Louise BONNEMAIN en souvenir de son fils Paul MARTIN 1915". Le texte de celle de droite est plus surprenant.

1914-1918

Pro Patria

Châtillon s Saône

A ses enfants

Morts pour la France

Gauche :

La Somme

Bois

Leprêtre

Champagne

1914

BRETON Octave

COURTIAL Arthur

GAUTHIER Camille

GUILLIER Auguste

HARTER Georges

1915

BESANÇON Henri

BONNEMAIN Auguste

BONNEMAIN Paul

GARNIER Edmond

LEPINE Alfred

MACUSON Emile
Droite :

La Marne

Nancy

Verdun

1916

BARTHELEMY Maurice

MESTRE Charles

ODIN Charles

VARANDAL Auguste

1917

DROUIN Victor

VAILLANT Louis

1918

DEMANGEOT Camille

HOYET Charles

Trois plaques ont été ajoutées à la base :

39 45

BOULARD René PUSEL Robert

LEPINE Léandre ROUGEY Jean

CLAUDE

BONNEMAIN

L'Invent'Hair perd ses poils.


Chambéry (Savoie), photo de Marc-Gabriel Malfant, 26 février 2007

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°456 - 25 juillet 2010

MARDI.
Transhumance. Départ pour Paris avec Caroline par le 19 heures 04.

MERCREDI.
Vie parisienne. C'est entendu, Saint-Germain-des-Prés n'est plus, pour reprendre un titre d'un Nouvel Observateur de mars dernier, Saint-Germain-des-Livres. Peu à peu, les éditeurs décampent, Nathan, Hachette, Laffont et plus récemment Le Seuil et Flammarion, sans parler des librairies comme celle des PUF. J'ai toujours plaisir cependant à y déambuler comme ce matin, à guetter les têtes connues aux terrasses des cafés du boulevard Saint-Germain, à entrer à l'Ecume des pages, à voir les cartons entassés dans la cour de chez Grasset rue des Saints-Pères et, puisque Saint-Germain est devenu le temple de la nippe, à y acheter des nippes. Rue de l'Odéon, la librairie Jules Verne semble avoir disparu mais je suis peut-être passé trop vite. Rue Racine, on peut voir sur un pas de porte que l'immeuble Flammarion n'a pas toujours abrité Flammarion, ou n'a pas toujours abrité que Flammarion.

Un petit tour chez Gibert pour acheter un guide de pêche digne de ce nom, une croûte légère sur un banc du Luxembourg sous le regard sévère de Frédéric Le Play (ingénieur, économiste et sociologue français, 1806-1882) et je me retrouve à l'intérieur de l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas où j'ai quelque chose à vérifier. Effectivement, le nom de Léon Bloy, mort de sa belle mort dans son pavillon de Bourg-la-Reine en 1917 à l’âge de soixante et onze ans comme on l'a vu dans les notules 449, figure bien dans la liste des morts pour la France dont les noms sont alignés sur les plaques latérales. Est-ce pour faire remarquer sa singulière présence que son nom est souligné d'un trait doré ?

Je redescends la rue Saint-Jacques, achète chez Compagnie une revue sur Bergounioux et fais la fermeture de la Bilipo devant mes habituels Série Noire.

JEUDI.
Lecture. L'Invention de Paris (Eric Hazan, Le Seuil, 2002, rééd. Points P 1267, 2004; 482 p., 8 €).
La visite guidée proposée par Eric Hazan est placée sous le signe de l'histoire. Partant du centre historique donc, l'auteur élargit peu à peu son sujet d'étude au fur et à mesure de l'extension de la ville. Une extension dont la forme, "par strates successives, denses et concentriques", est due aux six enceintes qui se sont succédé en huit siècles, de la muraille de Philippe Auguste au boulevard périphérique. La promenade est instructive, c'est le moins que l'on puisse dire, tant le travail est dense et riche en références. Hazan fait appel à des documents (plans, rapports officiels), aux portraitistes de Paris, Louis Sébastien Mercier en tête, et aussi à la littérature plus générale avec Balzac en figure de proue. Procédant méthodiquement, quartier par quartier, Eric Hazan donne le goût de la promenade, de la recherche des lieux perdus et des traces du passé. Ce pourrait être un livre à lire debout, sur le pavé, un livre déambulatoire si l'éditeur avait simplement pensé à le doter d'un index, un outil tellement facile à réaliser de nos jours qu'on a du mal à expliquer son absence. Ce pourrait donc être un livre frustrant mais heureusement, il ne s'arrête pas là, ce qui n'est guère surprenant si l'on connaît Hazan, ce qu'il écrit par ailleurs et surtout ce qu'il édite. La deuxième partie s'intitule "Paris rouge" et donne un tour nettement plus politique à l'ouvrage. C'est l'histoire du Paris insurrectionnel qui est alors relatée avec de longs et passionnants récits des barricades de 1830, 1848 et des journées de décembre 1851. La Commune est également évoquée mais pas en détail, peut-être parce qu'elle a déjà donné lieu à pas mal d'écrits ou parce que réservée à un ouvrage ultérieur. On croise alors les personnages fascinants de l'époque, Barbès, Blanqui, Delescluzes et ce Baudin dont il faudra bien parler un jour après avoir lu le livre qu'Alain Garrigou vient de lui consacrer. La littérature est aussi présente dans cette partie, plus nettement engagée que la première : pour Hazan, c'est Hugo plutôt que Flaubert, Baudelaire plutôt que Lamartine. La fin est ouverte : l'expansion de Paris n'est pas finie, la barrière du périphérique craquera comme ses devancières et les rues pourraient bien de nouveau s'animer : "Ceux qui pensent qu'à Paris la partie est finie, ceux qui affirment n'avoir jamais vu d'explosion dans un musée, ceux qui chaque jour travaillent à ravaler la façade de la vieille caserne républicaine devraient réfléchir aux variations de cette grandeur qui n'a cessé, au fil des siècles, de surprendre tous leurs prédécesseurs : la force de rupture de Paris."

Vie parisienne. J'attaque la journée par le Louvre, où j'ajoute la salle F, aile Richelieu, deuxième étage, à ma Mémoire louvrière. Après la croûte place des Vosges, visite de l'exposition "Rimbaudmania" à la Galerie des bibliothèques, rue Malher. C'est un mélange, un fourre-tout diront certains, qui associe des pièces majeures (autographes, portraits) à ce qu'on pourrait appeler l'infra-ordinaire rimbaldien, les tee-shirts, les fèves, les pièces de vaisselle à l'effigie du poète. Emotion à la découverte, enfin (et pourtant Charleville n'est pas si loin), du manuscrit de "Voyelles" ou de la copie du "Bateau ivre" par Verlaine, amusement devant les manifestations du culte Rimbaud, les détournements plus ou moins artistiques auxquels celui-ci a donné lieu. Dans la salle consacrée à Rimbaud dans les journaux et revues, on remarque l'absence des deux numéros de Bizarre ("A-t-on lu Rimbaud ?" et "L'affaire Rimbaud") et dans celle qui rassemble les citations détournées de l'oeuvre (se souvient-on qu'un programme du Parti socialiste s'intitulait "Changer la vie" ?), on aurait volontiers ajouté Ô dingos, ô châteaux !, le Série Noire de Jean-Patrick Manchette. De même, on ne s'explique pas l'absence de toutes les monographies consacrées au poète, que ce soient les témoignages d'Izambard, Berrichon, Delahaye, Isabelle et Vitalie Rimbaud ou les travaux les plus récents.
Pas question de quitter la ville sans une halte à l'endroit que je préfère, le Jardin des Plantes, où je me sens bien sous le patronage des Cuvier, Linné, Jussieu, Lacepède, Daubenton, Quatrefages, Geoffroy Saint-Hilaire et autres Buffon qui ont gagné leurs noms de rues sans user du sabre ni du goupillon. Nous rentrons at home par le 18 heures 12.

SAMEDI.
IPAD. 9 novembre 2008. 89 km. (8886 km).


32 habitants

Pas de monument visible, pas de clocher, pas de cimetière, c’est à peine s’il y a des maisons. Attention donc, ceci n'est pas un monument aux morts, mais un vestige des "Monumentales mirecurtiennes".


L'Invent'Hair perd ses poils.


Lyon (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 16 mars 2007

Bon dimanche.