Notules dominicales 2010
 
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Notules dominicales de culture domestique n°441 - 4 avril 2010

DIMANCHE.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

LUNDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

MARDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

En feuilletant Livres Hebdo. Recommandations professionnelles concernant les dalles à prédalles suspendues avec boîtes d'attente, Société d'édition du bâtiment et des travaux publics, 13 p., 7,50 €.

MERCREDI.
Courriel. Deux demandes d'abonnement aux notules. L'une d'elles émane d'un exilé qui verrait d'un bon oeil la publication du monument aux morts de son village d'origine - Crans, dans l'Ain - dans l'IPAD. Bien sûr, l'IPAD n'est que départemental et se limite aux Vosges mais qui sait si, une fois ce chantier achevé, je n'entreprendrai pas un Itinéraire Patriotique Alphabétique National. Dans ce cas, le département de l'Ain figurerait naturellement en tête de l'IPAN, ce qui me permettrait de donner satisfaction à ce néo-notulien dans quelques décennies.

Football. SA Epinal - CSO Amnéville 1 - 3.

JEUDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). C'est une maison bleue de Dominique Dyens chez Denoël.

Lecture. Gustave Flaubert, une manière spéciale de vivre (Pierre-Marc de Biasi, Grasset, 2009; 496 p., 21,50 €).
Trente ans, cela fait trente ans ou plus que Pierre-Marc de Biasi commente, annote et édite Flaubert. Voilà qu'il se décide enfin à livrer un Flaubert intégral, une étude complète - si l'on met de côté son petit volume pour la collection Découvertes de Gallimard. L'événement n'est pas négligeable, mais contient sa part de risque : que peut nous apprendre le spécialiste, fût-il le plus reconnu, après des décennies de gloses ? De Biasi renonce rapidement à la biographie classique : "Entouré des inquiétudes maternelles, un cinquième enfant, que l'on prénomme Gustave, naît le 12 décembre 1821, à quatre heures du matin, etc." Une autre piste se présente, celle de la biographie critique qui consiste à évaluer les travaux des prédécesseurs. C'est vite réglé ("la thèse sartrienne d'une haine viscérale entre Gustave et son père ne tient pas debout"), les légendes sur "Madame Bovary c'est moi" et "Je l'appellerai Emma Bovary" sont tôt rangées dans l'armoire aux fanfreluches, d'ailleurs le volume ne s'encombre d'aucune bibliographie. Il faut inventer une troisième voie et de Biasi sait laquelle choisir : "la critique génétique est une des tendances les plus fécondes de la critique contemporaine". Ça tombe bien, de Biasi est généticien et probablement le seul à s'y retrouver dans les quelque 15 000 pages d'oeuvres de jeunesse, carnets, dossiers documentaires, scénarios, correspondances, notes de voyages et brouillons restés inédits du vivant de Flaubert. Là où tant de biographes s'appuyaient uniquement sur la correspondance de l'écrivain, de Biasi élargit le spectre et le champ d'études, apportant, c'était son but, un éclairage nouveau. Les oeuvres sont étudiées une à une, dans l'ordre chronologique et pour chacune quelque chose de nouveau apparaît, parfois un détail (que recouvre et que devient le "nous", premier mot de Madame Bovary, que signifient les deux occurrences du mot "baquet" dans L'Education sentimentale), parfois une chose plus générale (quelles sont les véritables raisons de l'échec de L'Education). Au passage, l'auteur note l'importance des chevaux dans tous les écrits de Flaubert, réhabilite Maxime Du Camp, rend hommage à Pierre Dumayet (à juste titre, c'est le meilleur lecteur de Flaubert, celui qui en parle le mieux en tout cas), souligne le rôle des Choses de Perec et du Nouveau Roman dans la redécouverte de L'Education sentimentale, étudie précisément les innovations stylistiques apportées par l'homme de Croisset, dévoile les autobiographèmes cryptés dans ses romans, déniche une erreur de date dans la première édition Pléiade de L'Education et, là où tous ses prédécesseurs insistaient sur la masse des lectures entreprises par Flaubert pour sa documentation, se penche sur son travail de relecture de ses propres oeuvres pour ses corrections (volume estimé : 1 080 000 pages). Brillant, sûr de lui, de Biasi séduit et intéresse, même si un vocabulaire un peu trop technique vient obscurcir certains passages. Il répond par anticipation au notulographe qui, il n'y a pas quinze jours, proclamait du haut de son outrecuidance que L'Education sentimentale était un roman "mal fichu". Il manque sans doute à ce jeune coq plusieurs relectures pour savoir de quoi il parle. A ce propos, faisons appel à un connaisseur : "Est à relire - Balzac - Kafka (à finir) - La Bible - La Guerre et la Paix (7e fois) - Stendhal - Le Rouge (12 f.) - La Chartreuse (6e) - Leuwen (10e) - Ulysse (nième fois) - La Tentation de Saint Antoine (4e fois) - L'Education sentimentale (5e fois)", lettre de Georges Perec à Jacques Lederer, 5 septembre 1958. Rien qu'en parcourant à nouveau le roman en diagonale cette semaine, j'ai retrouvé une allusion aux coiffeurs ("Mieux vaut l'exubérance que le goût, le désert qu'un trottoir, et un sauvage qu'un coiffeur !" - et une pierre de plus dans le jardin de mon étude à venir sur la place des coiffeurs dans la littérature française) et une phrase lancée par Hussonnet à Frédéric Moreau lors du sac des Tuileries en février 1848 ("Les héros ne sentent pas bon"), plagiat par anticipation de celle qu'on attribue tantôt à Gide, tantôt à Fargue, tantôt à Cami mais qui semble bien être de Franc-Nohain : "Les capitaines vainqueurs ont une odeur forte".

VENDREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules. Je sais, tout cela devient un peu répétitif mais l'exposition avantageuse dont a bénéficié cette semaine l'histoire d'Armelle, proposée dimanche dernier, a occasionné une affluence dont on ne saurait se plaindre ici. Il eût été judicieux de récompenser les nouveaux-venus par un numéro brillant et attractif mais ce ne sera sans doute pas le cas. Il est des semaines ternes et il vaut mieux n'en rien dire que se forcer à des figures imposées qui ne feraient que renforcer leur manque d'éclat. Il fut un temps, c'est vrai, où j'étais plus bavard. J'hésite désormais davantage à encombrer les tuyaux avec des réflexions ou des relations d'événements qui me semblent sonner creux. Je vois cela comme un progrès. Par ailleurs, pour ne prendre qu'un exemple, il est certain que l'accroissement de la population notulienne sur mon lieu de travail ne me permet plus de parler de ma vie professionnelle aussi librement qu'autrefois. Ce n'est peut-être pas un mal non plus. Voir ainsi les notules s'acheminer vers un silence ponctué de quelques sonneries aux morts sous les clignotements d'enseignes de coiffeurs ne me déplairait pas forcément.

SAMEDI.
Presse. Mise en ligne de ma chronique sur Pierre Bost parue dans Vosges Matin le 25 mars dernier : http://pdidion.free.fr/chroniques/chroniques_2010.htm#250310


IPAD. 1er mai 2008. 113 km (7781 km).

868 habitants

Le monument est au centre d’un grand square gazonné aux allées couvertes de gravillons. Surprise de trouver une stèle en granit au pays du grès rose.

Face :

1914 – 1918

A nos morts

La commune de Celles-sur-Plaine reconnaissante

1939-1945

Droite :

17 noms de AMBROISE Camille à CUNY Paul

17 noms de CUNY Georges Sergt à FRANQUIN Joseph

Dos :

Victimes civiles

11 noms d’ANTOINE Charles à RHOTE Joseph

A.F.N.

HEITZMANN Roland

Gauche :

17 noms de GAILLARD Victor à MATHIEU Pierre

14 noms de MEGRAT Louis Sergt à TREF Charles

Morts en Indochine

DUVIC Roger

MATHIS Jacques

Sur le bas de la stèle, trente-cinq noms sont inscrits sur les quatre côtés, de BARRET Claude à THOMAS Pierre.

A l’écart du monument, près de l’église, une imitation de la grotte de Lourdes porte cette plaque. Le texte est un rien en contradiction avec le monument où figurent les noms des victimes civiles de 39-45.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Lyon (Rhône), photo de Patrick Flandrin, 16 décembre 2006

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°442 - 11 avril 2010

DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental. Le monument de Dombasle-en-Xaintois est enregistré.

LUNDI.
Itinéraire patriotique départemental. Le monument de Dombrot-le-Sec est enregistré.

MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Pourquoi les mouches aiment-elles les crottes ? EDP sciences, 200 p., 15 €.
Par ailleurs, en jetant un oeil sur le dossier consacré aux libraires dans ce numéro du 26 mars dernier, on s'aperçoit que certains d'entre eux font preuve d'une imagination tout à fait digne des pommadins de l'Invent'Hair : Les Mots Passants à Aubervilliers, Le Genre urbain à Paris, M'Lire à Laval...

JEUDI.
Lecture. Les Lieux sombres (Dark Places, Gillian Flynn, 2009, Sonatine, 2010 pour la traduction française, traduit de l'américain par Héloïse Esquié; 492 p., 22 €).
"La mesquinerie qui m'habite est aussi réelle qu'un organe. Si on me fendait le ventre, elle pourrait fort bien se glisser dehors, charnue et sombre, tomber par terre, et on pourrait sauter dessus à pieds joints. C'est le sang des Day." C'est Libby Day qui parle en ouverture de ce livre. Le sang des Day a été versé en 1985 : un massacre familial dans une ferme du Kansas dont Libby, alors âgée de sept ans, fut la seule rescapée. Son témoignage a envoyé en prison son frère Ben, quinze ans, reconnu coupable du meurtre de sa mère et de ses soeurs. Pendant vingt-cinq ans, Libby a vécu grâce à des dons, des témoignages, des livres sur le drame. Mais la source est tarie, l'histoire de "Baby Day" ne fait plus recette et elle accepte la proposition d'une association, le Kill Club (!), de partir à la recherche d'éventuels témoins du drame. En parallèle à cette enquête, le lecteur suit le déroulement de la journée qui a abouti au meurtre, vue d'un côté par sa mère et de l'autre par Ben. Trois récits, un en direct, deux en différé, un chapitre pour chacun en stricte alternance, la machine tourne rond. Au fil des pages, on découvre le quotidien d'une famille d'agriculteurs ruinés vivant d'expédients, un monde sordide totalement à la marge de la société. Petit à petit, une vérité plus complexe que celle à laquelle avait abouti l'enquête de l'époque apparaît, jusqu'à la révélation du véritable coupable. C'est un roman noir parfaitement mené, maîtrisé de bout en bout, sans déchet, dans lequel on ne trouvera aucun personnage positif. Une seule fausse note, la litanie finale des remerciements de l'auteur. On a beau y être habitué avec les écrivains américains, celle de Gillian Flynn est un sommet du genre avec son "adorable groupe d'amis et de parents qui [lui] prodiguent constamment des encouragements", son "supergroupe d'amis écrivains" et son mari, "un homme génial, drôle, supersexy, et doté d'un coeur gigantesque". A ce moment, j'ai vraiment cru que c'était Caroline qui avait écrit le bouquin.

SAMEDI.
IPAD. 1er juin 2008. 151 km (7932 km).


265 habitants

Le monument est à l'écart de la mairie, sur une placette négligée : il y a des boutons d'or dans la pelouse, de l'herbe entre les dalles, de la mousse sur la stèle.

Certilleux à ses enfants

MIRE Léon
MIRE Alcide
BOGARD Albert
LAVAL Maurice
MULOT Louis
CHAMPAGNE Auguste
TRAVERS Georges
KULNER Henri

Le monument semble être signé en bas à gauche V. (?) GERARD à NEUFCHÂTEAU. Dans le cimetière, une autre stèle est visible, érigée par le Souvenir français en mémoire de trois des victimes.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Paris, rue du Théâtre, photo de Danielle Constantin, 10 décembre 2006

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°443 - 25 avril 2010

DIMANCHE.
Courriel. Deux demandes d'abonnement aux notules.

Lecture. Ubu roi (Alfred Jarry, Mercure de France, 1896, rééd. in Oeuvres complètes I, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade n° 236, 1972; textes établis, présentés et annotés par Michel Arrivé; 1328 p., s.p.m.).
Le problème avec Jarry est de parvenir à lire au-delà de la légende, de trouver des pistes dans ce que Michel Arrivé appelle un "champ de ruines sémantico-stylistique". Cette édition en livre quelques-unes qui permettent de dépasser le plan potachique de la pièce - bien réjouissant au demeurant : les implications héraldiques, l'analyse linguistique, la symbolique scatologique et sexuelle sont ici soulignées et creusées d'une façon qui fait de Jarry un auteur bien supérieur à un simple farceur.

LUNDI.
Lecture.
Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique. Viridis Candela, 8e série, n° 8 (15 juin 2009, 128 p., 15 €).
Numéro hommage du Collège à l'un de ses membres, et pas des moindres, puisqu'il s'agit de Boris Vian, Transcendant Satrape en son temps. Avec une pièce radiophonique inédite, une étude sur la botanique dans les romans vianesques et surtout un portrait très fouillé du Major dû à Alain Zalmanski. Le Major est un personnage qui apparaît à plusieurs reprises chez Boris Vian, parfois sous des appellations fantaisistes, parfois sous son véritable nom. Car le Major, Jacques Loustalot pour l'état-civil, a bien existé. Né en 1924, il rencontre Vian à Capbreton en 1940 et suscite de suite son intérêt en se présentant comme "le bienheureux Major retour des Indes". Son oeil de verre, sa beauté, sa culture, son goût pour l'alcool et les histoires à dormir debout en font un personnage hors du commun. A Paris, après la guerre, Vian et le Major deviennent inséparables. "C'est le bienheureux Major retour des Indes, personnage loufoque que Vian apprécie et envie : le Major est pris quelquefois par l'envie de se promener sur les corniches des toits, de "foutre en l'air une soirée" parce qu'elle ne lui plaît pas et a l'habitude de sortir de chez les gens par la fenêtre, en descendant à l'aide d'une corde confectionnée avec les draps de la maison ou un cordon téléphonique." Les frasques du Major avec Vian, Jean Suyeux, Jean Carmet et André Frédérique - certaines furent filmées - sont trop nombreuses pour être rapportées ici. Pourtant, le passage terrestre du Major fut de courte durée puisqu'il prit fin en 1948 : "Au cours d'une surprise-partie très avinée, au dernier étage du n° 2 de la place du Docteur-Alfred-Fournier, dans le Xe arrondissement, le Major se tua en tombant d'une fenêtre dans des circonstances mystérieuses." On dit fréquemment que le Major représentait ce que Boris Vian aurait voulu être.

MARDI.
Lecture. Guide des collections XVIe - XVIIe siècles (Musée des Beaux-Arts de Rouen, Réunion des Musées Nationaux; 232 p., 100 F).
Une belle collection avec ce qu'il faut de grands noms et de découvertes à faire (une saisissante Jeune femme sur son lit de mort anonyme) malheureusement mal mise en valeur par la taille des reproductions. Les notices explicatives renvoient parfois à des détails absolument invisibles, ce qui est un rien fâcheux.


Ecole flamande, 1621, Jeune femme sur son lit de mort

JEUDI.
Exode. "Un nuage de cendres et de fumées sur le point d'envahir le nord de la France" (les radios). Un quelconque Saknussemm aura sans doute chatouillé d'un peu trop près les entrailles d'un Sneffels islandais. Dans ce cas-là, on ne fait ni une ni deux : tout le monde en voiture et direction plein sud. On s'arrête au milieu de la nuit à Mandelieu - La Napoule, sous un ciel clair.

VENDREDI.
Lecture. L'Echo des morts (Nattfak, Johan Theorin; Wahlström & Widstrand, Stockholm, 2008, Albin Michel, 2010 pour la traduction française; traduit du suédois par Rémi Cassaigne; 416 p., 20 €).
Il s'agissait pour Johan Theorin de transformer l'essai réussi avec L'Heure trouble, un premier roman remarquable et remarqué. Pour ce faire, il a choisi de conserver le cadre, les paysages désolés de l'île d'Öland, un des personnages en la personne du vieux Gerlof, détenteur des secrets locaux, ainsi qu'un schéma qui permet de trouver dans le passé les explications d'un drame actuel, en l'occurrence la noyade d'une femme récemment installée dans l'île. Comme ingrédient supplémentaire, il a incorporé une dose de surnaturel, faisant apparaître des fantômes et des croyances qui donnent une touche irrationnelle à son histoire. Pas évident mais Johan Theorin réussit à éviter le piège du ridicule avec habileté, tout comme il avait intelligemment évité de tomber dans le pathos avec son roman précédent, construit autour d'un enlèvement d'enfant. Malgré cela, L'Echo des morts reste un cran en dessous de L'Heure trouble, principalement à cause des scènes d'action qui viennent pimenter les derniers chapitres, un exercice inutile pour un romancier qui excelle avant tout dans la mise en place d'une atmosphère.

SAMEDI.
Lecture. Irénée (Antoine Broto, La Table Ronde, 2009; 192 p., 18 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2010).

Vie vacancière. Les vacances, c'est l'occasion de changer de rythme, de ne plus être esclave du temps et des habitudes induites par l'emploi réglé de celui-ci. Moi, à partir du moment où je peux me lever avant sept heures, déjeuner avant huit, manger à midi, siester à deux heures, goûter à cinq, dîner à huit, lire mon livre et voir mon film quotidiens, je n'ai absolument rien contre.

IPAD. 6 juillet 2008. 68 km (8000 km).


471 habitants

Une stèle simple, sur le côté de l'église. Le parterre est fleuri avec soin. Sur la gauche, une plaque presque illisible (« A nos chers disparus 1939-1945 »), sur la droite, un crucifix à l'horizontale, tel qu’on en voit sur les tombes des cimetières.

Face :

A la mémoire glorieuse

des enfants de Chamagne

Morts pour la France

1914-1918

Gauche :

LAURENT Paul Charles René Soldat 1915

PAULY Justin Emile " 1916

TROMPETTE Edouard Joseph Ambroise " "

VILLEMIN Louis Caporal "

VINOT Joseph Camille Soldat "

GOMBAUT Charles Louis " "

MANGIN Henri " 1917

LOUIS Jules Clément " "

*JEANDRON Marc Edmond " "

*JEANDRON André Félix " 1918

GENAY Marie Charles " "

*JAQUEL Auguste Sergent "

1939 – 1945

BROCHIN Roger Albert

DIDIER Robert Eugène

ETIENNE Lucien Louis

PERRIN Jean Fernand

PETITGAND Pierre François

NOEL Albert Georges


Droite :

JAQUEL Jean Louis Caporal 1914

BATAL Nestor Eugène Soldat "

LAURENT Marie Joseph Paul " "

FADE Marie Isidore " "

PROT Eugène " "

MARCHAL Jean Georges Marie Xavier Caporal "

MARTIN Jean Victor Soldat 1915

REMY Marcel " "

*PHILIPPE Marie Hubert Sergent "

REMY Raymond Soldat "

DORGET Félix Hubert " "

PAULY Henri " "

CLEMENT Roger Auguste Caporal "

* : signifie que le nom est suivi d’un ou deux symboles représentant des décorations.

" : ce signe « idem » apparaît sous la forme suivante sur le monument : d°

L'Invent'Hair perd ses poils.


La Mulatière (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 23 décembre 2006

Les points de suspension permettent de distinguer cet Hair du temps de ceux de Maxéville (361) et de Compiègne (385).

DIMANCHE.
Lecture. L'Imposteur (François Marchand, Le Cherche Midi, 2009; 144 p., 13 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2010).

LUNDI.
Lecture.
Un sentiment (Natascha Cucheval, Fayard, 2009; 176 p., 17,90  ; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2010).

MARDI.
Lecture. Irène sur le plancher des vaches (Frédéric Michaud, éditions Delphine Montalant; 112 p., 15 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2010).
Maintenant que la première partie de mon travail en tant que juré du Prix René-Fallet est terminée, on peut penser à secouer l'oblomovisme ambiant et jouer les touristes. Au programme, une petite virée à l'étranger ou presque. Il paraît qu'il y a cent cinquante mille touristes bloqués à l'étranger par la fermeture des aéroports, montrons-nous donc un peu solidaires. Monaco est à moins d'une heure de route, en voiture pour Monaco. Nous nous posons aux environs du casino et commençons à écarquiller nos yeux de ploucs devant les prix affichés dans les vitrines, les livrées des portiers, les tribunes installées en vue du Grand Prix et les automobiles à capot blasonné quand l'hypoglycémie de Lucie commande la quête de quelque chose à croûter. Pas facile de trouver un semblant de nourriture prolétarienne au milieu des enseignes Fauchon, Hédiard et Ladurée mais nous réussissons à nous attabler devant une poignée de sandwiches dans une galerie commerciale, c'est merveilleux, on se croirait au Centre Saint-Sébastien de Nancy. Nous pouvons dès lors attaquer le Rocher, la place du Palais avec ses empilements de boulets de canon liés entre eux par des toiles d'araignée, la cathédrale, le Musée océanographique, les jardins Saint-Martin d'où je suis heureux de deviner le stade Louis II, et les ruelles, mélange harmonieux de Riquewihr et de Mont-Saint-Michel. Ca suffira, nous avons des munitions pour le retour. Parce qu'il faut penser au retour, pas à Mandelieu, mais plus tard, à Epinal, où il s'agira de faire face. Parce que les cent cinquante mille touristes bloqués à l'étranger - qui ne sont plus que quatre-vingt-cinq mille cet après-midi sur France Info mais qui occupent toujours la moitié des informations -, ceux-là vont bien finir par rentrer, à pied, à cheval ou en voiture. Et la semaine prochaine, à l'école, à la pharmacie, au bistrot, dans le train, ils vont se sentir obligés de raconter leurs aventures, pensant, à tort ou à raison, que l'on n'en a rien su. Nous sommes en passe de vivre des temps redoutables.

JEUDI.
Tourisme. Comme il n'y aura pas de monument aux morts à la fin de ce numéro, il faut trouver un produit patriotique de remplacement. Nous profitons des richesses de la région et allons rendre hommage à l'adjudant Gerber et à ses hommes devant l'ancienne gendarmerie de Saint-Tropez où nous nous tirons mutuellement le portrait. A chacun ses totems, à chacun ses lieux de mémoire.

VENDREDI.
Collections de printemps. La dernière escapade des vacances sera pour Cannes, dont je n'ai pas encore épuisé les richesses capillaires. De plus, je tiens à photographier une plaque de rue repérée l'an passé. Il s'agit de la rue Léon Noël. Je ne sais de quel Léon Noël il s'agit, il y en eut plusieurs qui furent relativement célèbres, un ambassadeur, un résistant, un scénariste, un lithographe, nous dit Wikipédia. Je collectionne les images de Léon Noël. Celle-ci sera la deuxième pièce de ma collection, après la photo de la tombe d'un Léon Noël comédien enterré au Père-Lachaise. Je sais, ça ne fait pas très riche comme collection mais j'en ai fini avec les collections imposantes. Comme beaucoup, j'ai commencé par rechercher de vastes collections, les timbres, les briquets à essence, les verres à bière, des choses comme ça. Maintenant, le temps et l'espace se réduisant peu à peu, je suis devenu adepte des collections minimalistes. Outre ma collection de Léon Noël, riche désormais de deux éléments, je collectionne par exemple les différents titres de Wuthering Heights en édition française (un élément) et les tickets de caisse historiques (deux éléments, une note de 14,92 € et une autre de 19,29 €). Il me reste à saisir au vol une camionnette Léon Noël qui me dépasse parfois sur le chemin du boulot, à acheter quelque part pour 17,89 € ou 15,15 € de denrées diverses et j'arrêterai là ma carrière de collectionneur.

SAMEDI.
Invent'Hair, bilan d'étape. L'Invent'Hair, qui est un objet d'étude et non une collection, est à ce jour riche de 424 clichés. 107 ont été publiés dans les notules depuis le 8 mars 2004, date à laquelle le salon Mouss'Tifs de Nomexy (Vosges) eut le redoutable honneur d'inaugurer la série. Le chantier est aujourd'hui suffisamment étendu et avancé pour quitter son caractère uniquement compilatoire et supporter une étude statistique. Celle-ci portera sur les 400 premières photos et sera actualisée à chaque nouvelle centaine atteinte. Elle portera sur deux éléments, l'élément géographique et l'élément poétique.
Bilan géographique. Chantier international, l'Invent'Hair est cependant marqué par un gallocentrisme tout à fait naturel si l'on prend en compte son foyer de conception et d'étude, ainsi que le goût des coiffeurs français, plus prononcé que partout ailleurs semble-t-il, pour les calembours vaseux. 365 salons sur 400 sont français, soit 91,5 %. Les autres pays représentés sont, dans l'ordre, le Maroc (8), les Etats-Unis (5), le Royaume-Uni (4 salons écossais, 1 anglais), l'Espagne (4), la Belgique, la Turquie (2), le Togo, les Pays-Bas, la Suisse, l'Allemagne, le Pérou, l'Irlande et le Canada (1). Les départements français illustrés sont Paris (49 photos), le Rhône (47), les Vosges (33), la Meurthe-et-Moselle (17), Vaucluse (11), l'Aude, la Loire (10), les Bouches-du-Rhône (9), l'Ardèche, le Finistère (8), l'Allier, la Creuse, l'Ille-et-Vilaine, les Pyrénées-Orientales, la Saône-et-Loire (7), la Loire-Atlantique, la Manche, le Morbihan (6), les Alpes-Maritimes, le Doubs, la Drôme, le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, la Seine-Maritime (5), les Côtes-du-Nord, l'Eure-et-Loir, l'Hérault, la Haute-Saône (4), la Charente-Maritime, l'Isère, le Lot, la Lozère, la Marne, le Puy-de-Dôme, le Var, la Haute-Vienne (3), les Alpes-de-Haute-Provence, la Corrèze, la Corse, la Côte-d'Or, le Gard, le Jura, la Haute-Marne, la Savoie, les Yvelines (2), l'Aube, l'Aveyron, le Calvados, la Gironde, l'Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher, la Haute-Loire, le Maine-et-Loire, la Moselle, le Nord, l'Oise, la Sarthe, la Haute-Savoie, les Deux-Sèvres, la Somme, le Tarn, la Vendée, la Vienne, l'Essonne, la Seine-Saint-Denis, le Val-d'Oise (1). Au terme de ce palmarès, on s'aperçoit que le territoire français est assez bien quadrillé (même si l'on peut déplorer l'absence des DOM-TOM, heureusement réparée dans la centaine en cours) puisque 66 départements sur 95 sont représentés (69,47 %). Cependant, il reste des régions à explorer et il serait bon, à l'heure des préparatifs de vacances, que les notuliens envisagent d'un jour excursionner, sinon villégiaturer, dans un des départements délaissés afin d'y explorer les richesses capillaires. Sur simple demande, un ordre de mission peut leur être fourni pour l'une des destinations suivantes : l'Ain, l'Aisne, les Hautes-Alpes, les Ardennes, l'Ariège, le Cantal, la Charente, le Cher, la Dordogne, l'Eure, la Haute-Garonne, le Gers, l'Indre, les Landes, le Loiret, le Lot-et-Garonne, la Mayenne, la Meuse, la Nièvre, l'Orne, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées, la Seine-et-Marne, le Tarn-et-Garonne, l'Yonne, le Territoire de Belfort, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne. A l'échelon inférieur, celui des communes (hors Paris), Lyon arrive largement en tête (27 salons) devant Epinal et Nancy (9), Villeurbanne (7), Asilah (Maroc, première ville étrangère) et Marseille (6), Avignon et Colmar (5).
Bilan poétique. Les appellations consignées dans l'Invent'Hair se déclinent selon trois axes lexicaux majeurs. L'axe Hair, à lui seul, concerne 164 enseignes (41 %), devant l'axe Tif (113 enseignes, 28,25 %) et l'axe Coif (45 enseignes, 11,25 %). Le reste, la piétaille des Mèche, Coupe, Tête, Frange et autres n'occupe donc que 78 enseignes, soit 19,5 %. Sept salons remarquables, Satif'Hair, Faudra Tif Hair, l'Hair Créatif, Hair'Méneutif et trois Coiff'Hair offrent la particularité de se conjuguer selon deux des trois axes principaux. Au sein de ceux-ci, la famille Créatif (19 photos) se taille la part du lion devant la famille Hair du Temps (15), la famille Diminutif (12), la famille Imaginaire (8), les familles Actif et Planétaire (7). Il convient de parler de familles et de nommer celles-ci de façon orthodoxe car il existe de nombreuses variantes autour d'un même intitulé selon l'usage qui est fait de l'orthographe, des espaces, des apostrophes, des majuscules, des tirets et du nombre. Ainsi, pour prendre l'exemple le plus significatif, la famille Diminutif comprend un Diminu Tifs, un Diminue Tifs, un fort peu audacieux Diminutif, cinq Diminu'Tif, un Diminu'tif, un Diminu-Tif, un Diminu'Tifs et un Diminu-Tifs. L'apostrophe constitue un cas à part : toutes familles confondues, elle apparaît 216 fois, donc dans 54 % des cas. Son emploi est totalement anarchique : l'apostrophe sert à élider (La Boît' à Tifs), à séparer un mot en deux parties pour mettre en valeur un élément de l'appellation (le plus souvent un des trois axes susmentionnés, comme dans Cap'Tif), et parfois à rien du tout (Graffiti'f). L'apostrophe semble avant tout être là pour donner un tour moderne, léger, en un mot anglo-saxon (rock'n'roll !) à l'appellation la plus inoffensive. Il existe bien entendu d'autres traits intéressants, sur le plan thématique notamment, mais ne chargeons pas la barque pour ce premier bilan, d'autres étapes suivront.

Bon dimanche.