Notules
dominicales de culture domestique n°460 - 5 septembre 2010
MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Serena
Vallès & Carlos Marinez, Comment tourner une vidéo
érotique à la maison. Bruxelles, les éditions
de l'arbre, 142 p., 19,90 €.
Lecture. Surveille tes arrières
! (Watch Your Back, Donald Westlake, 2005 pour l'édition
originale, Payot & Rivages, coll. Thriller, 2010 pour la traduction
française, traduit de l'américain par Jean Esch; 288 p.,
18,50 €).
C'est parti pour les inédits, en route pour le post-mortem. Westlake,
disparu en décembre 2008, a laissé quelques titres non encore
traduits en français, parmi lesquels trois aventures de Dortmunder,
son cambrioleur désastreux et désopilant. Pour l'amateur,
c'est du pain bénit, en tout cas pour ce titre qui rassemble toutes
les qualités des épisodes précédents, humour,
inventivité, rythme. Pour le nouveau venu qui découvrirait
ce personnage, l'effet pourra être un peu différent. Les
Dortmunder se sont remplis au fil du temps de scènes récurrentes,
de personnages typiques, de thèmes communs que l'auteur ne prend
plus vraiment la peine de situer précisément. L'effet peut
apparaître légèrement déroutant pour le novice
qui n'a pas toutes les clés d'entrée dans cet univers loufoque.
Mieux vaut commencer par le commencement, Pierre qui roule, qui
doit être en Rivages Noir, avec menace d'addiction durable.
Vie littéraire.
Mes chroniques d'Histoires littéraires (n°
41, janvier-février-mars 2010) sont désormais en
ligne. Au menu, l'actualité littéraire, Adrienne Monnier,
Proust, le Colloque des Invalides et le roman policier historique.
MERCREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Mathias Enard, Zone (Actes Sud, 2008).
La reprise de cette rubrique qui, rappelons-le, recense les lectures de
mes voisins de train sur le trajet qui me mène au travail (et retour),
signifie que les longues vacances sont bel et bien finies. C'est le moment
d'entonner le Chant d'automne du grand Charles :
"Bientôt
nous plongerons dans les froides ténèbres;
Adieu,
vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs
funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours."
De
récréation en l'occurrence. Allons, il reste un peu de soleil
à déguster tout de même.
Courriel.
Une demande d'abonnement aux notules.
JEUDI.
Epinal
- Châtel-Nomexy (et retour).
Diderot, Jacques le Fataliste et son maître en GF.
VENDREDI.
Lecture.
Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique. Viridis Candela,
8e série, n° 10 (15 décembre 2009, 112 p., 15 €).
Beaucoup de photos dans ce numéro puisqu'il y est question des
recherches et réalisations plastiques qui embellissent (?) les
jardins, terrains et même intérieurs de quelques créateurs
plus ou moins inspirés : machines infernales du Dr Evermor, gâteau
d'anniversaire de mariage en ciment et éclats de verre des époux
Wegner, boîte aux lettres Snoopy, statues de Hulk et du Sphinx,
animaux de toutes espèces du dinosaure à la grenouille.
Dans les brèves qui, selon l'habitude, concluent agréablement
le volume, on découvre avec intérêt que Topor fut
un malicieux défenseur de la terre creuse : "si nous marchions
sur la surface externe de la terre, nos chaussures, lorsqu'elles sont
usées, présenteraient une semelle avec une courbure convexe;
or la semelle des vieux godillots est courbée de manière
concave, ce qui montre que nous marchons sur la surface interne du globe..."
La Fête de la Science, qui réunit en novembre dernier une
foule imposante à la Cité parisienne du même nom autour
des travaux du Collège, fait l'objet d'un compte rendu détaillé
et complet puisqu'on y mentionne les réticences que j'avais émises
à l'occasion de cette mise au jour publique.
Retour aux mots sauvages (Thierry Beinstingel, Fayard, 2010, 304
p., 19 €).
Compte rendu proposé à Vosges Matin. En attendant,
signalons que l'ouvrage contient une fois le mot "notule" et
qu'il y est question de monuments aux morts. C'est donc un bon livre,
même si l'on n'y trouve aucun salon de coiffure.
SAMEDI.
IPAD. 21 décembre 2008. 187
km. (9352 km).

104 habitants
Pour accéder
au monument, face à l’église, il faut monter un plan incliné
et gravir six marches, ouvrir une petite porte métallique aujourd’hui
bloquée par le système d’attache de la guirlande de Noël
qui décore le sapin de la place. J’enjambe, j’entends l’eau qui
coule, lavoir ou rivière souterraine, sous le terre-plein surélevé
au milieu duquel se dresse une stèle en marbre poli, rosâtre,
veinulé. Elle est ornée d’une simple palme dorée.

A
la mémoire des enfants de Chermisey
Morts
pour la France
1914-1918
Henri
ANDRIEUX Lorraine 1914
Ernest
CIEAUX Lorraine 1915
Louis
LECLERC Argonne 1915
Jules
BERTRAND Lorraine 1915
Paul
CREPET Verdun 1916
Julien
DROUOT Somme 1916
Albert
WEBER Aisne 1917
Sur la base
:
CORROY
Marcel s/o Vosges 1940
THOUVENIN
Pierre LANT Au Belvédère Italie 1944
PERRIN
Gustave Mort pour la France en Algérie le 2 février 1957
L'Invent'Hair perd ses poils.

Saint-Just-en-Chevalet (Loire), photo de Patrick Flandrin, 12 avril 2007
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°461 - 12 septembre 2010
LUNDI.
Premier jour. C'est aujourd'hui la
véritable rentrée, le premier gros lundi qui suit ce qui
était peut-être le dernier dimanche ensoleillé à
Saint-Jean-du-Marché. Il me laisse complètement vidé,
bon pour la déchetterie. Je ne tiendrai pas dix minutes devant
le film du soir, un vieux Frank Borzage que je me faisais pourtant une
joie de découvrir. Je sais qu'il me faudra attendre décembre
pour me sortir sans dommages de telles journées, pour réussir
à imposer ce que je veux à mon public, établir le
pacte de non agression et me ménager des plages de basse pression.
Après, ce sera la descente en roue libre jusqu'à la Creuse
mais en attendant, le temps va me paraître long. Ce n'est pourtant
pas la mine et tout le monde, au travail, s'accorde à dire que
les troupes s'annoncent moins dures à manoeuvrer que l'an passé.
Pour Lucie, le changement de rythme a aussi produit son effet. En proie
à une forte hypoglycémie en fin de matinée, elle
n'a bien sûr pas osé le signaler au professeur qui l'a prise
pour une demeurée parce qu'elle n'arrivait pas à écrire
sur les lignes de son cahier. Pris rendez-vous au collège pour
que son état soit connu de ses enseignants, on pensait pourtant
que c'était fait.
MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Dans
la rubrique poésie : Franck Berthoux, Vive la cure !, éditions
Pourquoi viens-tu si tard ?, 41 p., 10 €. Présentation : "Deux
cures à Barbotan-les-Thermes en 2008 et 2009 sont l'occasion pour
l'auteur de rédiger des alexandrins".
Lecture. Crime à Black Dudley
(The Crime at Black Dudley, Margerie Allingham, Chorion Company,
1929 pour l'édition originale, Dupuis, coll. Mi-Nuit n° 17,
1967 pour la première édition française, traduit
de l'anglais par José Noiret, rééd. in La Maison
des morts étranges et autres aventures d'Albert Campion, Omnibus,
1024 p., 26 €).
Pas facile de vivre à l'ombre d'Agatha Christie... Margerie Allingham
a dû le savoir, elle qu'on ressuscite de temps en temps, la dernière
fois c'était en 1995 au Masque. Cette fois, Omnibus a mis le paquet
: préface de François Rivière, quatre romans, des
nouvelles, un beau volume auquel il ne manque que des traductions rénovées,
on en reparlera. Un groupe d'invités est séquestré
dans un château dont le propriétaire, sous la coupe d'une
bande de malfaiteurs, vient d'être assassiné. Parmi les prisonniers
figure Albert Campion qui sera amené à réapparaître
dans les livres suivants de Margerie Allingham. Pour l'instant, il doit
se contenter d'un rôle de comparse, c'est un autre personnage qui
est en charge du récit et qui parvient à confondre le meurtrier.
Campion est pourtant déjà bien intéressant : par
son statut équivoque (il est du côté du bien mais
ne cache pas qu'il lui arrive de tremper dans des affaires louches) et
surtout par sa personnalité et son langage. Il est jeune, intrépide,
se rit du danger - un petit air de Rouletabille à l'anglaise -
et multiplie les facéties dans les situations les plus délicates.
C'est pour son langage qu'il faudrait lire ses aventures en version originale
ou du moins dans une traduction rénovée car il est plein
de pirouettes, de saillies, de plaisanteries qui tombent ici souvent à
plat. Pour le reste, Crime à Black Dudley est un whodunit
assez classique agrémenté des ingrédients du roman
d'aventures grâce au cadre et à la situation des personnages
: séquestration, tentatives d'évasion, courses poursuites,
passages secrets et escaliers dérobés évoquent davantage
une émule de Gaston Leroux que d'Agatha Christie.
MERCREDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
JEUDI.
Presse. Parution dans Vosges Matin
de mon article sur Retour aux mots sauvages, de Thierry Beinstingel, en
ligne ici.
SAMEDI.
Football. SA Epinal - Jura Sud Foot
0 - 0.
IPAD. 28 décembre 2008. 47
km. (9399 km).

94 habitants
Le monument
est sur le côté de l’église. Une stèle neuve
réalisée en marbre rosâtre à deux tons avec
comme décoration une tête de Poilu à l’affût
avec baïonnette au canon. C’est aussi moche que le monument de Bouzemont
et c’est d’ailleurs dû au même réalisateur, P. De Pedrini
à Uxegney. De la gerbe du 11 novembre demeurent quelques branches
de sapin et de thuya et le ruban tricolore portant la mention «
Circourt Bouzemont Bazegney Derbamont ».

Circourt
à ses enfants
Morts
pour la Patrie
1914-1918
Ges
Charles BRETON 1894-1916
Camille
DENET 1889-19
Len
Charles GENOT 1892-1917
Jes
Eugène JEANDEL 1882-1916
Constant
MIDOT 1889-1915
1939-1945
Georges
JEANDEL 1906-1940
L'Invent'Hair perd ses poils.

Vouvray (Indre-et-Loire), photo de Nicolas Chantoiseau, 29 avril 2007
Pour répondre
à une interrogation qui saisit régulièrement les
notuliens, je me dois d'apporter ici quelques précisions sur les
critères qui président au choix des clichés présentés
dans cette rubrique. Ils sont tout simplement d'ordre chronologique :
les photos prises et reçues sont archivées au fur et à
mesure et attendent sagement leur tour, comme chez le coiffeur. Il y a
donc un temps d'attente assez long avant leur dévoilement public.
Pour donner un ordre d'idée, la photo du jour, d'avril 2007, porte
le numéro 125 sur les 520 reçues. Autant dire qu'il s'écoulera
un bon bout de temps avant de pouvoir contempler les photos de 2010. Qu'importe,
nous sommes éternels et quand bien même ne le serions-nous
pas : les poils ne continuent-ils pas à pousser après la
mort ?
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°462 - 19 septembre 2010
DIMANCHE.
Obituaire. J'établis en général
mon programme des films à voir une semaine à l'avance. La
semaine dernière, j'avais prévu, pour cette semaine donc,
de regarder un vieux Chabrol, A double tour, ce dimanche et Quoi
de neuf, Pussycat ? de Clive Donner demain soir. Mercredi dernier,
j'ai appris la mort de Clive Donner, ce matin, j'apprends celle de Claude
Chabrol. Mes soirées télévisées sont en train
de se transformer en une série d'hommages funèbres. Je suis
les films debout et tête nue, je n'ose plus consulter ce que j'ai
projeté de regarder les jours suivants de peur de susciter une
hécatombe chez les cinéastes encore vivants. Cela dit, Chabrol,
c'est quelqu'un qui a compté pour moi. Son livre de souvenirs,
Et pourtant je tourne, est le premier ouvrage de cinéma
qui me soit passé entre les mains, en 1977, quelque chose comme
ça (je n'ai commencé à répertorier mes lectures
qu'en 1978, nul n'est infaillible). C'est là-dedans que j'ai épluché
mes premières filmographies, appris que Claude Zidi avait débuté
sa carrière comme caméraman et découvert l'existence
d'Henri Attal et de Dominique Zardi, qui ont tourné dans presque
tous les Chabrol et qui font partie des acteurs que j'ai le plus pratiqués
(76 films pour le premier, 47 pour le second). Chabrol est aussi le cinéaste
que j'ai le plus fréquenté : A double tour est mon
vingt-neuvième Chabrol, qui creuse ainsi l'écart, dans mon
palmarès, avec Alfred Hitchcock (24) et Georges Lautner (23). Il
m'en reste tout de même 28 à voir.
LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Un
duo de choc : Parce que je t'aime de Guillaume Musso en Pocket
et Le premier jour de Marc Levy en grand format (Robert Laffont,
2009). La lectrice du second est endormie. La couverture bâille
légèrement et laisse entrevoir une longue dédicace,
au feutre noir, qui couvre toute la page de garde. Je doute qu'elle soit
de Marc Levy lui-même mais je préfère m'en assurer,
me penche dangereusement au risque d'éveiller la lectrice. Je ne
parviens pas à déchiffrer la signature mais je suis sûr
que ce n'est pas Marc Levy. Dommage. J'aurais fauché le bouquin
et l'aurais revendu à prix d'or.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
Lecture. Le premier mot (Vassilis
Alexakis, Stock, 2010, 464 p., 22 €).
Chez n'importe qui d'autre, les personnages d'Alexakis m'énerveraient
prodigieusement : des acteurs, des écrivains, des universitaires,
des journalistes, des intellectuels uniquement préoccupés
de leur intellectualisme et de leur nombril. Chez lui, ils m'enchantent.
D'abord parce qu'ils s'appellent Miltiadis, Euthymiadis, Theano, qu'ils
habitent rue Dinocrate ou rue Démoucharos : Alexakis est le seul
écrivain qui me donne envie de voyager en dehors des livres. Un
jour, je lui avais écrit "Vous me donnez envie d'être
grec...". Plus tard j'irai en Grèce, je ferai une razzia photographique
des salons de coiffure et puis je rentrerai at home, barrerai les portes
et n'en bougerai plus. L'autre atout des personnages d'Alexakis, c'est
qu'ils sont obsédés par le langage, les mots. Ils ne parlent
que de ça, ses titres en témoignent : La Langue maternelle,
son chef-d'oeuvre, Les Mots étrangers, Le premier mot. Le
premier mot, c'est l'objet de la quête menée par un professeur
de littérature, un Grec installé à Paris qui cherche
à découvrir comment le langage est apparu dans la préhistoire
et quelle fut, donc, la première parole prononcée par un
être humain. C'est la soeur du professeur qui, après la mort
de celui-ci, reprend cette quête et en fait le récit. Un
récit promenade d'institut scientifique en musée, un récit
de rencontres avec des linguistes, des paléontologues, des chercheurs
de tout poil émaillé de réflexions dans lesquelles
le coq-à-l'âne règne en maître. Alexakis fait
de la langue, des langues qui sont ici l'objet de multiples comparaisons,
un terrain de jeux inégalable dans lequel il trimballe son humour
et sa science. Le roman, qui patine un peu vers la fin, aurait mérité
d'être un peu plus resserré, c'est le seul reproche qu'on
puisse lui faire.
Extrait 1. "Le plus bel hommage qu'on puisse rendre à un défunt
a été imaginé, à mon avis, par certains aborigènes
d'Australie. Lorsque leur chef meurt, ils suppriment un mot, ils l'effacent
définitivement de leur langue.". On se souvient du voyage
à Sumatra de l'ethnographe Appenzzell dans La Vie mode d'emploi
et de sa fréquentation des Kubus : "Ce qui le frappa surtout,
c'est qu'ils utilisaient un vocabulaire extrêmement réduit,
ne dépassant pas quelques dizaines de mots, et il se demanda si,
à l'instar de leurs lointains voisins les Papouas, les Kubus n'appauvrissaient
pas volontairement leur vocabulaire, supprimant des mots chaque fois qu'il
y avait un mort dans le village."
Extrait 2. "Il s'était donné pour objet de connaître
toutes les îles et il les visitait dans l'ordre alphabétique,
deux ou trois par été. Ce système l'obligeait à
effectuer des trajets compliqués, de se rendre de Céphalonie
en Crète et de Lemnos à Macronissos, il soutenait cependant
qu'il était préférable à tout autre. L'ordre
alphabétique remodèle la carte, il offre à des lieux
qui n'étaient pas destinés à se rencontrer la possibilité
de faire connaissance, il constitue le point de départ de dialogues
inattendus, disait-il". Si ça se trouve, il profitait de son
périple pour photographier les monuments aux morts.

MERCREDI.
Lecture. Dans les pas de Moselly...
(Centre d'études du Toulois, éditions Gérard Louis;
128 p., 25 €).
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
SAMEDI.
Vie littéraire. La "Journée
du livre" de Felletin avait Raymond Poulidor, "Le Livre sur
la place" de Nancy a Thierry Roland. Match nul ? Pas tout à
fait car si le cycliste était la vedette incontestée de
la manifestation creusoise d'août dernier, le commentateur sportif
n'est qu'un nom connu parmi d'autres sous le chapiteau lorrain. Autre
différence : à Felletin on déambule, on s'arrête,
on repart, on discute si l'on veut et on boit un coup, à Nancy
on fait la queue, on piétine, on s'arrête et on ne bouge
plus. Victime de son succès, le "premier grand salon national
de la rentrée littéraire" a des allures de foire aux
bestiaux où les bêtes primées (Nothomb, Pancol, Claudel...)
sont prises d'assaut par les foules qui s'agglutinent devant leur mangeoire,
créant une thrombose générale à laquelle n'échappent
que quelques îlots tranquilles. Heureusement, j'avais un but en
venant ici, un double but même, sinon j'aurais profondément
regretté de n'avoir pas pris la route dans l'autre sens pour aller
voir le SAS faire match nul 0 - 0 à Belfort. Le SAS n'a pas marqué
de but, j'ai atteint les deux miens. D'abord, porter un salut amical à
l'ami Beinstingel : un notulien qui figure, avec son Retour aux mots
sauvages, dans la première sélection du Prix Goncourt,
ça se salue, et chapeau bas. Ensuite, rencontrer l'équipe
et acquérir le n° 12 de la revue Les Refusés,
éditée à Nancy, qui reprend la longue notule que
j'avais consacrée à Roger Bontems en février 2009.
Je crois, je suis sûr que c'est la première fois qu'un morceau
des notules aussi important, par la taille, se trouve édité.
Pour Les Refusés, comme pour les autres revues à
qui il est arrivé de me solliciter pour un texte, j'ai répondu
la même chose : de texte je n'ai point et je suis incapable d'en
pondre. Je n'ai que les notules. La notule est ma distance, la notule
est mon module, je ne sais rien faire d'autre. Fouillez dans le tas et
pêchez ce qui bon vous semblera. Si c'est plus ambitieux, comme
la participation au projet 100 monuments, 100 écrivains
aux côtés des Assouline, Badinter, Daeninckx et, tiens le
revoilà, Beinstingel, je décline, il faut rester lucide
et savoir où est sa place. En tout cas, je n'ai qu'à me
féliciter de la pêche effectuée par Les Refusés
: la notule Bontems fait partie des rares qui ont assez de tenue pour
mener une vie autonome et je suis fier, pourquoi le taire, de la voir
publiée. Allez, maintenant direction la sortie, tiens, Mylène
Demongeot, qu'est-ce qu'elle fait là, on ne va quand même
pas faire la queue pour voir la crâne chauve de Max Gallo. En repassant
place Thiers, Jean d'Ormesson qui s'apprêtait à traverser
au rouge juste devant notre capot est retenu par une main secourable.
Dommage. Ca aurait eu de la gueule de rentrer à Epinal avec Jean
d'Ormesson collé au pare-brise.
IPAD. 6 janvier 2009. 144 km. (9543
km).

230 habitants
Le monument
est à côté de l’église, sur une esplanade bitumée.
La stèle est de petite taille, mais chargée de décorations
sculptées : un flambeau, une Légion d’honneur, une branche
de chêne, une autre branche non identifiée. La gerbe du 11
novembre est complètement grillée par le gel.

A
ses enfants
Morts
pour la Patrie
La
commune reconnaissante
Originaires
PERU
Marius 2 9BRE 1914
AUBERTIN
Raymond 24 août 1916
BERTRAND
Albert 16 août 1916
Domiciliés
PIOT
Louis 20 août 1914
MAIRE
Léon 28 7BRE 1914
PETELOT
Fernand 5 7BRE 1914
THIRIOT
Georges 8 avril 1915
MUNIER
René 16 juin 1915
HUSSON
Henri 25 mars 1916
GARANDET
Gilbert 13 7BRE 1914
LAMBERT
Jules 9 juin 1917
LAPORTE
René 8 février 1918
SIMONET
Paul 21 8BRE 1918
Sur la base
:
PECHOUX
Charles
Déporté
à Mauthausen "Autriche"
septembre
1943
L’église
est ouverte. Sur le mur de gauche, un tableau de bois représentant
saint Michel reprend la liste des victimes en ajoutant les lieux de leur
disparition. Je me juche sur un banc pour les recopier.

Pro
Deo Pro Patria
Honneur
et gloire à nos héros tombés au champ d’honneur
SIMONET
Marc Mailly 1914
PIOT
Louis disparu 1914
PETELOT
Fernand Deuville 1914
PETELOT
Marcel Monchy 1914
MAIRE
Léon Gappy 1914
PERU
Marius Bouvigny 1914
THIRIOT
Georges Bois-le-Prêtre 1915
MUNIER
René Neuville-St-Waast 1915
BERTRAND
Albert disparu 1916
Arrivé
à ce stade, j’entends dans mon dos la porte qui s’ouvre. Je dégringole
de mon banc. C’est un homme qui vient fermer l’église. "Vous
faites le recensement ?" Je lui demande de m’accorder encore quelques
minutes pour finir ma copie devenue difficile avec l’obscurité
qui gagne.
AUBERTIN
Raymond Dieue-sur-Meuse 1916
GARANDET
Gilbert Priez 1916
LAMBERT
Jules Forêt d’Apremont 1917
LAPÔTRE
René Verdun 1918
SIMONET
Paul Gravelines 1918
Qu’ils
reposent dans la paix du Seigneur
La
Paroisse de Circourt reconnaissante
L’œuvre
est due à l’Institut Catholique de Vaucouleurs.
Je ressors
avec l’homme aux clés. Il referme l’église, me dit qu’il
ne l’ouvre que le dimanche, me montre la statue de saint Michel qui surmonte
le porche et m’accompagne au monument civil où nous comparons les
deux listes. Henri Husson n’a pas eu droit à l’église où
figurent en revanche deux morts qui n’apparaissent pas à l’extérieur,
Marcel Petelot et Marc Simonet. Deux femmes sortent de la maison voisine
:
"Alors
Gérard, tu fais le guide ?
- J’ai bien
failli l’enfermer dans l’église !"
L'Invent'Hair perd ses poils.

Paris, rue de Gramont, photo de Pierre Cohen-Hadria, 10 mai 2007
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°463 - 26 septembre 2010
DIMANCHE.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
LUNDI.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules.
MARDI.
Lecture. Histoires à donner
des sueurs froides (in Alfred Hitchcock présente 100 nouvelles
histoires extraordinaires, Collectif, Presses de la Cité, 1994;
1260 p., 145 F).
18 nouvelles de bonne tenue, dues à des auteurs spécialistes
du genre dont certains ont connu des traductions françaises en
Série Noire ou dans la collection Un mystère (John
Lutz, Talmage Powell, Robert Bloch à qui Hitchcock devait une fière
chandelle pour avoir écrit Psychose). Deux textes sortent
du lot, l'un par sa longueur, "Accident mortel" de Talmage Powell
qui raconte une histoire de vengeance sur une cinquantaine de pages, l'autre
par son originalité, "Je t'aimerai toujours" de Fletcher
Flora, un récit dans lequel la trame policière s'efface
pour laisser place à une tranche de vie rurale traitée avec
beaucoup de sensibilité.
MERCREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Simone de Beauvoir, Anne, ou quand prime le spirituel (Gallimard,
Folio, 2008).
JEUDI.
Lecture. Le Guetteur (Vladimir
Nabokov, Sogliadataï, version russe, 1930; The Eye,
version américaine, 1965; traduit de l'anglais par Georges Magnane,
Gallimard 1968, révision de la traduction par Suzanne Fraysse in
Oeuvres romanesques complètes I, Gallimard 1999, Bibliothèque
de la Pléiade n° 461, 1732 p.).
Le deuxième volume Pléiade des romans de Nabokov est sur
le point de sortir : il est donc plus que temps d'avancer dans le premier
avec ce court roman qui fait suite à La Défense Loujine.
Ce qui ne change pas : le milieu choisi, celui des Russes de Berlin, la
présentation de l'auteur qui décourage toute interprétation
freudienne, la richesse des allusions et clins d'oeil à la littérature
russe et aux mythes, l'ironie mordante avec laquelle les personnages sont
dépeints. Celui qui est au centre de ce récit est un jeune
émigré russe poursuivi et rossé par un mari jaloux,
une humiliation qui le conduit au suicide. Ce qu'il y a de nouveau maintenant
: un jeu très alambiqué sur le point de vue narratif, une
constante oscillation entre le "je" et le "il" qui
prend sa source dans un procédé inhabituel : le héros,
ayant raté son suicide, se dédouble en quelque sorte et
devient l'observateur, le guetteur d'un certain Smourov qui n'est autre
que lui-même. Nabokov est un romancier de plus en plus ambitieux
: il veut ici illustrer le "Je est un autre" de Rimbaud, montrer
que l'on n'existe que sous le regards des autres et qu'on possède
autant de personnalités que de regards posés sur soi, tout
en explorant le champ des possibilités qu'offre un personnage à
son auteur. Mais le théoricien ici à l'oeuvre fait un peu
trop d'ombre au romancier, nettement moins captivant que dans La Défense
Loujine.
Vie domestique. J'avais dit il faut
appeler un plombier. Même si ce n'était pas grand-chose,
un système de robinet à changer, du nanan même pour
le débutant. Seulement quand j'ai voulu couper l'eau et que j'ai
confondu l'avant et l'après compteur, le robinet d'arrivée
d'eau avec celui de la vidange et que ce dernier m'est resté dans
la main, ça s'est vite transformé en Laurel et Hardy plombiers
avec ma pomme dans les deux rôles. Un geyser dans la cuisine. Impossible
de remettre le robinet à cause de la pression. Une seule arme,
mon doigt, pour colmater la fuite en attendant que Caroline trouve à
la cave le moyen de couper l'arrivée d'eau de l'immeuble. Cela
n'a duré que quelques minutes, meublées d'un flot de jurons
dont je ne me savais même pas le dépositaire, et puis on
a réussi à s'en sortir. J'ai appelé le plombier.
Après, je me suis changé et j'ai pris en route la manifestation
qui passait sous nos fenêtres légèrement embuées.
11 000 personnes. J'étais le seul à avoir les cheveux
mouillés.
VENDREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Françoise Bourdin, Une nouvelle vie (Pocket, 2010).
SAMEDI.
Lecture/Ecriture. Mots croisés
8 (Michel Laclos, Zulma, coll. Grain d'orage, 2003; 112 p., 7,50 €).
Football. SA Epinal - CS Louhans-Cuiseaux
71 5 - 1.
IPAD. 11 janvier 2009. 94 km. (9637
km).

226 habitants*
* A partir
d’aujourd’hui, les chiffres de la population sont ceux du recensement
2006, rendus publics en janvier 2009.
Pour venir
jusqu’ici, je suis repassé par Attigny, j’ai pu revoir le petit
pont que j’aime tant et constater à nouveau que le village natal
de Victor Noir est moins visité que sa tombe au Père-Lachaise.
Le monument est à côté de l’église fermée.
C’est une dalle verticale en pierre claire, surmontée d’un chapeau
triangulaire, située au sommet d’une volée de huit marches.
Sur les côtés, on peut voir un décrochement surmonté
de deux sphères. Sous celle de droite, la signature de l’ouvrage
: DIDIERLAURENT, JUSSEY. En avancée, il y a une sorte d’auge, de
réservoir destiné peut-être, à l’origine, à
recevoir de l’eau bénite. La montée d’escalier est encadrée
par une grille métallique basse. Au chapitre décoratif figurent
quatre vasques de fleurs, un crucifix et deux couronnes mortuaires en
faïence.

Claudon
à ses enfants
1914
1916
Emile DUHOUX Henri BERNARD
Hubert LAUNOY Charles DEMANGE
Marcel MIDENET Gaston RENARD
Henri PAIRON Tony ALLARD
1915 1917
Georges BERNARD Louis LAPREVOTTE
Maurice BISVAL Roger VILMINOT
Henri BOIVINET Charles DEDENON
Alfred CAPUT 1918
Georges CAPUT Marcel BOIVINET
Emile CARLY Gustave BOULAY
CH Auguste GEGONNE Charles GEGONNE
Lucien LAPREVOTTE Gabriel VIARD
Auguste MALGLAIVE Jules MALGLAIVE
Gustave MANCIOT Charles MARTIN
Lucien MARCHAL
Charles MATON
Albert ROLLIN
Gustave ROLLIN
Marcel THOMAS
Ernest VILMINOT
Deux plaques
ont été ajoutées, vissées en bas des listes
ci-dessus.
Plaque de
gauche :
Guerre
1939-45
Emile
PETITDEMANGE
Albert
VILMINOT
Joseph
BIGE
Robert
ROLLIN
André
MARTIN
Plaque de
droite :
Guerre
1939-45
André
HUMBERT
Jean
SEVRET
Roger
BOURGEOIS
Gilbert
DUHOUX
Roger
BLOT
Deux membres
de la famille Laprévotte figurent dans ces listes, ce qui permet
à l'IPAD de se rapprocher de l'histoire littéraire. La deuxième
femme d'Anatole France s'appelait en effet Emma Laprévotte, et
était originaire de Claudon. Plus exactement d'un hameau de Claudon
appelé La Grande Catherine. Olivier Bertin m'a transmis les documents
cadastraux qui figurent sur l'ouvrage de M. Bontems, auteur d'une histoire
de Claudon en trois volumes. La maison Laprévotte porte le numéro
15. Après les parents d'Emma, nous dit M. Bontems, "la maison
fut habitée par Marcel et Andrée Noirot. Marcel mourut de
froid dans la neige à l'âge de 38 ans le 6 janvier 1941."
C'est un rude pays que les Vosges.
L'Invent'Hair perd ses poils.

Givors (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 22 avril 2007
Bon dimanche.
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