Notules dominicales 2010
 
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Notules dominicales de culture domestique n°460 - 5 septembre 2010

MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Serena Vallès & Carlos Marinez, Comment tourner une vidéo érotique à la maison. Bruxelles, les éditions de l'arbre, 142 p., 19,90 €.

Lecture. Surveille tes arrières ! (Watch Your Back, Donald Westlake, 2005 pour l'édition originale, Payot & Rivages, coll. Thriller, 2010 pour la traduction française, traduit de l'américain par Jean Esch; 288 p., 18,50 €).
C'est parti pour les inédits, en route pour le post-mortem. Westlake, disparu en décembre 2008, a laissé quelques titres non encore traduits en français, parmi lesquels trois aventures de Dortmunder, son cambrioleur désastreux et désopilant. Pour l'amateur, c'est du pain bénit, en tout cas pour ce titre qui rassemble toutes les qualités des épisodes précédents, humour, inventivité, rythme. Pour le nouveau venu qui découvrirait ce personnage, l'effet pourra être un peu différent. Les Dortmunder se sont remplis au fil du temps de scènes récurrentes, de personnages typiques, de thèmes communs que l'auteur ne prend plus vraiment la peine de situer précisément. L'effet peut apparaître légèrement déroutant pour le novice qui n'a pas toutes les clés d'entrée dans cet univers loufoque. Mieux vaut commencer par le commencement, Pierre qui roule, qui doit être en Rivages Noir, avec menace d'addiction durable.

Vie littéraire. Mes chroniques d'Histoires littéraires (n° 41, janvier-février-mars 2010) sont désormais en ligne. Au menu, l'actualité littéraire, Adrienne Monnier, Proust, le Colloque des Invalides et le roman policier historique.

MERCREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Mathias Enard, Zone (Actes Sud, 2008).
La reprise de cette rubrique qui, rappelons-le, recense les lectures de mes voisins de train sur le trajet qui me mène au travail (et retour), signifie que les longues vacances sont bel et bien finies. C'est le moment d'entonner le Chant d'automne du grand Charles :
    "Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres;
    Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
    J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
    Le bois retentissant sur le pavé des cours
."
De récréation en l'occurrence. Allons, il reste un peu de soleil à déguster tout de même.

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JEUDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Diderot, Jacques le Fataliste et son maître en GF.

VENDREDI.
Lecture. Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique. Viridis Candela, 8e série, n° 10 (15 décembre 2009, 112 p., 15 €).
Beaucoup de photos dans ce numéro puisqu'il y est question des recherches et réalisations plastiques qui embellissent (?) les jardins, terrains et même intérieurs de quelques créateurs plus ou moins inspirés : machines infernales du Dr Evermor, gâteau d'anniversaire de mariage en ciment et éclats de verre des époux Wegner, boîte aux lettres Snoopy, statues de Hulk et du Sphinx, animaux de toutes espèces du dinosaure à la grenouille. Dans les brèves qui, selon l'habitude, concluent agréablement le volume, on découvre avec intérêt que Topor fut un malicieux défenseur de la terre creuse : "si nous marchions sur la surface externe de la terre, nos chaussures, lorsqu'elles sont usées, présenteraient une semelle avec une courbure convexe; or la semelle des vieux godillots est courbée de manière concave, ce qui montre que nous marchons sur la surface interne du globe..." La Fête de la Science, qui réunit en novembre dernier une foule imposante à la Cité parisienne du même nom autour des travaux du Collège, fait l'objet d'un compte rendu détaillé et complet puisqu'on y mentionne les réticences que j'avais émises à l'occasion de cette mise au jour publique.

Retour aux mots sauvages (Thierry Beinstingel, Fayard, 2010, 304 p., 19 €).
Compte rendu proposé à Vosges Matin. En attendant, signalons que l'ouvrage contient une fois le mot "notule" et qu'il y est question de monuments aux morts. C'est donc un bon livre, même si l'on n'y trouve aucun salon de coiffure.

SAMEDI.
IPAD. 21 décembre 2008. 187 km. (9352 km).


104 habitants

Pour accéder au monument, face à l’église, il faut monter un plan incliné et gravir six marches, ouvrir une petite porte métallique aujourd’hui bloquée par le système d’attache de la guirlande de Noël qui décore le sapin de la place. J’enjambe, j’entends l’eau qui coule, lavoir ou rivière souterraine, sous le terre-plein surélevé au milieu duquel se dresse une stèle en marbre poli, rosâtre, veinulé. Elle est ornée d’une simple palme dorée.

A la mémoire des enfants de Chermisey

Morts pour la France

1914-1918

Henri ANDRIEUX Lorraine 1914

Ernest CIEAUX Lorraine 1915

Louis LECLERC Argonne 1915

Jules BERTRAND Lorraine 1915

Paul CREPET Verdun 1916

Julien DROUOT Somme 1916

Albert WEBER Aisne 1917

Sur la base :

CORROY Marcel s/o Vosges 1940

THOUVENIN Pierre LANT Au Belvédère Italie 1944

PERRIN Gustave Mort pour la France en Algérie le 2 février 1957


L'Invent'Hair perd ses poils.


Saint-Just-en-Chevalet (Loire), photo de Patrick Flandrin, 12 avril 2007

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°461 - 12 septembre 2010

LUNDI.
Premier jour. C'est aujourd'hui la véritable rentrée, le premier gros lundi qui suit ce qui était peut-être le dernier dimanche ensoleillé à Saint-Jean-du-Marché. Il me laisse complètement vidé, bon pour la déchetterie. Je ne tiendrai pas dix minutes devant le film du soir, un vieux Frank Borzage que je me faisais pourtant une joie de découvrir. Je sais qu'il me faudra attendre décembre pour me sortir sans dommages de telles journées, pour réussir à imposer ce que je veux à mon public, établir le pacte de non agression et me ménager des plages de basse pression. Après, ce sera la descente en roue libre jusqu'à la Creuse mais en attendant, le temps va me paraître long. Ce n'est pourtant pas la mine et tout le monde, au travail, s'accorde à dire que les troupes s'annoncent moins dures à manoeuvrer que l'an passé. Pour Lucie, le changement de rythme a aussi produit son effet. En proie à une forte hypoglycémie en fin de matinée, elle n'a bien sûr pas osé le signaler au professeur qui l'a prise pour une demeurée parce qu'elle n'arrivait pas à écrire sur les lignes de son cahier. Pris rendez-vous au collège pour que son état soit connu de ses enseignants, on pensait pourtant que c'était fait.

MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Dans la rubrique poésie : Franck Berthoux, Vive la cure !, éditions Pourquoi viens-tu si tard ?, 41 p., 10 €. Présentation : "Deux cures à Barbotan-les-Thermes en 2008 et 2009 sont l'occasion pour l'auteur de rédiger des alexandrins".

Lecture. Crime à Black Dudley (The Crime at Black Dudley, Margerie Allingham, Chorion Company, 1929 pour l'édition originale, Dupuis, coll. Mi-Nuit n° 17, 1967 pour la première édition française, traduit de l'anglais par José Noiret, rééd. in La Maison des morts étranges et autres aventures d'Albert Campion, Omnibus, 1024 p., 26 €).
Pas facile de vivre à l'ombre d'Agatha Christie... Margerie Allingham a dû le savoir, elle qu'on ressuscite de temps en temps, la dernière fois c'était en 1995 au Masque. Cette fois, Omnibus a mis le paquet : préface de François Rivière, quatre romans, des nouvelles, un beau volume auquel il ne manque que des traductions rénovées, on en reparlera. Un groupe d'invités est séquestré dans un château dont le propriétaire, sous la coupe d'une bande de malfaiteurs, vient d'être assassiné. Parmi les prisonniers figure Albert Campion qui sera amené à réapparaître dans les livres suivants de Margerie Allingham. Pour l'instant, il doit se contenter d'un rôle de comparse, c'est un autre personnage qui est en charge du récit et qui parvient à confondre le meurtrier. Campion est pourtant déjà bien intéressant : par son statut équivoque (il est du côté du bien mais ne cache pas qu'il lui arrive de tremper dans des affaires louches) et surtout par sa personnalité et son langage. Il est jeune, intrépide, se rit du danger - un petit air de Rouletabille à l'anglaise - et multiplie les facéties dans les situations les plus délicates. C'est pour son langage qu'il faudrait lire ses aventures en version originale ou du moins dans une traduction rénovée car il est plein de pirouettes, de saillies, de plaisanteries qui tombent ici souvent à plat. Pour le reste, Crime à Black Dudley est un whodunit assez classique agrémenté des ingrédients du roman d'aventures grâce au cadre et à la situation des personnages : séquestration, tentatives d'évasion, courses poursuites, passages secrets et escaliers dérobés évoquent davantage une émule de Gaston Leroux que d'Agatha Christie.

MERCREDI.
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JEUDI.
Presse. Parution dans Vosges Matin de mon article sur Retour aux mots sauvages, de Thierry Beinstingel, en ligne ici.

SAMEDI.
Football. SA Epinal - Jura Sud Foot 0 - 0.

IPAD. 28 décembre 2008. 47 km. (9399 km).


94 habitants

Le monument est sur le côté de l’église. Une stèle neuve réalisée en marbre rosâtre à deux tons avec comme décoration une tête de Poilu à l’affût avec baïonnette au canon. C’est aussi moche que le monument de Bouzemont et c’est d’ailleurs dû au même réalisateur, P. De Pedrini à Uxegney. De la gerbe du 11 novembre demeurent quelques branches de sapin et de thuya et le ruban tricolore portant la mention « Circourt Bouzemont Bazegney Derbamont ».

Circourt à ses enfants

Morts pour la Patrie

1914-1918

Ges Charles BRETON 1894-1916

Camille DENET 1889-19

Len Charles GENOT 1892-1917

Jes Eugène JEANDEL 1882-1916

Constant MIDOT 1889-1915

1939-1945

Georges JEANDEL 1906-1940

L'Invent'Hair perd ses poils.


Vouvray (Indre-et-Loire), photo de Nicolas Chantoiseau, 29 avril 2007

Pour répondre à une interrogation qui saisit régulièrement les notuliens, je me dois d'apporter ici quelques précisions sur les critères qui président au choix des clichés présentés dans cette rubrique. Ils sont tout simplement d'ordre chronologique : les photos prises et reçues sont archivées au fur et à mesure et attendent sagement leur tour, comme chez le coiffeur. Il y a donc un temps d'attente assez long avant leur dévoilement public. Pour donner un ordre d'idée, la photo du jour, d'avril 2007, porte le numéro 125 sur les 520 reçues. Autant dire qu'il s'écoulera un bon bout de temps avant de pouvoir contempler les photos de 2010. Qu'importe, nous sommes éternels et quand bien même ne le serions-nous pas : les poils ne continuent-ils pas à pousser après la mort ?

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°462 - 19 septembre 2010

DIMANCHE.
Obituaire. J'établis en général mon programme des films à voir une semaine à l'avance. La semaine dernière, j'avais prévu, pour cette semaine donc, de regarder un vieux Chabrol, A double tour, ce dimanche et Quoi de neuf, Pussycat ? de Clive Donner demain soir. Mercredi dernier, j'ai appris la mort de Clive Donner, ce matin, j'apprends celle de Claude Chabrol. Mes soirées télévisées sont en train de se transformer en une série d'hommages funèbres. Je suis les films debout et tête nue, je n'ose plus consulter ce que j'ai projeté de regarder les jours suivants de peur de susciter une hécatombe chez les cinéastes encore vivants. Cela dit, Chabrol, c'est quelqu'un qui a compté pour moi. Son livre de souvenirs, Et pourtant je tourne, est le premier ouvrage de cinéma qui me soit passé entre les mains, en 1977, quelque chose comme ça (je n'ai commencé à répertorier mes lectures qu'en 1978, nul n'est infaillible). C'est là-dedans que j'ai épluché mes premières filmographies, appris que Claude Zidi avait débuté sa carrière comme caméraman et découvert l'existence d'Henri Attal et de Dominique Zardi, qui ont tourné dans presque tous les Chabrol et qui font partie des acteurs que j'ai le plus pratiqués (76 films pour le premier, 47 pour le second). Chabrol est aussi le cinéaste que j'ai le plus fréquenté : A double tour est mon vingt-neuvième Chabrol, qui creuse ainsi l'écart, dans mon palmarès, avec Alfred Hitchcock (24) et Georges Lautner (23). Il m'en reste tout de même 28 à voir.

LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Un duo de choc : Parce que je t'aime de Guillaume Musso en Pocket et Le premier jour de Marc Levy en grand format (Robert Laffont, 2009). La lectrice du second est endormie. La couverture bâille légèrement et laisse entrevoir une longue dédicace, au feutre noir, qui couvre toute la page de garde. Je doute qu'elle soit de Marc Levy lui-même mais je préfère m'en assurer, me penche dangereusement au risque d'éveiller la lectrice. Je ne parviens pas à déchiffrer la signature mais je suis sûr que ce n'est pas Marc Levy. Dommage. J'aurais fauché le bouquin et l'aurais revendu à prix d'or.

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Lecture. Le premier mot (Vassilis Alexakis, Stock, 2010, 464 p., 22 €).
Chez n'importe qui d'autre, les personnages d'Alexakis m'énerveraient prodigieusement : des acteurs, des écrivains, des universitaires, des journalistes, des intellectuels uniquement préoccupés de leur intellectualisme et de leur nombril. Chez lui, ils m'enchantent. D'abord parce qu'ils s'appellent Miltiadis, Euthymiadis, Theano, qu'ils habitent rue Dinocrate ou rue Démoucharos : Alexakis est le seul écrivain qui me donne envie de voyager en dehors des livres. Un jour, je lui avais écrit "Vous me donnez envie d'être grec...". Plus tard j'irai en Grèce, je ferai une razzia photographique des salons de coiffure et puis je rentrerai at home, barrerai les portes et n'en bougerai plus. L'autre atout des personnages d'Alexakis, c'est qu'ils sont obsédés par le langage, les mots. Ils ne parlent que de ça, ses titres en témoignent : La Langue maternelle, son chef-d'oeuvre, Les Mots étrangers, Le premier mot. Le premier mot, c'est l'objet de la quête menée par un professeur de littérature, un Grec installé à Paris qui cherche à découvrir comment le langage est apparu dans la préhistoire et quelle fut, donc, la première parole prononcée par un être humain. C'est la soeur du professeur qui, après la mort de celui-ci, reprend cette quête et en fait le récit. Un récit promenade d'institut scientifique en musée, un récit de rencontres avec des linguistes, des paléontologues, des chercheurs de tout poil émaillé de réflexions dans lesquelles le coq-à-l'âne règne en maître. Alexakis fait de la langue, des langues qui sont ici l'objet de multiples comparaisons, un terrain de jeux inégalable dans lequel il trimballe son humour et sa science. Le roman, qui patine un peu vers la fin, aurait mérité d'être un peu plus resserré, c'est le seul reproche qu'on puisse lui faire.
Extrait 1. "Le plus bel hommage qu'on puisse rendre à un défunt a été imaginé, à mon avis, par certains aborigènes d'Australie. Lorsque leur chef meurt, ils suppriment un mot, ils l'effacent définitivement de leur langue.". On se souvient du voyage à Sumatra de l'ethnographe Appenzzell dans La Vie mode d'emploi et de sa fréquentation des Kubus : "Ce qui le frappa surtout, c'est qu'ils utilisaient un vocabulaire extrêmement réduit, ne dépassant pas quelques dizaines de mots, et il se demanda si, à l'instar de leurs lointains voisins les Papouas, les Kubus n'appauvrissaient pas volontairement leur vocabulaire, supprimant des mots chaque fois qu'il y avait un mort dans le village."
Extrait 2. "Il s'était donné pour objet de connaître toutes les îles et il les visitait dans l'ordre alphabétique, deux ou trois par été. Ce système l'obligeait à effectuer des trajets compliqués, de se rendre de Céphalonie en Crète et de Lemnos à Macronissos, il soutenait cependant qu'il était préférable à tout autre. L'ordre alphabétique remodèle la carte, il offre à des lieux qui n'étaient pas destinés à se rencontrer la possibilité de faire connaissance, il constitue le point de départ de dialogues inattendus, disait-il". Si ça se trouve, il profitait de son périple pour photographier les monuments aux morts.

MERCREDI.
Lecture. Dans les pas de Moselly... (Centre d'études du Toulois, éditions Gérard Louis; 128 p., 25 €).
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.

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SAMEDI.
Vie littéraire. La "Journée du livre" de Felletin avait Raymond Poulidor, "Le Livre sur la place" de Nancy a Thierry Roland. Match nul ? Pas tout à fait car si le cycliste était la vedette incontestée de la manifestation creusoise d'août dernier, le commentateur sportif n'est qu'un nom connu parmi d'autres sous le chapiteau lorrain. Autre différence : à Felletin on déambule, on s'arrête, on repart, on discute si l'on veut et on boit un coup, à Nancy on fait la queue, on piétine, on s'arrête et on ne bouge plus. Victime de son succès, le "premier grand salon national de la rentrée littéraire" a des allures de foire aux bestiaux où les bêtes primées (Nothomb, Pancol, Claudel...) sont prises d'assaut par les foules qui s'agglutinent devant leur mangeoire, créant une thrombose générale à laquelle n'échappent que quelques îlots tranquilles. Heureusement, j'avais un but en venant ici, un double but même, sinon j'aurais profondément regretté de n'avoir pas pris la route dans l'autre sens pour aller voir le SAS faire match nul 0 - 0 à Belfort. Le SAS n'a pas marqué de but, j'ai atteint les deux miens. D'abord, porter un salut amical à l'ami Beinstingel : un notulien qui figure, avec son Retour aux mots sauvages, dans la première sélection du Prix Goncourt, ça se salue, et chapeau bas. Ensuite, rencontrer l'équipe et acquérir le n° 12 de la revue Les Refusés, éditée à Nancy, qui reprend la longue notule que j'avais consacrée à Roger Bontems en février 2009. Je crois, je suis sûr que c'est la première fois qu'un morceau des notules aussi important, par la taille, se trouve édité. Pour Les Refusés, comme pour les autres revues à qui il est arrivé de me solliciter pour un texte, j'ai répondu la même chose : de texte je n'ai point et je suis incapable d'en pondre. Je n'ai que les notules. La notule est ma distance, la notule est mon module, je ne sais rien faire d'autre. Fouillez dans le tas et pêchez ce qui bon vous semblera. Si c'est plus ambitieux, comme la participation au projet 100 monuments, 100 écrivains aux côtés des Assouline, Badinter, Daeninckx et, tiens le revoilà, Beinstingel, je décline, il faut rester lucide et savoir où est sa place. En tout cas, je n'ai qu'à me féliciter de la pêche effectuée par Les Refusés : la notule Bontems fait partie des rares qui ont assez de tenue pour mener une vie autonome et je suis fier, pourquoi le taire, de la voir publiée. Allez, maintenant direction la sortie, tiens, Mylène Demongeot, qu'est-ce qu'elle fait là, on ne va quand même pas faire la queue pour voir la crâne chauve de Max Gallo. En repassant place Thiers, Jean d'Ormesson qui s'apprêtait à traverser au rouge juste devant notre capot est retenu par une main secourable. Dommage. Ca aurait eu de la gueule de rentrer à Epinal avec Jean d'Ormesson collé au pare-brise.

IPAD. 6 janvier 2009. 144 km. (9543 km).


230 habitants

Le monument est à côté de l’église, sur une esplanade bitumée. La stèle est de petite taille, mais chargée de décorations sculptées : un flambeau, une Légion d’honneur, une branche de chêne, une autre branche non identifiée. La gerbe du 11 novembre est complètement grillée par le gel.

A ses enfants

Morts pour la Patrie

La commune reconnaissante

Originaires

PERU Marius 2 9BRE 1914

AUBERTIN Raymond 24 août 1916

BERTRAND Albert 16 août 1916

Domiciliés

PIOT Louis 20 août 1914

MAIRE Léon 28 7BRE 1914

PETELOT Fernand 5 7BRE 1914

THIRIOT Georges 8 avril 1915

MUNIER René 16 juin 1915

HUSSON Henri 25 mars 1916

GARANDET Gilbert 13 7BRE 1914

LAMBERT Jules 9 juin 1917

LAPORTE René 8 février 1918

SIMONET Paul 21 8BRE 1918

Sur la base :

PECHOUX Charles

Déporté à Mauthausen "Autriche"

septembre 1943

L’église est ouverte. Sur le mur de gauche, un tableau de bois représentant saint Michel reprend la liste des victimes en ajoutant les lieux de leur disparition. Je me juche sur un banc pour les recopier.

Pro Deo Pro Patria

Honneur et gloire à nos héros tombés au champ d’honneur

SIMONET Marc Mailly 1914

PIOT Louis disparu 1914

PETELOT Fernand Deuville 1914

PETELOT Marcel Monchy 1914

MAIRE Léon Gappy 1914

PERU Marius Bouvigny 1914

THIRIOT Georges Bois-le-Prêtre 1915

MUNIER René Neuville-St-Waast 1915

BERTRAND Albert disparu 1916

Arrivé à ce stade, j’entends dans mon dos la porte qui s’ouvre. Je dégringole de mon banc. C’est un homme qui vient fermer l’église. "Vous faites le recensement ?" Je lui demande de m’accorder encore quelques minutes pour finir ma copie devenue difficile avec l’obscurité qui gagne.

AUBERTIN Raymond Dieue-sur-Meuse 1916

GARANDET Gilbert Priez 1916

LAMBERT Jules Forêt d’Apremont 1917

LAPÔTRE René Verdun 1918

SIMONET Paul Gravelines 1918

Qu’ils reposent dans la paix du Seigneur

La Paroisse de Circourt reconnaissante

L’œuvre est due à l’Institut Catholique de Vaucouleurs.

Je ressors avec l’homme aux clés. Il referme l’église, me dit qu’il ne l’ouvre que le dimanche, me montre la statue de saint Michel qui surmonte le porche et m’accompagne au monument civil où nous comparons les deux listes. Henri Husson n’a pas eu droit à l’église où figurent en revanche deux morts qui n’apparaissent pas à l’extérieur, Marcel Petelot et Marc Simonet. Deux femmes sortent de la maison voisine :

"Alors Gérard, tu fais le guide ?

- J’ai bien failli l’enfermer dans l’église !"

L'Invent'Hair perd ses poils.


Paris, rue de Gramont, photo de Pierre Cohen-Hadria, 10 mai 2007

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°463 - 26 septembre 2010

DIMANCHE.
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LUNDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.

MARDI.
Lecture. Histoires à donner des sueurs froides (in Alfred Hitchcock présente 100 nouvelles histoires extraordinaires, Collectif, Presses de la Cité, 1994; 1260 p., 145 F).
18 nouvelles de bonne tenue, dues à des auteurs spécialistes du genre dont certains ont connu des traductions françaises en Série Noire ou dans la collection Un mystère (John Lutz, Talmage Powell, Robert Bloch à qui Hitchcock devait une fière chandelle pour avoir écrit Psychose). Deux textes sortent du lot, l'un par sa longueur, "Accident mortel" de Talmage Powell qui raconte une histoire de vengeance sur une cinquantaine de pages, l'autre par son originalité, "Je t'aimerai toujours" de Fletcher Flora, un récit dans lequel la trame policière s'efface pour laisser place à une tranche de vie rurale traitée avec beaucoup de sensibilité.

MERCREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Simone de Beauvoir, Anne, ou quand prime le spirituel (Gallimard, Folio, 2008).

JEUDI.
Lecture. Le Guetteur (Vladimir Nabokov, Sogliadataï, version russe, 1930; The Eye, version américaine, 1965; traduit de l'anglais par Georges Magnane, Gallimard 1968, révision de la traduction par Suzanne Fraysse in Oeuvres romanesques complètes I, Gallimard 1999, Bibliothèque de la Pléiade n° 461, 1732 p.).
Le deuxième volume Pléiade des romans de Nabokov est sur le point de sortir : il est donc plus que temps d'avancer dans le premier avec ce court roman qui fait suite à La Défense Loujine. Ce qui ne change pas : le milieu choisi, celui des Russes de Berlin, la présentation de l'auteur qui décourage toute interprétation freudienne, la richesse des allusions et clins d'oeil à la littérature russe et aux mythes, l'ironie mordante avec laquelle les personnages sont dépeints. Celui qui est au centre de ce récit est un jeune émigré russe poursuivi et rossé par un mari jaloux, une humiliation qui le conduit au suicide. Ce qu'il y a de nouveau maintenant : un jeu très alambiqué sur le point de vue narratif, une constante oscillation entre le "je" et le "il" qui prend sa source dans un procédé inhabituel : le héros, ayant raté son suicide, se dédouble en quelque sorte et devient l'observateur, le guetteur d'un certain Smourov qui n'est autre que lui-même. Nabokov est un romancier de plus en plus ambitieux : il veut ici illustrer le "Je est un autre" de Rimbaud, montrer que l'on n'existe que sous le regards des autres et qu'on possède autant de personnalités que de regards posés sur soi, tout en explorant le champ des possibilités qu'offre un personnage à son auteur. Mais le théoricien ici à l'oeuvre fait un peu trop d'ombre au romancier, nettement moins captivant que dans La Défense Loujine.

Vie domestique. J'avais dit il faut appeler un plombier. Même si ce n'était pas grand-chose, un système de robinet à changer, du nanan même pour le débutant. Seulement quand j'ai voulu couper l'eau et que j'ai confondu l'avant et l'après compteur, le robinet d'arrivée d'eau avec celui de la vidange et que ce dernier m'est resté dans la main, ça s'est vite transformé en Laurel et Hardy plombiers avec ma pomme dans les deux rôles. Un geyser dans la cuisine. Impossible de remettre le robinet à cause de la pression. Une seule arme, mon doigt, pour colmater la fuite en attendant que Caroline trouve à la cave le moyen de couper l'arrivée d'eau de l'immeuble. Cela n'a duré que quelques minutes, meublées d'un flot de jurons dont je ne me savais même pas le dépositaire, et puis on a réussi à s'en sortir. J'ai appelé le plombier. Après, je me suis changé et j'ai pris en route la manifestation qui passait sous nos fenêtres légèrement embuées. 11 000 personnes. J'étais le seul à avoir les cheveux mouillés.

VENDREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Françoise Bourdin, Une nouvelle vie (Pocket, 2010).

SAMEDI.
Lecture/Ecriture. Mots croisés 8 (Michel Laclos, Zulma, coll. Grain d'orage, 2003; 112 p., 7,50 €).

Football. SA Epinal - CS Louhans-Cuiseaux 71 5 - 1.

IPAD. 11 janvier 2009. 94 km. (9637 km).


226 habitants*

* A partir d’aujourd’hui, les chiffres de la population sont ceux du recensement 2006, rendus publics en janvier 2009.

Pour venir jusqu’ici, je suis repassé par Attigny, j’ai pu revoir le petit pont que j’aime tant et constater à nouveau que le village natal de Victor Noir est moins visité que sa tombe au Père-Lachaise. Le monument est à côté de l’église fermée. C’est une dalle verticale en pierre claire, surmontée d’un chapeau triangulaire, située au sommet d’une volée de huit marches. Sur les côtés, on peut voir un décrochement surmonté de deux sphères. Sous celle de droite, la signature de l’ouvrage : DIDIERLAURENT, JUSSEY. En avancée, il y a une sorte d’auge, de réservoir destiné peut-être, à l’origine, à recevoir de l’eau bénite. La montée d’escalier est encadrée par une grille métallique basse. Au chapitre décoratif figurent quatre vasques de fleurs, un crucifix et deux couronnes mortuaires en faïence.

Claudon à ses enfants

1914 1916

Emile DUHOUX Henri BERNARD

Hubert LAUNOY Charles DEMANGE

Marcel MIDENET Gaston RENARD

Henri PAIRON Tony ALLARD

1915 1917

Georges BERNARD Louis LAPREVOTTE

Maurice BISVAL Roger VILMINOT

Henri BOIVINET Charles DEDENON

Alfred CAPUT 1918

Georges CAPUT Marcel BOIVINET

Emile CARLY Gustave BOULAY

CH Auguste GEGONNE Charles GEGONNE

Lucien LAPREVOTTE Gabriel VIARD

Auguste MALGLAIVE Jules MALGLAIVE

Gustave MANCIOT Charles MARTIN

Lucien MARCHAL

Charles MATON

Albert ROLLIN

Gustave ROLLIN

Marcel THOMAS

Ernest VILMINOT

Deux plaques ont été ajoutées, vissées en bas des listes ci-dessus.

Plaque de gauche :

Guerre 1939-45

Emile PETITDEMANGE

Albert VILMINOT

Joseph BIGE

Robert ROLLIN

André MARTIN

Plaque de droite :

Guerre 1939-45

André HUMBERT

Jean SEVRET

Roger BOURGEOIS

Gilbert DUHOUX

Roger BLOT

Deux membres de la famille Laprévotte figurent dans ces listes, ce qui permet à l'IPAD de se rapprocher de l'histoire littéraire. La deuxième femme d'Anatole France s'appelait en effet Emma Laprévotte, et était originaire de Claudon. Plus exactement d'un hameau de Claudon appelé La Grande Catherine. Olivier Bertin m'a transmis les documents cadastraux qui figurent sur l'ouvrage de M. Bontems, auteur d'une histoire de Claudon en trois volumes. La maison Laprévotte porte le numéro 15. Après les parents d'Emma, nous dit M. Bontems, "la maison fut habitée par Marcel et Andrée Noirot. Marcel mourut de froid dans la neige à l'âge de 38 ans le 6 janvier 1941." C'est un rude pays que les Vosges.

L'Invent'Hair perd ses poils.


Givors (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 22 avril 2007

Bon dimanche.