Notules
dominicales de culture domestique n°464 - 10 octobre 2010
DIMANCHE.
Lectures. Rendez-vous en noir
(Rendez-vous in Black, William Irish, 1948 pour la version originale;
Presses de la Cité, 1957; rééd. coll. Omnibus, vol.
"Noir c'est noir", 1993; traduit de l'américain par Maurice
Bernard Endrèbe; 1016 p., 135 F).
William Irish reprend, à peu de choses près, une recette
qu'il a expérimentée avec succès dans La mariée
était en noir. Une histoire de vengeance mise en oeuvre par
un certain Johnny Marr dont la fiancée a été tuée
accidentellement par la négligence d'un homme. Cinq coupables possibles,
retrouvés l'un après l'autre par Johnny Marr qui, à
son tour, va priver chacun d'entre eux de ce qu'il a de plus cher. C'est
sans surprise, que ce soit dans le déroulement ou le découpage,
et c'est remarquablement efficace.
Onan à Cadaqués (Marc-Gabriel Malfant, éditions
Ramon de Hermose, Cadaqués, 2010; non paginé, s.p.m.).
Le sous-titre dit tout : "Considérations sur une apparition
d'Onan, tel qu'en Machine Célibataire, pendant l'hiver 2008, à
Cadaqués, même, lors de l'échouage du navire Simba
sur la plage de Port Doguer; suivies de vingt photographies de ladite
apparition et de détails de ladite machine; accompagnées
de notions sur Salvador Dali et le péché d'Onan, ainsi que
d'une hypothèse sur les noms de Gala et de Federico Garcia Lorca,
dans leur rapport avec le nom du frère mort de Salvador Dali."
Mais reprenons. Le 26 décembre 2008, une forte tempête fait
échouer un navire sur une plage de Cadaqués, Catalogne.
Quelques jours plus tard, Marc Malfant se rend sur les lieux, réussit
à monter sur le navire et y découvre un générateur
électrique de marque "ONAN". A partir de là, il
tire sur le fil et la bobine se déroule : le poème
"Onan" de Georges Hugnet, paru en 1934 aux Editions Surréalistes
avec un frontispice de Salvador Dali, qui résida à Cadaqués,
rappel biblique du péché d'Onan (qui n'est pas l'onanisme
d'aujourd'hui), son écho dans l'oeuvre et la vie de Dali, ses liens
avec son frère mort et ainsi de suite. Hypothèses, suppositions,
précautions n'y font rien : tout se tient, le hasard n'existe pas.
La présence d'Onan à Cadaqués, conclut Marc Malfant
au bout de ce léger vertige, nous montre simplement que "la
poésie emprunte les déguisements qui s'offrent à
elle pour aboutir à une vérité pratique."
MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Du
fayot au mangetout : l'histoire du haricot sans perdre le fil, éditions
du Rouergue, 2010, 208 p., 26 €.
MERCREDI.
Lecture. Histoires littéraires
n° 39 (juillet-août-septembre 2009, Histoires littéraires
et Du Lérot éditeurs; 176 p., 25 €).
Histoires littéraires apporte sa pierre à l'édifice
commémoratif pour les cinquante ans de la mort de Boris Vian. Des
textes inédits (un article, une chronologie de ses oeuvres, un
texte de conférence, la transcription d'un enregistrement radiophonique
et un projet de scénario pour un film publicitaire), des souvenirs
de François Caradec et une correspondance de celui-ci avec Noël
Arnaud au sujet de l'auteur de L'Ecume des jours. Anouck Cape s'intéresse
à la figure du fou dans les textes de la première moitié
du XXe siècle, en particulier chez Breton, Michaux et Pierre Roché
et rappelle pour le premier une rencontre à Saint-Dizier avec "un
malade ne croyant pas à la réalité de la guerre :
il voyait, dans les massacres et les bombardements [de la Première
Guerre mondiale] un "spectacle" monté à son intention",
rencontre qui est à la source d'un de ses premiers textes, Sujet
(1918). Autre contribution intéressante, celle de Jacques Haussy
sur "Malraux et la guerre d'Espagne", qui écorne sérieusement
le mythe du combattant, propagé notamment par Paul Nothomb : "Malraux
n'avait aucune compétence militaire, ayant été réformé
de façon définitive, pour troubles nerveux, en 1923. Il
ne savait ni piloter un avion, ni conduire une voiture, ni même
faire du vélo." Pour le reste, en vrac : un entretien avec
Michel Serres, Ubu Roi à la Comédie-Française
et les rubriques habituelles.
VENDREDI.
Vie littéraire. Je pars pour
Paris par le train de 15 heures. Après avoir photographié
au vol, pour mon chantier Lieux où j'ai dormi, les ruines
des deux internats où j'ai séjourné pendant mes années
nancéiennes, j'observe, admiratif, le ballet digital d'un couple
installé face à moi, de l'autre côté de l'allée.
Chacun est porteur de deux téléphones de poche qu'il consulte
alternativement, voire en même temps, quand Monsieur et Madame ne
s'échangent pas les appareils sans s'emmêler dans les fils,
ce qui tient du prodige avec les écouteurs dont ils sont aussi
munis. Enfin, je dis téléphone de poche mais c'est peut-être
un autre type d'engin. Désormais on a du mal à s'y retrouver
: le téléphone de poche a commencé à la mode
soviétique, un bon gros machin bien lourd, épais, qui déformait
les fouilles, avant de connaître une course vers une miniaturisation
à outrance qui semble avoir pris fin puisque maintenant les gens
se trimballent avec de véritables gaufriers. D'ailleurs, si ça
se trouve, on peut aussi faire des gaufres avec. J'arrive à 17
heures 45, pose mon barda dans mon galetas et métrotte jusqu'à
la bibliothèque de l'Arsenal. L'heure est grave : je participe
à mon premier cocktail littéraire. Les éditions Flammarion
ont sorti un gros recueil de textes dus à François Caradec,
mort le 13 novembre 2008, et le numéro 43 d'Histoires littéraires
lui consacre un dossier entier intitulé "Les chantiers de
François Caradec". Pour célébrer l'entrée
des archives de l'écrivain à l'Arsenal, les deux volumes
sont présentés ce soir, en même temps qu'une exposition
éclair - durée, 24 heures - réalisée par Patrick
Besnier et Jean-Jacques Lefrère, qui a eu l'amabilité de
m'inviter. Ne nous précipitons pas sur le buffet, voyons d'abord
l'exposition, logée dans les petites niches vitrées qui
entourent la salle où se tiennent habituellement les assemblées
générales de l'Association Georges Perec. Chaque niche présente
une facette de l'homme porteur de la plus belle moustache de France depuis
la mort de Georges Brassens : Caradec et Raymond Roussel, Caradec et Lautréamont,
Caradec et Alphonse Allais, Caradec et Jarry, Caradec et son chien, Caradec
et la 'Pataphysique, Caradec et la radio, Caradec et l'Oulipo, Caradec
et l'IFFA (Institut Français des Farces et Attrapes), Caradec et
Paris (tiens, une lettre de Léo Malet), Caradec et tous les personnages
insolites sur lesquels il s'est penché, Fregoli, le Pétomane
et Clémentine Delait, notre célèbre voisine de Thaon-les-Vosges,
alias la Femme à Barbe. Il est temps de s'intéresser maintenant
à l'assistance, qui s'est considérablement développée
pendant que j'avais le dos tourné. On ne va pas faire du name
dropping, et puis on n'est pas au salon de Nancy : pas de Bogdanoff
en goguette ni d'Amélie Nothomb en chapeau mais une belle brochette
de gens qui ont su allier, à l'instar de François Caradec,
la curiosité, l'érudition et l'humour en ajoutant à
ce cocktail, pour certains, un ingrédient non négligeable,
la simplicité. Il y a là des éditeurs, et parmi eux
le plus chenu de la corporation, presque centenaire et tout à fait
ingambe, il y a là les Oulipiens emmenés par leur président
et leur secrétaire définitivement provisoire (qui m'annonce
la parution prochaine d'un inédit de Perec longtemps attendu),
il y a là les Papous cornaqués par leur accorte cheftaine,
il y a là d'éminents représentants du collège
de 'Pataphysique, il y a là les habitués du colloque des
Invalides, il y a là, c'est plus inattendu, un romancier qui aurait
pu se tailler un beau succès à Nancy et qui vient de s'intéresser
aux éclairs de Nikola Tesla, il doit y avoir là Delfeil
de Ton, je le sais parce que je le suis alphabétiquement sur la
liste des convives qui figurait à l'accueil, mais qui connaît
la bobine de Delfeil de Ton ? Une certitude : Caradec aurait détesté
ça, mais l'hommage est plus sincère que convenu. Quelques
mots au micro de la part de Caroline Caradec - les Caroline n'épousent
pas n'importe qui, c'est une constante - en seront l'imparable caution.
SAMEDI.
Vie parisienne. J'emprunte une partie
du parcours que suivra cet après-midi la manifestation contre le
projet de retraites (serai-je comptabilisé ?) jusqu'à la
mairie du XIe arrondissement. Dans la salle des fêtes se tient une
exposition discrète que je veux voir avant sa fermeture définitive,
à midi. Elle accompagne la sortie du livre de Jean-Pierre Prévost
André Gide, un album de famille. Cent photographies accrochées
qui donnent une idée de ce qu'est la famille en langue gidienne
: une photo pour la famille légitime (sa femme Madeleine), quatre-vingt-dix-neuf
photos pour les familles parallèles : la famille littéraire
(la NRF) et la famille qu'on pourrait qualifier d'illégitime, celle
des Allégret et des Van Rysselberghe. Il n'y a pas photo.
IPAD. 18 janvier 2009. 194 km. (9831
km).

41 habitants
Le village
est situé au haut d’une côte, ce qui rassure sur la stabilité
des choses de ce monde. Le monument est près de l’église
fermée. C’est une petite stèle de pierre mangée par
les parasites et la mousse dont les seuls ornements sont une gerbe en
relief et une cocarde bicolore (le bleu de centre a disparu). Elle est
située devant un mur d’agglos du plus bel effet. Les fleurs artificielles
de la gerbe du 11 novembre sont encore bien vivaces.

Clérey-la-Côte
A
ses enfants
Tombés
au champ d’honneur
1914-1918
Maur
ce METTAVANT 1915
Henri
MILLOT 1915
Gustave
SOULAS 1917
Henri
SOULAS 1918
Un monument
pour quatre morts, la commune n’est pas ingrate.
L’absence
du i de Maurice est curieuse parce que les lettres sont en relief, ce
n’est pas une lettre collée qui se serait détachée.
Le r du même prénom est lui-même incomplètement
formé, comme si le graveur avait eu l’intention, au départ,
d’abréger les prénoms avant de se décider à
les mettre en entier.

Au cimetière,
j'ai trouvé la tombe des frères Soulas, avec leurs portraits
en médaillon.

L'Invent'Hair perd ses poils.

Givors (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant, 22 avril 2007
DIMANCHE.
Courriel. Une demande d'abonnement
aux notules. Une demande pas comme les autres puisqu'elle émane
de la responsable d'une bibliothèque qui souhaite proposer les
notules à ses lecteurs. Bien sûr, ce n'est pas l'Arsenal,
en fait la bibliothèque d'une commune vosgienne dont le nom rime
avec notule, mais l'histoire retiendra qu'il s'agit de la première
notulisation collective.
MARDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour).
Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, chez Odile Jacob.
En feuilletant Livres Hebdo. Olivier
Mailleux, Les bioplastiques comme source d'innovation pour l'industrie
wallonne de l'emballage plastique, Presses universitaires de Louvain,
64 p., 9,80 €.
JEUDI.
Lecture. Winston Churchill
(François Kersaudy, Tallandier, première édition
2000, nouvelle édition 2009; 720 p., 27 €).
C'est naturellement l'excellente série estivale sur Churchill diffusée
par France Culture qui m'a conduit à cette lecture. Inutile de
souligner à nouveau le caractère exceptionnel de l'homme
qui a autant servi l'époque que l'époque l'a servi. Le travail
de Kersaudy me semble plus ouvert que celui de Pierre Assouline, responsable
du portrait radiophonique. Ce dernier tenait presque de l'hagiographie,
alors que la biographie écrite ne cache pas les lacunes et les
échecs du grand homme : ses limites stratégiques, sa crédulité
vis-à-vis de Staline, son incapacité à écouter
les avis des autres pour les premières, le démantèlement
de l'Empire britannique, la mise sous tutelle de l'Angleterre par les
Etats-Unis et les vies ratées de ses enfants pour les seconds.
L'autre atout de Kersaudy tient au fait que contrairement aux biographes
dont les ouvrages ressemblent à un collage de citations, il s'implique
beaucoup plus dans son travail et se comporte véritablement en
auteur, engagé et responsable. Suivre un personnage comme Churchill
sur plus de sept cents pages n'a rien de lassant, sauf pour la période
1941-1945 qui racontent davantage l'histoire de la guerre que celle de
l'homme. En dehors de cela, Kersaudy livre une somme passionnante sur
un homme qui intrigue autant par sa capacité de travail que par
son alcoolisme et dont les bons mots sont un véritable régal.
Mon préféré fut prononcé aux Communes en 1945
lorsque, après que Mountbatten eut repris aux Japonais les localités
birmanes de Myitkynia, Thabeykkyin, Namkhan, Myitsson, Ramree et Meitlika,
son armée finit par s'emparer de Mandalay : "Dieu soit loué
! Nous avons enfin pris une ville dont le nom peut se prononcer..."
Presse. Vosges Matin publie
ma chronique sur une réédition de René Fallet, lisible
ici.
VENDREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Pierre
Maraval & Simon-Claude Mimouni, Le christianisme : des origines
à Constantin, PUF, 2006.
SAMEDI.
IPAD. 1er février 2009. 65
km. (9896 km).

566 habitants
C’est une
place entre l’église et la Mairie, à laquelle on accède
en passant entre deux piliers portant les inscriptions "HODIE MIHI"
(pilier de gauche) et "CRAS TIBI" (pilier de droite). Le socle
du monument, en granit, est posé sur deux marches et supporte une
statue de femme, en pierre blanche, portant étendard et couronne.

Le
Clerjus
A
ses enfants
Morts
pour la France
1914-1918
Face : une
plaque de marbre, ajoutée, avec 14 noms d’ANTOINE E. à GRISE
R. sous les dates 1939-1945.
Gauche :
AUBRY
J. CORNU J.B.
BIGEY
A. COUSIN J.
BLAISE
J. DUPLESSIS M.
BLAISE
L. DURUPT E.
BOMONT
J. ETIENNE H.
BORLOT
E. FARON G.
BRENIERE
J. FARON H.
BRENIERE
L. GARET A.
BRETON
A. GARET H.
CHEVALIER
G. GIGNEY C.
CHEVALME
A. GIGNEY J.
CHEVALME
F. GRANDMONTAGNE I.
CHEVALME
L. GREMILLET C.
CHOLLEY
E. GURY A.
CLEMENT
E. HENRY J.
COL
H. LACROIX H.
Droite :
LAUNOIS
A. RICHARD E.
MICHEL
A. RICHARD F.
MARTIN
H. RICHARD J.
MATHIEU
A. RICHARD V.
MATHIOT
A. THERNIER H.
AUGUIERE
G. THIRION E.
MOREL
L. THIEBAUT L.
PETIT
A. TISSELIN A.
PETIT
L. TISSERAND E.
PETITJEAN
A. TOILLON E.E.
PETITJEAN
G. TOILLON E.F.
PETITJEAN
H. VIAL H.
POISSENOT
E. VIARD E.
REBOUT
G. VIARD M.A.
REDOUTE
H. VIARD M.C.
RICHARD
C. VINCENT M.
Sur une plaque ajoutée :
Guerre
d’Indochine
DELABY
A.
Dos :
CHEVALME
H.
FAVET
A.
FRANOUX
J.
GEORGES
F.
GOLBAIN
J.
HINGRAY
E.
JEANDIN
E.
LACROIX
A.
GUEPRATTE
M.
Curiosité
déjà remarquée sur le monument aux morts de Chaumousey,
les noms inscrits sont séparés de l’initiale des prénoms
par un point. Ce que j’ai noté GUEPRATTE M. est en fait GUEPRATTE.M
sur le monument.
L'Invent'Hair perd ses poils.

Caluire-et-Cuire chevelu (Rhône), photo de Marc-Gabriel Malfant,
12 mai 2007
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°465 - 17 octobre 2010
DIMANCHE.
Itinéraire patriotique départemental.
Exceptionnellement, les filles acceptent de m'accompagner dans ma quête
du jour, malgré la distance. Il faut dire que le but de la virée
est le monument aux morts de Domrémy-la-Pucelle et que la gloire
locale intrigue encore les jeunes générations. Nous parviendrons
même, après avoir accompli notre devoir patriotique, à
visiter sa maison en grillant le guichet et l'achat des billets. Ce qui
n'est pas mon sport préféré mais, en l'occurrence,
faire un pied de nez à la clique johannique qui sévit en
ces lieux m'est apparu comme une bonne action.
MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Manuela
Kongolo, Cocaïne et tête de veau : la double vie des garçons
bouchers, éditions du Rocher, 2010, coll. Documents, 17 €.
Et pour la bonne bouche, le texte de présentation de l'anthologie
des lettres d'amour préférées de Patrick Poivre d'Arvor
publiée au Cherche Midi : "Un recueil de lettres d'amour d'Eloïse
et Abélard à Verlaine et Rimbaud, en passant par Robert
Desnos et Youpi..." C'est Prosper (Desnos) Yop la boum !
Presse.
Déniché dans les couveuses de Vosges Matin du jour
: "Thaon-les-Vosges. Bienvenue à Dylhon. Dylhon a poussé
son premier cri le 29 septembre, à 23 h 49, accusant le poids de
3,010 kg pour 49 cm. Deuxième enfant au foyer de * * et de * *,
domiciliés dans notre ville au 2, rue *. Il est venu tenir compagnie
à sa sœur Annaênyss âgée de deux ans et demi.
Tous nos vœux." Et nos félicitations, en attendant l'arrivée
de Gwlennhyrren et d'Orienstÿkk, jumeaux. Les graveurs des monuments
aux morts à venir se préparent des temps difficiles.
VENDREDI.
Vie
des aptonymes. Je
reçois aujourd'hui de la part de MGM, qui officie sur d'autres
fronts que celui de l'Invent'Hair, photo d'un générique
du film Embrassez qui vous voudrez (Michel Blanc, France, 2002)
qui crédite Vic Giardinio comme chef jardinier dans la partie technique.
J'ai vu le film et ne me souviens pas qu'un quelconque jardin y eût
quelque importance mais bon. Les génériques de films pourraient
constituer une terre riche en aptonymes et je les scrute, dans ce but
et dans d'autres, depuis des lustres. Avec, en fait, de bien maigres résultats
: seule la société de Jean-Louis Bouffare apparaît
quelquefois à la rubrique cantine, ce qui ne nourrit guère
son homme.
Vie sportive.
Quand je termine tôt le vendredi et que j'arrive à choper
le 12 heures 48, j'aime croûter à l'hôtel Kyriad, qui
jouxte mon domicile. La taulière est une ancienne élève
qui a gardé, me dit-elle par souci de sincérité ou
d'habileté commerciale, de bons souvenirs des cours de musique
que je dispensais au début des années 80, et elle me soigne.
Souvent, je me trouve en présence de sportifs qui sont logés
là pour le match du week-end. Ce midi, ce sont des basketteurs
bretons. Bretons, je ne l'ai su qu'en voyant le logo sur leurs tenues
- plusieurs parlaient anglais -, basketteurs je ne l'ai su que quand ils
se sont levés de leurs chaises et ont dû baisser la tête
pour passer la porte d'entrée. Leur entraîneur, qu'ils appelaient
"coach", les envoyait à la sieste. Une fois rendu at
home, je me suis allongé pour faire la mienne en songeant non
sans fierté que, par certains côtés, je menais une
vraie vie de sportif.
SAMEDI.
Courriel. Une demande de réabonnement
aux notules.
IPAD. 7 février 2009. 74 km.
(9970 km).

649 habitants
En arrivant
à la pancarte, on se dit que ce n’est pas gagné : il n’y
a pas de village mais des maisons dispersées à flanc de
montagne, un habitat très lâche. Pas de centre non plus,
pas d’église mais heureusement un panneau indique la direction
de la Mairie. A côté de la porte ("Marianne du civisme
2007") se trouve une plaque de marbre noir, décorée
d’une croix de guerre et de deux torchères.

La
commune de Cleurie
1914-1918
1939-1945
A
ses enfants morts pour la France
Guerre
1914-1918
BAILLY
Constant MARCOT Louis
BALLAND
Auguste NOËL Auguste
BALLAND
Eugène NOËL Louis
COURROY
Marcel PERRIN Camille
CUNY
Camille THIAVILLE Louis
GEGOUT
Emile THIRIAT Jules
JACQUINOT
Pierre THOMAS Hilaire
JOLY
Félicien TISSERAND Dominique
LACÔTE
Georges VILLEMIN Henri
LAMBERT
Adrien VILLEMIN Ernest
LAMBERT Eugène
Guerre
1939-1945
BASCHIRI Gaston SONTOT Raymond
BONNABE
Arsène VILLEMIN Marc
BONNABE
Gilbert XEMARD André
LODWITZ Paul
Algérie
DE
PEDRINI Marcel
Sur une
plaque ajoutée, en dessous, décorée de la cocarde
du Souvenir français :
Ils
sont morts
Pour
que la France vive
Souvenez-vous
L'Invent'Hair perd ses poils.

Marvejols
(Lozère), photo de Caroline Leboucq, 23 mars 2006
Bon dimanche.
Notules
dominicales de culture domestique n°466 - 24 octobre 2010
DIMANCHE.
Lecture. Les coeurs déchiquetés
(Hervé Le Corre, Payot & Rivages, coll. Thriller, 2009; 20 €).
"Grand Prix du Roman noir français du Festival de Beaune 2010",
"Prix Nouvel Obs Bibliobs du Roman noir", "Grand Prix de
Littérature policière 2009" : c'est bardé de
diplômes que nous parvient le dernier roman d'Hervé Le Corre,
un auteur que l'on a fréquenté à un moment où
il faisait moins de bruit sous la couverture de la Série Noire
(La douleur des morts, Les Effarés). Son univers est resté
le même, géographiquement (Bordeaux et ses environs) et socialement,
mais son écriture a évolué dans une direction qui
peut expliquer les faveurs des jurys qui l'ont primé. On y sent
une volonté de dépasser le polar pur et dur pour se lancer
dans une littérature plus ambitieuse, dans celle qu'on écrit
parfois avec un L majuscule. D'où le souci de prendre son temps,
d'élargir les moments descriptifs et de fouiller la psychologie
des personnages. C'est parfois totalement raté - le goût
de l'image qui tue, "il aperçut une page de journal ramper
près d'un banc comme ces prédateurs indolents qu'on voit
frôler les fond des mers à la recherche de leur pitance"
-, c'est parfois réussi, surtout grâce au personnage du jeune
Victor dont le parcours de foyer en famille d'accueil qui fait suite à
la mort de sa mère est traité avec beaucoup de justesse.
L'inconvénient de cette dilatation, c'est que l'enquête policière
proprement dite manque du soutien de l'auteur et perd de son intérêt
au fil des pages.
LUNDI.
Lecture. C'est un métier
d'homme (Oulipo, Mille et une nuits, 2010, 142 p., 10 €).
"Autoportraits d'hommes et de femmes au repos"
S'il bénéficie d'une renommée certaine, l'Oulipo
est souvent dépeint, au détour d'un article ou d'une émission,
d'une façon un tantinet réductrice : l'Oulipo, c'est Perec
et Queneau, des écrivains rigolos, auteurs de livres sans e sans
o, une bande de zigotos, c'est ça l'Oulipo. C'est faire peu de
cas du premier mot abrégé de son nom de baptême. L'Oulipo
est un ouvroir, un ouvroir est un endroit où l'on oeuvre, un endroit
où l'on bosse. Et l'Oulipo travaille. De façon parfois un
peu confidentielle et expérimentale dans ses volumes de La bibliothèque
oulipienne, déjà, et de façon plus ouverte dans
ses séances mensuelles publiques à la BnF qui rencontrent
paraît-il, je n'ai jamais eu la chance d'y assister, un beau succès.
C'est au cours d'un de ces "Jeudis de l'Oulipo" qu'ont été
dévoilés les textes qui composent ce volume. Au départ,
un texte de Paul Fournel intitulé "Autoportrait d'un descendeur",
dans lequel un skieur parle de son métier, de ses performances,
de ses faiblesses qui ne sont pas sans rappeler celles que peut connaître
un écrivain dans son parcours d'écriture d'une nouvelle.
Le texte épouse une structure syntaxique et thématique qui
fut d'abord calquée par Hervé Le Tellier dans son "Autoportrait
d'un séducteur", et le texte source est devenu une contrainte
matricielle dans laquelle se sont glissés d'autres oulipiens (Marcel
Bénabou, Jacques Jouet, Michelle Grangaud, Ian Monk...). Les autoportraits
défilent, l'écorcheur, le ressusciteur, le tyran, l'écrivain,
le buveur, le Président et d'autres, témoins de l'habileté,
de l'humour et du savoir-faire de chacun. L'ensemble est un régal
pour les amateurs mais peut aussi servir de porte d'entrée idéale
pour les novices qui veulent s'initier aux arcanes oulipiens, la contrainte
étant assez souple pour ne pas relever de la voltige absconse.
Par ailleurs, les deux textes de Michèle Audin, "Autoportrait
de la toupie" et "Autoportrait de racine de 2" viennent
à point nommé raviver l'héritage mathématique
de l'Oulipo, celui de Jean Queval et de François Le Lionnais, et
rappeler que la littérature se nourrit aussi de la scientifique
moelle.
MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Camille
Le Doze, La puce : de la vermine aux démangeaisons érotiques,
éditions Arkhê, 2010, 288 p., 17,90 €.
VENDREDI.
Vie automobile. Pas de rubrique Epinal
- Châtel-Nomexy cette semaine et pour cause : les trajets ont été
effectués la plupart du temps en auto pour cause de grève,
ce qui m'a un peu pesé. Un des avantages de mes va-et-vient ferroviaires,
et non le moindre, est l'augmentation appréciable de mon temps
de lecture. Au volant, je lis moins vite et j'ai du mal à me concentrer,
ça me chagrine. Heureusement, je n'aurai pas tout à fait
perdu mon temps en profitant de ces trajets pour réécouter
les enregistrements d'une série d'émissions diffusées,
il y a quelques années, sur France Musique dans Au bonheur des
gammes et intitulée "Emmanuel Chabrier au miroir de ses
lettres". Je connais mal la musique d'Emmanuel Chabrier, pour ne
pas dire pas du tout, si, son España tout de même que Satie
appelait "Espagnagna", mais cela ne m'a pas empêché
de savourer pour la deuxième ou troisième fois la lecture
d'extraits de sa correspondance, et ce d'autant plus qu'elle était
assurée par Claude Piéplu, un des plus formidables lecteurs
que je connaisse (voir, ou écouter plutôt, son travail sur
Jean-Pierre Brisset ou sur la Tentative d'épuisement d'un lieu
parisien de Perec). Chabrier semble avoir écrit des centaines
de lettres, rassemblées pour la plupart dans un volume au prix
légèrement prohibitif chez Klincksieck, des lettres à
ses collègues, à ses éditeurs, à ses amis
mais c'est dans celles qui furent adressées à sa famille
qu'il est au meilleur de sa forme, de sa verve et de son humour. J'en
retranscris une ci-dessous, destinée à son cancre de fils.
A son fils
Marcel, La Membrolle, 13 juin 1889
Mon bon
petit Marcel,
Certes
je suis heureux de voir que tu es galant auprès des demoiselles.
La femme est créée et mise au monde pour recevoir nos hommages
et être aimée, ça c'est convenu. Mais pour le moment,
il ne faut pas que l'un empêche l'autre, et l'autre, c'est l'examen,
c'est l'entrée en seconde. C'est là que doit surtout porter
ta galanterie. Si tu veux me faire grand plaisir, sois insinuant auprès
de la version latine, tendre avec le thème latin, plein de délicatesse
pour la version grecque, mets-toi à deux genoux devant l'histoire
et envoie des baisers à la géographie. Sois courtois envers
le calcul et plein de feu auprès de la narration. Pour le quart
d'heure, tâche d'oublier les petites et souviens-toi que si tu veux
plus tard être libre tu as encore trois ou quatre ans à ne
penser qu'à tes études. Tu comprends que nous sommes enchantés
de voir que l'on te trouve gentil mais mon devoir est de te rappeler au
tien encore et toujours.
Fais-moi
donc une carte d'Allemagne avec les royaumes ou duchés unis, avec
les capitales et les cours d'eau principaux et envoie-moi ça. Sépare
bien chaque pays par un trait au crayon bleu ou rouge, Bade, Bavière,
Wurtemberg, etc. Et écris-moi souvent, je t'aime tant.
Cancans.
Angèle se marie le 8 juillet et sa soeur la remplace ici. Un de
mes amis, le baron Taylor qui était aveugle, vient de mourir. Le
fils d'Auguste Vallin se marie le 19 juin, je suis de noce, 'turellement.
Le jardin est ravissant : j'ai enlevé ce matin plus de trois cents
gratte-culs. Ci-inclus un timbre de Buenos Aires, il se trouvait sur l'enveloppe
d'une lettre de Nicolini écrite ces jours-ci à la grand-mère,
tu dois l'avoir, enfin ça ne fait rien. Ne me laisse pas sans lettre
je t'en prie. Embrasse la pauvre mère, André et la vieille
Nanine.
Ton papa Emmanuel
SAMEDI.
Football. SA Epinal - FC Bourg-Péronnas
1 - 0.
IPAD. 14 février 2009. 77 km.
(10047 km).

Le monument,
est imposant, de grande taille, mais perd de sa superbe quand on l’approche
: pierre grise et sale, moussue, caractères gravés très
moches. C’est une stèle hexagonale assez peu travaillée
qui se tient au sommet de six marches sur le côté de l’église.
L’arrière se perd dans la végétation décorative,
des arbustes dans lesquels il faudra s’enfoncer au moment de recopier
les noms. Sur le fût, une épée avec la pointe en bas,
une croix de guerre, une frise de pointes de baïonnettes (?). Trois
urnes qui se veulent antiques sont disposées sur les côtés.

1914-1918
La
commune de Clézentaine reconnaissante
A
ses enfants morts pour la France
Première
face sur la droite : une plaque de marbre blanc qui a été
ajoutée.
1939-1945
BOUXIROT
Georges
PERRIN
Camille
LAHALLE
Gabriel
Deuxième
face sur la droite : une plaque de marbre gris ajoutée.
BARROIS
Félix PIERSON Auguste
BLAISE
Pierre PLOQUET Martin
BOURGUIGNON
Edouard RAIDOT Georges
BOURGUIGNON
Paul SIMON Henri
BOUXIROT
Camille THOMAS Jean-Baptiste
COLIN
Léon VIRION Marcel
GEORGE Eugène ------------------------
GOMBERT
Jules VICTIMES CIVILES
HARMAND
Louis HUMBERT Joseph
HENRI
Adrien MARIN Louise
MENZIN
Emile NOEL Marie
MONCHABLON
Abel SIMON Nicolas
PIERRON
Aimé VIRION Charles
L’église
est fermée. En passant devant le cimetière, situé
à l’entrée du village, j’ai vu un drapeau tricolore. Nous
y allons. Alignées contre le mur du fond, à gauche, 31 croix
de victimes tombées en novembre-décembre 1914.

Quelques
plaques sont accrochées au mur. Apparemment, ça a chauffé
dans le coin à cette époque. Je trouve aussi les tombes
de Louis Harmand et de deux autres victimes locales.





L'Invent'Hair
perd ses poils.

Roanne (Loire), photo de Marc-Gabriel Malfant, 6 juillet 2007
Bon dimanche.
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