Notules
dominicales 2011
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Notules dominicales de culture domestique n°484 - 3 avril 2011 |
DIMANCHE.
Lecture. Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique. Viridis Candela, 8e série, n° 12 (15 juin 2010, 128 p., 15 €).
Le sentiment d'étrangeté chez la patate douce, le désordre affectif chez la romaine montée, le blabla incohérent du tilleul mouillé, l'éthylisme mondain chez l'endive, le gazon misanthrope, le chanvre somnambule, le cresson qui ne se lave même plus et se barricade chez lui, le melon imbécile à puberté précoce, le cornichon réformateur, le pommier incestueux sont quelques-unes des maladies nerveuses et mentales chez les végétaux qui agrémentent ce numéro du Correspondancier consacré à la Patabotanique. De la science verte, rigoureuse et inattendue, qui apporte des réponses à des questions essentielles : de quel végétal croissant en Eden Adam et Eve ont-ils bien pu couvrir leurs attributs ? Que chantent les plantes ? Qu'est-ce que la graphophagie végétale ? Comment devenir un guérillero jardiniste ? Il paraît que Cécile Duflot, Eva Joly et Nicolas Hulot ne se déplacent plus sans leur exemplaire.
Vie musicale. Django battu. Dans le quintet d'Eddy Bockhorni vu et entendu cet après-midi à l'Alhambra de Vittel, il y avait un guitariste sans main droite.
MARDI.
En feuilletant Livres Hebdo. Annonces classées, rubrique Retenues de titres : "Paul Desalmand, auteur, retient le titre suivant : Editez-moi ou je vous tue ! pour un ouvrage à paraître courant 2011."
MERCREDI.
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JEUDI.
Presse. "Un Johnny demande à changer de prénom. Prénommé Johnny en hommage à la star du rock, un jeune homme de 23 ans attend la décision de justice rendue par le tribunal de Pau (Pyrénées-Atlantiques) qui lui permettrait d'abandonner son premier prénom qu'il qualifie de "ridicule". Derrière cette brève du Figaro du jour s'ouvrent d'insondables abysses : si, dans un premier temps, la notion de ridicule venait à entrer dans le domaine judiciaire, on imagine ce qui pourrait en résulter pour des tribunaux déjà surchargés. Ensuite, si cette notion devait s'appliquer au champ des prénoms, il n'est que de consulter les rubriques état-civil de la presse régionale pour imaginer le nombre de procès que pourraient intenter, lorsqu'ils auront atteint l'âge de raison et un brin de lucidité, les pauvres garçons et filles baptisés de façon improbable par des parents pleins de bonne volonté ou complètement siphonnés.
VENDREDI.
Vie musicale. Le concours artistique de la ville d'Epinal bat son plein. Les musiciens défilent au théâtre, jour après jour, instrument après instrument. Mercredi, je me suis appuyé les performances des trombonistes par amitié pour l'un des concurrents et pour un membre du jury. Une rude épreuve dans la mesure où l'on donne à ces brillants musiciens des pièces dont on ne cite même pas les auteurs tant elles sont biscornues et vouées à la seule démonstration technique. Cet après-midi, ce sont mes devoirs familiaux qui me ramènent au même endroit : Alice fait ses premiers pas à la guitare dans deux catégories. L'occasion de jouer sur une belle scène, avec un peu de public, des médailles en chocolat, rien de dramatique. Pourtant, quand je vois l'état dans lequel cela m'a mis depuis le début de la semaine, je n'ai pas hâte qu'elle fasse carrière ou qu'elle ait à faire face à des échéances plus essentielles, mon coeur n'y survivrait pas. Malgré une corde cassée une heure avant l'épreuve, tout se passe bien, les mentions sont du genre gratifiant, on n'est pas la fille d'une vieille bête de scène pour rien. Cette nuit, enfin, je dors.
SAMEDI.
IPAD. 6 décembre 2009. 27 km (11842 km).
1340 habitants
Le monument est au milieu du cimetière, situé à l’extérieur du village et que j’ai eu un mal fou à trouver. Il se dresse au centre d’une vaste esplanade entourée de thuyas taillés ras. Au sommet de la colonne, un écusson RF et sur le fût une palme et une croix de guerre. Sur une marche, un pot entouré de cellophane dont il ne reste de valide qu’un chrysanthème jaune.
Face :
1914 – 1918
Aux enfants de Darnieulles Morts pour la France
Victimes de la guerre 1939-1945
9 noms sur 3 colonnes de BEDEL Marcel à VISSA Maurice
Gauche :
ANDRE Pierre GERMAIN Jules BAILLY Gaston HUGUENIN Jules COLAS Joseph JEROME Jules COUNOT Albert LAGORCE Albert DIDELOT Julien LAMBOLEZ Gustave GERARDIN Marius LAVALLEE Auguste LEVAL Marcel
Droite :
LOUIS Auguste SELLE Emile MAIRE Léon THIRIET Albert MESSE Armand THOMAS Albert NAVILLOT Camille THOMAS Cyrille PERNOT Louis THOMAS Gaston SAINTIN Henri THOMAS Paul
Le monument est signé De Pedrini, Uxegney.
L'Invent'Hair perd ses poils.
Illiers-Combray (Eure-et-Loir), photo d'Alain Zalmanski, 16 mai 2005
Bon dimanche. |
Notules dominicales de culture domestique n°485 - 10 avril 2011 DIMANCHE.
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LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Le serment des limbes, de Jean-Christophe Grangé, au Livre de poche.
MARDI.
Lecture. Les racines du ciel (Romain Gary, Gallimard, nrf, 1956; 448 p., prix masqué).
"Je soupèse le volume. Qu'il est gros ! Près de cinq cents pages, à vue de nez. [...] J'ouvre, je lis dix lignes, je referme." Pour François Mauriac, qui s'exprime ici dans son journal, la cause est vite entendue. La question est aujourd'hui de savoir s'il a eu tort ou non de ne pas persévérer. Une fois le pavé, car c'en est un, refermé, on peut lui donner en partie raison et Lesley Blanch, la femme de Gary à l'époque, ne se prive pas de souligner les défauts du livre dans son recueil de souvenirs Romain, un regard particulier : "Si répétitives et négligemment écrites que soient beaucoup de pages de cet ouvrage, et cela malgré mes fréquentes suggestions pour qu'il fasse des coupures, il ne pouvait s'arrêter d'écrire, un fleuve impétueux que, chose étrange, son éditeur n'a rien fait pour endiguer. Ces répétitions constituent la faiblesse d'un beau livre, une faiblesse qu'on retrouve dans certains des autres écrits de Romain." C'est plutôt bien vu, mais des faiblesses, il y en a d'autres, qui tiennent peut-être plus d'ailleurs à l'époque à laquelle le livre fut conçu qu'à son auteur lui-même. A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, et sans attendre l'arrivée du Nouveau Roman, le roman semble en effet ne plus se suffire à lui-même. Il doit être porteur de sens politique, ses personnages doivent être emblématiques d'une certaine idéologie, ce qui explique que des Sartre ou des Camus se soient essayés à un genre auquel ils n'étaient pas destinés a priori. C'est cette constante préoccupation idéologique qui nuit au roman de Gary et le date assez cruellement. L'auteur se sert de ses souvenirs africains pour mettre en scène un idéaliste, Morel, qui mène en Afrique un combat pour faire cesser le massacre des éléphants. C'est sa seule préoccupation mais il est pris par les autorités locales et par l'opinion internationale pour un dangereux révolutionnaire, un partisan de l'émancipation africaine, un communiste, un pacifiste et bien d'autres choses encore. D'où des discussions à n'en plus finir et répétitives sur le bien fondé et les motivations de sa cause entre les autres personnages du roman, missionnaires, fonctionnaires coloniaux, indépendantistes africains, journalistes... Le roman devient semblable à l'éléphant : on lui accroche un tas de casseroles qui l'alourdissent et gênent sa progression... et sa survie. Mauriac aurait-il eu raison ? Pas tout à fait : il est passé à côté d'un aspect du livre qui ne rachète pas tout à fait l'ensemble mais qui vaut le détour : c'est la construction du personnage de Morel à partir des témoignages des autres protagonistes. Morel n'apparaît que dans le dernier tiers du livre. Avant cela, on ne fait que parler de lui : on tourne autour du personnage, on le dessine, on le devine au travers des témoignages qui se succèdent sans que jamais on ne distingue les sutures qui font passer de l'un à l'autre. C'est là que Romain Gary est vraiment intéressant, dans ce travail de mosaïste qui mériterait une nouvelle lecture pour voir justement comment il lie ses différents éléments. Mais je laisse ce soin à d'autres.
MERCREDI.
Lecture. Histoires littéraires n° 38 (avril-mai-juin 2009, Histoires littéraires et Du Lérot éditeurs; 232 p., 25 €).
Revue trimestrielle consacrée à la littérature des XIXe et XXe siècles.
Depuis quelques numéros, Histoires littéraires semble avoir l'ambition de donner autant à voir qu'à lire. On ne peut que s'en réjouir, à l'examen des cahiers iconographiques qui accompagnent le dossier Edmond Rostand de cette livraison : dessins des projets de costumes, photos d'acteurs, cartes postales, photos de représentations, couvertures de revues, décors, caricatures, affiches, publicités concernant Cyrano et surtout Chantecler montrent, plus efficacement qu'un long discours, la place qu'a pu tenir cet auteur dans la France des années 1900. Un autre ensemble est consacré à Arnaga, le "Versailles basque" d'Edmond Rostand, qui accompagne un article éclairant de Maurice Culot. On sort de ce dossier (134 pages tout de même) légèrement étourdi et franchement admiratif devant le travail accompli car il y est aussi question des adaptations musicales et cinématographiques de Cyrano, du projet de Rostand pour La Marseillaise, de ses poèmes de guerre, de l'échec de Chantecler, des liens entre Rostand et l'acteur Coquelin aîné, etc. On feuillette le reste de façon un peu superficielle, dans la hâte de lire ou relire Rostand. On recopiera, pour la bonne bouche, cette note sur un livre de Marcel Schneider (Il faut laisser maisons et jardins, Grasset, 2009) : "Marcel Schneider indique que Lise Deharme conservait dans sa collection "le revolver avec lequel Verlaine avait tiré sur Rimbaud". Un autre authentique revolver de Verlaine ayant été retrouvé chez un collectionneur belge il y a deux ou trois ans, on peut en conclure qu'avec une seule blessure, localisée dans le poignet gauche, Rimbaud s'en est plutôt bien sorti, en ce début d'après-midi surchauffé de l'été 1873, face à un Verlaine ainsi surarmé."
SAMEDI.
Football. SA Epinal - US Ivry 0 - 0.
IPAD. 13 décembre 2009. 88 km (11930 km).
54 habitants Pas de monument aux morts visible.
L'Invent'Hair perd ses poils.
Avignon (Vaucluse), photo de Caroline Leboucq, 26 juillet 2006
Bon dimanche. |
Notules dominicales de culture domestique n°486 - 17 avril 2011 |
DIMANCHE.
Presse. Dans Le Monde du jour : "Deux filles, la nouvelle recette du bonheur familial. En matière de famille, on a longtemps cru que le "choix du roi" consistait à mettre au mode une fille et un garçon. Jusqu'à ce que le très sérieux journal britannique The Telegraph nous apprenne, dans son édition du 5 avril, que la clé du bonheur était en fait d'avoir deux filles ! Car telle est la conclusion d'une enquête menée [...]." Je ne sais combien cette enquête a coûté au Telegraph mais le journal aurait pu en faire l'économie et se contenter de me téléphoner, j'aurais confirmé. Si j'avais pu répondre. Car le fait d'avoir deux filles a entre autres conséquences celle de ne plus avoir accès au téléphone. Ce qui n'est pas loin, bouclons la boucle, d'être une des clés du bonheur.
Lecture. Le sang des pierres (Blodläge, Johan Theorin; Wahlström & Widstrand, Stockholm, 2010, Albin Michel, 2011 pour la traduction française; traduit du suédois par Rémi Cassaigne; 432 p., 20 €).
C'est la troisième fois que l'on visite l'île d'Öland sous la houlette de Johan Theorin qui a choisi d'y consacrer un cycle suivant le rythme des saisons : on y a déjà passé un automne et un hiver, Le sang des pierres se déroule au printemps, une saison au cours de laquelle les résidences secondaires de l'île reprennent vie. Parmi les arrivants, Peter Mörner, fils d'un ancien magnat du porno suédois qui va être victime d'un étrange règlement de comptes. Comme dans le volume précédent, L'écho des morts, Johan Theorin incorpore à son histoire des éléments surnaturels et ce n'est pas un mince exploit que de parvenir à introduire des elfes et des trolls dans une histoire policière sans sombrer dans le ridicule le plus complet. Avec Theorin, cela fonctionne parfaitement et l'auteur parvient une fois de plus à subjuguer le lecteur par son savoir-faire. La mise en place est certes un peu lente mais une fois la machine en route, les chapitres courts et neveux s'enchaînent de façon imparable. C'est incontestablement de la belle ouvrage.
LUNDI.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Le cadeau, de Daniel Steele, à l'aller et le Code civil au retour. L'un doit être d'une lecture plus ardue que l'autre.
MARDI.
Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.
MERCREDI.
Lecture. Alibi saison 1 (Ayoba, 2011, 146 p., 15 €).
"Flics et voyous. La plume dans la plaie"
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
JEUDI.
Vie politique. "Nicolas Hulot se lance dans la course à l'élection présidentielle" (les journaux). Je ne sais plus à quel propos De Gaulle disait que si on les laissait faire, les Français éliraient Léon Zitrone. On s'en rapproche.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Chute libre, de Carol Higgins Clark (Albin Michel, 2004).
Lecture. Les dimanches de Jean Dézert (Jean de La Ville de Mirmont, Jean Bergue éditeur, 1914, rééd. Grasset in L'heure chimérique, coll. Les Cahiers Rouges, 2008; 210 p., 8,40 €).
Parmi les écrivains français victimes de la guerre de 14, Jean de La Ville de Mirmont n'est certainement pas le nom plus illustre. Au moins, avec sa construction à tiroirs, il a la consolation d'occuper un maximum d'espace sur son monument aux morts. Ce n'est pas le cas de son oeuvre, en particulier de ce roman court d'une soixantaine de pages. On y suit quelques épisodes de la vie de Jean Dézert, obscur employé de ministère en route vers un mariage qui ne se réalisera pas. Qu'importe. Jean Dézert attendra une prochaine occasion car "Jean Dézert a fait sienne une grande vertu : il sait attendre. Toute la semaine, il attend le dimanche. A son Ministère il attend de l'avancement, en attendant la retraite. Une fois retraité, il attendra la mort. Il considère la vie comme une salle d'attente pour voyageurs de troisième classe."On est ici face à un personnage qui rassemble le Bartleby de Melville, l'Oblomov de Gontcharov et l'homme qui dort de Perec. Mais le récit de sa vie n'a rien de pessimiste : Jean de La Ville de Mirmont le mène avec légèreté et ironie, comme un Marcel Aymé un peu en avance sur son temps. C'est un roman très inattendu, très attachant, une voix vraiment originale pour l'époque. Apparemment, Grasset l'avait déjà réédité en 1929 avec une préface de Mauriac qui fut son ami, avant de le reprendre dans ce volume avec un ensemble de poèmes (L'horizon chimérique) et, plus intéressants, des contes publiés dans Paris-Journal. Parmi ces derniers, "Le piano droit" est un petit bijou.
SAMEDI.
IPAD. 3 janvier 2010. 115 km (12045 km).
253 habitants
La stèle de granit gris se dresse à un carrefour, en bordure d’un parc à moutons. Elle est posée sur deux marches, au centre d’un carré délimité par une grille de fer peinte en vert. Une croix de guerre et une palme figurent sur le côté face.
Face :
Honneur
1914
GERARD Paul VOIGNIER Edouard GERARDIN Julien VILLAUME Ferdind
1915
COLIN Gustave DIDIER Ferdinand FRANCOIS Paul VOIGNIER Alfred CUNY Albert COLIN Ferdinand DIDIER Gustave
1917
NICOLE Julien
1918
STRABACH Marcel
1914 – 1918
La commune de Denipaire A ses enfants Morts pour la France
Gauche :
Gloire
Hommage aux vaillants défenseurs Tombés sur notre territoire
1942
COLIN Louis
1944
SCHAEFFER Claude S/LNT F.F.I.
Droite :
Patrie
Victimes civiles
1914
GENATIO Jean Jh
1916
GAUNAUD Marie
1944
CLAUDEL Michel
L'Invent'Hair perd ses poils.
Cherbourg (Manche), photo de Sibylline, 6 septembre 2007
C'est déjà le quatrième Hair du temps après ceux de Marseille (377), Lyon (445) et Roanne (466). Désormais, mais de façon irrégulière, cette rubrique sera suivie d'un extrait de littérature capillaire, au hasard des rencontres faites dans les lectures ou recherches du moment.
Poil et plume. "Séché puis rhabillé, comme il lui restait suffisamment de temps avant l'heure du déjeuner, il prit le parti de gagner à pied le "lavatory rationnel, coupe 50 centimes, barbe 25 centimes, soins antiseptiques", de la rue du Faubourg-Montmartre, qui constituait le n° 2 de son programme.
Là, il eut l'avantage d'être reçu par le patron lui-même, toulousain d'origine, ténor à ses moments perdus, et d'une physionomie si classique vraiment, qu'elle ne pouvait que séduire un esprit amoureux d'ordre et de tradition.
- Monsieur, dit le coiffeur à sa nouvelle pratique, en lui offrant un siège, c'est sans doute pour les cheveux ? Quelle coupe désirez-vous ?
- La même, répondit Jean Dézert. (Il voulait éviter d'avoir à faire un choix.) Ou bien comme vous voudrez.
- Nous tenons avant tout à satisfaire le client. Mais encore, faut-il qu'il se rende compte lui-même de ce qui lui sied. Permettez-moi donc de vous indiquer les diverses manières dont je puis vous coiffer. Voici d'abord une photographie du boxeur Carpentier. Vous voyez, la raie au milieu, court sur les côtés. C'est très sportif, très à la mode, très demandé, surtout chez les jeunes gens. Je ne vous conseille guère ce genre, néanmoins. Il faudrait, d'abord, que vous consentiez à faire raser votre moustache. Et puis cela ne vous irait pas, vos maxillaires ne sont pas assez développés, votre menton pas assez énergique... Oui, je suis très physionomiste." (Jean de La Ville de Mirmont, Les dimanches de Jean Dézert)
Jean Dézert, passant outre les conseils du coiffeur, choisira-t-il la coupe à la Carpentier ? Nous le saurons la semaine prochaine.
Bon dimanche.
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Notules dominicales de culture domestique n°487 - 24 avril 2011 |
DIMANCHE.
Lecture. Mourir pour mourir (See Them Die, Ed McBain, 1960, première édition française Presses de la Cité, coll. Un mystère n° 561, 1961, rééd. in "87e District 2", Omnibus, 1999; 940 p., 145 F).
La communauté portoricaine d'Isola est aux cents coups. Le truand Pepe Miranda s'est réfugié dans un immeuble, les gars du 87e préparent un assaut pour le déloger. Autour de cet événement, on suit les tribulations d'une bande de jeunes qui veulent jouer aux durs, l'histoire d'amour avortée d'un marin en goguette, la vie d'un petit snack de quartier et la rivalité qui oppose Hernandez, un flic portoricain dont c'est la quatrième et dernière apparition dans la saga, et Andy Parker qui joue dans la série le rôle du flic raciste. "Deux personnes vont mourir dans cette rue, aujourd'hui" : dès la deuxième page, Ed McBain a donné le résultat de la tragédie, il ne lui reste plus qu'à faire jouer ses pions, passant de l'un à l'autre avec son habileté coutumière. C'est toujours aussi intéressant à suivre même si, au fil des aventures du 87e District - et j'en suis à ma trente-quatrième si je compte bien - on peut trouver le ton moralisateur d'Ed McBain un peu lassant. Derrière la carrière de l'auteur de polars se cachait peut-être une vocation ratée d'aumônier scout.
Vie printanière. Les journées sont belles, depuis un moment déjà. Mais pour officialiser l'arrivée du printemps, il faut un geste fort, un jalon significatif. Pour certains, ce sera sortir la moto, la tondeuse ou les pièges à taupes, pour d'autres mettre la piscine en eau, manger les premières asperges, nettoyer le barbecue, monter sur le bateau, bêcher les premiers rangs, oublier de mettre des chaussettes. Pour moi, ce sera quitter la vallée de la Moselle pour longer la Vologne, puis le Barba, direction Saint-Jean-du-Marché et, une fois sur place, y déployer la chaise longue et m'y installer pour ne rien faire. C'est la sortie du tunnel, la certitude que le boulot ne pourra plus faire beaucoup d'ombre à ce qui s'annonce, la semaine azuréenne, l'expédition à Jaligny, la Creuse, Paris de temps en temps. Il était temps.
Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Le monstre de Florence de Douglas Preston et Mario Spezi (J'ai lu Policier, 2011) et Le secret magnifique de Belva Plain (Pocket, 2007). Une fois cela noté, c'était dans le 7 heures 31, je descends et commence à cheminer; comme à l'accoutumée, avec les deux habituées qui descendent à Châtel-Nomexy. L'une d'elles pose le pied sur une plaque d'égout, la plaque se dérobe dans un grand tintamarre métallique, patatras, dans le trou jusqu'à mi-corps. On la tire de là tant bien que mal, on l'assoit sur le trottoir, elle n'arrive pas à se lever, les genoux apparemment bien abîmés. Sa collègue a un téléphone de poche, elle appelle les secours, je ne sers plus à rien, je les abandonne en méditant sur les dangers de la marche à pied en milieu urbain. Moi qui pensais mettre ma peau et celles des autres à l'abri en prenant le train plutôt que l'auto pour aller travailler - je ne sais pas conduire, enfin, j'ai le permis avec tous les points collés dessus mais ça ne se voit pas vraiment - je suis soudain pris d'un fameux doute.
Lecture.Brassens. Le libertaire de la chanson (Clémentine Déroudille, Gallimard, coll. Découvertes/Arts n° 571, 2011; 128 p., 13,20 €).
Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
MERCREDI.
Lecture. L'ami Fritz (Erckmann-Chatrian, Hachette, 1864, rééd. in "Gens d'Alsace et de Lorraine", Omnibus, 1993; 1332 p., 22,10 €).
Si j'en crois mes archives, ma première lecture de L'ami Fritz date de 1972. Je me souviens du volume, un Bibliothèque verte ancienne manière avec la couverture olive, la même que celle de mes premiers Jack London, Fenimore Cooper ou James Oliver Curwood. Je ne sais pas si je suis allé jusqu'au bout mais j'ai relu le roman d'une traite et avec grand plaisir. Cette histoire de mariage entre deux personnes d'âge et de condition sociale différents (un riche propriétaire et la fille de ses fermiers) a gardé une saveur intacte grâce à une langue parfaite et un agencement soigné des péripéties. Reprendre Erckmann et Chatrian recèle quelques surprises. On croyait leurs romans profondément inscrits dans leur terroir, la Lorraine autour de Phalsbourg, mais les personnages de L'Ami Fritz sont des Bavarois bon teint qui passent leur temps à alterner les chopes de bière et les chopines de vin. Contrairement à ce qui se trouve dans les autres romans du duo, il n'y a donc pas ici de préoccupation régionaliste ou patriotique : c'est un pays de cocagne, une carte postale où tous les hommes vivent en harmonie. Le meilleur ami de Fritz Cobus n'est-il pas un rabbin ? Quand on imagine les nuages qui viendront assombrir cette contrée, on a un peu de mal à y croire mais ce n'est pas une raison pour bouder son plaisir.
JEUDI.
Epinal - Châtel-Nomexy et retour. ABC de la psychologie de l'enfant de Corinne Morel (Grancher, 1999). Accessoirement, je retrouve sur le quai l'égoutière malgré elle. Je vais aux nouvelles, soulagé de la retrouver en état de marche. On l'a conduite lundi à l'hôpital d'Epinal où les examens pratiqués n'ont rien révélé de fâcheux. Du côté de la commune, les services de voirie ont pris des mesures spectaculaires. Du coup, on a changé de trottoir.
VENDREDI.
Epinal - Châtel-Nomexy et retour. Au-delà du mal de Shane Stevens en Pocket thriller (2011) et Franz Liszt de David Clément chez Actes Sud (2011).
Lecture. Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique. Viridis Candela, 8e série, n° 13 (15 septembre 2010, 96 p., 15 €).
On ne connaît pas assez le saint patron des enseignants, ou plus exactement des enseignants chahutés. Il s'agit de saint Cassien : "maître d'école à Imola en Romagne, il fut massacré par ses élèves qui, de leurs styles, gravèrent dans sa chair les lettres de l'alphabet." Saint Cassien et bien d'autres de ses obscurs confrères (saint Janvier pour les donneurs de sang, saint Corneille patron des bêtes à cornes, etc.) sont à l'honneur dans ce numéro consacré, on l'aura deviné aux saints. Les saints du calendrier pataphysique et les saints laïcs ne sont pas oubliés, témoin cet article sur la dévotion à saint François (Claude) qui contient la retranscription d'un entretien accordé par le chanteur à France Dimanche depuis l'au-delà le 5 mars 2010 par l'entremise du médium Pierre Pernez. On y apprend avec soulagement qu'il se porte bien : "Ici, je vais bien. C'est une volupté absolue de vivre dans ce monde. C'est grand, c'est magnifique, c'est magique. Toutes les vibrations résonnent en rythme, la musique est étincelante..." On ne lit pas assez France Dimanche. Je l'ai acheté l'autre jour, ou alors c'était Ici Paris je confonds parfois les deux, aguiché par le titre "Pierre Perret & Guy Béart : une guerre sans pitié" (à propos de l'affaire Léautaud). Je n'ai pas regretté mon argent.
SAMEDI.
IPAD. 10 janvier 2010. 59 km (12104 km).
90 habitants
C’est une plaque récente vissée sur le mur du cimetière qui entoure l’église (fermée).
A nos glorieux morts Pour la Patrie 1914-1918
Commandant Ernest JACQUOT
Sergents Félix PARISOT Léon MARANDE
Caporaux Pierre PETITJEAN Joseph LEC Georges VAILLANT Marcel LEMOINE Joseph JACQUOT Albert MATTENET Pierre JACQUOT Charles MULOT Auguste COUSOT
1939-1945
Caporal Albert DEMANGEL
Et pas un seul simple soldat.
L'Invent'Hair perd ses poils.
Athis-Mons (Essonne), photo de Marc-Gabriel Malfant, 16 novembre 2007
Poil et plume."Ce portrait est celui de l’acteur André Brulé dans "L’Enfant et l’Amour". La raie sur le côté, les cheveux bouffant légèrement au-dessus des oreilles. Une telle coupe demande à être exécutée avec grand soin. Ajoutez qu’elle plaît aux dames en général. Je ne vous la conseille pas non plus, vu la rigidité de vos cheveux. On connaît mal le rôle des coiffeurs, Monsieur. J’ose dire que mon art obtiendrait des résultats plus intéressants si le client s’y prêtait davantage. Naturellement, je me mets à votre disposition pour réaliser sur vous le genre qui vous plaira : à l’artiste, à la Capoul, à la Paulus, à la Mayol, à la Rostand – ou même les cheveux en brosse. Cette dernière façon agrandirait votre front et ne messiérait pas à la forme de votre crâne, un peu plat dans le haut, n’est-ce pas ? Mais si, désireux de vous écarter de la routine, vous préférez quelque chose de plus neuf et de plus personnel… - Monsieur, coupez-moi les cheveux ras. - Très bien. Alors, nous disons : à la Charles Baudelaire ! commanda le maître coiffeur en désignant à l’empressement d’un garçon Jean Dézert qui se laissa faire, content que l’on s’occupât de lui sans qu’il eût à songer à quoi que ce soit." (Jean de La Ville de Mirmont, Les dimanches de Jean Dézert)
Bon dimanche. |