Notules dominicales 2011
 
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Notules dominicales de culture domestique n°488 - 8 mai 2011
 
DIMANCHE.
                  Lecture. L'ingénieur aimait trop les chiffres (première parution en feuilleton, Le Figaro, 1958, première publication en volume, Denoël, coll. Crime-club n° 12, 1959; rééd. in "Quarante ans de suspense" vol. 1, Robert Laffont, coll. Bouquins, édition établie par Francis Lacassin, 1988; 1340 p., 120 F).
                               Ce n'est pas un mystère en chambre close mais ça n'en est pas très loin : à quatre reprises, un crime est commis et le coupable parvient à s'échapper de la pièce une poignée de secondes avant l'arrivée des témoins auditifs du coup de feu pour demeurer introuvable. L'inspecteur Mareuil y perd son latin, en même temps que son poste car sa hiérarchie est sur les dents. On a dérobé, lors du premier crime, un engin nucléaire qui pourrait bien faire sauter Paris et ses environs. Le brave Mareuil devient ainsi une sorte de Jack Bauer en avance sur son temps, travaillant en solo pour la découverte du coupable et la survie de son pays. Tout ceci cache en fait un bon drame bourgeois à base d'adultère, bien dans la manière de Boileau-Narcejac, sans génie mais avec une dose certaine de savoir-faire.           
                       
                               Georges Brassens. Auprès de son âme (Bernard Lonjon, Textuel/INA, coll. La Voix au chapitre, 2011; 96 p. + 1 CD, 19,90 €).
                               Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
 
 
LUNDI.
          Lecture. Georges Brassens. De la pudeur... Sacrebleu ! (Didier Antoine, éditions du Cygne, coll. Portraits littéraires; 132 p., 13 €).
                       Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
 
          Vie pré-vacancière. Beaucoup de choses à faire avant de partir, des listes à compléter, des bagages à faire, des photos à classer, un monument aux morts à dénicher, des textes à chercher, des articles à écrire, des lettres à envoyer, Livres Hebdo à éplucher. Le trio partira sans moi pour Saint-Jean-du-Marché mais c'est à ce prix que j'assurerai le confort de mes vacances.
 
 
MARDI.
           Vie parisienne. Je pars pour Paris par le 6 heures 24. Le premier TGV de la semaine est souvent, c'est le cas aujourd'hui, celui de la représentation parlementaire qui va rejoindre les ors et velours des palais nationaux. Je salue donc fort de façon fort déférente mon député et mon sénateur avant de grimper dans le dur. Une fois sur place, je pose mon bagage et métrotte vers Tolbiac, la visite de l'exposition Gallimard est à mon programme. J'ai pris mes précautions et pris un billet coupe-file il y a des semaines. J'ai eu le nez fin, nous sommes au moins cinq ou six sur la place. C'est aussi bien : l'exposition se compose en majorité de documents écrits, manuscrits ou tapuscrits et il faut avoir le nez dessus pour les déchiffrer, ce qui serait impossible en cas d'affluence. Je me colle le nez aux vitrines et déguste les archives de la maison. Des lettres (Céline à Gaston : "Je vous remets mon manuscrit du Voyage au bout de la nuit - 5 ans de boulot...", Coindreau à Gaston  qui lui annonce qu'il vient de découvrir un Américain qu'il ne faut surtout pas laisser passer - c'est Faulkner, Paulhan à Gaston qui se plaint de l'autopromotion à laquelle se livre Queneau dans son Encyclopédie de la Pléiade...), des fiches du comité de lecture ("René Char est un disciple d'Eluard, dont il imite le ton, les vers, jusqu'à l'écriture. Sans intérêt il me semble", signé Paulhan), des contrats, des manuscrits (Les Bienveillantes de Littell sur de grands cahiers remplis à la main), des études graphiques pour les couvertures, des curiosités comme cette liste de titres possibles pour traduire Gone With the Wind - c'est Paulhan qui propose Autant en emporte le vent. Dans des tours de verre sont exposés les volumes, les trois premiers nrf de 1911 (Claudel, Gide, Charles-Louis Philippe), les Pléiade, les Folio, les Série Noire, toutes les collections ou presque car je n'ai pas repéré de volumes de la fugace (22 titres) Série Blême qui cohabita un temps avec la Noire. Si j'avais su, j'aurais prêté les miens. J'achète un numéro de la Revue de la BNF que je convoitais depuis un moment, regagne l'extérieur, longe la Seine et saucissonne au Jardin des Plantes. Après-midi de travail à la Bilipo. Dans le métro du retour, je m'aperçois que l'on s'amuse à faire imprononçables anagrammes sur le nom du notulographe.
 
 
 
MERCREDI.
                  Vie parisienne (suite). Pas de travail au Louvre ce matin, les salles que je visais sont fermées, cette fois je suis pris en flagrant délit d'impréparation. Je déambule d'un bord de la Seine à l'autre en attendant l'ouverture de la Bilipo, flâne un moment au Musée des Lettres et Manuscrits du boulevard Saint-Germain, une visite qui fait un peu double emploi avec l'exposition d'hier, achète des livres chez Compagnie, croûte chez mon pizzaiolo égyptien et achève mon séjour sur mon Atlas de la Série Noire.
 
 
JEUDI.
          Lecture. La vie très privée de Mr. Sim (The Terrible Privacy of Maxwell Sim, Jonathan Coe, 2010, Gallimard, coll. Du monde entier, 2011, traduit de l'anglais par Josée Kamoun; 464 p., prix masqué).
                       "Jonathan Coe est l'un des auteurs majeurs de la littérature britannique actuelle", annonce la quatrième de couverture. On le croit d'autant plus volontiers que, hors polar, on n'a rien lu en littérature britannique actuelle depuis à peu près Charles Dickens. On pourrait d'ailleurs facilement sortir de cette lecture en bougonnant que, décidément, on n'est pas près d'arriver à la cheville de Dickens, que le roman est bien mort et autres sentences définitives. C'est que les défauts du roman de Jonathan Coe sautent aux yeux : des longueurs (interminables dernières pages), des ficelles grosses comme des câbles de téléphérique pour intégrer des récits secondaires à l'histoire principale, des trucs modernes déjà éventés (la conversation entre un conducteur et la voix de son GPS, combien de chansons, de sketches déjà faits sur ce thème ?), une préoccupation sociologique très tendance (les rapports humains à l'heure des technologies modernes, pffff...), une conclusion en forme de pied de nez sur les rapports auteur-personnage (rien de nouveau depuis Cervantes). Cependant, on peut mettre sur l'autre plateau de la balance un certain nombre de qualités qui font que finalement, La vie privée de Mr. Sim est plutôt un bon roman et Jonathan Coe un bon romancier. Un bon romancier qui sait camper un personnage, se servir d'une histoire vraie (l'épopée pathétique du navigateur Donald Crowhurst) pour la mêler à sa fiction, terminer ses chapitres de façon habile de façon à relancer l'intérêt et manier un humour qui fait mouche à tout coup ou presque. Et qui possède l'atout majeur, l'imagination, celle qui le rend capable de meubler cette logue histoire avec des ramifications, des intrigues parallèles toutes aussi passionnantes à suivre les unes que les autres. Auteur majeur, Mr. Coe ? On s'en bat l'oeil. C'est un bon romancier, capable de tenir en haleine son lecteur, c'est bien suffisant, il n'y en a pas tant que ça.
 
 
VENDREDI.
                 Vie de palace. "Le prince héritier William d'Angleterre prend femme" (les radios). Réaction : félicitons-nous de n'avoir point de souverain et d'éviter ainsi de subir de telles choses. Réflexion : combien de fois ces derniers temps les Britanniques, en regardant de l'autre côté de la Manche, ont-ils pu se féliciter de n'avoir point de président de la République et d'éviter ainsi de subir un certain nombre de choses ?
 
                 Transhumance. Les premiers kilomètres en direction de Mandelieu-La Napoule permettent de constater que je n'ai guère fait de progrès en conduite automobile. Après l'arrêt maladie d'Alice à Contrexéville, un grand classique, je me trompe de sortie au rond-point et file dare-dare vers Epinal. La suite du trajet se fera dans le bon sens.
 
 
SAMEDI.
             Lecture. Mon couronnement (Véronique Bizot, Actes Sud, 2010; 112 p., 13 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2011).
                          Le roman est dédié "à Philippe D." Qu'est-ce à dire ? Tentative de corruption d'un membre du jury ? Que penser, dans ce cas, de ce passage : "[...] j'escomptais donc, à l'instant où j'étais monté dans le wagon, que celui-ci serait vide, mais il n'en était rien, et je m'étais étonné une fois encore de l'emploi que les gens font de leurs existences, qui les pousse dans cette direction - les Vosges - sans que rien, dans la façon dont ils s'installent à leurs places, ne trahisse une quelconque appréhension, ni la moindre rébellion, ni davantage de cet héroïsme dont j'avais personnellement fait preuve en prenant mon billet."
 
             Vie aquatique. Six longueurs de piscine.
 
             L'Invent'Hair perd ses poils.
 
Paris, rue Monsieur-le-Prince, photo de Marc-Gabriel Malfant, 13 novembre 2007
 

             Poil et plume. "Âgé ? Mais il n’a pas l’air âgé, regardez, le cheveu est resté jeune. (Car depuis trois ou quatre ans le mot "cheveu" avait été employé au singulier par un de ces inconnus qui sont les lanceurs des modes littéraires, et toutes les personnes ayant la longueur de rayon de Mme de Cambremer disaient "le cheveu", non sans un sourire affecté. A l’heure actuelle, on dit encore "le cheveu", mais de l’excès du singulier renaîtra le pluriel.)" (Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe)

 

 

DIMANCHE.

                  Lecture. Le chambrioleur (Damien Luce, Editions Héloïse d'Ormesson, 2010; 208 p., 15 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2011).

 

                  Vie aquatique. Sept longueurs de piscine.

 

 

LUNDI.

          Lecture. Pastel fauve(Carmen Bramly, Editions Jean-Claude Lattès, 2010; 180 p., 16 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2011).

 

          Vie aquatique. Cinq longueurs de piscine.

 

 

MARDI.

           Lecture. L'embrasure(Douna Loup, Mercure de France, 2010; 160 p., 14,20 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2011).

 

           Vie aquatique. Huit longueurs de piscine.

 

           En feuilletant Livres Hebdo. "Au restaurant McDonald's de Bondy, l'énorme clown Ronnie Mac Donald entame une conversation avec le Petit Prince. Ce dernier, après avoir mangé son repas de très bon appétit, entreprend de lui raconter les raisons pour lesquelles il demanda à Antoine de Saint-Exupéry de lui dessiner un mouton plutôt que toute autre chose", alléchant résumé de Dominique ou Pourquoi le Petit Prince demanda un dessin de mouton ? de Pierre-Henri Cannebotin, aux éditions Pierre-Henri Cannebotin, 51 p., 8 €.

 

 

MERCREDI.

                  Lecture. Qu'avez-vous fait de moi ? (Erwan Larher, Michalon Editions, 2010; 288 p., 18 €; sélectionné pour le Prix René-Fallet 2011).

 

                  Vie aquatique. Dix longueurs de piscine.

 

 

JEUDI.

          Lecture. La fille de son père (Anne Berest, Le Seuil, 2010; 168 p., 16 €); sélectionné pour le Prix René-Fallet 2011).

 

          Vie aquatique. Douze longueurs de piscine.

 

 

VENDREDI.

                 Lecture. Entre deux verres (A Drop of the Hard Stuff, Lawrence Block, Calmann-Lévy, coll. Robert Pépin présente..., 2011; 308 p., 20,50 €).

                              C'est un vrai bonheur de se plonger dans un bon polar une fois accompli le pensum que constitue la lecture des premiers romans sélectionnés pour le Prix René-Fallet. Enfin, détaillons : sur les six livres de cette année, il y en a un qui est remarquable, un qui se laisse lire, trois qui indiffèrent et un qui subjugue par sa médiocrité. A un point tel qu'on peut s'interroger sur les motivations de son éditeur : lancer en public une telle daube ne peut être qu'un acte criminel contre son auteur. Bref, oublions et retrouvons un Lawrence Block que l'on n'avait pas lu en telle forme depuis une bonne dizaine d'années. En ce temps-là, Robert Pépin dirigeait la collection Policiers au Seuil. Il vient de la quitter pour Calmann-Lévy, en emportant dans ses malles un certain nombre d'auteurs, des seconds couteaux comme Michael Koryta et des poids lourds comme Lawrence Block. Entre deux verres, le titre l'aura laissé deviner, est une aventure de Matt Scudder, détective privé membre des Alcooliques anonymes. Celui-ci raconte à son ami Mick Ballou une histoire qui lui est arrivée alors qu'il avait cessé de boire depuis un an à peine, celle d'un de ses amis d'enfance, retrouvé par hasard aux AA et assassiné peu de temps après. Ce retour en arrière nous montre un Matt Scudder beaucoup plus fragile dans sa relation avec l'alcool - la question principale n'est pas de savoir s'il retrouvera le meurtrier mais s'il va replonger ou non - et surtout nous livre une enquête dépourvue des appareils de technologie moderne, ordinateurs ou téléphones de poche. Matt Scudder est fait pour les cabines téléphoniques, les archives papier et les chambres d'hôtel défraîchies. Je ne cacherai pas que, pour ces raisons et pour d'autres qui me sont plus personnelles, c'est mon héros de polar préféré.

 

                 Vie aquatique. Douze longueurs de piscine. Il est temps que ça s'arrête : mon dos, pour le bien duquel je m'inflige ces va-et-vient un tantinet ridicules, commence à se couvrir d'écailles.

 

 

SAMEDI.

             IPAD. 17 janvier 2010. 47 km. (12151 km).

 

234 habitants

 

   Le monument est dans un renfoncement au bord de la route, nous avons bien failli repartir sans le voir après avoir fait en vain le tour de l’église. Il est commun aux villages de Destord et de Nonzeville. C’est une stèle de pierre au sommet arrondi adossée à une haie de thuyas et entourée d’une grille peinte en noir. Elle porte une croix de guerre au ruban coloré et une palme. Les noms figurent sur une plaque de marbre gris vissée. La gerbe du 11-Novembre est toujours là, le rouge du ruban tricolore est devenu orange. Le monument est signé V. BAROTTE à Bruyères.

 

 

ANCEL Paul    21-10-1914

BRICE Célestin    4-10-1915

DELAITE Joseph    8-10-1914

DEMANGE René    29-04-1918

GRAVIER Léon    26-10-1918

HOLVEC Hubert    10-09-1914

HOLVEC Alfred    5-11-1914

PIERRON Louis    24-08-1914

PIERRON Célestin    11-11-1914

PIERRON Paul    30-12-1914

RENARD Jules    18-09-1916

VAUTRIN Edouard    28-05-1918

EYMARD Maurice    15-03-1915

 

   Autre plaque :

 

Guerre de 1939-1945

 

ROUILLON René    17 sept. 1940

 

   Sur la base, en lettres gravées :

 

Guerre de 1914-1918

 

A ceux dont le sacrifice

Nous a donné la victoire

 

 

 
 
 
 
             L'Invent'Hair perd ses poils.
 
La Bresse (Vosges), photo de l'auteur, 18 novembre 2007
 
 
             Poil et plume. Le point de vue de la coiffeuse.

   "Oh bonjour, Madame Giocondo, ça fait longtemps qu’on ne vous a pas vue. Justement, on en parlait pas plus tard qu’hier avec Sonia… Alors qu’est-ce qu’on vous fait cet après-midi, une petite couleur et un brushing ? Oh : là ! là ! ils sont bien abîmés ces cheveux, regardez-moi ça… Ca, c’est votre châle, Madame Giocondo, je vous l’ai déjà dit, ça vous les aplatit et ça vous les graisse que c’est une horreur… Bon, on va d’abord passer au shampooing… (Elle hurle :) – Sonia, vous prenez Madame Giocondo au bac pour un shampooing traitant ! – et après on passera au salon pour une petite couleur…

   Et Monsieur Giocondo, ça va comme d’habitude ?" (Hervé Le Tellier, Joconde jusqu’à cent).

 
 
Bon dimanche.
 
Notules dominicales de culture domestique n°489 - 15 mai 2011
 
DIMANCHE.
                  Vie littéraire. Dans l'épluchage des journaux qui se sont accumulés en notre absence, je trouve mon article sur Queneau paru dans Vosges Matin le 5 mai dernier : cliquer ici.
 
 
LUNDI.
          Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Le 5e règne de Maxime Chattam à l'aller et Au bout de la nuit de Tess Gerritsen au retour, tous deux en Pocket apparemment.
 
 
MARDI.
           En feuilletant Livres Hebdo. Mathias PHILIBERT, Les jeunes cons, P. Galadé éditeur, 128 p., 10 €

                                                    Mathias PHILIBERT, Les vieux cons, P. Galadé éditeur, 128 p., 10 €.

 

 

JEUDI.

          Vie politique. "Les consciencieux peuvent sortir leur agenda. Le premier tour de l'élection présidentielle aura lieu le 22 avril 2012. Le second tour se déroulera le 6 mai 2012. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, l'an annoncé hier en Conseil des ministres" (Le Figaro du jour). D'ici là, les candidats auront le temps de peaufiner leur programme. En trouvera-t-on un d'une ambition équivalente à celui de Leopold Bloom dans l'épisode "Circé" de l'Ulysse de Joyce ? Le voici dans la traduction de Bernard Hoepffner (Gallimard, 2004) :

"Je soutiens la réforme de la morale municipale et les dix commandements purs et simples. De nouveaux mondes contre des vieux. L'union de tous, juifs, musulmans et gentils. Trois acres et une vache pour tous les enfants de la nature. Des corbillards automobiles à conduite intérieure. Le travail manuel obligatoire pour tous. Tous les parcs ouverts au public jour et nuit. Lavevaisselles électriques. La tuberculose, l'aliénation mentale, la guerre et la mendicité doivent maintenant cesser. Amnistie générale, carnaval hebdomadaire avec licence masquée, bonus pour tous, l'espéranto langue universelle avec la fraternité universelle. Fini le patriotisme d'éponges de bar et d'imposteurs hydropiques. Argent libre, loyer libre, amour libre et une église laïque libre dans un état libre et laïque."

 

 

SAMEDI.

             IPAD. 24 janvier 2010. 45 km. (12196 km).

 

236 habitants

 

   Le village est coupé en deux par la route de Bruyères. D’un côté les maisons, de l’autre l’église et le monument, isolés. La difficulté est de trouver comment passer d’une partie à l’autre. Une fois cela fait, on se trouve en présence d’une stèle de granit gris encadrée par quatre obus blancs, ornée d’une croix de guerre et d’une palme.

 

   Face :

 

Deycimont

A ses enfants

Morts pour la France

 

1914-1918

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1939-1945

 

HATTON Gilbert

FAUGERE Paul

 

   Droite :

 

AMET Antoine

BAILLY René

BRECHIN Louis

GREMILLET Henri

PIERRON Marcel

MASSON Joseph

HATTON Jean Baptiste

GREMILLET Georges

PERRIN Constant

LARBALETTRIER Edmond

CONTAMINE Georges

NOEL Auguste

 

   La gerbe du 11-Novembre est encore éclatante. C’est l’intérêt des fleurs artificielles. Celles-ci proviennent de la maison "Au jardin fleuri" à Bruyères.

 

             L'Invent'Hair perd ses poils.

 

Saint-Paul-de-Vence (Alpes-Maritimes), photo de Bernard Visse, 5 novembre 2007

 

             Poil et plume. "Ce samedi après-midi où Franne a définitivement quitté l'école, j'étais d'abord allé chez le coiffeur, parce que je me sentais frissonnant et aussi pour faire honneur à l'occasion. J'avais prié le patron d'employer sa tondeuse la plus fine et c'était une volupté que de sentir, à même la peau, la brûlure froide du petit appareil, de l'entendre sur mes tempes, d'en saisir la vibration, qui dominait mon frémissement interne. Après quoi je mtais fait laver les cheveux deux fois de suite, en grelottant sous le shampooing froid. Le coiffeur m'avait longuement frictionné avec énergie, la mousse était onctueuse, irisée, puis, lentement, il avait incliné sa cruche argentée sur ma tête, au-dessus de la coupe renversée, et tout avait été rinpar un merveilleux jet d'eau tiède. Je prenais toujours une lotion mais, ce jour-là, je choisis un parfum plus fort. Puis je me fis mettre de l'huile sur les cheveux, que je fis peigner et calamistrer avec soin. Lorsque je regardai dans la glace, je me vis rajeuni, les cheveux presque noirs - d'ailleurs, les pointes grises des tempes avaient été rasées. C'était la fin de l'année scolaire et il faisait étouffant. Pendant le travail du coiffeur, nous avions échangé quelques mots, de ces riens qui se disent dans un salon de coiffure. L'homme s'attendait à ce que je me plaigne de mes migraines et, enchanté de ses massages bienfaisants, je m'en serais voulu de le décevoir. Et pourtant je n'avais pas la migraine, mais un frémissement me parcourait l'échine et le corps, un peu partout. Dans ce fauteuil de coiffeur, cela n'avait rien de désagréable. Cette fébrilité me semblait due à la perspective des festivités de l'après-midi. Ce bourdonnement interne était pénible et gênant surtout les jours ordinaires, où il formait avec la grisaille quotidienne un contraste pénible et me demandait un gros effort physique et spirituel, pour le surmonter en partie et me mettre au travail. En partie, dis-je, car ces efforts n'étaient jamais très fructueux et le sont devenus de moins en moins, tant et si bien que le travail le plus simple devenait un martyre. Et je n'ai jamais su m'arrêter. Plus le travail était pénible et plus je m'acharnais. Le coiffeur dit alors qu'il avait un remède excellent pour les maux de tête et le torticolis. Malgré l'image de jeunesse et de santé, de bonne mine et d'entrain que m'offrait la glace, je lui permis d'en faire l'essai. Peut-être cela combattrait-il mon malaise inconnu, puisque cela n'avait rien d'une intervention médicale. Le coiffeur rattacha l'objet à une cordelière qui pendait au plafond et amenait aussi le courant de la tondeuse. C'était un petit appareil de même grandeur, avec un gros bouton noir en caoutchouc qui tournait sur lui-même. Le coiffeur me massa la nuque avec cette bille, en insistant sur ce qu'il appelait les centres nerveux. Comme un pouce rageur, la bille caoutchoutée pétrissait mon échine bourdonnante, frémissait sourdement, tantôt légère, tantôt lourde, brûlante et froide à la fois. Les vibrations qu'elle faisait rayonner dans tout le corps étaient de ces élancements qui promettent un soulagement. Je m'abandonnai donc à cette caresse inaccoutumée, le coiffeur me souriait amicalement dans la glace et, lorsqu'il coupa le courant et m'enleva le peignoir blanc, avec un petit salut après le dernier coup de brosse, je me sentis vraiment ragaillardi; mon agitation frémissante semblait calmée. Elle ne tarda pas à renaître, tour à tour augmentée ou dominée par les événements qui occupèrent cet après-midi de fête et d'adieux, avec des intermittences comme celle du coiffeur et de son appareil électrique. Les visiteurs, les élèves, la lumière aveuglante, la musique, tout bourdonnait et se heurtait, le vacarme irritait mes nerfs, tour à tour exaspérés ou abrutis. Cet après-midi tourne encore dans mon souvenir, avec des alternances de lumière crue et d'obscurité, comme une gigantesque farandole sous des projecteurs." (John Daisne,  L’homme au crâne rasé, transmis par Bernard Gautheron)

 

 

Bon dimanche.

 
Notules dominicales de culture domestique n°490 - 22 mai 2011
 

JEUDI.

          Vie littéraire. Ce n'est pas sans une certaine jubilation que je brûle ce matin l'arrêt de Châtel-Nomexy pour poursuivre mon voyage ferroviaire jusqu'à Nancy. Un colloque sur "Perec artisan de la langue" se déroule dans les locaux de l'ATILF (Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française), succursale du CNRS, et j'ai été autorisé à en suivre les travaux. L'assemblée est réduite mais ceci n'a rien d'étonnant. Sans être un familier des colloques universitaires, j'en ai connu assez pour savoir comment ils fonctionnent - ou du moins pour dire comment ils apparaissent aux yeux de quelqu'un qui n'est pas du sérail. On pourrait s'attendre à ce que les organisateurs de telles réjouissances fassent le maximum pour attirer un public nombreux mais il n'en est rien : la publicité est quasiment nulle et seuls les initiés sont au courant. On est sûr ainsi de se retrouver en vase clos, entre spécialistes, et la plupart des gens qui sont là sont en fait des intervenants, on dit "colloquants"*, venus s'écouter les uns les autres. J'imagine que cela fait partie du cursus, qu'un enseignant en université se doit, pour son évaluation ou sa promotion, de se livrer à de tels exercices suivis la plupart du temps d'une publication confidentielle qui viendra s'empoussiérer dans quelques bibliothèques universitaires. On est colloquant, on débarque dans une ville connue ou inconnue, on est bien accueilli, on repart avec un petit viatique de produits locaux et on reprend ensuite ses petites affaires, heureux d'avoir pu revoir Pierre, Paul, Jacques et Mauricette autour d'une bonne table propice aux échanges fructueux. C'est merveille de voir une institution trouver encore les moyens de perpétuer de telles pratiques, parce que la convivialité et l'amitié n'y sont pas feintes la plupart du temps. L'auditeur extérieur - combien à part moi, deux ? trois personnes ? - y trouve aussi son compte parce que les colloquants ne sont pas venus que pour les macarons, les bergamotes et la mirabelle de Lorraine : ce sont des pointures, ils ont bossé et ce qu'ils présentent vaut vraiment le détour. C'est le cas aujourd'hui, ce le sera aussi sans doute demain, où il s'agit de tordre le cou à la légende d'un Perec adepte de "l'écriture blanche". On parle de style, de grammaire, de ponctuation, de traduction, de conjugaison, c'est pointu, pertinent, intéressant, je ne boude pas mon plaisir de pouvoir suivre ça. Mais cette sorte de consanguinité m'amène à regretter d'autant plus les séminaires Perec qui se tenaient jadis une fois par mois à Jussieu et que j'ai fréquentés pendant des années. Là aussi il y avait des universitaires, bien sûr, mais il y avait des étudiants, des amateurs, des amis de Perec, des membres de sa famille, des égarés, plus quelques rigolos dans mon genre. C'était vivant, il y avait des grandes gueules, des empoignades, des fractures mais c'était plus roboratif que le consensus un peu tiédasse des colloques. L'Association Georges Perec a gardé, en partie, ce côté composite qui la rend différente de la plupart des associations d'amis d'auteurs. Le fait qu'on m'ait confié la responsabilité de son Bulletin en est une preuve. Je ne suis sans doute pas le plus qualifié pour cette tâche mais je ne veux pas la lâcher, avant tout parce qu'elle symbolise une ouverture qui me tient à coeur.

* "Il faut toujours se méfier des catégories qualifiées par un adjectif verbal : les commandants, les battants, les combattants, les dirigeants, les exploitants, les gérants, les consultants, les pratiquants, les apprenants ou les enseignants." (notules n° 187, 5 décembre 2004).

 

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          Lecture. Isidore Ducasse, auteur des Chants de Maldoror, par le comte de Lautréamont (Jean-Jacques Lefrère, Fayard, 1998; 696 p., 198 F).

                       J'ai toujours plaisir à trouver des liens qui me rattachent personnellement aux auteurs qui m'intéressent. Des petits trucs, des petits liens qui ne valent que pour ma pomme, le fait d'avoir dormi dans la chambre d'Amélie Nothomb par exemple, le fait de lire le mot "Socratididion" dans Joyce, le fait que le chapitre XXX de La Vie mode d'emploi mette en scène Caroline et Philippe Marquiseaux, ce genre de choses. Je retirerai donc deux satisfactions de cette biographie :

1. Celle d'avoir été, professionnellement parlant, le successeur à Bar-le-Duc d'un certain Gustave Hinstin qui avait précédemment compté Isidore Ducasse parmi ses élèves du lycée de Pau.

2. Celle de voir figurer, qui sait, parmi les notuliens une descendante de Marthe Pambrun, bonne de la famille Dazet dont le fils fut une fréquentation d'Isidore. Cette donnée est très aléatoire car en dépit de la cohérence géographique, elle se heurte à un des faits principaux que nous enseigne ce livre, à savoir que le pays de Bigorre regorge de Ducasse et de Dazet. 

 

 

VENDREDI.

                 Vie littéraire (suite). Je ne connaissais pas l'ATILF, un lieu incroyable, un temple de la linguistique. C'est ici qu'a été confectionné le Trésor de la Langue Française, un dictionnaire aujourd'hui disponible en ligne mais fait à la main, à l'ancienne, au cours d'un chantier qui aura duré une trentaine d'années. Les organisateurs du colloque ont eu la bonne idée de nous faire visiter ses archives - une époustouflante collection de dictionnaires de tous les temps - et de nous faire rencontrer une rédactrice du TLF qui nous a raconté l'aventure : les mots répartis entre les cinquante rédacteurs, le travail des étudiants de Nancy employés à colliger les définitions des dictionnaires déjà existants, la recherche des citations, les menaces de coupure budgétaire qui mettaient le projet en péril. Dans les sous-sols de l'ATILF, les archives ont été conservées : les dossiers pour chaque mot dans des chemises cartonnées, les citations dans des tiroirs métalliques. C'est vertigineux.

 

 

 

SAMEDI.

              IPAD. 31 janvier 2010. 8 km. (12204 km).

 

1512 habitants

 

   Le monument, stèle de granit gris, est devant l’église.

 

 

A la mémoire

Des enfants de Deyvillers

Morts pour la France

1914-1918

 

   Face :

 

SAUFFROY Emile 27 ans

SAUFFROY Gabriel 25

SAUFFROY Raymond 20

HANNOTEAUX René 24

AUBRY René 22

GUERARD Léon 33

RICHARD Justin 32

MATHIEU Albert 30

PERRIN Jules 29

POINSIGNON René 31

HERITIER Joseph 20

BASTIEN Eugène 20

MARCHAL Prosper 31

 

   Gauche :

 

BLOT Georges 21 ans

RENARD Georges 21

TREXON Henri 32

GUERRE Prosper 31

PERRIN Paul 37

ROMARY Charles 20

BEGEL Louis 30

GEORGE Henri 27

GROENER Julien 20

SIMON Fernand 22

PIERREL Charles 22

GORET Louis 30

PERRIN Eloi 46

 

   Droite :

 

DESBUISSON Alfred 30 ans

AUBERT Auguste 31

POIROT Marcel 32

POIROT Paul 20

LECOANET Louis 28

COLIN Emile 24

GUEDIN Maurice 21

GUEDIN André 22

MOREL Charles 19

GEORGE Camille 40

DEMANGE Léon 19

TSCHAENN Abel 23

PERRIN Julien 29

 

   Dos :

 

Guerre 1939-1945

 

BONTEMS Fernand

GAIRE René

GEORGE Camille

MOREL André

KLIMENKO Georges

 

   Les trois Sauffroy (face), les deux Poirot et les deux Guedin (droite) sont réunis dans une accolade, sans doute pour souligner leur appartenance à une même fratrie. La moyenne d’âge des 39 victimes de la Grande Guerre est de 26,69 ans.

 

   Il y a une double plaque dans l’église, j’avais pris la précaution de la photographier le 8 novembre 2009 à l’occasion d’un concert qui s’y tenait. Précaution inutile car l’église est ouverte aujourd’hui. La liste des noms contient un élément de plus que celle du monument extérieur.

 

   Le 23 avril 2010, on pouvait lire dans le quotidien Vosges Matin : "DEYVILLERS. Le soldat oublié ne l'est plus. Les artistes locaux, Denis Valdenaire et Anne Dufala, qui sont sculpteur et graveur, travaillent actuellement sur le monument aux morts où le maire leur a demandé de graver le nom de Gaston Vuillaume. Ce soldat, tombé dès le 1er jour de l'offensive Nivelle au Chemin des Dames le 16 avril 1917, avait fêté son 31e anniversaire quelques jours auparavant. Pour une raison que l'on ignore, son nom n'a jamais figuré sur le monument. Un oubli de l'époque ? Les recherches de Philippe Picoche, auteur d'un livre sur ce sujet, ont permis de remédier à cet oubli et aujourd'hui, le soldat Vuillaume, enterré dans la tombe n° 828 au cimetière de Vauxaillon, figure enfin sur le monument de la place Saint-Luc !"
   Après vérification, le nom de Gaston Vuillaume n'est pas non plus inscrit sur les plaques de l'église.
 
              L'Invent'Hair perd ses poils.
 
Paris, boulevard de la Chapelle, photo de Marc-Gabriel Malfant, 23 décembre 2007
 
   Aussi décoiffant mais légèrement différent des Hair Marin de Dieppe (notules 368) et de Saint-Cast (477).
 
              Poil et plume. "Ah ! bon sang ! pour ça vous pouvez le dire que le commerce allait bien, déclara le coiffeur avec conviction. Pendant les dix premiers jours après le lynchage, je crois bien que j’ai fait un plus gros chiffre d’affaires que pendant tout un mois ordinaire !
   Il noua une serviette autour du cou de Melady et fit basculer son fauteuil en arrière. […]
   Le rasoir claquait allègrement sur le cuir à repasser. Le coiffeur rapprocha davantage encore son visage de lapin dont la paupière battait méchamment. Le rasoir effleura la lèvre supérieure de Melady qui ferma les yeux." (Arthur Gordon, Le sang crie)
 
              Invent'Hair, bilan d'étape. 600 photos le 13 mars, 700 photos le 22 mai, on n’est jamais allé aussi vite avec plus d’une photo par jour. L’essentiel du travail a été réalisé par Marc-Gabriel Malfant, l’Attila de la capilliculture, nous en reparlerons dans le bilan humain. Plusieurs notuliens m’ont signalé l’existence du site http://lolcoiffeurs.tumblr.com/ qui semble marcher sur les traces de l’Invent’Hair. Un rapide survol de l’affaire montre en effet des points communs et des clichés connus mais pas d’inquiétude : les photos ne sont même pas localisées et sont uniquement rassemblées dans un album agréable à feuilleter, certes, mais bien éloigné de nos préoccupations scientifiques. L’Invent’Hair, ne l’oublions jamais, est d’essence pataphysique et donc voué à la Science. Il fait appel à la statistique, à la géographie, à la poésie, à l’onomastique, à la calligraphie, à l’art du classement et à bien d’autres choses encore. Que de joyeux drilles s’amusent (lol !) aux dépens des coiffeurs, c’est leur droit. Nous les étudions ici avec le respect qu’ils méritent.

 

                                                      Bilan géographique. Actualité internationale d’abord : pas de nouveau pays à signaler mais 2 salons belges et 3 salons espagnols viennent s’ajouter au corpus existant. En France, 3 régions montrent une forte progression : Rhône-Alpes (+ 22), Île-de-France (+ 14) et Languedoc-Roussillon (+ 38), occupent, dans cet ordre, la tête du classement général. En doublant presque son score, le Languedoc-Roussillon gagne deux places et dépasse la Lorraine (+ 2) et PACA (+ 5). Cette tendance se retrouve logiquement à l’échelon départemental : 28 clichés de mieux rien que pour les Pyrénées-Orientales, 14 pour l’Ain, 10 pour Paris. Si l’on excepte la ville-département, le classement général garde le même duo de tête, Rhône (+ 7) et Vosges (+ 1) mais les Pyrénées-Orientales viennent désormais en troisième position après avoir dépassé la Meurthe-et-Moselle, le Finistère et l’Aude. L’Ain, qui faisait partie des départements délaissés, entre directement à la huitième place. Autre nouveauté, la Seine-et-Marne avec 2 salons. La liste des départements non représentés s’établit donc ainsi désormais : Aisne, Ariège, Cantal, Cher, Eure, Gers, Indre, Landes, Loiret, Lot-et-Garonne, Mayenne, Meuse, Pas-de-Calais, Tarn-et-Garonne, Yonne, Territoire de Belfort, Hauts-de-Seine. Les villes, maintenant : les grosses agglomérations progressent régulièrement, Paris, déjà cité, Lyon (+ 6), Bruxelles (+ 2), Nancy, Strasbourg (+ 1) et accueillent en leur sein Toulouse, 4 salons d’entrée. Notons aussi les arrivées en force d’Antibes (3) et, plus exotique, de Saint-Laurent-de-la-Salanque (4). Classement général : Paris (77) et Lyon (34) confortent leur position et Nancy (13) a dépassé Epinal pour la troisième place, ce qui ne me ravit guère. 390 communes font à ce jour partie de l’Invent’Hair, dont 55 nouvelles arrivantes dans cette centaine. Les édiles de ces localités sont désormais en droit de faire figurer le macaron "Membre de l’Invent’Hair" au-dessus des panneaux qui marquent l’entrée sur leur territoire.

 

                                                       Bilan poétique. Les coiffeurs, on l’a vu, sont en butte aux lazzi. C’est sans doute une des raisons qui les pousse à se déguiser derrière des enseignes qui ne font que suggérer leur profession. "Chez Max, coiffeur pour hommes" ne se trouve plus que dans les chansons de Gainsbourg. Certains merlans vont plus loin et se cherchent des professions moins dénigrées. Si tous ne clament pas, comme leur collègue de Montigny-le-Bretonneux, qu’ils auraient voulu être un Hairtiste, beaucoup se dissimulent derrière des enseignes vantant d’autres corporations : Golf’Hair (Epinal), Design’Hair (Epinal), Antiqu’Hair (Paris), Hair Borist (Uccle), Cors’Hair (Saint-Malo, évidemment), Agence de Détectifs (Vesoul), Sport Tifs (Carcassonne), les XP’Hair (Lyon), Manage’Hair (Paris), Profil’Hair (Illiers-Combray), Libr’Hair (Strasbourg), Rock-Hair (Paris), Mission Hair (Lyon), Headmasters (Sutton), Conseil’Hair (Moyen), Sculpt’Hair (Le Soler), Top Mod’Hair (Antibes). Et quand ils admettent leur profession, c’est vraiment du bout des ciseaux, comme Le Quoi ? Feur de Maussane-les-Alpilles…

 

                                                       Bilan humain. Les statistiques de Marc-Gabriel Malfant sont proprement époustouflantes. Qu’on en juge : sur les 100 salons nouveaux, 62 ont été photographiés par ses soins. C’est à croire qu’il fabrique des enseignes dans son garage et qu’il court ensuite les appendre à diverses façades avant de les immortaliser. Logiquement, la progression géographique étudiée ci-dessus est en majeure partie due à ses déplacements (Ain, Pyrénées-Orientales, etc.). Les poursuivants se partagent les miettes, parfois de taille tout de même : 11 salons de mieux pour Philippe de Jonckheere, 6 pour Pierre Cohen-Hadria, 4 pour votre serviteur. 5 nouveaux contributeurs font leur entrée, notamment Clotilde Eav (4 salons) à qui l’on doit l’exploration de Toulouse et le chantier compte aujourd’hui 101 photographes. Le classement général est impitoyable : Marc-Gabriel Malfant caracole et derrière on ahane, on souffre, mais on s’accroche. Notre Attila a épinglé 173 enseignes à son palmarès, soit 24,71 % du total. Derrière lui, on trouve le notulographe (102), Pierre Cohen-Hadria (44), Benoît Howson (37) et Philippe de Jonckheere qui gagne deux places avec 30 salons à son tableau de chasse.

 

 

Bon dimanche.

 
Notules dominicales de culture domestique n°491 - 29 mai 2011
 
DIMANCHE.
                  Lecture. A pas comptés (Chris Costantini, Michel Lafon, 2011; 320 p., 17,95 €).
                              Sur un thème original - un trafic de prothèses destinées aux victimes américaines de la guerre d'Irak - Chris Costantini livre un polar sans grand intérêt dans lequel le cliché règne en maître. Ce n'est pas grave, car il y a toujours à retirer d'une lecture a priori inutile. En témoignera cette phrase, portrait d'un des protagonistes : "Henrik Petersen, pupille de la nation. Vingt-six ans, enfance agitée à courir entre les foyers, les traits fatigués d'un existentialiste." On peut rêver longuement en se demandant ce que peuvent être les traits fatigués d'un existentialiste lorsqu'ils sont collés sur le visage d'un personnage danois évoluant en plein XXIe siècle.
 
 
LUNDI.
          Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Le guide des Huiles Essentielles pour Vaincre Vos Problèmes de Santé par le Docteur J.P. Willem (LMV, 2003). Les majuscules sont garanties d'origine.
 
          Lecture. Demandez le journal ! Drôles de drames à Montmartre (Dominique Depond, Éditions de la Belle Gabrielle, coll. La légende de Montmartre, 2010; 120 p., 19,90 €).
                       Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
 
 
MARDI.
           Lecture. Les Préfectures. Grand Tour IV (Alain-Pierre Pillet, éditions Rafael de Surtis, coll. Pour un Ciel désert, 2010; 36 p., 14 €).
                        Cette mince plaquette à tirage limité semble être une émanation du Bureau des Inspections banalytiques, une officine plutôt discrète vouée à l'exploration et à l'analyse du banal que j'avais découverte à l'occasion d'une lecture d'un guide sur L'Auvergne insolite. Quoi de plus banal en effet qu'une préfecture de province comme le montre la première page dédiée à Chaumont : "Six heures de train pour en arriver là, par Bâle, Mulhouse, Belfort et Vesoul." Une autre ? Melun : "Fernand Raynaud allait en vacances à Melun à cause du changement d'air." Une quinzaine de villes sont ainsi explorées par l'oeil peu enthousiaste d'Alain-Pierre Pillet. On ne cachera pas plus longtemps que l'on s'était mis en quête de l'ouvrage afin d'y lire les lignes amères consacrées à la préfecture qu'on habite. Chaumont, Troyes, Châlons, Bar-le-Duc, Metz sont explorées mais pas Epinal. Dommage. D'autant que, malgré le titre Grand Tour IV, les oeuvres "du même auteur" ne mentionnent aucune trace d'un Grand Tour I, II, ou III. Le mystère est épais et le restera : Alain-Pierre Pillet est mort le 16 décembre 2009. 
 
 
JEUDI.
          Lecture. Temps Noir n° 12 (Éditions Joseph K., avril 2009; 352 p., 16 €).
                       "La Revue des Littératures Policières"
                       128 pages de plus pour un euro supplémentaire par rapport au numéro précédent, c'est donné. Temps Noir a choisi de dissocier le couple Boileau-Narcejac et de consacre au seul Thomas Narcejac un dossier dont cette revue a le secret : un texte dense, ne laissant aucune zone d'ombre, illustré avec des coupures de presse et des reproductions de couvertures et accompagné d'un inédit intégral, le roman Parlez d'un nègre. Ce texte, terminé en 1947 et signé du pseudonyme Oliver Jack Rance, est la première version de Faut qu'ça saigne !... paru deux ans plus tard. C'est un roman à l'américaine, dans la veine des oeuvres de Boris Vian signées Vernon Sullivan, publié d'ailleurs aux mêmes éditions du Scorpion, et dont l'intérêt historique est éminemment supérieur aux qualités littéraires. Le dossier fait apparaître, derrière le romancier, un Narcejac théoricien du roman policier au fil de chroniques et d'articles de presse, fidèlement reproduits ici. A part ça, Bertrand Tavernier parle de son adaptation de James Lee Burke au cinéma, Jean-Bernard Pouy de la collection Suite Noire, Jean-Pierre Gattégno et Thierry Crifo de leurs oeuvres respectives. Le cahier d'actualité est, comme d'habitude, remarquablement garni.
 
 
VENDREDI.
                 Presse. "Deux femmes accusent M. Tron, ministre adepte de la réflexologie plantaire, de leur avoir prodigué des massages de pied qui ont dégénéré en violences sexuelles." (Le Monde du jour). "Les orteils de l'homme-Tron", ça c'est du fait divers.
 
 

SAMEDI.

              Football. SA Epinal - AJ Auxerre B 3 - 3.

 

              IPAD. 7 février 2010. 30 km. (12234 km).

 

193 habitants

 

   Une stèle neuve et moche, due à un spécialiste du genre (P. De Pedrini, Uxegney) qui a déjà sévi à Bouzemont et à Circourt. Surmontée d’un écusson tricolore et ornée de deux feuilles non identifiées, elle se tient aux portes de l’église, ouverte (l’organiste répète) et vierge de tout souvenir commémoratif.

 

 

Dignonville

A ses enfants

Morts pour la France

Guerre 1914-1918

 

STOUVENEL Victor 1915

HUGUENIN Joseph 1915

RUER Alexandre 1915

STOUVENEL Paul 1918

VUILLAUME Charles 1918

RUER Joseph 1919

 
              L'Invent'Hair perd ses poils.
 
Montbéliard (Doubs), photo de Bernard Visse, 1er janvier 2008
 
   Nous avons déjà rencontré un Avant Premi'Hair à Colmar dans les notules 467.
 
 
              Poil et plume. "Soudain, je me trouvai devant la boutique du coiffeur. Roger McVey avait certainement fait partie de sa clientèle. Ce n’était pas le type à se couper les cheveux lui-même en se mettant un bol sur la tête.
   Sur la vitrine, une inscription en lettres d’or écaillées : 
 
THOMAS HOKE, SALON DE COIFFURE
 
   L’intérieur était occupé par deux fauteuils et un personnage qui me réserva un accueil chaleureux.
   - Bonjour, monsieur. Belle journée, n’est-ce-pas ? Alors, qu’est-ce qu’on vous fait ?
   - La barbe et les cheveux.
   D’un geste sec, il déplia, en la faisant claquer, une serviette propre qu’il me noua autour du cou. Un défaut du miroir me renvoyait mon image légèrement déformée. Espérons, me dis-je, que M. Thomas Hoke et son rasoir ont, de moi, une vision plus fidèle que la mienne !
   Le coiffeur était un petit homme de taille moyenne avec une petite brioche et des cordes vocales infatigables qui entrèrent immédiatement en action. Comme la plupart des gens de la corporation, il était bavard et d’instinct grégaire. […]
   Il renversa le dossier de mon fauteuil en arrière et se mit à me savonner le menton et les joues." (Harold Q. Masur, De mort à trépas)
 
 
Bon dimanche.