Notules dominicales 2011
 
janvier | février | mars | avril | mai | juin | juillet | août | septembre | octobre | novembre |décembre
 

Notules dominicales de culture domestique n°495 - 3 juillet 2011

DIMANCHE.
                  Lecture. Agnès de rien (Germaine Beaumont, première édition Plon, 1943, rééd. in "Des maisons, des mystères", Omnibus, 2006; 834 p., 25 €).
                               C'est le troisième et dernier roman de ce recueil. Il était temps que ça s'arrête. De ces trois histoires qui prennent pour cadre une demeure mystérieuse, seule celle intitulée Les Clefs se sera révélée digne d'intérêt. Agnès de rien ne comporte qu'une ligne, la dernière, raccrochant l'ensemble au genre policier, le reste est un roman sentimental si convenu et suranné qu'il en est presque comique. A oublier.
 
                  Vie musicale. Cela fait plusieurs fois que j'annonce à coups de trompe ma retraite musicale, émaillée de quelques come back dignes des spécialistes du genre. Aussi ne dirai-je pas ici par quel jeu du destin je me retrouve cet après-midi à souffler dans un harmonica Hohner Blues Harp en do (je préfère d'ordinaire ceux de la marque Lee Oskar mais n'en possède pas dans cette tonalité) sur une scène de Saint-Dié.
 
 
LUNDI.
           Epinal - Châtel-Nomexy (et retour). Guide de lâcher-prise : trouver sa liberté intérieure de Frédérique Van Her, éditions ESI, 2010. Un ouvrage remarquablement efficace : après en avoir parcouru une ou deux pages, la lectrice lâche effectivement prise et fourre le volume dans son sac. Elle vient sans doute de trouver sa liberté intérieure.
 
 
MARDI.
           Forfait. J'entreprends les démarches d'annulation concernant notre séjour familial à Paris programmé pour la mi-juillet. Déjà, à la Pentecôte, les mêmes raisons nous avaient poussés à déprogrammer une villégiature exotique et campagnarde. Heureusement, la Creuse est intouchable, sinon les vacances auraient été exclusivement sédentaires.
 
 
MERCREDI.
                  Vie littéraire. Je reçois le dernier Bulletin de l'Association Georges Perec et gonfle une notule de la semaine dernière (celle sur les pièges cachés dans les noms d'écrivains) pour en faire un article destiné à Histoires littéraires.
 
 
VENDREDI.
                 L'école est finie. Je vais chercher Alice pour la dernière fois à la sortie de l'école de Saint-Laurent, qu'elle quitte pour retrouver Lucie au collège à la rentrée prochaine. La sortie d'école, assez loin du domicile, était pour moi, une deux ou trois fois par semaine, la dernière occasion de prendre l'auto pendant les jours ouvrés. Je deviens, à partir d'aujourd'hui, un automobiliste du dimanche, et du dimanche exclusivement. Je vais de ce pas m'acheter une casquette à carreaux et bloquer le limiteur de vitesse à 60 à l'heure.
 
                 Le cabinet de curiosités du notulographe.
 
 
   Montluçon (Allier), sur la route de la Creuse. J'ai hâte de repasser par là, à la fin du mois, pour voir si la perle n'a rien perdu de son éclat.
 
 
SAMEDI.
             Lecture. Le Correspondancier du Collège de 'Pataphysique. Viridis Candela, 8e série, n° 14 (15 décembre 2010, 80 p., 15 €).
                          "Vie d'Arthur Cravan en six rounds". Arthur Cravan est loin d'être un inconnu. Mais lorsqu'on a dit qu'il était poète-boxeur, qu'il avait Oscar Wilde pour tonton et qu'il est mort mystérieusement en 1918, on n'en sait tout à coup plus grand-chose. Qu'a-t-il écrit, pour qui, pour quoi, sur quels supports ? Un écrivain, un poète dont on ne saurait citer un titre. Le dossier de ce numéro, illustré de documents rares, permet d'en savoir plus. Il est sorti quasiment en même temps que deux ouvrages complémentaires, Arthur Cravan, précipité, une biographie de Bertrand Lacarelle (Grasset), et le texte intégral de la revue Maintenant dont Cravan fut, au fil de ses cinq numéros, le fondateur, le directeur et, je crois bien, le seul contributeur (Petite Bibliothèque Ombres). Après avoir lu tout ça, on sera plus disert.
 
             IPAD. 14 mars 2010. 127 km. (12439 km).

 

88 habitants

 

   Le cimetière est au bout du village. La stèle de pierre, mangée par la mousse et d’autres parasites, est entourée d’une chaîne rouillée dont un morceau est tombé à terre. Le parterre n’est pas entretenu non plus. L’apparence misérable de ce monument contredit totalement l’inscription qu’il porte.

 

 

Honneur et gloire

A ceux qui sont morts

Pour la Patrie

1914-1918

La commune de Dolaincourt reconnaissante

 

1914 MATHELIN Léopold

---- VAUTRIN Genest

1915 DURAND Gabriel

1916 COUZOT Marcel

---- GILLOT Pierre

---- FERRY Marc

1917 DROUOT Gaston

---- FRANCOIS Jules

--- MATHELIN Georges

1918 HACQUARD Amédée

---- FRANCOIS André

 

   On trouve le macaron du Souvenir Français sur la base de la stèle, ainsi que sur un certain nombre de tombes disséminées dans le cimetière. Celles-ci abritent les corps de Marcel Couzot (mort à Verdun), Marc Ferry, Pierre Gillot, Jules et André François, Léopold et Georges Mathelin, avec leurs dates et la mention Mort pour la France.

 

 
             L'Invent'Hair perd ses poils.

Bellegarde-en-Forez (Loire), photo de Marc-Gabriel Malfant, 25 janvier 2008
 
             Poil et plume. "Revêtu de la cape noire rituelle, le cou ceint d’une large collerette qui couvre aussi mes épaules, je prends place cérémonieusement dans le fauteuil, au centre de la rangée. Puis on me coupe les cheveux." (Eric Chevillard, L’Autofictif, 7 mai 2011).
 
 

Bon dimanche.

 

Notules dominicales de culture domestique n°496 - 10 juillet 2011
 
JEUDI.
          Vie cultuelle. C'est la première fois que j'entre dans le temple protestant d'Epinal. On y présente ces jours-ci une exposition modeste mais intéressante intitulée "1871-2011 : juste une ligne bleue... De l'Alsace aux Vosges" qui rend hommage aux Alsaciens ayant choisi la nationalité française - et le département des Vosges comme résidence - suite à l'annexion de l'Alsace-Lorraine. Une majorité, on l'aura compris, de protestants, un grand nombre d'industriels qui ont prospéré par ici (Hartmann, Lederlin, Schupp...) et une famille de boulangers dont j'ai épousé une lointaine descendante.
 
           Lecture. Le tentateur (Der Versucher, Hermann Broch, première édition Rhein-Verlag, Zurich, 1953, Gallimard, 1960 pour la traduction française, traduit de l'allemand par Albert Kohn, rééd. Gallimard, coll. L'imaginaire n° 524, 2005; 562 p., 14,50 €).
                        Trop gros, trop, lourd, trop indigeste. Trop fort, sans doute, pour moi. Je retrouve la sensation d'inaccessible ressentie à la lecture de L'homme sans qualités de Musil, un des rares ratés de mes explorations d'outre-Rhin. Le tentateur raconte la vie d'un petit village autrichien bouleversé par l'arrivée d'un étranger qui, peu à peu, entraîne la jeunesse du pays dans une doctrine régressive, prônant l'interdiction des appareils modernes et le retour à la terre. Difficile de ne pas voir une fable sur ce que vit Hermann Broch au moment où il rédige son livre : il doit en interrompre une deuxième version en 1938, au moment de l'arrivée des Nazis en Autriche et quitter le pays. Il est sans doute présent dans son récit sous les traits du narrateur, un médecin de campagne qui assiste, impuissant, à la folie qui gagne ses concitoyens sous l'influence de ce survenant. Mais la fable politique est interrompue par de longues introspections du personnage principal très difficiles à suivre - dans lesquelles j'ai retrouvé Musil - et par de longues descriptions de la nature qui se présentent sous la forme de cosmogonies ou de mystagogies. L'élément naturel, sa création, ses forces souterraines, sont ainsi constamment mises en opposition avec l'élément humain qui court aveuglément vers son apocalypse.
                        Histoire littéraire. "A ses idées [James Joyce] fit correspondre des actes : en 1938 il commença d'aider des gens à fuir les Nazis pour gagner l'Irlande et l'Amérique. Le premier d'entre eux fut Hermann Broch que Joyce connaissait par un essai : James Joyce und die Gegenwart (J.J. et le temps présent). Broch avait été contraint par l'Anschluss de quitter Vienne et Joyce l'aida à passer en Angleterre." (Richard Ellmann, James Joyce, Gallimard, 1962, p. 718).
 
 
VENDREDI.
                 Vie socio-musicale. C'est l'été. C'est vendredi. Les vendredis d'été, le soir venu et quand le temps le permet, les Spinaliens convergent vers la place des Vosges où se tient un concert en plein air. Cela fait des années que ça dure et que ça marche : on a l'impression que toute la ville est là. Pourtant, les Spinaliens ont d'autres occasions de se ruer en masse vers le centre-ville, un festival de rues, la fête de la musique, le 14-Juillet, mais le premier est devenu le carrefour des malotrus, la deuxième une vaste foire à la saucisse et la célébration patriotique n'a rien à voir avec ce que l'on voit ici les vendredis d'été. Ces soirs-là, on a vraiment l'impression que les gens se redécouvrent après un long hivernage, tout le monde discute, s'interpelle, s'apostrophe, se bisouille, se claque les paumes et les endosses. Les mômes parlent de leur bac, les vieux parlent de leur jardin, tout le monde a quelque chose à dire à son voisin. La musique, tout le monde s'en fout. Un vague groupe s'époumone sur l'estrade dans l'indifférence générale, le son tourne en rond sur la place, s'engouffre dans les rues qui y mènent, vous revient dans le dos en bourrasque, on ne comprend rien aux paroles mais ça n'a aucune espèce d'importance, on n'est pas là pour ça. D'ailleurs, si la municipalité, organisatrice de ces festivités, avait un tant soi peu le respect des deniers publics, elle nous collerait un bon vieux CD des grandes musiques d'Ennio Morricone par Raymond Lachance et son orchestre et le tour serait joué. On dira, pourquoi les gens ne font-ils pas ça spontanément, sans musique puisque celle-ci est inutile, les autres jours de beau temps ? C'est parce qu'on a besoin de balises, d'autorisations, de convocations. Une fête des voisins pour dire bonjour aux voisins. Un autre exemple. Autour d'Epinal, des forêts. Partout. Des kilomètres de chemins dans les bois, déserts. Une chance sur cent d'y croiser un promeneur de chien, un type en short en train de courir ou un Alzheimer évadé de l'hospice. Vous prenez un de ces chemins, vous marquez à l'entrée "Chemin", vous l'agrémentez de quelques panneaux didactiques du genre "ceci est un chêne", "ceci est un gland" pour pallier les carences des pères pédagogues et en deux dimanches vous avez des autos partout à l'entrée, des cyclistes casqués, des joggeurs à oreillettes, des pousseurs de poussettes, des vieillards à alpenstock, toute la panoplie Décathlon sera de sortie. Tiens, on pourrait aussi y mettre de la musique.
 
                 Le cabinet de curiosités du notulographe. Prison d'Epinal (le grillage d'enceinte apparaît sur la droite), photo d'Olivier Cuenin, 2 décembre 2009.
 
 
 
SAMEDI.
             IPAD. 21 mars 2010. 75 km. (12514 km).

 

107 habitants

 

   Le monument se trouve en bas des marches qui mènent à l’église. C’est une stèle de granit gris posée sur une dalle de ciment, au centre d’un espace matérialisé par une grille peinte en noir. Au sommet, un coq de couleur cuivre piétine la garde d’un sabre. La statue est signée mais la signature est illisible. Au pied de la stèle, une petite plaque "Reconnaissance" en faïence (?) comme on en voit sur les tombes civiles individuelles.

 

 

Dombasle

A ses enfants

Morts pour la France

1914-1918

------------

1939-1945

 

LASSAUSSE P.

JOLY R.

BELLOT P.

 

   Gauche :

 

BELLOT P.

BERTEAUX F.

BERTEAUX R.

BOULANGER H.

FERRY A.

GEGONNE A.

MEZZADRI E.

PAGE L.

 

   Droite :

 

PETTELOT G.

POIROT A.

PREVOT J.

THOUVENIN C.

TINCHANT E.

TINCHANT R.

VIARD CH.

 
 
 
L'Invent'Hair perd ses poils.
 
Montrond-les-Bains (Loire), photo de Marc-Gabriel Malfant, 25 janvier 2008
 
   Pour les cheveux fous.
 
Poil et plume. "Ouvre la porte, lui conseillai-je, en me mettant, dans mon fauteuil, en position pour la coupe de cheveux, dehors, il souffle un parfum qui vient du paradis.
- Oui, oui, au printemps Son haleine souffle par le monde et le monde devient Sa bouche et Sa parole."
Sur  le miroir, il me fit un signe de tête approbatif, mais il n'en ouvrit pas pour cela la porte. Bien plutôt, myope comme il était, il se mit à actionner ses ciseaux, plié dans une pose anguleuse." (Hermann Broch, Le tentateur)
 
 
Bon dimanche.
 
Notules dominicales de culture domestique n°497 - 17 juillet 2011
 
LUNDI.
          Lecture. Arrêtez-moi là ! (The Cab Driver, Iain Levison, 2010 pour l'édition originale, Liana Levi, 2011 pour la traduction française, traduit de l'américain par Fanchita Gonzalez Battle; 256 p., 18 €).
                       250 pages. Enfin. On en a un peu par-dessus la tête de ces polars épais et de leurs auteurs qui considèrent qu'à moins de quatre cents pages ils n'attireront pas l'attention. On regrette un peu l'époque des Série et Fleuve Noirs calibrés, même si c'était parfois au prix de coupures dommageables. On prenait le train à Bar-le-Duc quand on travaillait là-bas, ou à Strasbourg quand on servait la France, et on pliait un Série Noire le temps d'arriver à Epinal. Iain Levison redonne le goût des polars qui ne s'attardent pas, qui vont à l'essentiel. Une bonne histoire de chauffeur de taxi victime d'une erreur judiciaire, un thème qui marche toujours. L'injustice commande l'empathie, les méandres du système judiciaire américain entretiennent le suspense et ça roule tout seul.
 
 
MERCREDI.
                  Lecture. Blondin : 20 ans déjà ! (Jean Cormier, Symbad de Lassus, Editions du Rocher 2011; 208 p., 18,50 €).
                               Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
 
 
JEUDI.
          Lecture. Emportée (Paule du Bouchet, Actes Sud, 2011; 112 p., 15 €).
                       Paule du Bouchet a de la branche. On connaît déjà le nom, c'est celui de son père, le poète André du Bouchet. Mais à l'étage au-dessus, il y a aussi du monde : ses grands-parents, du côté maternel, s'appelaient Eugène et Maria Jolas, créateurs de la revue transition ainsi présentée par Marc Dachy dans sa préface à Sur Joyce d'Eugène Jolas (Plon, 1990) : "En avril 1927, voit le jour à Paris le premier numéro d'une petite revue de langue anglaise intitulée transition. La présentation en est sobre, le papier modeste. Elle deviendra progressivement LA revue de la colonie anglo-saxonne de Paris et l'une des grandes revues de la modernité internationale. Le sommaire en est prestigieux puisqu'il s'ouvre à la fois sur les pages inaugurales de Work in Progress [titre provisoire de Finnegans Wake] de James Joyce et sur l'un des textes majeurs de Gertrude Stein, "An Elucidation". On devra aussi à transition, et donc aux Jolas, les premières traductions en anglais de Kafka et Breton, les premiers textes de Beckett et de Dylan Thomas. La guerre survient, les Jolas gagnent l'Amérique. Maria ouvre à New York la "Cantine La Marseillaise", où se retrouvent, écrit Paule du Bouchet, "marins français, intellectuels et artistes". André du Bouchet fréquente la cantine, tombe amoureux de la fille de la cantinière. En 1949, Tina Jolas épouse André du Bouchet à Paris, puis donne naissance à deux enfants, un garçon et une fille, Paule. Mais ça va se corser. La branche dont on parlait en ouverture de cette notule va s'enrichir d'un greffon imprévu, et pas n'importe lequel : René Char. Paule a six ans, on est en 1957, quand sa mère tombe amoureuse du poète et qu'elle abandonne sa famille pour le suivre. Dans Emportée, Paule du Bouchetfait le récit des trente années au cours desquelles René Char la priva de sa mère. Inutile de dire que le poète - qui eut, in fine, l'élégance d'épouser un an avant sa mort une dame de chez Gallimard sans en avertir Tina - ne sort pas grandi de ce témoignage intime. De sa relation avec Tina Jolas, il reste une correspondance en attente de publication (l'affaire est dans les mains de la justice) : Paule du Bouchet parle de 6000 lettres, le fonds René Char de la Bibliothèque Jacques Doucet en détient 4837. On aura de quoi lire.
 
 
VENDREDI.
                 Le cabinet de curiosités du notulographe. Tentative (maladroite) de reconstitution photographique. A gauche, Marilyn Monroe, Long Island, été 1955. A droite, Caroline Didion, Saint-Jean-du-Marché, été 2011.
 
  

  

 

SAMEDI.
             Courriel. Une demande d'abonnement aux notules.
 
             IPAD. 4 avril 2010. 91 km. (12514 km).

 

 

128 habitants

 

   A côté de l’entrée de l’église, une stèle grise ornée d’une croix de Lorraine, d’une croix de guerre et de deux branches entremêlées (l’une de chêne, l’autre d’essence inconnue).

 

 

A nos morts

 

1914-1918

 

GARDIEN Marcel

AUBRY Paul

BRON Ernest

DROUOT Auguste

PICHENET Charles

POCHE Auguste

BELLOT Emile

BARJONETTE René

MOUGEL Eugène

ROLIN René

CNE LAURY Louis

 

   Ce serait un monument banal dans un village banal s’il n’y avait ces ogives d’obus et cette chaîne peintes d’une improbable couleur violette. Village banal peut-être mais admirablement géré : comme il restait de la peinture dans le pot, on a badigeonné du même violet violent tout ce qui traînait : les décrottoirs à l’entrée de l’église, les grilles du lavoir, le cerclage métallique de la fontaine et la roue du puits. Et sans doute les poteaux du séchoir à linge du premier adjoint mais je ne les ai pas vus.

 

 

 

 
 
 
             L'Invent'Hair perd ses poils.
 
Bulgnéville (Vosges), photo de l'auteur, 27 janvier 2008
 
   A vous faire dresser les cheveux sur la tête.
 
             Poil et plume. "Nous n’en sommes pourtant pas, lui et moi, à notre premier essai.
   Il a l’œil. Nulle boucle blanche en embuscade derrière l’oreille, nul épi grisâtre ne lui échappent jamais. Armé de son coupe-coupe ravigotant, flanqué de miroirs triangulaires qui trahissent la moindre mèche avachissante, il a toujours su mettre à profit une patience implacable pour éliminer toute trace de vieillissement de ma chevelure.
   Or ce matin je ne peux que constater l’échec cuisant. Mesurer l’étendue de la tromperie dont son salon s’est paré à mon désavantage en affichant la prime jeunesse de ses éphèbes et de leur chevelure indemne de tout saupoudrage poivre et sel.
   La question demeure donc.
   Pourquoi raccourcir le poil n’allonge-t-il pas la durée de vie ?" (Christophe Langlois, Boire la tasse)
 
 
Bon dimanche.
 
Notules dominicales de culture domestique n°498 - 24 juillet 2011
 
DIMANCHE.
                  Lecture. Le silence pour preuve (Le Perfezioni provvisorie, Gianrico Carofiglio, Sellerio, 2009 pour l'édition originale, Le Seuil, coll. Policiers, 2011 pour la version française, traduit de l'italien par Nathalie Bauer; 256 p., 20,50 €).
                               "Une enquête de l'avocat Guido Guerrieri"
                               J'ai toujours eu du mal avec le polar italien. Les quelques incursions menées jusqu'à présent dans l'univers du giallo, puisque c'est là-bas la couleur du noir, ne m'ont jamais pleinement convaincu. J'ai pourtant fouillé chez Scerbanenco, chez Fruttero et Lucentini, chez d'autres dont j'ai oublié le nom, je n'ai rapporté que des histoires compliquées, à forte teneur politique, dans lesquelles tous les personnages s'appelaient Dottore Machin ou Professore Bidule. En abandonnant mes investigations, je suis certainement passé à côté de choses autrement plus convaincantes, par exemple la série des enquêtes de Guido Guerrieri, l'avocat de Bari dont c'est ici la quatrième apparition. Guerrieri est un personnage sympathique, un avocat qui porte un regard assez ironique sur lui-même et qui joue ici au privé pour retrouver une jeune disparue. Son créateur, Gianrico Carofiglio, rend ainsi hommage à ses auteurs de prédilection, les grands aînés américains qui ont créé cet archétype que l'on peut décliner à l'envi. Exerçant ou ayant exercé la profession de juge, il peut en outre agrémenter le parcours de son personnage à l'aide d'anecdotes de prétoire sans doute vécues. Ce roman propose une enquête très claire enrichie par les déambulations et les réflexions du personnage principal dont le lecteur devient très vite friand : souvenirs professionnels, souvenirs d'enfance, relations avec les femmes, rencontres, états d'âme... Comme beaucoup de polars lus récemment, celui-ci a fait l'objet d'une chronique radio que l'on peut entendre chaque dimanche matin sur RTL. Elle s'intitule "C'est à lire", elle passe vers 8 heures 40 et elle est tenue par un certain Bernard Poirette. Ce monsieur, lorsqu'il ne se consacre pas aux figures imposées (Le Carré, Connelly, Vargas...) se révèle d'un flair redoutable pour dénicher les bons polars du second rayon. C'est sur ses conseils que j'ai lu Iain Levison, Peter Leonard, Greg Olear, et donc ce Carofiglio. Pour l'été, la chronique est interrompue, espérons qu'elle reprendra à la rentrée, ce sont les seules minutes dignes d'intérêt que l'on peut entendre sur RTL.
 
 
LUNDI.
          Lecture. Paul Léautaud (Images et textes réunis par Marie Dormoy, Mercure de France, 1969; 128 p., 111 F).
                       Terriblement photogénique, Léautaud apparaît ici à différents âges et dans différents cadres (au Mercure, à Fontenay, à la Vallée-aux-Loups...). C'est l'occasion de voir qu'il n'a pas toujours été vêtu des oripeaux rapiécés qui ont fait sa légende. Un cliché le montre même en smoking et haut-de-forme pour une soirée de gala à la Comédie-Française. Le problème tient au fait que les photos ne sont pas datées. De même, les textes utilisés comme légendes, s'ils ont fait l'objet d'un choix judicieux, ne sont pas situés. La plupart, on le devine, proviennent du Journal littéraire mais là aussi, on aurait aimé connaître la date d'écriture. Quand on lit, en regard d'une image d'un Léautaud à la chandelle "L'électricité me plaît si peu comme éclairage que je me suis offert une provision de bougies de la Ciergerie Sainte-Thérèse à Lisieux", on pourrait penser qu'il s'agit d'une note du journal très ancienne, 1900, quelque chose d'avoisinant. Or Léautaud écrit cela le 24 octobre 1942, soit à une époque où l'éclairage électrique est une donnée commune. Léautaud en bénéficie d'ailleurs à cette date puisque, le 15 janvier 1943, il note qu'il n'a l'électricité que depuis six mois. C'est le jour où il reçoit sa première facture, dont le montant le stupéfie : "Je paierai, car il n'y a certainement pas à faire autrement, mais finie l'électricité. Je reviendrai à mon éclairage à la bougie. Je vais faire une nouvelle commande à la Ciergerie de Lisieux". Lisieux, Calvados, Normandie. Que se passe-t-il, un an et demi plus tard en Normandie ? On le sait bien, mais lisons le Journal à la date du 6 juin 1944 : "Ce matin à l'aube, débarquement des Anglais et Américains en Normandie, région de Caen." Léautaud s'inquiète. On a deviné pourquoi : "Et moi qui pensais depuis quelques jours à la Ciergerie Sainte-Thérèse, à Lisieux, pour avoir une nouvelle provision de bougies." Impayable, Léautaud.
 
                       5, rue Sébastien-Bottin (Roger Grenier, Georges Lemoine, Gallimard, coll. NRf, 120 p., 29,90 €).
                       Compte rendu à rédiger pour Histoires littéraires.
 
 
VENDREDI.
                 Le cabinet de curiosités du notulographe.
 
 
La notulie comporte un bon nombre de perecquiens émérites, voire illustres. Je me demande toutefois si l'un d'eux connaissait cet imposant ouvrage de Perec, chroniqué de façon louangeuse dans un fort ancien numéro du Monde. Prenons cela comme le jeu de l'été. De quoi s'agit-il ? Vous avez trois semaines.
 
 
 
SAMEDI.
             IPAD. 5 avril 2010. 112 km. (12717 km).

 

 

358 habitants

 

   Le monument est en haut du village, à l’entrée d’une large rue qui mène à l’église. C’est une simple stèle en granit poli, entourée d’une rambarde métallique. Devant, deux jardinières contenant une pensée jaune (au total) et la semelle abandonnée d’une vieille savate.

 

 

1914-1918

 

SALQUEBRE Henri

QUEMOT Paul

BEURNE Louis

GALLAND Joseph

GALLAND Paul

FORQUIN Gustave

FORQUIN Henri

CHAUCHARD Albert

POINSOT Marcel

VERNIER Ludovic

VILLEMIN André

ROYER Raynal

BONTEMPS Marc

 

1939-1945

 

VILLEMINOT Ernest                    POINSOT Georges

BLEIN Edmond                    CHAUSSE André

MICHEL Pierre                    BEURNE André

GARDEUX Raymond                    BRETEILLE Etienne

 

             L'Invent'Hair perd ses poils.
 

Paris, rue Riquet, photo d'Elisabeth Chamontin, 12 juin 2010

 
             Poil et plume. "Puis nous explorions les hangars; et notre curiosité paraissait importune aux vieux buveurs de kava, qui, en proie à une ivresse stupide, dirigeaient vers nous le regard sanglant de leurs petits yeux injectés. On eût dit une famille de bêtes féroces troublée dans sa sieste. Ailleurs, un Figaro indigène armé d'un tesson de bouteille ou d'une coquille tranchante rasait le front d'un chef." (Max Radiguet, Les derniers sauvages, la vie et les moeurs aux îles Marquises (1842-1857)